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la rentrée en France? Il est essez évident que non : cette loi, en abrogeant celles antérieures, replaçait les religionnaires fugitifs dans la même classe que tous les autres Français sortis du royaume pour d'autres causes que celle de religion. Or ceux-ci n'avaient pas perdu la qualité de Français par le seul fait de leur sortie : ils conservaient leur qualité, quoiqu'ils ne rentrassent point en France, pourvu qu'ils ne fissent aucun acte manifestant l'intention d'y renoncer. Donc les religionnaires fugitifs devaient, en vertu de cette loi, être réputés français, quoiqu'ils ne rentrassent point en France, quand ils n'avaient rien fait et pourvu qu'ils ne fissent rien par la suite emportant abdication de cette qualité. Il n'y avait donc que l'exercice des droits résultans de cette qualité qui fût assujetti à la condition de la rentrée en France, ce qui était juste. Telle est aussi la décision de l'arrêt dont nous allons rendre compte.

Un nommé Jean-Philippe Gaugain, d'une famille protestante, se présente en 1751 comme nouveau converti, et demande la permission de vendre ses biens, sous le prétexte d'établir une manufacture. La permission lui fut accordée, છે la condition de faire la vente et de former son établissement sous la surveillance de l'intendant de Caen, lieu de son domicile. Il vendit, et passa avec ses fonds en Angleterre. Il s'y maria { avec une Française, aussi réfugiée, et en eut deux enfans. Après la loi de décembre 1790, il ne rentra 'point en France. Il mourut à Londres en 1796.

En 1808, un sieur Fumée mourut à Caen. Il ne laissait d'héritiers présomptifs que dans la ligne paternelle, savoir, les enfans Gaugain, au septième degré; mais ils étaient en Angleterre. Une dame Fumée, qui se trouvait au huitième degré, se présenta pour recueillir la succession. Elle fut bientôt réclamée par les enfans Gaugain, agissant par un fondé de pouvoirs.

La dame Fumée prétendit les écarter comme étrangers. Leur père, disait-elle, avait perdu la qualité de Français par sa fuite, et d'une manière d'autant plus irrévocable, qu'il avait trompé le Gouvernement. Il aurait pu recouvrer la qualité de Français en vertu de la loi de décembre 1790, mais en satis

faisant à la condition qui était imposée par cette loi, c'est-àdire en rentrant en France, et en y fixant sa demeure. Or il ne l'a pas fait : donc il est demeuré étranger; done ses enfans sont nés en pays étranger d'un étranger; done ils sont aussi étrangers, et par conséquent ne peuvent recueillir une succession ouverte en France.

La dame Fumée a succombé en première instance et sur l'appel à la Cour de Caen, attendu que Gugain père n'avait jamais perdu la qualité de Français ; qu'en conséquence il n'avait point cu besoin de satisfaire aux conditions des lois de 1790 pour recouvrer une qualité qui n'avait jamais été effacée en sa personne, puisqu'il n'avait rien fait pour la perdre; qu'il avait toujours manifesté l'esprit de retour, et que ses enfans, quoique nés en pays étranger, étant nés d'un Français, étaient Français, aux termes des art. 10, 18 et 19 du Code civil.

La dame Fumée s'est pourvue en cassation. Elle a prétendu qu'il y avait contravention à la loi du 9 décembre 1790, et fausse application des articles cités du Code civil. Elle a posé d'abord comme constant que Gaugain père avait perdu la qualité de Français par sa fuite, en vertu des anciens édits relatifs aux religionnaires fugitifs; et cette proposition était incontestable.

Venant ensuite à la loi de 1790, elle avouait que Gaugain père aurait pu, en vertu de cette loi, recouvrer la qualité de Français; mais, disait-elle, c'était à une condition, qui était de rentrer en France, d'y fixer sa demeure, et de prêter le serment civique. Or, cette condition, Gaugain ne l'a point remplie. Il est resté en Angleterre, il y est mort: il n'a donc point cessé d'être étranger; il y a donc contravention à cette loi dans la disposition qui porte qu'il n'a jamais cessé d'être Français. Non seulement il n'a point manifesté l'esprit de retour : il a manifesté une intention diamétralement contraire, puisqu'il a résisté à l'invitation de la loi, et refusé de suivre la voie qu'elle lui indiquait pour redevenir Français. Il est done mortétranger. Dès lors il y a fausse application des articles invoqués du Code civil. Les enfans Gaugain ne sont pas nés d'un Français, mais bieu

d'un étranger: ils sont donc aussi étrangers. A la vérité, ils pouvaient réclamer la qualité de Français, mais en remplissant les formalités prescrites par la seconde disposition de l'art. 10 du Code civil, et encore cela n'aurait pu leur donner droit qu'aux successions ouvertes depuis, jamais à celles ouvertes antérieurement.

