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mandement, et, le même jour, on l'assigne pour voir prononcer la résiliation du bail. Deux jours après, le fermier se présente pour payer, et on lui donne quittance sans aucune . réserve ni protestation.

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Cependant les propriétaires suivent leur demande à fin de résiliation, et, malgré les défenses de Zaman, elle est prononcée par jugement du tribunal de Termonde.

Zaman interjette appel. Il oppose le défaut de sommation pour le constituer en demeure, le paiement qu'il a fait sur le commandement, la quittance qui lui a été donnée sans réserve, l'inhumanité qu'il y aurait de le priver de la jouissance du bail parce qu'il aurait tardé une heure de faire le paiement du terme échu. Il observe que l'art. 1656 du Code civil, relatif au contrat de vente, n'est pas même applicable à celui de bail, dont le prix se divise par années de jouissance ; que d'ailleurs cet article ne dit pas que le contrat sera résilié par le seul fait de la sommation, mais seulement qu'après cette sommation, le juge ne pourra point accorder de délai d'où il résulte que, si l'acquéreur paie sur la sommation, l'acte sera maintenu ; que c'est précisément le cas où lui, Zaman, se trouve; qu'il a payé sur le commandement et purgé surle-champ la demeure; qu'en conséquence la résiliation ne peut avoir lieu.

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Les bailleurs répondaient que les conventions sont des lois entre les parties; ils invoquaient les art. 1159, 1185 et 1184 du Code civil.

Du 7 août 1811, ARRÊT de la Cour d'appel de Bruxelles, MM. Stévens et Vanvolxem avocats, par lequel:

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« LA COUR, — Attendu que, dans la jurisprudence, la preuve de déchéance, telle qu'elle a été stipulée dans l'espèce, n'est considérée que comme comminatoire, et que l'application de cette peine dépend des circonstances et de l'arbitrage du juge; — Attendu qu'après l'écoulement du terme de six semaines, les appelans ont été laissés, pendant plusieurs autres semaines, dans l'exploitation de la ferme et terres dont s'agit, sans aucune interpellation ou noti

fication de la part des intimés qu'ils entendaient se prévaloir de la clause stipulée dans l'acte du bail; - Attendu que les appelans, ayant été sommés le 13 mars à l'effet de faire dans un jour franc le paiement de l'année de bail échue à la Noël 1810, y ont satisfait le 16 du même mois : d'où il suit qu'ils ne peuvent être considérés comme étant restés dans une demeure suffisante qui eût donné lieu soit à l'application de la peine comminée dans l'acte de bail, soit à l'application de l'art. 1741 du Code civil ; Par ces motifs, sans prendre égard aux exceptions proposées par les appelans, MET l'appellation et ce dont est appel au néant ; émendant, déclare les intimés non fondés dans leurs conclusions prises à charge des appelans; les condamne aux dépens des deux instances, etc. »

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COUR D'APPEL DE PARIS. *

La mère d'un enfant né hors mariage est-elle sa tutrice légale, après le décès du père qui l'a reconnu? (Rés. nég.)

La tutelle, dans ce cas, doit-elle étre déférée par le juge ? (Rés. aff.)

LA DEMOISELLE FERY, C. LES HÉRITIERS DU SIEUR

DE MARRAIZE.

La question proposée est d'autant plus problématique que le Code civil garde un silence absolu à cet égard, et que tout porte à croire que ses rédacteurs n'ont point prévu la difficulté: aussi voyons-nous qu'elle est singulièrement controversée parmi les jurisconsultes (1).

C'est donc un devoir pour nous de développer les moyens présentés en faveur de l'un et l'autre systèmes avec d'autant plus de scrupule, qu'ils paraissent également solides et fondés en raison.

Les partisans de la tutelle dative disent: La loi, en déférant

(1) Voy. le Traité des Enfans naturels de M. Loiseau, pag. 537.

au survivant des père et mère la tutelle de leurs enfans, suppose la dissolution du mariage, et ne s'applique par conséquent qu'aux parens des enfans légitimes, et nullement à ceux des enfans naturels. Telle est, d'ailleurs, la disposition précise de l'art. 390 du Code civil, disposition qui se trouve encore fortifiée, corroborée, par l'art. 405 du même Code. En effet, ce dernier article, en chargeant le conseil de famille de pourvoir à la tutelle d'un enfant mineur resté orphelin, ne lui confère néanmoins le droit de déférer la tutelle que dans les cas où le mineur n'aurait d'ascendans mâles, parce que, pas dans le cas contraire, l'ascendant le plus proche serait, aux termes de l'ar ticle 402, le tuteur légal. Or il est bien évident que les articles 402 et 405 ne peuvent convenir à l'enfant naturel, puisqu'il n'a point de famille, et qu'il n'aurait pas plus de droit à la succession de ses acendans qu'eux-mêmes n'en auraient à la sienne. Que résulte-t-il donc du silence de la loi sur ce point? Il en résulte qu'il a été dans le vœu du législateur de subordonner la dation de la tutelle des enfans nés hors mariage aux circonstances et au plus grand avantage des mineurs ; il n'a voulu ni en exclure ni en investir formellement les père et mère de ces derniers: le choix en est laissé au discernement du juge, et rien n'est plus sage que cette précaution. Il est sans doute des mères qui, malgré leur faiblesse, sont dignes, par leurs soins et leurs tendres sollicitudes, d'avoir la garde et la tutelle de leurs enfans, et, dans ce cas, le juge s'empressera de les leur conférer; mais il en est d'autres dont les mœurs dissolues, la prodigalité et les dissipations, sont trop notoires pour qu'on puisse avec confiance leur abandonner le sort de jeunes infortunés qui ne trouveraient en elles que mauvais exemples, abandon et misère. La fécondité d'une femme mariée l'honore et lui donne de nouveaux droits à l'estime publique : alors il n'y a point de motif pour la priver de la tutelle. Au contraire, dans une femme libre, cette fécondité précoce est un grand préjugé contre ses mœurs d'où la nécessité, sinon de l'exclure de la tutelle, du moins de ne la lui donner qu'en connaissance de cause. C'est pour cela que le législateur a voulu, en cette partie,

