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des Universités Parmi les mesures les plus importantes furent celles en faveur de la liberté de la presse. Pendant le xvII° siècle on peut parfois découvrir quelques velléités en ce sens, restées le plus souvent à l'état de projet; cependant Struensee, esprit libéral lui-même, avait accordé à la presse une liberté presque absolue à sa mort, une réaction s'était produite, et le ministère Guldberg l'avait fort restreinte. Bernstorff reprit ces idées et accorda de nouveau à la presse une liberté complète.

Les mesures prises en faveur du commerce, qu'on encouragea par tous les moyens, contribuaient aussi puissamment à la prospérité générale. On supprima, comme nous l'avons dit plus haut, certains privilèges vexatoires de la noblesse, et surtout on abolit un certain nombre de mesures restrictives encore en vigueur; par exemple, l'ordonnance de 1747, qui interdisait l'exportation des bœufs de pâturage, et celle de 1735 qui entravait le commerce des céréales; on autorisa la division de la propriété; enfin on créa une « caisse de crédit » qui fonctionna le mieux du monde jusqu'en 1804, date à laquelle la guerre et le mauvais état des finances ne lui permirent plus de rendre autant de services.

En somme, à la fin du xvir siècle et au début du xix", le Danemark, qui faisait peu parler de lui dans l'Europe, possédait des finances en bon état, et un état économique que rendait d'autant meilleur la situation politique de ses voisins, qui auraient pu être ses concurrents. En paix avec tous les peuples, il avait su rester à l'écart de toutes les compétitions et de toutes les querelles, et fut, pendant quelques années, l'un des peuples le plus commerçants de l'Europe.

La guerre: ruine du pays. Malheureusement cette situation prospère ne dura pas, et, les affaires européennes se compliquant chaque jour davantage, ce qui avait fait la force du Danemark fit sa perte.

L'Europe tout entière se divisait alors en deux camps, chaque pays tenant toujours pour ou contre la France ou l'Angleterre. Fidèle à sa politique, le Danemark ne voulut s'enrôler sans aucune bannière; mais il dut faire respecter même sa neutralité; dans ce but il s'entendit avec la Russie et la Suède pour former

avec ces puissances la Ligue des neutres (1800): il s'ensuivit le bombardement de Copenhague par les Anglais1. Au traité de Tilsit, il fut entendu entre Napoléon et Alexandre qu'on forcerait le Danemark d'adhérer au Blocus continental; c'était lui demander un véritable suicide. L'Angleterre d'ailleurs n'attendit pas que les Russes vinssent attaquer ce malheureux pays en faveur des Français, et, pour frapper un grand coup, bombarda Copenhague une seconde fois (1807). Ainsi attaqué par l'Angleterre, le Danemark ne pouvait plus que s'allier à la France; l'espoir qu'il avait conçu de toujours rester neutre était désormais déçu et il se voyait violemment jeté dans la lutte.

En guerre avec l'Angleterre, le Danemark vit ses communications maritimes à peu près interceptées. Bien que la Norvège fût toute voisine, les relations avec elle devinrent difficiles et il fallut organiser à Christiania un gouvernement local : et ce fait explique comment, lors des événements de 1814 que nous avons racontés, la Norvège put s'ériger instantanément et sans secousse en État indépendant: elle se trouvait avoir déjà des

autorités centrales constituées.

Une autre conséquence singulièrement plus grave de la rupture avec l'Angleterre fut la ruine du commerce maritime, qui eut pour suite la ruine même du pays, obéré d'autre part par les frais de la guerre. Après les événements de 1801 la dette de l'État passa de 28 millions de rigsdaler à 41 millions; la dette sur billets ou avances de la banque nationale de 16 à 26 millions de rigsdaler. En 1814, les émissions atteignaient 142 millions de courant danois (649 000 000 de fr.) et la dette 100 millions de rigsdaler d'argent (560 000 000 de fr.). Comme toute cette circulation de papier-monnaie n'avait aucun gage réel, la dépréciation devint bientôt considérable et on fut acculé à une banqueroute forcée des neuf dixièmes environ de la valeur nominale des billets. Une nouvelle banque nationale, fondée le 5 janvier 1813, émit les billets qui eurent pour gage les immeubles de tout le royaume, et prit les ressources qui lui étaient

1. Voir ci-dessus, p. 56. 2. Voir ci-dessus, p. 127.

nécessaires aux propriétaires de biens fonciers et de dimes. Toutes ces mesures que la ruine générale rendait obligatoires apportèrent de grandes perturbations dans le pays, perturbations qui ne devaient pas, de longtemps, lui permettre de se relever. Ainsi, tandis que la Suède, souvent agitée, souvent vaincue, sortait de la crise qu'avait traversée l'Europe pendant la Révolution et l'Empire, augmentée et relativement prospère, le Danemark, malgré la sagesse de sa politique, se retirait de la lutte ruiné et amoindri, n'ayant obtenu, en compensation de la Norvège, qu'un dédommagement infime. Il dut, en effet, aux traités de Vienne échanger contre le duché de Lauenburg la Poméranie que la Suède lui avait cédée et que la Prusse réclamait.

