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formellement prononcée par la loi; DECLARE valable l'exploit d'appel dont il s'agit. «<

COUR DE CASSATION.

La femme est-elle suffisamment autorisée à ester en jugement parcela seul que dans une instance elle procède conjointement avec son mari, encore bien qu'elle y ait des intérêts distincts de ceux de ce dernier? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 215.

LA DAME COLINET DELRIEU, C.......

Lesieur Colinet Delrieu avait acquis plusieurs immeubles du sieur Roure. La dame Roure, créancière de son mari, provoque l'ouverture d'un ordre sur le prix, et obtient un bordereau de collocation qui l'absorbe en totalité. Colinet ne payant pas, elle poursuit, contre lui personnellement, la saisie immobilière des biens qu'il avait achetés de son mari. Colinet forme opposition au bordereau de collocation et à la poursuite de saisie. La dame Briare, sa femme et sa créancière, y forme pareillement opposition par un acte séparé. L'un et l'autre =ont demandé la nullité de la poursuite. Leur demande a été rejetée par un jugement du tribunal de Cahors, du 9 janvier 1809, confirmé sur l'appel par un arrêt de la Cour d'Agen, du 1er mai suivant.

La dame Colinet, défaillante, a formé opposition à cet arrêt, et s'est principalement fondée sur ce qu'elle n'avait été autorisée ni par son mari ni par justice à ester en jugement, soit en première instance, soit en cause d'appel.

Le 12 juin 1809, arrêt qui la déboute de son opposition, attendu qu'elle avait procédé conjointement avec son mari, et que de cette circonstance résultait l'autorisation exigée par la loi.

Pourvoi en cassation pour violation des art. 215 et 218 du Code civil.

Suivant le premier de ces articles, disait-on pour la dame · Colinet, la femme mariée, même séparée de biens, ne peut Tome XII.

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ester en jugement sans l'autorisation de son mari. Suivant le second, si le mari refuse l'autorisation, elle peut être donnée par le juge.

Or la dame Colinet a procédé, tant en première instance qu'en cause d'appel, sans être autorisée ni par son mari ni par justice: donc l'arrêt qui a rejeté le moyen de nullité est en contradiction avec la loi. Inutilement dit-on que le mari et la femme ont procédé conjointement dans la même instance, et qu'en conséquence il y a autorisation suffisante. Si le concours du mari dans les actes que passe la femme équivaut à une autorisation, c'est en vertu d'une disposition formelle du Code civil, disposition exorbitante du droit commun; mais cette exception n'est point répétée à l'égard de la faculté d'ester en jugement, au moyen de quoi l'autorisation formelle est expresse et nécessaire.

D'un autre côté, il est bien vrai que le mari et la femme ont procédé dans la même affaire; mais il ne l'est pas qu'ils aient procédé conjointement, il s'en faut bien : car non sculement ils avaient des intérêts distincts, mais encore des intérêts opposés. Les deux parties adverses procèdent bien ensemble, mais elles ne procèdent pas conjointement. Aussi les sieur et dame Colinet avaient-ils chacun un avoué, et leurs actes de procédure étaient séparés et tout-à-fait distincts. Rien ne peut donc couvrir le vice résultant du défaut d'autorisation, ni par conséquent la contravention' commise par l'arrêt de la Cour d'Agen.

Sur ces moyens est intervenu, le 10 juillet 1811, arrêt de la section des requêtes, M. Henrion président, M. Oudart rapporteur, M. Mailhe avocat, par lequel :

« LA COUR,- Sur les conclusions de M. Daniels, avocat-général; - Attendu que la Cour d'appel, ayant vérifié, en fait, que le demandeur et son épouse avaient procédé conjointement et fait ainsi tous les actes de la procédure, a sainement jugé, en droit, que la femme avait été suffisamment au.torisée par son mari; REJETTE, etc. »

Nota. Par arrêts des 26 frimaire an 13 et 22 avril 1808, rapportés t. 5 de ce recueil, p. 161, et t. 9, p. 262, la Cour suprême a jugé dans le même sens une question qui serait identique, sans cette circonstance particulière, que présente l'espèce actuelle, d'un intérêt distinct entre le mari et la femme; mais cette circonstance n'a, comme on le voit, influé en rien sur la décision de la Cour.

COUR D'APPEL DE RENNES.

L'enfant né le deux cent trente-neuvième jour, ou dans le huitième mois de sa conception, peut-il être désavoué, lorsque les gens de l'art, bien loin de trouver en lui un signe d'immaturité, ont déclaré au contraire qu'il était né au terme de neuf mois (Rés. nég.)

Peut-on, en jugeant au civil, se déterminer par des dépositions reçues dans une instruction criminelle ? ( Rés. nég.)

LA DEMOISELLE N. . . ., C. LES SIEURS

...

La première question n'a été agitée qu'au sujet d'un enfant naturel, et dans une circonstance toute particulière : ainsi nulle induction à tirer de la solution qu'elle a reçue, par rapport aux enfans nés dans le mariage. A l'égard de ceux-ci, le législateur, en posant, dans les naissances prématurées, une borne pour distinguer les légitimes des illégitimes, a laissé à la nature un intervalle de temps suffisant pour se livrer à ses écarts dans le cours de ses mystérieuses opérations.

