Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

3o Moren: Violation des art. 1er, 2, 4 et 14 de la loi du 27 décembre 1817, et par relation de l'art. 25 de la même loi, de l'art. 64 de la loi du 22 frimaire an vii, et de l'art. 1050 du C. de pr.

Par ses conclusions subsidiaires la régie avait soutenu que l'acte du 25 avril 1844 avait au moins réalisé, au décès de Pierre Melis, une donation entre vifs ou une transmission à titre onéreux de propriétés immobilières. En décidant que la contrainte devait être considérée comme inopérante et de nulle valeur à l'effet de réclamer des droits que la loi du 22 frimaire an vir élablit sur de pareilles transmissions, par le motif que les poursuites de la régie n'avaient pas jusqu'alors pour objet la prescription de ces droits, le tribunal de Charleroi a créé des nullités non prévues par la législation spéciale qui règle le mode de procéder au recouvrement des droits, et a violé les textes cités à l'appui du troisième moyen. La contrainte n'indiquait pas l'espèce de droits dont la régie entendait poursuivre le recouvrement; des droits étaient réellement dus, peu importait que ce fùt en vertu de la loi de frimaire an VII ou de la loi de 1817, puisque la forme de procéder était la même, et que le fait donnant lieu à la débition était le décès de Pierre-Joseph Melis; il n'y avait de différence que dans la quotité du droit.

L'erreur du tribunal de Charleroi est d'autant plus évidente qu'on peut soutenir que les défendeurs étaient tenus, comme héritiers institués, de payer la totalité des droits qui pouvaient être dus pour toutes les transmissions auxquelles le décès de P. J. Melis donnait ouverture, ou tout au moins de comprendre dans la déclaration de succession les biens qui faisaient l'objet de cette transmission, surtout si les dispositions de l'acte du 25 avril 1844 devaient

être considérées comme conférant des libé ralités aux associés survivants.

Réponse des défendeurs Augustin Melis et Eugène Pecquereau.

Les défendeurs répondent au premier moyen 1o que le reproche adressé au juge de s'être préoccupé exclusivement de l'interprétation des stipulations du contrat de société sans examiner leur valeur juridique aboutit à un défaut de motifs, moyen que l'administration n'a point invoqué dans son pourvoi;

2o Que jamais devant le juge du fond la régie ne s'est fait un moyen de la nullité du contrat de société; qu'au contraire elle s'est appuyée sur les clauses de cet acte en voulant y trouver des libéralités à cause de mort; le tribunal ne peut donc avoir violé la loi quant à un point dont on ne l'avait pas saisi ;

5o Que le tribunal de Charleroi a implicitement décidé la question de validité du contrat en décidant en fait qu'il ne contenait que des conventions synallagmatiques, tandis que tout le moyen de la régie se base sur l'existence d'une prétendue donation;

4o Enfin que toute l'argumentation du pourvoi est fondée sur ce qu'il y aurait libéralité, question qui a été résolue en fait par le jugement attaqué. Ce n'est que comme conséquence de celle décision en fait qu'il y a dans le jugement négation implicite des nullités proposées par la régie: le pourvoi ne peut remettre en question des faits décidés d'une manière souveraine.

Les défendeurs répondent au deuxième moyen que le tribunal n'a pas eu à décider si c'était aux héritiers à payer le droit dù pour une donation à titre particulier et à cause de mort; mais il a décidé en fait que nulle libéralité n'avait eu lieu, et qu'il s'agissait d'un contrat synallagmatique et irrévocable à l'existence duquel l'article 1525 ne faisait aucun obstacle.

Enfin les défendeurs répondent au troisième moyen que la contrainte avait été décernée contre eux en leur qualité d'héritiers de Pierre-Joseph Melis pour n'avoir pas compris divers immeubles dans la déclaration des biens dépendants de la succession. Le tribunal était donc uniquement saisi de la question de savoir si la déclaration de succession était inexacte, sans pouvoir connaitre des prétentions que la régie aurait pu faire valoir à d'autres titres que ceux qui servaient de base à la contrainte décernée. Cette contrainte devait donc être

déclarée nulle du moment que les opposants n'étaient pas tenus en leur qualité d'héritiers des droits réclamés, c'est-à-dire des droits de succession sur le pied de la loi du 27 décembre 1817.

