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née ; et que, le délai étant expiré, il n'était plus possible de remplir le vœu de la loi; qu'en conséquence, le pourvoi ne pouvait plus être suivi.

Le sieur Marquier répondait qu'un individu est censé exister tant que son décès n'est ni dénoncé ni régulièrement connu; que, le décès de la dame Cavaller étant ignoré, n'étant pas ¿même porté sur les registres en France, il avait pu et di signifier à elle et à son domicile; qu'il était même impossible qu'il procédât autrement, et qu'il serait contre toute justice de lui faire porter la peine d'une ignorance juste et invincible. Du 3 septembre 1811, ARRÊT de la Cour de cassation, seetion civile, M. Muraire premier président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Coste et Dupont avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. l'avocat-général Jourde; Attendu que la signification de l'arrêt d'admission constate qu'elle a éte faite aux sieur et dame Cavaller, demeurans ensemble à Perpignan, dans leur domicile, en parlant au sieur Pons, qui a dit être leur procureur fondé par acte notarié, enregistré en la même ville, le 17 mai 1808; Qu'il résulte également de la contexture de cet acte qu'il a été délivré copie de l'arrêt d'admission et de l'exploit de signification à chacun d'eux, en la personne dudit procureur fondé; qu'à l'époque de cette signification, le décès de la dame Cavaller n'était point connu à Perpignan, ainsi qu'il se recueille soit de ladite réponse, soit du défaut d'inscription, sur les registres de l'état civil de ladite ville, de l'acte de décès de ladite dame, qui est morte en pays étran ger, soit même de l'absence de toute articulation d'indices contraires; qu'ainsi, le vœu de l'art. 68 du Code de procé dure civile et du règlement du 28 juin 1738 a été rempli; REJETTE la fin de non recevoir, etc. »

COUR DE CASSATION.

La loi qui permet à la femme mariée de disposer de ses biens

dotaux est-elle un statut réel, qui ne peut pas être changé pour le passé par une loi nouvelle ? (Rés. aff.)

MARQUIER, C. LA DAME CAVALLER.

La dame Cavaller, mariée antérieurement au Code civil dans l'ancienne province du Roussillon, où l'aliénation de la dot avec l'autorisation du mari était permise, contracta, depuis le Code, solidairement avec le sieur Cavaller, plusieurs emprunts, et greva ses biens dotaux d'hypothèques considérables.

En 1806, elle forma contre un sicur Marquier, l'un des prêteurs, une demande en nullité, fondée sur les termes du Code, qui déclarent la dot inaliénable.

Le sieur Marquier répondit qu'avant le Code, la loi muniçipale de Roussillon, où le mariage de la dame Cavaller avait été contracté, permettait l'aliénation des biens dotaux, et que La dame Cavaller n'avait pu perdre, par l'effet.du Code civil, le droit qu'elle avait acquis sur ces biens, dès l'instant du mariage.

Le-tribunal civil de Perpignan, par jugement du 6 février 1807, rejeta la demande en nullité.

Sur l'appel en la Cour de Montpellier, arrêt du 12 janvier 1809, qui infirme, et déclare l'obligation nulle, attendu que tous les mariages contractés avant le Code civil ont été régis par ce Code depuis sa publication, pour tous les objets qui n'étaient pas des droits acquis, ou dont les parties n'avaient pas fait dans leur contrat de mariage une stipulation expresse et particulière, mais qu'elles avaient laissés au gouvernement de la loi ; qu'il n'y avait dans le contrat de mariage de la dame Cavaller aucune stipulation générale ou particulière de la faculté d'aliéner la dot; qu'une faculté dont on pouvait user ou ne pas user n'était pas un droit aequis et irrévocable; et qu'enfin la dame Cavaller n'avait point usé de cette faculté dans le temps où l'on prétendait qu'elle en jouissait.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Marquier.

L'arrêt de la Cour de Montpellier, disait le demandeur, æ

violé l'art. 2 du Code civil. Il a donné à ce Code un effet rétroactif. La faculté accordée aux femmes mariées, par la loi du Roussillon, d'aliéner leurs biens dotaux, était un droit acquis par les conventions mêmes du mariage: car, lorsque les futurs n'en font aucune, ils sont censés faire virtuellement celles de la loi. Cette convention participait en conséquence de l'irrévocabilité attachée essentiellement aux contrats de mariage: elle n'a donc pas pu être changée par une loi nouvelle. La dot ne fût devenue, en vertu du Code civil, inalienable pour la dame Cavaller, que si elle eût contracté un second mariage sous l'empire de ce Code mais elle est nécessairement restée aliénable pendant toute la durée du mariage contracté sous le régime d'une loi qui permettait l'aliénation. Il ne s'agit point ici d'un statut personuel, d'une capacité, mais d'un statut réel, qui affecte les biens, qui en règle le sort et détermine le droit que le propriétaire aura sur eux dans telle circonstance. Ce droit ne peut être changé tant que cette circonstance existe. Tels étaient les moyens du demandeur.

