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les mariages; elle impose des conditions de résidence; elle fixe le nombre des témoins; elle exige la publicité de la célébration; tout cela a été négligé ici, car il y a eu dispense de publication de bans et de domicile; il n'y a eu intervention que de deux témoins, il n'y a pas eu publicité. Tout cela résulte de l'interrogatoire du défendeur devant le juge d'instruction : or, il y a bien là violation de lois réglementaires de la forme des actes, violation de lois destinées à parer à ces désordres signalés plus haut, désordres qui peuvent se manifester à l'égard des étrangers comme à l'égard des Belges.

En effet, supposons des étrangers résidant en Belgique; ils se marient dans notre pays, suivant les lois de leur patrie, devant un prêtre catholique; ils continuent de résider en Belgique; ils se séparent après avoir procréé des enfants; ils convolent à un autre mariage; qui pourra les en empêcher? Ils ne sont pas légalement époux; l'acte de leur union n'est valable qu'en conscience et au for intérieur, il n'a aucune authenticité, aucune valeur au for civil; les enfants de ce mariage réclameront en vain les droits d'enfants légitimes. Supposons ces mêmes étrangers traversant la Belgique, se présentant devant un prêtre belge pour faire bénir leur union et retournant ensuite dans leur patrie leur mariage sera-t-il valable? Les tiers intéressés dans leur pays ne peuventils pas le contester, les juges de leur pays consentiront-ils à le respecter, lorsque nulle des garanties d'authenticité organisées par la loi belge n'aura été observée ? Nous n'hésitons pas à répondre que ce mariage n'aura aucune preuve légale pour le soutenir. Et ceci deviendra d'une évidence palpable, si vous remarquez que dans les pays catholiques où précisément, comme en Bavière et en Autriche, le mariage religieux est seul prescrit, la loi civile a exigé, outre la bénédiction nuptiale essentielle au sacrement, des formalités extrinsèques essentielles au contrat civil proprement dit, formalités plus ou moins nombreuses, plus ou moins conformes aux prescriptions du concile de Trente, mais ayant pour objet l'authenticité de l'acte de mariage. Or, qu'aviendra-t-il si, en Belgique, les étrangers catholiques n'ont pas même observé les formalités

(1) Voy. la concordance des Codes d'Antoine de Saint-Joseph.

(2) Il est à observer encore que l'un des époux, sujet bavarois, ne pouvait pas, aux termes des

prescrites par les lois de leur pays. Qu'aviendra-t-il si, comme dans l'espèce, les deux époux n'appartiennent pas au même pays? Quelle loi suivront-ils, s'ils ne suivent pas la loi belge en Belgique? Qu'aviendrat-il enfin si, en Belgique, le ministre du culte n'a pas même observé la prescription du concile de Trente relative au registre; comment attestera-t-il, lui propre curé de la résidence ou curé délégué, et par suite compétent, la célébration d'un mariage dont nulle trace n'existe dans les archives de sa paroisse, sur son registre prescrit par les canons?

La Cour le voit violer la loi conservatrice de l'ordre des mariages en Belgique, c'est jeter l'étranger comme le Belge dans d'inextricables difficultés que ne sauve nullement le principe du statut personnel, invoqué par l'arrêt dénoncé. Le statut personnel est essentiellement intrinsèque et se rapporte à la capacité du sujet : mais l'acte qui constate et qui fixe l'exercice de cette capacité est extrinsèque et se sépare nettement du statut même. Ainsi, dans notre espèce, les futurs époux, vu leur âge, ne pouvaient apparemment point se passer du consentement de leurs parents; en d'autres termes, ils n'étaient point majeurs pour le mariage; la future à coup sûr ne l'était pas. Ici, apparaît l'empire du statut personnel; à ce point de vue, le mariage ne pouvait, même en vertu des lois bavaroises ou autrichiennes (1), être célébré sans le consentement des parents, et il doit nous être permis de nous étonner que la preuve de ce consentement n'ait pas été exigée par le défendeur; il est probable que l'officier de l'état civil l'eût exigée, puisque la majorité relève essentiellement du statut personnel et qu'elle devait nécessairement exister ou être suppléée par le consentement des parents, avant la constatation authentique dans l'acle civil d'un consentement que la vertu du statut personnel eût vicié fondamentalement (2).