Du 15 juin 1811, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Henrion président, M. Lombard rapporteur, par lequel:

-

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Merlin, procureur-général; -Vu les art. 10 et 17 du Code civil; -Et attendu que les lois anciennes, qui portaient la peine de la mort civile contre les religionnaires fugitifs, ont été abrogées par les lois des 10 juillet et 9 décembre 1790; que Jean-Philippe Gaugain, mort en 1796, était né en France, ainsi que sa femme, de parens français; qu'aux termes de l'art. 10 du Code civil, Jean-Thomas et Pierre-Jean-Gaugain, fils de JeanPhilippe, quoique nés en pays étranger, sont Français, parce qu'ils sont rés d'un Français; que Jean-Philippe Gaugam et ses deux fils n'ont pas perdu la qualité de Français, puisqu'ils n'ont point acquis la naturalisation en pays étranger, ni accepté de fonctions publiques conférées par un Gouvernement étranger, ni par des établissemens de commerce faits en pays étranger, sans esprit de retour; que de là il suit que Jean-Thomas et Pierre-Jean Gaugain sont Français, et par conséquent habiles à succéder, soit ab intestat, soit par testament, à un Français; - REJETTE, etc. »

COUR D'APPEL DE COLMAR.

Le juge peut-il, sans motifs particuliers, ordonner la remise des minutes d'un notaire décédé à un autre qu'au notaire choisi par ses héritiers ? (Rés. nég.)

LA VEUVE BREMSINGER, C. LE SIEUR Lex.

Après le décès du sicur Bremsinger, notaire à Strasbourg,

sa veuve a requis le président du tribunal de cette ville de nommer un notaire pour recevoir provisoirement les minutes du défunt. Ensuite, et dans l'intérêt de ses enfans mineurs, elle a convoqué un conseil de famille à l'effet de décider à quel notaire les minutes seraient définitivement remises.

Le 2 février 1811, le conseil de famille nomma le notaire Guimmer. - Le 4 du même mois, le président du tribunal désigna le notaire Lex.

Lorsque la veuve et le subrogé tuteur se présentèrent au juge de paix pour demander la levée des scellés et la remise des minutes à Me Grimmer, ils éprouvèrent de la résistance de la part du notaire Lex, qui forma les mêmes demandes, en vertu de l'ordonnance du président. De là un référé devant le même magistrat, qui a confirmé la nomination qu'il avait faite.

Appel de la part de la veuve et du subrogé tuteur. — De la part de Me Lex, déclaration de s'en rapporter à la prudence de la Cour.

Du 14 juin 1811, ARRÊT de la Cour d'appel de Colmar, MM. Baumlin et Coudre avocats, par lequel:

« LA COUR, - Sur les conclusions conformes de M. Antonin, procureur-général; - Attendu, dans l'espèce, que dès le 2 février dernier le conseil de famille avait désigné le notaire Grimmer, auquel les minutes et répertoires de l'étude de feu le notaire Bremsinger seraient remis; et cette mesure était autorisée par l'art. 54 de la loi du 25 ventôse an 11 sur le notariat, qui veut que «les minutes et répertoires d'un notaire remplacé, << ou dont la place aura été supprimée, puissent être remis par « lui, où par ses héritiers, à l'un des notaires résidans dans la << même commune, etc. » »; -Attendu que feu le notaire Bremsinger ne se trouve pas encore remplacé, et que, lors même qu'il l'eût été, la remise des répertoires et minutes aurait pu être effectuée par les héritiers au notaire de leur choix, dans le mois du jour du serment du successeur, auquel la remise ne pouvait être faite qu'après ce délai, d'après l'art. 55; et, d'après l'art. 56, dans le cas où la place eût été supprimée, les héritiers eussent eu deux mois pour faire la remise à l'un

des notaires de la commune de Strasbourg, conformément à l'art. 54; Attendu que, par ces trois articles, le législateur a eu en vue de venir au secours du notaire remplacé ou de ses héritiers, veuve ou enfans, puisqu'il a voulu, par l'art. 59, que ceux-ci et le notaire qui recevra les minutes, aux termes des articles 54, 55 et 56, traitent de gré à gré des recouvremens à raison des actes dont les honoraires sont encore dus, et du bénéfice des expéditions, et que, dans le cas où ils ne pourraient s'accorder, l'appréciation en soit faite par deux notaires;

Attendu qu'à la vérité l'art. 61 dispose qu'immédiatement après le décès d'un notaire, les minutes seront mises sous les scellés, jusqu'à ce qu'un autre notaire en ait été provisoirement chargé par ordonnance du président du tribunal; mais cette opération du président n'est que provisoire; elle suppose que les héritiers du notaire décédé n'ont pas encore fait choix d'un notaire pour recevoir la remise des minutes, choix qui lorsqu'il est fait, est définitif, dans le sens de l'art. 54; tandis que la remise des minutes au notaire nommé par le président, en conséquence de l'art. 61, n'est que provisoire; - MET l'appellation et ce dont est appel au néant; -Emendant, ordonne que les pièces et minutes du défunt notaire Bremsinger seront remises au notaire Grimmer, en conformité du choix de la famille, etc. »

COUR DE CASSATION.

Lorsque le bail à locatairie perpétuelle est résolu par le défaut de paiement de la rente, le fonds rentre-t-il dans les mains du bailleur, franc et quitte de toutes charges et hypothèques procédantes du fait du preneur, alors méme que le bailleur n'a ni fait transcrire son titre, ni pris inscription? (Rés. aff.)

LA DAME SQUIROly, C. le sieur Décès-Caupene.

Le bail à locatairie perpétuelle est très-usité dans certaines parties de la France, notamment dans les pays de droit écrit. Ces mots y désignent une espèce de contrat qui ressemble

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