La dame Cavaller, ou plutôt ses enfans, car elle était alors décédée, se sont contentés de reproduire dans leur défense les motifs de l'arrêt attaqué.

Le 3 septembre 1811, ARRÊT de la section civile, M. Muraire premier président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Du¬ pont et Coste avocats, par lequel :

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« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Jourde, avocatgénéral ; - Vu les art. 2 et 1554 du Code civil; —Et attendu que la loi ne dispose que pour l'avenir, et n'a point d'effet -rétroactif; Que si, dans certains pays de droit écrit, il existait des lois ou usages particuliers suivant lesquels la femme avait le droit d'aliéner et hypothéquer le fonds dotal, cette fa-. culté, formant une condition tacite des constitutions dotales faites sous l'empire de cette jurisprudence, est un droit acquis qui n'a été aboli par aucune loi; qu'on ne peut faire résulter l'abrogation de cette faculté de l'art. 1554 du Code civil, qui prohibe l'aliénation des biens dotaux, puisqu'elle n'a pour objet que les biens placés par la volonté expresse des parties sous

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ele régime dotal établi par ce Code; qu'il résulte au contraire de l'art. 1557 que, même sous te régime, l'immeuble dotal peut étre aliéné, lorsque l'aliénation en a été permise par le contrat de mariage; CASSE, etc. »

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Nota: Voyez sur cette question deux autres arrêts de la Cour suprême, l'un du 27 août 1810 (tom. 11, pag. 821 ); l'autre du 30 avril 1811 (pag. 375 et 374 de ce volume).

COUR DE CASSATION.

Les tribunaux français peuvent-ils, du consentement des parties, connaître d'une question d'Etat entre étrangers ? (Rés, aff.)

L'exception à la règle is PATER EST fondée sur l'impossibilité morale de rapprochément, était-elle admise par les lois romaines? (Rés, nég.)

LE SIEUR SALIS-HALDEINSTEIN, C........

Le sieur Salis Haldeinstein, Suisse, et d'une des principales familles du pays des Grisons, étant au service de la Hollande, se maria daus la ville d'Amsterdam. Ayant quitté le service, iF se retira avec avec sa femme à Coire, lieu de son origine. Il y voyait familièrement l'officier français qui y commandait. En l'an 10, sa femme obtint de lui la permission de retourner à Amsterdam. Elle partit accompagnée par le même officier français, à qui elle donnait le titre de cousin. Bientôt elle quitta Amsterdam, et vint, toujours en la même compagnie, se fixer en France à Flines-les-Mortagnes, où elle accoucha d'un fils, et mourut peu de temps après chez son prétendu cousin. L'enfant fut présenté à l'officier de l'état civil et inscrit comme.

né du sieur Salis.

Cependant celui-ci croyait toujours sa femme à Amsterdam, ne fut qu'après plus d'un an qu'il fut instruit de son changement de séjour, de son décès et de la naissance de l'enfant, qui une assemblée de famille, convoquée d'office par le juge de paix, avait donné pour tuteur l'officier français qui passait pour son parent.

Le sieur Salis entreprit alors de le désavouer pour son fils, et fit assigner à cet effet le tuteur devant le tribunal de première instance de Valenciennes. Ce tribunal, appliquant l'art. 316′ du Code civil, le déclara non recevable dans sa demande, faute par lui d'avoir réclamé dans le délai preserit par 'cette loi.

Sur l'appel, le sieur Salis prétendit qu'en sa qualité d'étranger, il n'était pas soumis au Code civil. La Cour de Donai reconnut qu'en effet les premiers juges auraient dû prendre pour règle la loi du domicile du père; et, comme cette loi était la législation romaine, elle ordonna par un premier arrêt que l'appelant ferait preuve, tant par titres que par témoins, de l'impossibilité physique où il aurait été d'habiter avec sa femme pendant le temps nécessaire pour empêcher l'application de la règle Is pater est quem justæ nuptiæ demonstrant. Les enquêtes n'ayant point effectué cette preuve, la Cour, par son arrêt définitif du 8 août 1810, a débouté le sieur Salis de sa demandé en désaveu.

Pourvói en cassation de la part du sieur Salis. Il a soutenu d'abord que les tribunaux français étaient incompétens pour connaître de l'état d'un enfant né de père et mère étrangers; que la question était naturellement dévolue aux juges nationaux, aux tribunaux du pays du père.

Cela était incontestable; mais restait la question de savoir si l'incompétence était absolue, et si elle n'était pas couverte par le fait du père, qui avait saisi lui-même les tribunaux français.

Le sieur Salis, pour soutenir la négative, a dit que l'ordre des juridictions est de droit public; qu'il ne dépend pas des parties de se donner des juges; que ce principe, incontestable par lui-même, devient encore plus puissant dans un cas où il s'agit de l'état, qui tient au droit public, et même au droit des gens, lorsque la question concerne un étranger. Il concluait de là qu'on ne pouvait pas lui opposer la fin de non recevoir résultante de son fait.

· Au fond, il prétendait que la loi 6, au Digesto, de his qui sui

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