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et de sûreté la majorité des ordres roturiers vota oui; la noblesse cria non, obtint d'en délibérer et maintint son refus. On passa outre. Les trois ordres roturiers et le maréchal de la diète ayant apposé leurs signatures, l'acte fut considéré comme accepté.

Deux ordres de dispositions sont à retenir dans l'Acte d'union et de sûreté. D'abord, en exécution des promesses du roi, les ordres roturiers reçurent certains privilèges ou exemptions en matière d'impôts et acquirent le droit d'occuper quelques hautes fonctions déterminées, jusque-là réservées à la noblesse.

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En échange de ces avantages, le roi s'efforçait de rendre au pouvoir royal le plus grand nombre possible de prérogatives, complétant ainsi l'œuvre de 1772. D'abord les pouvoirs de la diète étaient restreints ainsi le roi pouvait déclarer la guerre sans elle; de plus il se réservait le droit d'initiative à la diète, qui cependant restait souveraine en matière législative. L'Acte d'union et de sûreté marque encore, en fait, la fin du sénat : le roi, en effet, devenait maître de fixer à son gré le nombre des sénateurs; il n'en nomma aucun.

L'état de choses ainsi établi n'était sans doute pas l'absolutisme en théorie le pouvoir du roi est encore très limité, notamment par les attributions de la diète. Mais en fait l'état des esprits était tel que la théorie était peu de chose et que Gustave III se trouvait être à peu près, en 1789, au point où en étaient, à la fin du xvII° siècle et au commencement du xvio, ses prédécesseurs Charles XI et surtout Charles XII: pratiquement l'autorité royale devenait véritablement toute-puissante.

Le coup d'État de 1789 avait été analogue, à certains égards, à ceux de 1680 et 1772; il en différait cependant à plus d'un égard. Et d'abord il avait été effectué beaucoup plus brutalement que les précédents, et non plus, comme eux, dans des formes presque légales. De plus, il ne faisait pas succéder un régime nouveau et généralement désiré, à un régime précédent reconnu mauvais il ne correspondait pas à un réel besoin du pays. C'était plutôt une simple conséquence de la politique personnelle du roi. Aussi les résultats de cet acte furent-ils déplorables, d'abord pour le roi lui-même et, dans la suite, pour la Suède.

Assassinat de Gustave III: la régence. En juillet 1789, la Révolution française éclata. Gustave III, étant données ses relations avec Louis XVI et Marie-Antoinette, étant données aussi ses idées d'absolutisme, devait montrer peu de sympathie pour le mouvement révolutionnaire. Il négocia donc rapidement avec la Russie, signa la paix de Verelä, et se prépara à prendre l'initiative d'une intervention en France 1. Il fit même, dans ce dessein, un voyage à Aix-la-Chapelle, pour s'entendre avec les chefs des émigrés. Pendant ce temps l'opposition de la noblesse, exaspérée par les événements de 1789, dégénérait en une véritable haine, et un certain nombre de ses membres résolurent de se débarrasser du roi : une conspiration fut ourdie, et, dans la nuit du 15 au 16 mars 1792, pendant un bal, Gustave III fut blessé à mort d'un coup de pistolet, par Anckarström, ancien capitaine aux gardes. Il languit jusqu'au 29 mars 2.

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Gustave III laissait un fils, qui monta sur le trône sous le nom de Gustave IV Adolphe; mais le jeune roi, âgé de quatorze ans, était mineur. Une régence était donc nécessaire conformément à la volonté de son père mourant, elle fut confiée à son oncle le duc de Sudermanie, homme d'une bravoure éprouvée, mais dépourvu d'intelligence et d'énergie. Le premier acte du régent fut d'ordonner le procès des assassins de son frère. Les poursuites furent d'abord très rigoureuses, et amenèrent un grand nombre d'arrestations. Mais cette sévérité s'adoucit peu à peu et on relâcha la plupart des prisonniers. Anckarström et quelques-uns des conjurés les plus compromis se virent seuls traduits devant un tribunal ordinaire. L'assassin fut condamné à mort et exécuté; les autres n'eurent à subir que des peines minimes. Cette mansuétude fut attribuée à l'influence d'un homme qui joua en Suède, pendant les années suivantes, un rôle prépondérant: Reuterholm. Celui-ci était un ami personnel du duc de Sudermanie. Sous Gustave III, il n'avait jamais été investi que de fonctions administratives sans grande importance. Intelligent, vaniteux, épris d'idées libérales qu'il emprun

1. Voir ci-dessus, t. VIII, p. 325. 2. Voir ci-dessus, t. VIII, p. 367.

tait à Rousseau, il avait pris sur l'esprit borné du régent une influence considérable et ce fut lui qui gouverna véritablement le pays. Comme il comptait parmi les ennemis acharnés du feu roi, auquel il ne pardonnait pas d'avoir fait emprisonner son frère, lors du coup d'État de 1772, il commença par écarter du pouvoir les partisans de Gustave III, les Gustaviens, qui, de ce moment, devinrent un parti d'opposition, et cherchèrent souvent un point d'appui à l'étranger, notamment auprès de la Russie. Les tendances libérales du nouveau gouvernement se manifestèrent, à l'intérieur, par des mesures en faveur de la liberté de la presse; à l'extérieur, par un rapprochement avec la France. A la même époque la Suède négociait avec le Danemark, et le traité conclu en 1794 contient les premiers germes de ce qui devint plus tard la Ligue des neutres 1.

