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Stanz, à Berthoud, il transféra définitivement, en 1805, son institut au château d'Yverdon. Le Bernois Fellenberg fonda son établissement agronomique d'Hofwyll, et les gouvernements protégèrent ces différentes écoles, qui ont fait la réputation du système d'éducation suisse. L'étude du sol même fut activement poussée; la trigonométrie du pays commença en 1810; des cartes géographiques, déjà remarquables, furent publiées. Jean de Müller continuait son histoire nationale et H. Zschokke commençait la sienne. La poésie était cultivée avec succès et un mouvement littéraire se dessinait.

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Bien que Genève fit alors partie de l'Empire français, sa société intellectuelle mérite ici une mention. Dans son ancienne Académie, de tout temps réputée, le physicien Marc-Auguste Pictet se montrait un digne successeur du naturaliste HoraceBenedict de Saussure. Cette société subissait l'influence de Me de Staël, qui résida souvent sur terre vaudoise, en son château de Coppet, où elle réunissait près d'elle le publiciste Benjamin Constant, l'historien Sismondi, le philosophe bernois Bonstetten avec le critique allemand Schlegel, le vicomte Mathieu de Montmorency, le préfet de Genève Barante. En 1810, l'exil de Mme de Staël amena la dissolution de cette compagnie d'élite, dont les membres dispersés ne cessèrent pas d'exercer une grande influence littéraire et politique dans le monde et tout particulièrement en France.

Relations extérieures; modifications territoriales. La Suisse, étant censée rendue à l'indépendance, renoua des relations diplomatiques avec les pays voisins, l'Autriche comprise. Elle eut surtout à traiter avec les États du sud de l'Allemagne, à la suite des modifications territoriales que provoquèrent les recès de la diète de Ratisbonne, réunie après le traité de Lunéville, et, plus tard, les clauses du traité de Presbourg. Il fallait pourvoir aux compensations et aux indemnités qui étaient la conséquence des sécularisations germaniques. La Suisse négocia avec le grand-duché de Bade et signa, en 1812, avec cet État un traité de commerce.

Napoléon avait nettement déclaré que la Suisse devait rester sous sa tutelle. Le 27 septembre 1803, un nouveau traité

d'alliance fut signé entre la France et la Suisse, mais avec cette restriction, toutefois, qu'elle serait purement défensive et non plus offensive, comme du temps de la République helvélique. Le traité rappelait la paix perpétuelle de 1516 et sa durée s'étendait à cinquante ans. La France garantissait l'indépendance de la Suisse et sa neutralité; la Suisse s'engageait, en retour, à envoyer, au besoin, à sa grande alliée un secours de 8000 hommes, indépendamment des troupes qu'elle était tenue de lui fournir aux termes des capitulations militaires. Des facilités furent accordées aux cantons pour tirer de France le sel et d'autres denrées, et il fut question d'ouvrir des négociations pour un traité de commerce, fort désiré en Suisse.

Quoique, dans ces négociations, Napoléon affectât de traiter la Confédération sur un pied d'égalité, il ne se gêna nullement pour lui faire subir de défavorables remaniements territoriaux. La nouvelle Confédération des dix-neuf cantons était loin d'étendre son influence sur tous les pays qui relevaient autrefois de l'antique ligue des treize cantons. Elle avait perdu Mulhouse et Rottweil, l'évêché de Bâle, la république de Genève, la Valteline, annexés à la France ou à l'Italie; la principauté de Neuchâtel, son ancienne alliée, passa de la souveraineté nominale du roi de Prusse sous la domination de Napoléon, qui en fit un fief pour son major général Berthier (1806); le Valais restait provisoirement une république indépendante. La seule compensation de tant de pertes fut l'acquisition définitive du Frickthal, petit pays enlevé à l'Autriche, et promis, au début, comme un équivalent de la Valteline. Napoléon alla plus loin dans ses annexions. Pour assurer ses communications militaires avec le fort des Rousses, le pas de la Faucille, le pays de Gex et le fort de l'Écluse, il se fit céder la vallée des Dappes, au pied de la Dole, non sans faire espérer au canton de Vaud une indemnité, qui n'a été réglée qu'à l'époque contemporaine. En 1810, Napoléon annexa directement à l'Empire la république du Valais, qui lui convenait à cause de la route du Simplon, et, la même année, il n'hésita pas à faire occuper le canton du Tessin par ses troupes italiennes, pour empêcher la contrebande des marchandises anglaises.

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La capitulation militaire du 27 septembre 1803 et les Suisses au service étranger. - Aux réclamations que les Suisses opposaient aux annexions napoléoniennes, le puissant empereur répondait en se plaignant qu'ils ne lui fournissaient pas toutes les troupes qu'ils étaient tenus de lui donner et laissaient ses ennemis en recruter chez eux. La tradition du service des Suisses en France ne s'était pas perdue, malgré le licenciement des 12 000 d'entre eux qui avaient appartenu à l'armée de Louis XVI en 1792. Le traité d'alliance offensive et défensive de la République française et de la République helvétique, du 19 août 1798, avait été suivi de la convention du 10 novembre, par laquelle la première les deux prenait à sa solde 18 000 hommes, soit six demi-brigades de troupes auxiliaires helvétiques. Pendant la guerre malheureuse de 1799, on put à peine lever le tiers de ces troupes, et, l'année suivante, le gouvernement réparateur helvétique réduisit ces six demibrigades à trois, qui furent cantonnées sur les bords du Rhin. L'Acte de médiation établit que la France ferait passer à son service tous les soldats suisses qui ne seraient pas retenus par la Confédération. Le même jour que le traité d'alliance défensive, le 27 septembre 1803, une capitulation militaire fut signée. La France prenait à sa solde 16 000 hommes de troupes suisses, répartis en quatre régiments, sans compter un dépôt de 4000 hommes et un bataillon de grenadiers, qui pourrait faire partie de la garde, bientôt impériale. La charge de colonel général des Suisses fut rétablie. En outre, Napoléon tirait un bataillon du Valais et un de Neuchâtel.