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rendre le juge dépositaire de sa puissance, et l'investir du droit absolu de conférer la tutelle à celui qu'il en croira. le plus digne.

Les partisans du système opposé répondent :

La tutelle, qui n'est que le droit de protéger les enfans, de veiller sur eux, est une prérogative de la paternité, une émanation de la puissance paternelle : elle doit donc, dans l'ordre naturel, appartenir aux pères des enfans nés hors mariage comme aux époux mariés, parce que les mêmes considérations militent en faveur des uns et des autres. On oppose que la loi n'a rien statué sur le cas particulier, et que l'art. 390 du Code ne parle que de la tutelle à déférer au survivant des époux. Cela est vrai; mais en induire une exclusion contre les parens des enfans naturels, c'est aller trop loin; cette conséquence résiste même à toute l'économie des lois de la nature. En parcourant le Code civil, il est facile de voir, au contraire, que l'intention du législateur a été de conférer aux père et mère des enfans naturels toutes les prérogatives attachées à la paternité. L'art. 158 oblige ces enfans, en cas de mariage, à requérir le consentement des auteurs de leurs jours, et si ceux-ci le refusent, il les soumet aux mêmes actes respectueux que les enfans légitimes. Aux termes de l'art. 383, les père et mère des enfans naturels reconnus ont sur ceux-ci les mêmes droits de réprimande et de correction que les parens légitimement unis. Enfin, l'art. 765 accorde aux premiers les mêmes droits à la succession de leurs enfans naturels morts sans postérité que ceux qu'elle donne aux derniers sur les successions de leurs enfans légitimes. Qui ne voit dans ce concert unanime de dispositions en faveur des pères naturels le vœu bien prononcé du législateur de ne point les distinguer des autres, quant à la puissance paternelle et aux prérogatives qui en dérivent? Qui ne voit que le législateur a très-bien senti que, daus le célibat comme dans l'état du mariage, la nature revendique également ses droits, et qu'un enfant, quel que soit le vice ou la légitimité de sa naissance, ne trouvera jamais de meilleur ami que son père, ni de protecteur plus empressé qu'une mère? En vain on met en avant

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l'indignité supposée de quelques parens, pour en faire résulter une cause d'exclusion contre tous, car le même inconvénient peut se rencontrer dans le mariage comme dans le célibat; mais alors l'indignité de quelques uns ne doit pas s'étendre à tous, et une cause de destitution particulière ne doit pas être un motif de prohibition générale. Voilà ce qu'il est essentiel de distinguer. Le Code, d'ailleurs, a prévu cette hypothèse, puis. que, dans la section 7 du titre des Tutelles, il a déterminé les causes d'incapacité, d'exclusion et destitution; et que, dans aucun des articles de cette section, les pères et mères des enfans naturels ne sont signalés ni comme incapables ni comme exclus de la tutelle légale.

Telle a été la défense de la demoiselle Fery devant la Cour d'appel de Paris. Cette demoiselle avait eu de son commerce avec un sieur Sarraisin de Marraize plusieurs enfans, que celui-ci avait reconnus.

Après le décès du sieur de Marraize, arrivé le 27 mai 1811, la demoiselle Fery crut devoir, comme tutrice légale, convoquer le conseil de famille pour délibérer sur le choix d'un subrogé tuteur et sur différentes autorisations dont elle avait besoin. Mais plusieurs parens contestèrent à la demoiselle Fery sa qualité de tutrice, et proposèrent de s'occuper avant tout des moyens de pourvoir à la nomination d'un tuteur.

Sur ces débats, le juge de paix renvoya les parties devant le tribunal civil de la Seine, qui, le 28 juin 1811, rendit un jugement contradictoire ainsi conçu : « Attendu qu'aux termes de l'art. 390 du Code civil, la tutelle n'a lieu qu'en cas de dissolution du mariage, et n'appartient qu'au survivant des époux; que la disposition de l'art. 405, loin d'être une exception à l'article 390, en est la conséquence, puisqu'elle suppose le défaut des ascendans mâles; que, par conséquent, cet article ne peut s'appliquer aux enfans naturels, qui n'ont point de famille; -Attendu que, dans le silence de la loi sur la tutelle des enfans 'naturels, la justice doit se décider par le droit général, et, en outre, par l'intérêt des mineurs, qui exige que la tutelle des enfans naturels soit dative; - Le tribunal, sans avoir égard à la

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