Le règne de Gustave IV Adolphe. En 1796, Gustave IV atteignit l'âge de dix-huit ans, date à laquelle son père avait, par testament, décidé de lui confier le gouvernement et commença aussitôt à exercer le pouvoir. Il avait, à un degré très supérieur, les principaux défauts de Gustave III, sans posséder ses qualités profondément entêté, d'esprit étroit, il était plus imbu encore que son père des idées de monarchie absolue et des principes du droit divin. De plus, arrivant au milieu d'une époque troublée, il était beaucoup trop inintelligent pour être capable de tenir sa place au milieu des souverains d'Europe. Le début du nouveau règne fut marqué, à l'intérieur, par une réaction les Gustaviens revinrent au pouvoir, Reuterholm fut banni de la capitale, et le duc de Sudermanie s'effaça complètement. A l'extérieur le roi de Suède adhéra définitivement à la Ligue des neutres (1800) et occupa peu l'attention jusqu'à l'avènement de Napoléon Ir. A ce moment, poussé par une haine aveugle qui lui faisait voir l'Antechrist dans la personne du nouvel empereur des Français, il lança la Suède dans des complications qui la mirent à deux doigts de sa perte pendant la guerre de 1805-1807, la Suède, toujours battue, vit la Poméranie occupée par des troupes françaises. A

1. Voir ci-dessus, p. 55.

la suite d'un accord survenu entre Napoléon et Alexandre à Tilsit, ce dernier lui prit la Finlande '.

La révolution de 1809. Cependant le mécontentement était général en Suède, et contre le roi lui-même, et, comme la chose était déjà arrivée au temps de Charles XII, contre le régime qu'il représentait. En effet, les Suédois ne voyaient pas sans colère la ruine extérieure et intérieure de leur pays; en guerre avec tous leurs voisins, obligés de faire face de trois côtés à la fois, au sud vers le Danemark, à l'ouest vers la Norvège, au nord vers la Finlande, battus partout, ils n'avaient même plus confiance en leur chef. En ces circonstances, il ne manquait plus qu'un homme qui osât agir : le général commandant l'armée qui opérait sur les frontières de Norvège, Adlersparre, marcha sur Stockholm. Gustave IV Adolphe voulut fuir et se réfugier dans l'armée du sud; il ne put mettre son projet à exécution, et, arrêté dans le palais de Stockholm, le 13 mars 1809, il fut conduit au château de Drottningholm. Dans la suite la diète le bannira du royaume. Le duc de Sudermanie se chargea provisoirement du gouvernement sous le titre d'administrateur du royaume, puis la diète se réunit, le 1er mai 1809, afin de nommer un roi et d'élaborer une constitution. Le nouveau roi fut le duc de Sudermanie, qui prit le nom de Charles XIII.

Chose curieuse et rare, la réaction qui suivit cette révolution fut très modérée. La constitution de 1809, dont les dispositions fondamentales sont encore en vigueur de nos jours, se caractérise essentiellement en ce qu'elle rend à la diète et au sénat le pouvoir qui leur avait été enlevé en 1772 et 1789. Mais on n'en revint pas à une véritable anarchie comparable à celle du temps de la Liberté. Le roi continue à convoquer la diète à son gré, mais, au cas où il ne ferait pas usage de ce droit, la constitution décide qu'elle se réunît tous les cinq ans sans convocation. Le pouvoir de contrôle des États devient plus étendu, et les membres du sénat sont responsables devant eux. Le sénat enfin est

1. Voir ci-dessus, p. 115, 133.

2. Toutefois les dispositions relatives à la diète et au sénat, qui sont indiquées ici, se sont trouvées modifiées par les lois de 1840 et de 1865. 3. Voir ci-dessus, t. VII, p. 1014.

réorganisé composé de 9 membres chargés chacun d'attributions spéciales, il forme une sorte de conseil des ministres présidé par le roi et donnant son avis dans la majorité des cas.

Outre l'élection du roi et l'élaboration de la constitution, la diète de 1809 dut encore s'occuper du choix d'un prince royal. En effet, Charles XIII, marié à la princesse Edwige-ElisabethCharlotte de Holstein, n'avait pas d'enfant, et son âge ne lui permettait pas d'espérer de postérité. On nomma le prince Christian-Auguste d'Augustenborg, apparenté à la maison régnante de Danemark, commandant l'armée danoise en Norvège; ce choix paraissait un gage de paix et la Suède en avait tant besoin que la popularité vint très rapidement au nouveau prince. C'est lors de cette élection qu'on vit pour la première fois apparaître l'idée d'une union possible entre la Norvège et la Suède, pour compenser à celle-ci la perte de la Finlande. Christian-Auguste, ayant été adopté par Charles XIII, s'appela désormais Charles-Auguste.

Le premier acte du nouveau gouvernement, établi par haine de la guerre, fut de signer la paix de tous côtés avec la Russie, à laquelle on cédait définitivement la Finlande par le traité de Fredrickshamn (sept. 1809); avec le Danemark, à Jönköping (déc. 1809); avec la France, à Paris (janvier 1810). Ce dernier traité rendait à la Suède la Poméranie, mais consacrait son accession au Blocus continental. Un instant l'on put croire que la Suède allait se refaire et réparer le mal causé par la période agitée qu'elle venait de traverser; mais le calme ne fut pas de longue durée. Charles-Auguste mourut d'une attaque d'apoplexie le 28 mai 1810. Des bruits d'empoisonnement se répandirent même dans le pays, et, lorsqu'on ramena son corps à Stockholm, une violente émeute éclata, pendant laquelle fut tué le comte de Fersen, grand maréchal du royaume.

La diète fut convoquée et se réunit à Örebro le 23 juillet 1810, à l'effet d'élire un nouveau prince royal. Le choix était délicat, car il y allait de l'avenir de la Suède.

État des esprits. Le gouvernement issu de la révolution de 1809 était honnête et régulier; mais bien que la constitution nouvelle laissât au roi une importance encore

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