Vainement dit-on que la qualification d'héritiers était exacte par suite du caractère de libéralité des dispositions de l'acte de société ; les défendeurs répondent que ce point est jugé souverainement en fait d'après l'intention des parties contractantes. D'ailleurs il n'est pas exact de dire que le tribunal n'a pas examiné si l'acte de 1844 n'avait pas au moins réalisé, au décès de Melis, une donation entre-vifs ou une transmission à titre onéreux, car le jugement a décidé cette question négativement d'une manière implicite, en déclarant que cet acte ne contenait que des conventions synallagmatiques et irrévocables.

Réponse des défenderesses Clémentine André, Célestine André et Félicie-Honorine Grandel.

Le 13 mars 1851, ces trois défenderesses ont déposé au greffe de cette Cour un mémoire intitulé : « Réponse pour Clémentine André, Célestine André et Félicie-Honorine Grandel, à un pourvoi en cassation formé par l'administration de l'enregistrement, etc., et en présence des sieurs Augustin Melis et Eugène Pecquereau, également défendeurs au même pourvoi

»

Dans ce mémoire les défenderesses demandaient la cassation du jugement attaqué pour violation de plusieurs dispositions du Code civil et du Code de commerce, en ce que le jugement avait reconnu comme valable et obligatoire le contrat de société du 25 avril 1844.

Subsidiairement, et pour le cas où la Cour ne croirait pas devoir casser le jugement allaqué pour cause de nullité de l'acte de société, elles soutenaient que le pourvoi de l'administration n'est pas recevable, en ce qui les concerne, par le motif qu'elles prétendent n'avoir pas été parties au jugement du 7 juillet 1849. Puisque Augustine Grandel était décédée avant que la cause ne fut en état, il y avait lieu à reprise d'instance, aux termes des art. 342 et suiv. du C. de proc., pour que le jugement put être opposé à ses héritiers.

Les défenderesses n'avaient joint à leur pourvoi ni l'expédition du jugement attaqué, ni la preuve de la consignation de l'amende; leur pourvoi n'avait pas été notifié aux autres défendeurs en cassation.

Le 12 avril 1851, elles ont déposé au

greffe des conclusions nouvelles signifiées à M. le ministre des finances.

Par ces conclusions elles déclarent rétracter leur demande d'annulation du jugement, acquiescer au pourvoi, en tant qu'il est fondé sur le premier moyen; subsidiairement conclure à la non-recevabilité du pourvoi contre elles, en ce qu'elles n'ont pas été parties au procès, leur auteur étant décédé avant que la cause ne fût en état, el aucune reprise d'instance n'ayant eu lieu, quoiqu'elle dut être faite; subsidiairement conclure au rejet du pourvoi.

ARRÊT.

LA COUR; Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par Clémentine André, Célestine André et Félicie-Honorine Grandel, et consistant en ce qu'elles n'auraient été parties au jugement attaqué ni par ellesmêmes ni par leur auteur Augustine Grandel, par le motif que cette dernière était décédée avant que la cause fùt en état et qu'il y avait lieu à reprise d'instance pour que le jugement fùt obligatoire contre ses héritiers institués;

Attendu que le décès d'Augustine Grandel dans le cours de l'instance pendante devant le tribunal de Charleroi n'ayant jamais été notifié à l'administration de l'enregistrement, il ne pouvait y avoir lieu reprise d'instance, aux termes de l'article 344 du Code de procédure civile;

Que d'ailleurs le jugement a été nominativement rendu au profit d'Augustine Grandel, auteur des trois défenderesses, sur une opposition formée en son nom à la contrainte décernée contre elle, et que jamais aucun désaveu n'a été formé par ses héritiers;

D'où résulte que la fin de non-recevoir n'est pas fondée;

Au fond, sur les deux premiers moyens de cassation tirés de la violation des articles 1832, 1855, 943, 895, 894 et 944 du Code civil, des articles 1, 2, 4 et 14 de la loi du 26 décembre 1817;

Attendu que par les actes de société dont s'agit, il a été stipulé qu'en cas de décès de l'un des associés, la société continuerait d'exister entre les survivants, et que les héritiers légaux ou institués du sociétaire décédé perdraient tous droits quelconques à l'association et aux biens qui en dépendent et ne pourraient prétendre qu'au payement d'une somme de 150 francs;

