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le débiteur, sans le concours du créancier. S'il est vrai que le législateur ait voulu venir au secours du débiteur, en lui permettant de se débarrasser d'un créancier incommode, pour en choisir un plus favorable, d'un autre côté, la loi a eu aussi pour but d'engager les capitalistes à prêter, en leur offrant des sûretés que, sans cette subrogation, ils n'auraient pas obtenues. Or, dans l'espèce, Me Rouen n'avait besoin d'aucune sûreté pour le prix de l'immeuble qu'il avait acquis du sieur Barral; la loi lui traçait la marche à suivre pour éviter toute espèce de recours et de restitution: il devait, comme font tous les acquéreurs, purger les hypothèques dont l'immeuble qu'il acquérait était grevé. Il n'a pas voulu suivre cette marche simple et naturelle : c'est une négligence dont il doit s'imputer tontes les suites; mais il ne peut pas réclamer un privilége qui n'est accordé qu'à celui qui préte librement ses fonds, et qui seul a le droit de compter sur cette garantie.

Du 16 août 1811, ARRÊT de la Cour de Metz, M. Colchen président, MM. Goosse, Demeaux et Blanchet avocats, par lequel:

« LA COUR, -Considérant que l'intimée ne pouvait perdre sur la terre d'Écly le droit que lui assurait son contrat de mariage du 24 octobre 1787, pour récupérer sa dot sur les biens de son mari, qu'autant que Me Rouen aurait lui-même un privilége acquis sur cette terre d'Écly, ou qu'il serait porteur d'un titre hypothécaire antérieur à celui de l'intimée. L'appelant et l'intimée, se conformant à la loi du 11 brumaire an 7, ont pris, l'un et l'autre, inscription en temps utile sur Théodore Barral: le premier, en vertu de son contrat de vente du 9 fructidor an 3, et la seconde, en vertu de son contrat de mariage du 24 octobre 1787. Ils doivent l'un et l'autre aussi conserver le rang d'hypothèque que leur assurent leurs inscriptions : c'est le vœu de la loi du 11 brumaire an 7. Dès lors pas de doute que la demoiselle Mansort n'ait en sa faveur une date bien antérieure à celle de Me Rouen, et qu'elle ne doive obtenir dans l'ordre de distribution la priorité sur l'appelant. — Mais la stipulation de remploi jusqu'à concurrence de 1,400,000 fr. en

acquisition d'un autre immeuble, consentie par Barral et écrite dans l'acte de vente de la terre du Parc, ne donne-t-elle pas à Mc Rouen un privilége de bailleur de fonds sur la terre d'Écly, que Barral a achetée et payée avec le prix de la terre du Parc, que Me Rouen avait déposé par son mandataire chez le notaire Bro, d'où ils ont été tirés pour effectuer le remploi ? -D'abord, le privilége accordé par la loi au bailleur de fonds suppose qu'en effet les fonds ont été librement fournis par celui qui les prête pour acquérir un immeuble; le vendeur qui les reçoit, par les quittances qu'il en donne, en spécifiant d'où ils proviennent, s'associe pour ainsi dire le bailleur de fonds, et lui transmet le droit qu'il avait sur son acquéreur, pour en obtenir le prix de la chose vendue: de là sort le privilége que la loi accorde au bailleur de fonds. Mais ici, Me Rouen ne donne pas librement les fonds qui ont servi à payer la terre d'Écly: les 1,400,000 fr. employés à cette acquisition, jusqu'à concurrence de 1,200,000 fr., n'ayaient été déposés que pour se libérer du prix qu'il devait encore de la terre du Parc. La stipulation de remploi était bien une précaution qu'il jugeait nécessaire pour garantie de la terre qu'il payait; mais ce n'était pas un prét qu'il entendait faire à l'acquéreur d'Écly, pour profiter du privilége du bailleur de fonds : ce n'est plus qu'une convention ordinaire, qui oblige Barral à remplir les engagemens qu'il a contractés par l'acte du 9 fructidor an 3, et il n'en résulte pas le privilége qui appartient au vendeur ou au bailleur de fonds, pour récupérer de l'acquéreur le prix de l'immeuble qui a fait l'objet de la vente ou du prêt. Il en serait autrement si Mc Rouen, en stipulant la clause de remploi de partie du prix de la terre du Parc, eût obligé Barral à lui porter 'quittance de subrogation de celui qui lui vendrait l'immeuble qu'il s'engageait à acquérir cette quittance de subrogation mettant Me Rouen en la place du vendeur de la terre d'Écly, il pourrait dans ce cas exercer les droits que celui-ci luí aurait transmis; mais le contrat de vente de la terre d'Écly, en spécifiant que la somme qui en est payée provient des deniers déposés par Me Rouen pour s'acquitter du prix de

M. le procureur-général a requis, dans l'intérêt de la li, la cassation de ce jugement, pour contravention 1o aux art. 471 et 474 du Code pénal, en ce que, suivant le premier de ces articles, la femme Bernardot ne pouvait être condamnée qu'à une amende d'un franc au moins, et de cinq francs au plus, taudis qu'elle l'avait été à un emprisonnement de deux jours, que l'art. 474 ne permet d'appliquer aux personnes mentionnées dans l'art. 471 qu'en cas de récidive, circonstance qui n'existait point dans l'espèce, puisque en fait de contravention de police comme en fait de crimes et de délits, la récidive ne résulte pas de ce que le même crime ou le même délit a été commis plusieurs fois, mais bien de ce que le coupable a été précédemment condamné, soit à raison d'un autre crime ou délit, soit à raison d'un autre contravention (art. 56, 57, 58, 485 du Code pénal);

