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Cependant le tribunal civil de Périgueux rendit, le 12 juin 1809, un jugement qui déclara que l'amende n'avait pas été encourue, « attendu que la loi ne porte pas que l'amende à encourir par les notaires pourra être divisée ni étendue, et que deux ni six jours ne peuvent former un mois de retard ».

Pourvoi en cassation de la part du procureur du roi, pour violation des lois des 6 octobre 1791 et 16 floréal an 4.

Il semble au premier coup d'œil que, le Ministère public ne pouvant, en thèse générale, agir par voie d'action, mais seulement par voie de réquisition, le pourvoi n'était point recevable. Mais on doit remarquer ici que l'art. 2 de la loi de floréal an 4, en chargeant expressément le Ministère public de poursuivre les notaires en retard, lui délègue par-là même le pouvoir de l'action directe, puisque qui veut la fin veut les moyens: c'est aussi ce que la Cour a virtuellement jugé en accueillant le pourvoi.

Du 12 juin 1811, ARRÊT de la section civile, M. Mourre président, M. Ruperou rapporteur, par lequel:

« LA COUR,Sur les conclusions de M. l'avocat-général Thuriot; -Vu l'art. 6 du tit. 5 de la loi du 6 octobre 1791, et l'art. rer de celle du 16 floréal an 4;- Et attendu que, d'après ces lois, le dépôt ordonné doit s'effectuer dans le cours des deux premiers mois de chaque année; que ce délai, qui est de rigueur, étant expiré sans que le dépôt ait eu lieu, l'amende est encourue pour le mois entier, parce qu'elle n'est pas réglée par jours, mais par mois; CASSE, etc. »

COUR DE CASSATION.

Les locations faites verbalement, et celles qui n'ont lieu que par tacite réconduction, sont-elles sujettes au droit d'enregistrement? (Rés. nég.)

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Les biens d'un sieur Retyer étaient détenus à titre de ferme

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par plusieurs cultivateurs, qui jouissaient sans bail, mais dont la jouissance était mentionnée au rôle de la contribution foncière. Le receveur de l'enregistrement de Douai, sur cette simple indication, décerna contre eux une contrainte pour le paiement du droit d'enregistrement. Il soutenait que, la jouissance étant prouvée par l'énonciation faite au rôle des contributions, et même avouée par les parties, il était impossible d'échapper à l'obligation de payer le droit. Mais les cultivateurs, opposans à cette contrainte, prétendaient, au contraire, que le droit n'était pas dû, par cela seul qu'il n'y avait point de bail écrit, et que les baux écrits étaient seuls soumis au droit.

Le tribunal civil de Valenciennes ayant jugé la question en faveur des fermiers, et décidé que l'art. 15 de la loi du 22 frimaire an 7 ne convenait qu'aux baux sous signature privée, la Régie de l'enregistrement s'est pourvue en cassation pour fausse application de l'article précité.

M. Merlin, procureur-général, qui and ennement avait embrassé le système de la Régie, s'est rétracté et a conclu au rejet du pourvoi. Ce magistrat a reconnu que son premier avis avait été fondé sur la supposition que, lorsque le projet de la loi du 27 ventôse an 9 avait été présenté au conseil d'État, il s'y trouvait un article qui étendait aux locations verhales l'art. 4 de celle du 22 frimaire an 7, ce qui, comme il s'en était assuré depuis, n'était pas exact.

Du 12 juin 1811, ARRÊT de la section civile, M. Muraire premier président, M. Vallée rapporteur, par lequel :

« LA COUR, Attendu que l'art. 4 de la loi du 22 frimaire an 7, sur lequel la Régie fonde la prétention de la perception du droit d'enregistrement sur les jouissances à titre de location verbale, n'établit aucunement cette prétention; qu'il· pose seulement le principe général des perceptions du droit, et qu'il renvoie à l'art. 69 pour la fixation des quotités; que cependant on ne trouve, dans cet art. 69, aucune disposition qui puisse s'appliquer aux locations verbales; Attendu que l'art. 13 de la même loi, sur lequel la Régie se fonde, se refuse