Attendu que devant le tribunal de Charleroi, la régie de l'enregistrement acceptant

comme valable les actes de société et notamment la clause dont s'agit, a soutenu que cette clause renfermait un abandon éventuel à titre gratuit par chacun des contractants au profit des autres, de sa part dans les biens communs, et a conclu en conséquence à ce qu'il plut au tribunal statuer que la contrainte sortira ses effets à concurrence d'un quatorzième des biens y énoncés et que les opposants seront tenus de passer déclaration de tous les autres biens communs pour payer les droits sur le quatorzième de leur valeur vénale;

Attendu que la contestation soumise au tribunal par suite de ces conclusions consistait uniquement à savoir si l'attribution des parts des sociétaires prèmourants aux survivants constitue un abandon à titre gratuit donnant ouverture au payement des droits de succession;

Attendu que la partie demanderesse ne peut aujourd'hui changer l'état du litige, et que les divers moyens de nullité qu'elle soulève contre la convention dont s'agit et qu'elle prétend tirer de l'appréciation des diverses clauses des actes de société universelle, contrairement aux conclusions qu'ellemême avait prises, constituent des moyens nouveaux, sur lesquels le tribunal de Charleroi n'a point eu à statuer et qui ne pouvaient être proposés pour la première fois devant la Cour de cassation;

Attendu d'ailleurs que le jugement attaqué a reconnu à la clause qui attribue aux survivants les parts sociales des prémou rants, par un payement d'une somme de 150 francs, le caractère d'une convention synallagmatique irrévocable; que dans son mémoire en cassation, la partie demanderesse n'a invoqué la violation d'aucune disposition qui attribuerait à cette clause le caractère d'un acte de libéralité;

Qu'il en résulte qu'en décidant que la clause ne pouvait donner ouverture aux droits de succession, le jugement attaqué ne peut avoir violé ni les articles 943, 893, 894 et 944 du Code civil relatifs aux donations, ni les dispositions de la loi du 27 décembre 1817 qui ne soumettent aux droits de succession que les transmissions par décès à titre gratuit.

Sur le troisième moyen de cassation tiré de la violation des articles 1, 2, 4 et 14 de la loi du 27 décembre 1817 et par relation, de l'article 25 de la même loi, de l'art. 64 de la loi du 22 frimaire an vui, et de l'article 1050 du Code de procédure:

Attendu que le jugement attaqué constate

que la contrainte décernée par l'adminis tration de l'enregistrement était exclusivement relative aux droits de succession auxquels le décès de P. J. Melis aurait donné ouverture; que l'opposition des défendeurs à cette contrainte n'a saisi le tribunal de Charleroi que de la question de validité de cette contrainte ainsi libellée; que cette contrainte ne pouvait évidemment servir de base à des poursuites pour le payement des droits d'enregistrement auxquels les stipulations des actes de société universelle dont s'agit peuvent donner lieu, et qu'elle devait être annulée dès qu'il était reconnu que les droits de succession réclamés n'étaient pas dus;

Attendu que les conclusions subsidiaires de la régie tendant au payement d'un droit de mutation, à titre onéreux ou à titre de donation en vertu des dispositions de la loi du 22 frimaire an VII, constituaient une demande nouvelle complétement distincte de celle qui faisait l'objet de l'instance engagée entre les parties et sur laquelle le tribunal de Charleroi ne pouvait être appelé à pro noncer;

Pour ces motifs, donne acte aux défenderesses Clémentine André, Célestine André et Félicie-Honorine Grandel, de ce qu'elles ont déclaré révoquer tout ce qui, dans le mémoire en défense déposé par elles le 13 mars 1851, pourrait être considéré comme constituant un pourvoi en cassation; rejette la fin de non-recevoir opposée par elles au pourvoi de l'administration, et statuant au fond entre toutes les parties sur les deux pourvois formés par le ministre des finances, par suite de l'arrêt de jonction, en date du 24 juillet 1851, rejette lesdits pourvois, condamne, etc.

[blocks in formation]

mages-intérêts fondée sur semblable rétractation. (Loi du 24 août 1790, tit. II, article 13; Const., art. 92.)

(CHRISTOPHE, C. BOULANGER.)