Appliquer ici le statut personnel, laisser ici au statut personnel son influence légale, c'est confondre deux séries de faits distincts: les faits générateurs de l'acte, les faits conservateurs ou probants de la volonté; toujours on les a distingués. Je suis étranger; je puis, dans mon pays, en Prusse par exem

lois de son pays, se marier à l'étranger sans autorisation de son gouvernement: loi du 12 juillet 1848, citée par Felix, Soloman, Sapey, etc.

ple, faire recevoir mon testament par le curé (article 93 du Code prussien): dira-t-on qu'en vertu du statut personnel, je puis en Belgique, non-seulement tester, mais tester valablement à l'intervention d'un curé? Mais cela serait insoutenable; comme l'observent les auteurs, le droit de recevoir un testament est réel, parce que le statut actuaire est réel comme dépendant des lois de police, d'ordre public et de compétence (1). Nous ne voyons pas comment il en serait autrement du droit de recevoir un acte de mariage. Soutiendra-t-on que la naissance de l'enfant d'un étranger sera authentiquement constatée par un curé belge, parce que dans la patrie de l'étranger le curé est constitué officier de l'état civil? Oublie-t-on que, dans une foule de circonstances, nos lois ont appliqué la maxime forma dat esse rei et que les actes de l'état civil sont dans ce cas (2). Et pourquoi en est-il ainsi? parce que, comme l'observe Boullenois, la forme des actes est de droit public et que, pour certains actes, il est interdit de déroger à cette forme, à peine de nullité de l'acte même et parfois aussi à peine d'amende ou de prison. El, remarquons-le, la qualité de la personne publique chargée de recevoir les actes entre comme élément de la forme: persona est de forma et consideratur ut forma.

Nous croyons donc que l'arrêt attaqué s'est basé sur de faux principes pour prononcer l'acquittement du défendeur, et le système que nous venons de développer devant vous est appuyé par tous les auteurs qui l'ont examiné. Nous nous bornons à citer Fœlix, Revue des revues de droit, t. 4, p. 198; Demolombe, Cours de Code civil, t. 2, p. 155; Zachariæ, §§ 58 et 469; Vervloet, vol. 1, p. 285 et 286, notes 8 el 9; Soloman, Condition des étrangers en France, p. 49; Sapey, les Elrangers en France, p. 205; Cass. franç., 22 mars 1806, rappelant les principes (3). Partout on voit que les lois de l'espèce sont de véritables

et

(1) Voy. Deferrière, Conf. de la cout. de Paris, vol. 4, p. 89; Henrys, liv. V, quest. 9; Boullenois, des Statuts, observ. 42 et 46; Savigny, Traité du dr. rom., vol. 8, p. 352; Burgundus, Tract. 1, no 21. Potier, Cout, d'Orléans, range le statut réglant la forme des actes dans une catégorie à part; ce statut, d'après ce savant auteur, règle tous les actes passés sur le territoire.

(2) « Actum non celebrare vel minus ritè cele. «brare paria sunt. Quæ non ritè fiunt pro non factis habentur. »

(3) Nous avouons qu'en présence de ces considérations nous ne saurions faire état de la cir

lois de police. Et que règlent ces lois dans la réalité ? En fixant la forme des actes et la compétence des officiers qui les reçoivent et leur impriment l'authenticité, elle ne font vraiment que régler, policer, si l'on peut dire, la plus précieuse des propriétés : l'état civil. Dans la discussion du titre des Actes de l'état civil, Portalis observait «< que « l'état civil est une propriété qui, comme « toutes les autres, est sous la protection de « la justice. » C'est au nom de cette propriété qu'il est tout aussi nécessaire de garantir au profit des étrangers qu'au profil des Belges, que nous réclamons de la Cour le rétablissement des principes méconnus par l'arrêt dénoncé.