Néanmoins d'autres États continuèrent à recruter des Suisses. L'Angleterre ne cessa pas de compter dans ses armées trois ou quatre régiments pendant la durée des guerres de la Révolution et de l'Empire. Les Bourbons de Sicile en eurent aussi. Mais c'était l'Espagne seule, alors son alliée, que Napoléon pouvait autoriser à lever des troupes sur le territoire de la Confédéra

tion. En 1804, une capitulation militaire fut signée, sans opposition de la part de l'Empereur, entre l'Espagne et la Suisse. Cette capitulation régularisait la situation des cinq régiments que le Roi Catholique levait dans les cantons, sans compter un sixième régiment, fourni par la république indépendante du Valais. Il convient de remarquer toutefois que le tiers seulement des régiments suisses d'Espagne se composait de Suisses; le reste de l'effectif était tiré d'Allemagne.

Les Suisses au service

au service de Napoléon; guerres d'Italie et d'Espagne. Ce fut surtout Napoléon que les Suisses servirent. Parmi les vingt généraux, commandants de brigades, de divisions et mème de corps d'armée, que la Suisse procura à la France pendant les guerres de la République et de l'Empire, il en est trois qui méritent une mention particulière. -On a déjà cité le général Amédée de La Harpe, cousin du chef révolutionnaire vaudois, un des trois divisionnaires de Bonaparte dans sa première campagne d'Italie, tué, par méprise, par ses propres soldats, en 1796. Son compatriote Louis Reynier, exilé de Lausanne, sa patrie, s'était engagé comme volontaire en 1792; brigadier dans l'armée du Nord dès l'année suivante, divisionnaire sous Moreau à l'armée du Rhin en 1796, il alla se distinguer dans l'expédition d'Égypte et de Syrie, après laquelle il subit une disgrâce. Rappelé en 1805, il commanda des corps d'armée en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Russie, et termina sa vie glorieuse en 1814. Il était spécialement un général du génie. Un officier suisse, qui a laissé, lui, une grande réputation de technicien et d'écrivain militaire, c'est le général Henri Jomini, de Payerne (Vaud), qui, après avoir servi dans les bureaux de l'armée helvétique, entra dans les états-majors français. Abreuvé de dégoûts par ses chefs nominaux, Ney et Berthier, dont, avec franchise, il critiquait les fautes, et devenu l'objet d'une défaveur imméritée, il passa au service de la Russie vers la fin des guerres de l'Empire.

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Quant aux régiments capitulés, auxquels on conservait leur populaire uniforme rouge, ils ne furent pas immédiatement levés. Ce ne fut qu'en 1805 que le premier d'entre eux se trouva organisé avec les éléments tirés des trois anciennes

demi-brigades auxiliaires et de l'ancienne légion nationale de la République helvétique. Ce premier régiment (colonel Raguettli, des Grisons) fut employé en Italie, où il se trouva souvent sous les ordres du général Reynier. Après avoir combattu en Vénétie, il fut employé, de 1806 à 1811, dans le royaume de Naples à faire la chasse aux brigands et aux Anglais. Il occupa les petites îles du golfe de Naples et prit part à une tentative infructueuse contre la Sicile. Pendant le court instant où Joseph Bonaparte fut déclaré roi de ce pays, il fut question que le régiment passât à son service. Napoléon écrivait à son frère : « Les Suisses sont les seuls soldats étrangers qui soient braves et fidèles. » Le premier régiment tint garnison au sud de l'Italie jusqu'à la campagne de Russie.

Le sort du premier régiment suisse fut incomparablement plus heureux que celui des trois autres régiments. Ils n'avaient été réunis qu'en 1807 et ils servirent au delà des Pyrénées dans les plus fàcheuses conditions. Tandis qu'une faible partie de l'effectif restait en France, au dépôt, les Suisses de l'armée française d'Espagne furent dispersés par bataillons, et même par compagnies, dans les différents corps d'armée de l'Empire, en Portugal, en Andalousie, en Catalogne. Ils eurent à lutter contre leurs frères, Suisses au service des Bourbons, Suisses au service anglais. Une partie d'entre eux figura d'abord dans l'armée de Junot, chargée de la conquête du Portugal, en 1807. Le corps de Dupont, envoyé en Andalousie, comptait dans les différentes divisions deux ou trois bataillons franco-suisses.

Il était parvenu en outre à entraîner avec lui deux régiments suisses espagnols, dont la conduite, en cette circonstance, fut considérée comme une trahison par la presque totalité des Suisses espagnols, restés fidèles à la cause bourbonienne. L'un des principaux officiers de ceux-ci, Théodore Reding, fut nommé général par la junte insurrectionnelle, et il prit la part la plus considérable à l'épisode de Baylen. Quand Dupont dut poser les armes, le 22 juillet 1808, les prisonniers français furent enfermés sur les pontons; les Suisses des bataillons napoléoniens partagèrent leur sort, ainsi que les officiers des deux régiments suisses espagnols, ralliés à Dupont, qui n'étaient

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