Pierre Boulanger, fils du défendeur en cassation, milicien de la classe de 1849, ayant été désigné par le sort pour être incorporé, le demandeur en cassation, agissant en qualité d'échevin certificateur pour la milice, lui délivra, sous la date du 13 mars de ladite année, un certificat constatant que ce milicien avait droit à l'exemption du service comme unique soutien de ses père et mère.

Ce certificat, bien que fait avec l'intervention de trois habitants de la commune, n'ayant pas été revêtu de la signature du bourgmestre comme le veut la loi, le conseil de milice n'y prit aucun égard, et le milicien s'étant pourvu devant la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, celle-ci fit rechercher les causes de l'irrégularité reprochée au certificat.

Le 9 avril suivant, avant que la députation eût rendu sa décision, le demandeur Christophe délivra une nouvelle attestation par laquelle il certifia le contraire de ce qu'il avait déclaré auparavant, c'est-à-dire qu'il affirma que le milicien Boulanger n'était pas le soutien de ses parents, et que s'il avait signé le certificat du 15 mars, c'était parce qu'il y avait été contraint moralement par la menace d'être poursuivi devant les tribunaux.

Par décision du 18 avril, la députation maintint celle du conseil de milice.

Par suite de cette décision, Pierre Boulanger ayant été incorporé, son père, défendeur en cassation, a, par exploit du 9 août de la même année, cité l'échevin Christophe devant la justice de paix du canton de Florenville, arrondissement d'Arlon, concluant à ce qu'il fut condamné à cent francs de dommages-intérêts pour, après avoir le 13 mars, et sur l'attestation de trois habitants notables de la commune, sur lesquels (disait le poursuivant) toute la responsabilité morale devait reposer, librement et sans contrainte, délivré un certificat au moyen duquel son fils devait obtenir l'exemption de service comme soutien de ses parents, avoir attesté postérieurement le contraire, et avoir par là donné lieu au départ de son fils au préjudice du poursui

vant.

L'échevin Christophe soutint que le juge

de paix était incompétent pour connaitre de la demande.

Malgré cette défense, le juge de paix se déclara compétent, et statuant au fond, condamna le cité à cinquante francs de dommages-intérêts.

Appel ayant été interjeté de cette décision devant le tribunal d'Arlon, et l'appelant ayant élevé de nouveau la question d'incompétence, intervint le jugement qui fait l'objet du pourvoi en cassation. Ce jugement porte:

«Attendu que l'intimé avait traduit l'appelant devant le juge de paix du canton de Florenville, pour avoir rétracté une déclaration donnée en faveur de son fils milicien, en sa qualité de conseiller certificateur, et pour lui avoir par ce fait occasionné un préjudice notable;

«Attendu qu'aux termes de l'art. 1582 du Code civil, tout fait quelconque de Phomme qui cause du dommage à autrui oblige celui par la faute de qui il est arrivé de le réparer ;

« Attendu que l'action en réparation du dommage causé constitue un droit civil, et qu'aux termes de l'article 92 de la constitution belge, c'est à l'autorité judiciaire d'en connaître ;

« Attendu que l'on opposerait en vain que l'appelant n'ayant fait que poser un acte d'administration, il n'appartient pas aux tribunaux d'en apprécier la valeur, puisque les dispositions de la loi précitées, n'établissent aucune distinction en faveur des personnes n'ayant agi que dans l'exercice de leurs fonctions administratives;

K

Que dans l'espèce, les lois des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820 consacrent au contraire, d'une manière formelle, la responsabilité des agents qui concourent aux exemptions du service de la milice, et qui auraient manqué à leurs obligations et devoirs;

«Attendu que la question de savoir si le fait reproché à l'appelant constitue de sa part une faute ayant porté préjudice au demandeur originaire regarde le fond du droit que le tribunal n'est pas appelé à apprécier, que la seule question lui soumise est une question de compétence en matière civile, et sur laquelle il peut se prononcer sans critiquer d'une façon quelconque un acte de l'administration et sans vouloir le réformer;

« Attendu au surplus que la demande formée rendait le premier juge compétent pour décider en dernier ressort; «Par ces motifs, met l'appel au néant, etc. »

Pourvoi par Christophe.

Le premier moyen, le seul qu'il importe d'analyser, est tiré de la violation des artiticles 185, 189, 190 de la loi du 8 janvier 1817; 15, 48, 49 de la loi du 27 avril 1820, et 13, tit. II, de la loi des 16-24 août 1790.