Nous savons que l'organisation des actes de mariage, telle qu'elle résulte de nos lois civiles modernes, est critiquée par quelques théologiens (4); mais elle doit être fermement maintenue par les juges qui sont les ministres de la loi; si le droit préventif de l'officier civil n'est point approuvé par le prêtre au point de vue du dogme, il doit être respecté par le citoyen au point de vue de l'ordre civil; la lutte serait impossible puisqu'elle est illicite, et les forces seraient inégales entre le ministre du culte qui néglige la loi et la loi elle-même armée de sa sanction. Si l'on n'est point convaincu, par la pratique universelle et constante, de la légitimité du droit du pouvoir civil, on doit se laisser guider par le respect des lois qui étendent sur tous leur empire. Nous appuyerons ces dernières réflexions du texte du quarante-deuxième canon du concile de Latran tenu en 1215: « Sicut volumus ut « jura clericorum non usurpent laïci, ita velle debemus ne clerici jura sibi vindi<< cent laïcorum ; quocircà universis clericis « interdicimus ne quis pretextu ecclesias«<licæ libertatis suam de coetero jurisdic<< tionem extendat in præjudicium justiciæ « secularis, sed cententus existat constitu« tionibus scriptis et consuetudinibus hacte«nus approbatis.

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culaire émise en 1810 par le ministre de la justice; cette circulaire ne saurait valoir ici que comme opinion personnelle.

(4) Voir là-dessus principalement Devoti, Instit. canon., cxvn; l'Introduction de Fréd. Portalis à l'ouvrage cité plus haut, p. Lxx et suiv., sur le sens du principe: le mariage est un contrat essentiellement civil; le discours de l'abbé Verbeke au congrès national. Comp. Pey, de l'Autorité des deux puissances, vol. 2, ch. 3, § 8; Traité des bornes de la puissance ecclés. et civ., par Delpech de Mérinville, p. 85; Brunneman, de Jur. eccles., p. 586.

Nous n'avons pas du reste l'intention de mettre en doute, dans le procès actuel, la bonne foi du défendeur en présence de la délégation de son supérieur ecclésiastique; celte bonne foi est même reconnue par l'arrêt attaqué qui en argumente pour relaxer le prévenu. Mais, à ce second point de vue, l'arrêt méconnaît les principes, commet un excès de pouvoir et doit être cassé. Nous abordons cette dernière partie de la discussion.

La Cour d'appel constate que le curé a été de bonne foi, qu'il a agi sans intention de nuire, sans intérêt. Nous le reconnaissons volontiers avec l'arrêt dénoncé, mais nous nous séparons absolument des conséquences que la Cour a déduites. Il ne peut être ici question de bonne foi parce qu'il s'agit de contravention à une loi d'ordre matériel qu'il faut non discuter mais respecter.

Il s'agit ici d'un fait qui, quoique puni d'une amende correctionnelle, est cependant qualifié de contravention; ce fait est une première infraction à l'article 199, laquelle n'est considérée par le législateur que comme une simple négligence, et l'amende, dans ce cas, est un avertissement donné au prêtre contrevenant qui ne sera considéré comme coupable d'un délit ou d'un crime qu'en cas de première ou seconde récidive. Les discussions du conseil d'Etat sur l'article 199 sont explicites et ne laissent pas le moindre doute sur l'intention du législateur (Voy. Chauveau et Faustin, vol. 2, p. 225.) L'art. 199 règle, on l'a vu, une matière d'ordre et de police intérieure; en vertu de l'article 1er du Code civil, toute loi régulièrement promulguée et publiée est censée connue de tous les citoyens; personne ne peut exciper d'ignorance d'une disposition législative prescrivant une formalité ou défendant un acte; et s'il est vrai, comme nous croyons l'avoir établi, que l'article 199 ne distingue pas entre les étrangers et les Belges ; s'il est vrai que l'article 3 du Code civil ne permet pas de distinguer, il restera vrai que le défendeur a contrevenu à la loi.