:

Mouvement intellectuel. En Danemark comme en Suède les premières années du XIXe siècle furent marquées par le début d'un mouvement intellectuel particulièrement important et qui s'étendit à toutes les manifestations de la pensée humaine. Grundtvig commençait à entreprendre la rénovation de la vie religieuse. Les arts plastiques comptaient des représentants illustres dont le plus fameux fut Thorwaldsen '. La littérature enfin était également florissante. Et l'on retrouve dans ce mouvement, plus accentués encore, les deux ordres d'influence que nous avons déjà signalés en Suède d'une part, l'influence de la littérature allemande, et notamment de l'école romantique que l'on peut constater principalement chez les poètes Schack von Staffeldt, Ingemann et Heiberg, et d'autre part celle des traditions purement scandinaves. Les chants populaires furent remis en honneur, la littérature islandaise fut étudiée et popularisée par les travaux de Rask, par exemple, et par ceux de Finn Magnusson qui traduisit l'Edda. De la combi..aison de ces éléments résulta une école littéraire vraiment danoise dont le représentant le plus illustre fut Oehlenschlager, qui commença à écrire dès cette époque. Mais cette école littéraire n'ayant atteint son complet épanouissement que postérieurement à 1815, c'est dans un autre chapitre qu'il y aura lieu de l'étudier dans son ensemble.

1. Voir ci-dessus, p. 350.

BIBLIOGRAPHIE

Aux ouvrages généraux déjà mentionnés dans les bibliographies des chapitres précédents (voir ci-dessus, t. VII, p. 1033), il convient d'ajouter les

suivants :

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POUR LA SUède. – Léouzon-le-Duc, Gustave III, Paris, 1861. - A. Geffroy, Gustave III et la cour de France, Paris, 1867, 2 vol. Le baron de Nervo, Gustave III et Anckarström, Paris, 1876. Schinkel, Minnen ur Sveriges nyare historia (Souvenirs se rapportant à l'histoire contemporaine de la Suède), mis en ordre et édités par Bergman, Stockholm, 1855 et suiv., in-8. (Cet ouvrage est particulièrement important pour l'histoire de Charles-Jean.) C.-A. Adlersparre, 1809 års revolution och dess män (La révolution de 1809 et les hommes qui l'ont faite). Touchard-Lafosse, Histoire de Charles XIV Jean, Paris, 1838, 3 vol. in-8. - L. von Engestrom, Minnen och Anteckningar (Notes et souvenirs), édités par E. Tegnér, Stockholm, 1876, 2 vol. in-8. M. E. Tegnér a également édité H.-G. Trolle Wachtmeister, Anteckningar och Minnen (Notes et souvenirs), Stockholm, 1889, 2 vol. in-8, et Gustaf Mauritz Armfelt, Studier ur Armfelts efterlemnade papper (Eludes tirées des papiers d'Armfelt), Stockholm, 1887, 3 vol. in-8. Le baron de Hochschild, Désirée Clary, reine de Suède, Paris, 1888. Forsell, Wetterstedt (dans les Mémoires de l'Académie suédoise. 1886). Alin, Den Svensk Norska Unionen (L'union entre la Suède et la Norvège), Stockholm, 1892, 2 vol. in-8. (Recueil de documents publiés dans la langue originale, c'est-à-dire pour un très grand nombre, en français.) Rydin, Foreningen emellan Sverige och Norge (L'union entre la Suède et la Norvège), Upsala, 1863. Y. Nielsen, Bidragtill Norges och Sveriges historie, 18144816 (Contribution à l'histoire de la Norvège et de la Suède, 1814-1816). On trouvera également des renseignements très précis sur les débuts de Charles-Jean dans : Albert Vandal, Napoléon et Alexandre 1.

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POUR LE DANEMARK. E. Holm, Darmark-Norges udenrigske Historie under den franske Revolution og Napoleons Krige (Histoire des relations extérieures du royaume de Danemark-Norvège pendant la révolution française et les guerres de Napoléon, de 1800 à 1807), Copenhague, 1875, 2 vol. C.-U.-D. Eggers, Denkwürdigkeiten aus dem Leben des Staatsministers A.-P. Bernstorff, Copenhague, 1800. P. Vedel, Corresp. ministerielle du comte avec sa Biographie (en dan.), Copenhague, 1882. A. Thorsoe, Den danske Stals politiske Historie (Histoire politique de l'État danois, de 1800 à 1864), t. I, 1800-1814, Copenhague, 1874.

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L'alliance entre Napoléon et le tsar Alexandre, conclue à Tilsit, resserrée en apparence à Erfurt, allait aboutir à une rupture éclatante. Les principales causes de cette rupture sont : 1° la conduite de la Russie pendant la guerre de 1809, 2° le mariage russe manqué et la conclusion du mariage autrichien, 3o les conséquences pour la Russie du Blocus continental; 4° les inquiétudes inspirées à Alexandre par l'extension indéfinie de l'empire napoléonien; 5° les réunions de 1810 et l'affaire de l'Oldenbourg; 6° la question polonaise.

Conduite de la Russie pendant la guerre de 1809. - On a vu plus haut les espérances que Napoléon avait fondées sur une action énergique de la Russie, d'abord pour empêcher l'Autriche de s'engager dans une nouvelle guerre contre la France, puis pour faire diversion à l'attaque autrichienne par une vigoureuse et loyale diversion Or la Russie ne lui rendit aucun de ces deux services. Le langage de sa diplomatie cut

1. Voir sur tout ceci, ci-dessus, le chapitre l'Alliance franco-russe, p. 144-155.

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