Ainsi, d'après l'art. 314 du Code civil, l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage peut être désavoué par le mari, à moins qu'il ne se trouve dans les cas d'exception spécifiés par cet article.

Si donc l'enfant est né après le cent quatre-vingtième jour, c'est-à-dire après le sixième mois révolu du mariage, le désaveu n'est point admissible. La précocité de la naissance est un mystère de la nature, dont la loi s'est interdit de sonder la cause; et si, sauf les cas d'exception, il y a pour elle une pré

somption légale que l'enfant né le cent soixante-dix-neuvième jour du mariage est illégitime, il y a une présomption de droit suffisante que celui qui est né le cent quatre-vingtième est le fruit de l'hymen : car, quoiqu'en général la nature ait assigné au deux cent soixante-dixième jour de la conception la naissance de l'enfant, on sait néanmoins qu'elle ne procède point toujours d'une manière tellement uniforme que les naissances doivent, pour être régulières, atteindre ce terme rigoureux. La variété des conformations dans les individus, celle des causes accélératrices, les influences plus ou moins actives, produisent en cette partie des phénomènes qui ont déconcerté la pénétration des physiciens les plus habiles: aussi le législateur, en accordant à la nature un intervalle de trois mois en deçà du terme commun pour le développement de ses opérations, a concilié l'intérêt de la société avec les observations les plus constantes.

Si donc il n'y a, relativement aux enfans nés dans le mariage, de naissance prématurée que lorsque la naissance a eu lieu avant le cent quatre-vingtième jour du mariage, que devrat-on décider, à l'égard de celle d'un enfant naturel, dans la circonstance où l'on a stipulé de payer une somme à la mère, à titre de dommages et intérêts, dans l'opinion qu'on est le père de cet enfant? Pourra-t-on argumenter de cet article 314, qui n'est fait évidemment que pour les enfans nés dans le mariage, et à cause de la faveur dont ils sont environnés ? Qu ne doit-on pas plutôt s'écartér de sa disposition et se déterminer par les notions communes de l'expérience et surtout par l'opinion des hommes de l'art, en sorte que, si l'enfant est né avant le deux cent soixante-dixième jour, avec les caractères néanmoins d'une conformation parvenue au terme de sa maturité, on doive en conclure que celui qui s'est obligé, n'étant point l'auteur de ses jours, est libéré de son obligation? Cette conséquence n'a point été accueillie par l'arrêt suivant. Voici dans quelle espèce il a été rendu.

Par suite du commerce forcé qu'eut la demoiselle N.... avec trois jeunes gens, le 25 juin 1809, et des poursuites judiciaires qu'elle avait dirigées contre eux, il intervint une transaction au moyen de laquelle celle-ci reçut, pour prix de son désistement

et pour ses dommages et intérêts, une somme de 2,570 fr. Ces jeunes gens se soumirent en outre, au cas où la demoiselle serait enceinte, et accoucherait d'un enfant dans les neuf mois à partir du 25 juin 1809, à lui payer solidairement la somme de 987 fr. La procédure criminelle qu'on avait instruite devant le directeur du jury d'accusation fut donc assoupie, et les jeunes gens mis en liberté.

Le 19 février 1810, c'est-à-dire le deux cent trente-neuvième jour à dater du 25 juin précédent, la demoiselle N... accoucha d'un garçon, qui fut visité aussitôt par un médecin et deux chirurgiens nommés par le tribunal, sur la demande des jeunes gens. Le rapport fut qu'on ne trouvait aucun signe d'immaturité à l'enfant, et qu'il était né au terme de neuf mois. ⠀

Si cette déclaration était exacte, la conception de l'enfant remontait alors au 19 mai : elle n'était donc point du fait des Jeunes gens, puisque, pour qu'elle pût leur être imputée, eût fallu que la naissance qui en était la suite eût été prématurée, ce qui n'était cependant point, au dire des médecins et chirurgiens. C'est sur ce raisonnement que se fondaient les jeunes gens et ceux de leurs parens qui avaient souscrit la transaction, pour en contester l'exécution. Ils ne tendaient à rien moins qu'à imputer à la personne une conduite déréglée avant · l'événement du 25 juin, et à réclamer la restitution de la somme de 2,370 fr.

Cependant on avait traduit, à la requête du Ministère public, la demoiselle N... et les trois jeunes gens devant la police correctionnelle, pour attentat aux mœurs ; et certes, la transaction fournissait un motif suffisant.

Les parens signataires y intervinrent, et persistèrent dans leur demande en restitution. Déboutés de leur intervention, ils la réitérèrent devant le tribunal civil; ils produisirent des mémoires dont leur adversaire crut devoir se plaindre et demander la suppression, avec 1,200 fr. de dommages et intérêts.

Le 8 avril 1810, jugement du tribunal de première instance qui rejette la demande en restitution des 2,370 fr. payés à la demoiselle N.... à titre de dommages et intérêts, et déboute également celle-ci de ses différentes demandes soit en paiement

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