Or, c'est un principe bien ancien et qu'on s'étonne de voir ici méconnu, « que lorsqu'il

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<< due bonne foi puisse servir d'excuse à ceux

qui y contreviennent. » Ces paroles sont extraites de votre arrêt du 24 avril 1843 (Bull., 1843, p. 338), rendu sur les conclusions conformes de M. l'av. gén. Decuyper, dans une espèce où il s'agissait d'une contravention à la loi du 24 mars 1838 sur les ventes publiques de marchandises neuves. Plus récemment, ces principes ont été développés par M. l'avocat général Sévin, devant la Cour de cassation de France qui les a consacrés en matière de contravention aux lois sur la police de la presse : «< Ici, disait « l'honorable magistrat, pas d'intention cri« minelle à rechercher, pas d'appréciation « morale à faire, mais un pur fait à consta«ter, un fait qui, si la loi n'avait pas parlé, « serait, en justice et en morale, compléte«ment indifférent » (S. V., 51, 1, 140). «En matière de contravention, disait à son « tour M. le procureur général Dupin, le «fait est surtout à considérer » (S. V., 51, 1, 630) (1). C'est en se fondant sur ces principes que les auteurs ont recherché quelles étaient les dispositions de nos lois où le fait matériel suffit pour entraîner la punition, où nulle excuse, nulle erreur justificative n'est admissible dans son Répertoire général du droit criminel (vis Bonne foi et contra. vention), Morin établit qu'il ne faut pas, dans les poursuites en matière forestière, de douanes, de postes, de contributions indirectes, de police de l'imprimerie, rechercher l'intention délictueuse; il rappelle qu'il en est de même pour la poursuite de faits correctionnels qualifiés dans un grand nombre d'articles du Code pénal, parmi lesquels nous trouvons l'article 199 (2). Dans son

plaidoyer du 26 février 1807 (Répertoire, vo Délit forestier, § 15), Merlin s'exprimait ainsi : « On sait assez qu'il en est des lois « forestières, comme des contraventions aux « lois sur les douanes, comme des contra«ventions aux lois de la garantie en matière << d'or et d'argent; que ces contraventions «< constituent par elles-mêmes des délits, soit << que les auteurs aient été de mauvaise foi, « soit qu'ils aient agi dans des intentions "pures; que dans ces affaires, la loi ne

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considère que le fait matériel. » Le même auteur (Questions, vo Octrois municipaux, §2) établit les mêmes principes en matière d'octrois municipaux ; et l'on doit raisonner de même en matière de poids et mesures,

234, 258, 269, 274, 319, 520, 358, 410, 411, 450, 457 à 462.

de police de roulage ou d'entreprises de voitures publiques, etc., comme l'a fait du reste notre jurisprudence dans des monu. ments très-nombreux pour être rapportés ici. En serait-il autrement dans un cas qui offre, avec le présent procès, une grande analogie aux termes de l'article 197 de la loi du 8 janvier 1817, l'officier de l'état civil est tenu de se faire représenter le certificat de milice du futur époux; échappera-t-il à l'amende de 1,000 florins sous prétexte d'erreur de droit, de fausse interprétation de la loi, de bonne foi? La négative est certaine et elle a été consacrée par une décision dont la date nous échappe, mais dont nous avons retenu le dispositif. Et si tout ce que nous venons de rappeler à la Cour est vrai, la doctrine emise par l'arrêt attaqué ne saurait se soutenir. Ce que la loi veut, en effet, c'est un fait volontaire dont la conséquence est la violation de la loi; et cela existe ici.