2o Aux art. 1424 du Code civil et 74 du Code pénal, en ce qu'Antoine Lambert avait été condamné conjointement et solidairement avec son épouse aux frais et dépens, ce qui était supposer que le mari est responsable civilement des fails de sa femme, lorsque, d'un côté, l'art. 1424 décide textuellement que les amendes encourues par la femme ne peuvent s'eré cuter que sur la propriété de ses biens personnels tant que dure la communauté, disposition qui évidemment s'applique aux frais comme aux amendes, et que, de l'autre, le liv. 3, tit. 4, chap. 2, du Code civil, auquel l'art. 74 du Code pénal veut que les tribunaux soit criminels, soit correctionnels, soit de police, se conforment dans les cas de responsabilité civile qui pourront se présenter devant eux, impose bien, il est vrai, cette responsabilité aux pères, aux tuteurs, aux maîtres, pour les dommages causés par leurs enfans, leurs pupilles ou domestiques, mais ne l'impose nullement au mari, à l'égard des délits commis par sa femme.

En conséquence, ce magistrat a requis la cassation du jugement du tribunal de police de Nogent-sur-Seine.

Du 16 août 1811, ARRÊT de la section criminelle, M. Favard de Langlade rapporteur, par lequel:

« LA COUR, Vu les art. 471, 474 et 483 du Code pénal; - Attendu qu'aux termes des articles cités, la peine d'emprisonnemement ne peut être prononcée pour injures verbales qu'en cas de récidive, et qu'il n'y a récidive que dans les cas prévus par l'art. 483; - Attendu que le jugement attaqué condamne la femme Lambert à deux jours d'emprisonnement; que néanmoins il n'a été nullement établi que cette femme fût dans le cas de la récidive déterminée dans le susdit art. 485; que dès lors le jugement attaqué a violé formellement les art. 471, 474 et 485 du Code pénal; - Vu pareillement l'art. 1424 du Code civil; Attendu que, d'après cet article, le mari n'est pas civilement responsable des faits de sa femme; que cependant le jugement attaqué condamne Lambert, solidairement avec sa femme, aux frais et dépens; que dès lors il a commis une seconde violation de la loi ;-CASSE et ANNULLE, dans l'intérêt de la loi seulement, le jugement rendu par le tribunal de police du canton de Nogent-sur-Seine, le 28 mai dernier. »

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Nota. Par arrêts des 9 juillet 1807 et 6 juin 1811 (1), la Cour avait déjà jugé la seconde question dans le même sens.

COUR D'APPEL DE NANCI.

L'élection de domicile chez un avoué, faite dans un exploit de demande principale ou d'appel, équivant-elle à une constitution d'avoué? (Rés. aff.) Cod. de procéd. civ., art. 61.

DELORME, C.....

Le sieur Delorme interjette appel d'un jugement qui lui faisait grief, et, dans son acte d'appel, il se contente de faire élection de domile chez Me P..., avoué en la Cour.

L'intimé soutint cette assignation irrégulière et nulle, aux termes de l'art. 61 du Code de procédure, qui exige que l'ex

(1) Voy. ce volume, p. 462.

ploit d'ajournement contienne la constitution de l'avoué qui doit occuper. Or, disait-il, la constitution d'avoué et la simple élection de domicile chez un avoué sont deux choses tontes différentes, puisque la constitution emporte de droit élection de domicile chez l'avoué constitué, au lieu que l'élection de domicile n'emporte pas constitution d'avoué. La preuve de cette vérité se trouve dans les termes mêmes de l'art. 61, qui porte que l'assignation doit, à peine de nullité, contenir la constitution d'un avoué, chez lequel l'élection de domicile sera de droit, à moins d'une élection contraire par le même exploit. Des termes de cet article il résulte bien clairement qu'on peut élire domicile ailleurs que chez l'avoué constitué; qu'ainsi, un avoué peut être constitué sans qu'on ait élu domicile chez lui, comme on peut élire domicile chez lui sans qu'il soit pour cela constitué. D'où la conséquence que l'assignation qui ne contient qu'une élection de domicile est nulle, faute de constitution d'avoué.

L'appelant se bornait à présenter l'élection de domicile chez l'avoué et la constituton d'avoué comme deux choses équivalentes.

Du 16 août 1811, ARRÊT de la Cour d'appel de Nanci, par lequel:

« LA COUR, Considérant que de l'acte d'appel interjeté par Delorme il résulte qu'il a déclaré faire élection de domicile en l'étude d'un avoué à la Cour d'appel de Nanci, qui est bien une constitution d'avoué, et remplit le but de l'art. 61, parce que faire élection de domicile chez un avou ou constituer avoué est absolument la même chose; Par ces motifs, DECLARE l'acte d'appel valable. »

Nota. Cette décision est évidemment contraire à la jurisprudence la plus généralement admise sur ce point, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer à l'occasion d'un arrêt de la Cour de Colmar, rendu dans le même sens. Voyez tome n de ce Journal, page 285.

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