La question qu'il s'agit de décider, et qui a réellement, dit-il, été résolue par le jugement attaqué, est celle de savoir si le pouvoir judiciaire est competent pour apprécier, à fin de dommages-intérêts, un acte administratif posé par un fonctionnaire administratif auquel la loi donnait ce droit, et qui plus est, imposait le devoir de poser cet

acle.

Après avoir ainsi posé la question, le pourvoi s'attache à établir, par le rapprochement des textes des articles des lois de 1817 et 1820, cités à l'appui du premier moyen, que la délivrance des certificats de milice par les fonctionnaires certificateurs constitue un acte purement administratif qui ne peut être apprécié que par l'autorité administrative supérieure.

Qu'il en résulte que les certificateurs sont appelés à vérifier par eux-mêmes si le milicien qui prétend jouir de l'exemption remplit réellement les conditions requises à cet effet, et à éclairer sur ce point l'autorité compétente en leur âme et conscience, d'où le pourvoi tire la conséquence que ces certificateurs ont, non-seulement le droit, mais le devoir de révoquer un certificat qu'ils auraient délivré à tort, et qu'ils doivent pouvoir user de ce droit aussi librement et d'une manière aussi absolue que lorsqu'ils délivrent le certificat même.

Le tribunal d'Arlon, ajoute le demandeur, n'a pas méconnu le caractère administratif du fait dont il s'agit au procès, mais il n'en a tenu aucun compte, et il a agi comme s'il l'avait méconnu; en cela il a violé les textes des lois de 1817 et 1820, invoqués à l'appui du premier moyen, et en déclarant que le pouvoir judiciaire était compétent pour connaître d'une action intentée à un fonctionnaire à raison d'un acte dommageable posé par lui dans l'exercice de ses fonctions, question que le tribunal s'est posée en tête de son jugement, il a violé l'art. 73, tit. II, de la loi des 26-24 août 1790, qui interdit aux juges de citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.

Avis du ministère public :

Les dommages-intérêts réclamés en conformité de l'article 1582 du C. civ. ne peuvent être alloués qu'à raison d'un fait illicite;

il faut donc que le juge reconnaisse préalablement que celui qui les réclame est victime à raison d'un acte posé illicitement. Enfin pour reconnaître au fait ce caractère d'illégalité, il faut que le juge ait le pouvoir d'apprécier ce fait, qu'il soit compétent pour le discerner, qu'il ait mission de proclamer l'existence d'une obligation, et de condamner à toutes les conséquences de l'inexécution de cette même obligation.

Ces principes ainsi fixés, attachons-nous à déterminer le véritable objet du litige.

Le demandeur en cassation est l'un des membres du conseil communal désigné pour la délivrance des certificats en matière de milice.

Après avoir apposé sa signature au bas du certificat délivré au fils de Pierre Boulanger, il a attesté postérieurement le contraire de ce qui était consigné dans le premier certificat; à raison de cette attestation nouvelle, à raison de la révocation de l'attestation première, le milicien a été obligé de servir. Telle est l'origine du procès, et à raison du dommage prétendùment souffert, Christophe a été assigné en réparation devant le juge de paix du canton de Florenville.

Boulanger, père du milicien, dit donc au demandeur en cassation:

Vous avez rétracté le certificat que vous aviez délivré; vous n'avez pas persisté dans votre déclaration première; par ce retrait Vous avez empêché que mon fils obtint son exemption du service, et vous me devez réparation pour le tort que vous m'avez causé.

Mais pour que le fait reproché à Christophe soit légalement un fait dommageable, il faut de toute nécessité qu'on le considère comme illicite, que le juge puisse dire qu'il était illicite; il faut, en d'autres termes, que le juge puisse dire à Christophe : vous deviez délivrer le certificat réclamé; après l'avoir délivré vous deviez persister dans votre attestation première.

Si le juge n'a pas le pouvoir de consacrer semblable obligation dans le chef de Christophe, le juge ne peut décider qu'il a contrevenu à son obligation; on ne peut être juge des conséquences dommageables d'un fait quand on ne peut contraindre à poser le fait.

Aussi qu'est-il arrivé dans l'espèce? C'est que le juge de paix du canton de Florenville, pour fonder la condamnation à des dommages-intérêts, a décidé positivement que

« PreviousContinue »