Pour justifier l'admission de la bonne foi du défendeur, l'arrêt dénoncé dit à deux reprises que le prévenu a affirmé à l'audience qu'il croyait que l'article 199 ne concernait pas les mariages contractés entre étrangers. Observons qu'en droit comme en raison, l'affirmation d'un prévenu n'a aucune valeur juridique en tant qu'affirmation; un prévenu se défend comme il l'entend; il est dispensé de prouver son innocence lorsque le ministère public ne prouve pas sa culpabilité; mais lorsque, comme dans l'espèce, le fait poursuivi est établi et non contesté, l'affirmation du prévenu, quant à son intention, n'a aucune valeur légale. Et notons, en passant, que l'affirmation rappelée par la Cour devait d'autant moins influer sur son appréciation que le défendeur, dans son interrogatoire devant le juge d'instruction, a déclaré que, quant à l'acte de l'état civil, il avait supposé que tout avait été réglé par les auteurs de la délégation. L'arrêt dénoncé argumente du défaut d'intérêt et de l'obéissance que le défendeur devait à son supérieur ecclésiastique c'est supposer, contrairement à tous les principes, qu'en matière de lois de police ou de statut actuaire il faut autre chose que l'omission de formalités prescrites; c'est supposer que l'obéissance hiérarchique peut imposer l'obligation de violer la loi; il suffit d'énoncer cette supposition pour la condamner. Le doute sur l'applicabilité de la loi pouvait-il, dans l'espèce, amnistier le contrevenant? Mais dans le doute, puisqu'on le reconnaît, il fallait, non pas violer, mais respecter la loi; il y aurait là plutôt matière à un reproche de mauvaise foi qu'à

un fait justificatif. — Est-il vrai, comme le porte l'arrêt attaqué, que le juge, affranchi ici de toute disposition législative, doive et puisse consulter l'équité pure et la raison seule, et apprécier les circonstances justificatives de l'intention pour amnistier le contrevenant? Mais il existe une loi qui fait présumer la connaissance de toutes les lois, c'est l'article 1er du C. civ.; cet article ne permet pas d'alléguer l'erreur de droit, c'est-à-dire l'ignorance de la loi. Dès lors l'équité n'a que faire ici, puisque nous avons reconnu que la contravention à l'article 199, reconnue en fait, est punissable en vertu même de son existence matérielle, précisément parce que personne n'est censé ignorer la loi, précisément parce que les lois de police obligent plus rigoureusement les citoyens comme les étrangers, et exercent leur empire sur tous ceux qui habitent le territoire où elles ont été régulièrement publiées. Tels sont, suivant nous, les vrais principes; s'il était permis de s'en écarter, les abus de l'équité, de la tolérance, de l'indulgence seraient énormes, et les lois réglementaires et d'ordre public seraient sérieusement compromises. La qualité des personnes, comme la nature des actes, viendraient en compte devant les tribunaux, l'égalité devant la loi serait anéantie, les considérations de fait domineraient les considérations de droit, la loi perdrait sa puissance et sa majesté en cessant d'être impartiale, le juge occuperait la place du législateur; vous n'ouvrirez pas la porte à de tels abus; nous sommes convaincu que la Cour de Liége serait la première à les condamner, et c'est parce que son arrêt y conduit que nous le combattons.

Nous nous résumons et nous disons : 1o le ministère public n'est point déchu de son pourvoi, parce que la notification a eu lieu après le délai de trois jours fixé par l'article 418 du C. d'inst. crim., il n'y a pas même lieu de surseoir à prononcer, puisque le défendeur ne demande ni remise ni délai fondés sur le retard de la notification; 2o l'article 199 du C. pen. doit être appliqué au ministre du culte qui a procédé à la bénédiction nuptiale de deux étrangers aussi bien qu'à celui qui a procédé à l'égard de deux Belges ou d'un Belge et d'un étranger, parce que la constatation authentique du mariage ne peut être faite en Belgique que par l'officier de l'état civil, seul qualifié à cet effet par la loi belge, et que cette loi, étant une loi de police, oblige les étrangers comme les Belges, et, par réversion, oblige le ministre du culte à l'égard des Belges

