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concours de tous les intéressés. Ce concours, s'il n'est pas nécessaire pour les faits ou actes qui tournent au profit commun ou qui sont avantageux à la société, est substantiellement nécessaire pour les faits ou actes qui tendent soit à grever le fond commun, soit à diminuer la jouissance du copropriétaire ou du sociétaire. Les jurisconsultes se sont fondés sur le texte de plusieurs lois romaines pour établir cette distinction et pour rappeler la maxime fondamentale, en cas de conflit ou de désaccord : prohibentis melior est conditio.

« Requiritur utriusque domini voluntas, << ut aliqua de re communi dispositio utili« ter fieri possit; quare, invito altero, nemo « dominorum quicquam jure facere potest; unde prohibentis meliorem esse conditio« nem, dici solet (1). » Tel est le résumé que donne Warnkoenig en citant les lois qui le lui dictent. Mais s'il s'agit d'actes conservatoires ou revendicatoires ou d'interdits, le copropriétaire peut valablement agir seul dans l'intérêt commun: « Nil interest, vin

dicans habeat dominium irrevocabile an << revocabile, plenum an minus plenum; << utrum solus rei dominus sit, an res ipsi « cum aliis pro indiviso sit communis (2). » Sans doute, nul des copropriétaires ne perd le droit de disposer de son bien, mais dans les limites de sa jouissance, et il ne peut transférer que son droit (3). Conçoit-on, dans ces termes, la cession ou la location du droit de chasse sur le terrain commun par un seul des copropriétaires? En matière ordinaire, le copropriétaire indivis ne peut louer seul le bien commun (4); le juge ne respectera le bail ainsi fait que dans des cas extraordinaires, lorsque le copropriétaire aura été dans l'impossibilité de manifester sa volonté en matière de chasse, la prohibition semble devoir être plus rigoureuse encore, puisque le copropriétaire qui ne cède pas son droit est censé vouloir se réser

(1) Comment. juris rom..., $203; 1. 28, D. 10, 3, Comm. divid.; l. 10, pr., D. 59, 9; Adde Voet, 8, 5, 7.

(2) Même ouvrage, § 268; 1. 66 et 1. 55, § 5, D. 6, 1, de rei vind.; I. 25, D. 50, 16, de verbor. signif.; Comp. Schilter, ad l. 5, § 1, de verbor. signif.

(3) Par une division intellectuelle qui a motivé ce texte romain (D. 6, 1, 55, § 3): corum quæ sine interitu dividi non possunt, partem petere posse constat.

(4) Troplong, du Louage, nos 100 et 428.

(༦) a Si la propriété est indivise, dit M. Bonjean, du Droit de chasse, no 74, le consente

PASIC., 1852. 1re PARTIE,

ver une jouissance par sa nature indivisible et qu'il n'entend partager qu'avec son copropriétaire, qui seul a le droit d'en jouir indivisiblement à l'encontre du premier (5).

L'indivisibilité du droit de chasse sur un terrain et non partagé ne semble pas pouvoir être mise en doute; il s'agit là d'un de ces droits pour la jouissance desquels «<le terrain entier est nécessaire (6), » et l'on ne concevrait pas que l'un des propriétaires pùt céder son droit de chasse sur la moitié par exemple d'un domaine indivis. Il s'agit là de ces droits que Dumoulin a caractérisé dans ces lignes citées par les annotateurs de Zachariæ: Non causatur individuitas unisi ex eo quod res debita, vel sui naturâ, << vel ut debita, non potest præstari seu solvi << ex parte. » La jouissance de la chasse appartient pour le tout à chacun des copropriétaires, mais elle apparaît comme un droit complet purement individuel dont la cession exige le concours de tous, la prohibition de l'un d'eux suffisant, par essence, pour empêcher toute substitution ou toute location.

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Evidemment la maxime melior est conditio prohibentis doit ici, pour une jouissance indivisible, recevoir une pleine application; et si nous recherchons la raison juridique de cette maxime, elle nous sera donnée par la l. 11, D. 8, 5, si servitus vind. : « Quia magis ille qui facere conatur, quodam « modo alienum quoque jus præripit, si « quasi solus dominus ad suum arbitrium «uti jure communi velit. » Il y a, de la part de celui qui pose l'acte, usurpation illicite du droit d'autrui, et toujours on peut s'opposer à semblable usurpation : « rei quæ << inter nos est communis, nulla pars ita est « mea quæ non sit etiam tua (7). »

Le droit canonique a fait de ces principes une règle connue : quod omnes tangit, debet ab omnibus approbari; cette règle exerce

ament de tous les copropriétaires est indispen«sable et le défaut de consentement de l'un d'eux << rendrait sans effet le consentement des autres. » Arrêts de Liége, 11 janvier et 10 décembre 1845, au Journ, du Pal, éd. belge, 1845, p. 121 et 514.