aussi à toute application aux locations verbales; qu'il suppose évidemment un bail non représenté et non enregistré, auquel il peut être suppléé par des actes qui le décèlent ; mais que le seul fait de la jouissance, même à titre de location, ne peut être productif du droit d'enregistrement; que l'objet général de la loi du 22 frimaire an 7 est que tous les actes soient enregistrés; que c'est d'après cette vue, et pour parer à la dissimulation des actes, que les art. 12 et 13 ont admis des équipollens et des indices d'après lesquels le droit peut être perçu, comme si l'acte lui-même était produit; mais que ce serait donner à l'art. 13 une extension exorbitante que de l'appliquer au fait isolé d'une jouissance purement verbale; que l'expression de cet article repousse même cette extension, puisque, sur les équipollens qu'il admet, il n'autorise que la poursuite des droits des baux non enregistrés; - Attendu qu'on ne peut qu'être effrayé des conséquences de la prétention de la Régie, qui des immeubles serait bientôt prorogée aux meubles, et successivement aux objets les plus usuels; - Attendu que l'art. 4 de la loi du 27 ventôse an 9 présente un argument invincible contre cette prétention, puisque, cet article, appliquant les articles 22 et 38 de la loi du 22 frimaire an 7 aux mutations entre vifs, en propriété ou en usufruit, de biens immeubles, lors même que les nouveaux possesseurs prétendraient qu'il n'existe pas de conventions écrites entre eux et les précédens propriétaires ou usufruitiers, ne parle cependant pas des jouissances et locations; qu'il est clair qu'on a voulu excepter de cette disposition de rigueur la transaction la plus ordinaire, la plus fréquente et la plus utile sous les rapports soit de l'agriculture, soit de l'allégement de la classe la moins aisée ; qu'ainsi il faut en revenir au véritable sens de l'art. 13 de la loi du 22 frimaire an 7, qui, quant aux locations, n'a voulu que suppléer à la non-représentation du titre, mais qu'il faut que ce titre existe et que d'autres actes le fassent connaître, pour que le droit puisse être exigé : d'où il suit que la loi, n'ayant pas voulu y assujettir les jouissances à titre de location purement verbale, n'a pas été violée par le jugement dénoncé ; - REJETTE, etc.»

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Nota. La question a été jugée de même entre le nommé Jacques et la Régie, par arrêt du 17 du même mois.

S II.

POURVOI DE LA RÉGIE.

Le sieur Chrétien, après avoir exploité pendant neuf ans le domaine de Drouvilli, en vertu d'un bail notarié, continua sá jouissance sans avoir produit ni fait enregistrer aucun nouveau bail. Une contrainte est décernée contre lui par l'Administration de l'enregistrement en paiement du droit, attendu qu'il avait un nouveau bail, ou que, tout au moins, Chrétien étant, aux termes de l'art. 2231 du Code civil, censé posséder toujours ours au même titre, il était nécessairement présumé jouir en vertu d'un bail écrit, puisque son premier titre était un bail écrit.

Mais celui-ci soutenait d'abord qu'il ne jouissait plus à titre de fermier, mais comme homme de confiance du propriétaire ; il ajoutait qu'au surplus la tacite réconduction n'opérait qu'une location verbale, non soumise au droit d'enregistrement.

Le 12 février 1807, jugement du tribunal civil, de Lunéville, qui décharge Chrétien de la contrainte, attendu que, la Régie. ne justifiant d'aucun bail écrit, il était réputé jouir en vertu d'une convention verbale.

Pourvoi en cassation pour contravention à l'art. 13 de la loi du 22 fiimaire an 7.

Du 12 juin 1811, ARRÊT de la section civile, M. Muraire président, M. Vallée rapporteur, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Merlin, procureur-général; - Attendu que la tacite réconduction n'opère qu'un bail verbal, suivant les art. 1758 et 1776 da Code civil; Attendu, en fait, que la Régie ne justifie d'aucan acte qui prouve que Chrétien a joui à titre de fermier; Attendu, enfin, qu'il ne s'agirait, dans l'espèce, que d'une location verbale qui ne saurait être productive du droit d'enregistrement; qu'ainsi le jugement attaqué n'a pas violé la loi ;

REJETTE. »

Tome XII.

31

COUR DE CASSATION.

Les religionnaires fugitifs ont-ils recouvré la qualité de Français, en vertu de la loi du 9 décembre 1790, quoiqu'ils ne

soient pas rentrés en France? (Rés. aff.)

Les enfans qu'ils ont eus en pays étranger doivent-ils jouir des droits civils en France, s'ils n'ont fait aucun acte emportant abdication de la qualité de Français ? (Rés. aff.) Cod. civ., articles 10, 17.

LA DAME FUMÉE, C. LES HÉRITIers Gaugain.

Tout le monde connaît les anciennes lois rendues la plupart sous Louis XIV, quelques unes sous Louis xv, contre les Français professant la religion protestante, qui avaient passé ou qui passeraient en pays étranger, et qu'on appelait religionnaires fugitifs. En vertu de ces lois, ils perdaient la qualité de Français, ils encouraient la mort civile, leurs biens étaient confisqués, et ils devenaient véritablement étrangers. Comme ces lois étaient odieuses, les Cours saisissaient tous les moyens d'en éluder l'application: toutes les fois que le motif de religion n'était pas établi d'une manière aussi claire que le jour, elles en supposaient un autre à l'émigration; et, d'après l'esprit de retour, toujours présumé, elles admettaient les religionnaires à l'exercice des droits civils. Il y a une foule d'arrêts qui attestent cette jurisprudence.

peu

Enfin ces lois, adoucies par un édit de Louis XVI, donné de temps avant la révolution, ont été entièrement abrogées par celle du 9 décembre 1790: elle portait que les religionnaires fugitifs seraient réputés naturels français, et jouiraient des droits attachés à cette qualité, s'ils revenaient en France, y fixaient leur domicile, et y prêtaient le serment civique.

Les deux bénéfices accordés par cette loi aux religionnaires fugitifs étaient-ils soumis à la même condition, c'est-à-dire la réhabilitation dans la qualité de naturels français dépendait-elle, comme l'exercice des droits attachés à cette qualité, du fait de

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