comme à l'égard des étrangers, parce qu'en outre, en vertu de la maxime locus regit aclum, tout acte de mariage doit être reçu par l'officier civil, et que les actes authentiques sont, suivant l'expression de Boullenois, les enfants de la loi locale; parce qu'enfin il ne peut être question ici d'argumenter du statut personnel, la forme des acles appartenant au contraire essentiellement au statut réel ou territorial; 3o l'acquittement fondé sur la bonne foi ou l'absence d'intention frauduleuse dans le chef du défendeur, constitue un excès de pouvoir et une violation des principes qui régissent l'application des lois pénales aux violations des lois d'ordre et d'organisation publique.

Nous concluons en conséquence à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt dénoncé, condamner le défendeur aux dépens, renvoyer la cause et le prévenu devant une autre Cour d'appel pour être fait droit suivant la loi.

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En droit Attendu que par suite de la publication en Belgique de la loi du 20 septembre 1792, les curés ont été dépouillés de la qualité d'officiers de l'état civil et que les officiers municipaux ont été investis de cette qualité;

Attendu qu'à partir de cette époque l'on a dù distinguer l'acte civil du mariage, de la bénédiction nuptiale, et qu'aux yeux de la loi, l'acte civil du mariage a pu seul conférer la légitimité aux enfants;

Attendu que pour déraciner l'opinion de ceux qui pensaient encore que le sacrement suffisait, ou qui ne voulaient pas se soumettre à la loi nouvelle, et qui exposaient ainsi leurs enfants à tous les inconvénients de Pillégitimité, l'art. 54 de la loi du 18 germinal an x, dans l'intérêt des enfants et des époux eux-mêmes, a défendu aux ministres du culte de donner la bénédiction nuptiale à d'autres qu'à ceux qui justifieraient en bonne et due forme avoir contracté mariage devant l'officier de l'état civil;

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Attendu que cet article fait partie de la section 3 du titre Ier du liv. III du C. pénal, intitulée: Des troubles apportés à l'ordre public par les ministres des culles dans l'exercice de leur ministère;

Attendu que ces lois comme lois de police et d'ordre public atteignent tout prêtre qui procède aux cérémonies religieuses d'un mariage en Belgique, sans qu'il ait été précédé d'un mariage contracté devant l'officier de l'état civil, d'où il suit qu'il suffit que les cérémonies religieuses du mariage aient eu lieu en Belgique, sans mariage préalable devant l'officier de l'état civil, pour que la peine doive être appliquée, et sans distinguer si ceux qui veulent se marier sont Belges ou étrangers;

Attendu que l'article 16 de la constitution belge est conçu dans le même esprit; il porte en effet « Le mariage civil devra toujours « précéder la bénédiction nuptiale, sauf les « exceptions à établir par la loi, s'il y a lieu;">

Attendu que cet article prouve que jusqu'à sa rédaction il n'y avait pas d'exception au principe qu'il érigeait en constitution, et que s'il réservait au législateur le pouvoir d'en établir, celui-ci n'a pas trouvé convenable d'en créer depuis lors;

Attendu qu'on invoquerait en vain le statut personnel, puisqu'il ne s'agit pas ici de la capacité des personnes pour contracter mariage, mais des formes constitutives d'un acte de mariage en Belgique et par conséquent réglé par les lois belges pour les formalités qui le constituent d'après la maxime locus regit actum;

Attendu en effet qu'indépendamment des statuts personnels et réels, il y en a une troisième espèce, ce sont ceux qui régissent la forme des actes, n'importe entre quelles personnes ils sont passés, et qu'il est de règle qu'on doit se conformer pour la forme des actes aux lois du lieu où on les passe;

Attendu que si le mariage contracté devant le curé est valable dans les pays dont sont originaires ceux qui ont reçu la bénédiction

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