(6) Expressions de Zachariæ, vol. 1, p. 508, note 1, où il cite Dumoulin, de divid., part. 5, no 76 et Pothier, no 295.

(7) D. 8, 5, 11; 23, 2, 46; 1. 3, 5, § ult., 8, 2, 26; 10, 3, 28; de Méan a souvent répété les principes de ces lois, voy. Obs. 605, 276, 340; Leyser les a aussi résumés dans ses Méditationes, ad tit. III, lib. 10, spec. 118.

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des délinquants qui seraient surpris pendant un temps déterminé sur le terrain commun. Dans ces hypothèses, il ne s'agit plus, remarquez-le bien, du droit indivisible de chasse, mais du droit essentiellement divi

son empire sur tous les droits privés, et les commentateurs qui, comme Dantoine et Peckius, l'ont développée, en ont fait l'application non-seulement aux aliénations proprement dites, mais à tout fait ou acte propre à grever le fond, à diminuer la jouis-sible à des dommages-intérêts que le coprosance ou à détériorer la chose. Dantoine s'attache à concilier cette règle (la 29e du Sexte) avec la 160o, § 1, du Digeste, ainsi conçue refertur ad universos quod publicè fit per majorem partem, et il fait observer que celle-ci s'applique à des communautés, personnes civiles, collections d'individus agissant comme corps, etc.; mais, dit-il, << pour les affaires dans lesquelles chacun du << corps outre l'intérêt commun a un intérêt❘ << particulier, le consentement de tous est si << absolument nécessaire que le défaut d'un « seul est capable de rendre nul tout ce que «l'on a fait sans sa participation; c'est le principe de la règle quod omnes tangit.› Les commentateurs de la loi 74 de R. J.: non debet alteri per alterum iniqua conditio inferri, se sont également occupés, en expliquant cette règle, des conséquences du condominium et il suffira de voir ce qu'en ont dit Pierre Favre et Dantoine pour se convaincre de la fermeté du principe que nous développons ici (1): l'absence du concours de tous les intéressés individuellement exclut l'engagement de ceux qui n'ont pas agi.

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Nous croyons donc pouvoir dire que Bartholeyns n'avait pas le droit de céder son droit de chasse; c'est ce que semble admettre, du moins implicitement, l'arrêt attaqué: mais, ajoute cet arrêt, Bartholeyns « a pu « céder ses droits à des dommages éventuels « provenant d'un fait de chasse sur sa pro«priété. » L'examen de cette réserve nous conduit à la discussion de notre seconde question.

11. Le système de l'arrêt attaqué sera vrai ou faux suivant les hypothèses que l'on choisira. Supposons que le demandeur ait chassé sans permission sur le terrain indivis de Bartholeyns; celui-ci aura pu, si l'on veut, céder, à titre gratuit ou onéreux, à une autre personne, son droit de réclamer par la voie civile des dommages-intérêts : il y aura là un acte dont on aura à examiner la valeur ou la portée. Supposons même que Bartholeyns ait pu, en termes plus généraux, céder à une autre personne le droit de réclamer des dommages-intérêts civils à charge

(') Comp. Corvinus et Schilter, ad leg. 25, de verbor, signif.

priétaire est toujours libre de réclamer, même pour lui scul; remarquez en outre qu'il s'agit des dédommagements civils résultant d'un fait préjudiciable. Ces hypothèses, que nous ne voulons pas approfondir, ne sont nullement celles qui conviennent à la cause actuelle. Il ne s'agit pas, comme le dit l'arrêt attaqué, du simple droit à des dommages éventuels provenant du fait de chasse; il s'agit du droit de chasse lui-même, du droit de rendre plainte comme conséquence de la cession du droit de chasse, du droit, nonseulement de réclamer des dommages comme partie civile, mais en outre et surtout de mettre l'action publique en mouvement comme plaignant: or, ici nous nous séparons complétement du système de la Cour de Liège; nous considérons le droit de plainte comme inséparable par essence du droit de chasse, et si Bartholeyns n'a pas pu céder valablement son droit de chasse, il n'a pas pu céder isolément son droit de plainte. Démontrons ce principe.

A qui appartient le droit de chasse? Au propriétaire ou à ses ayants droit (article 2 de la loi du 26 février 1846). A qui appartient le droit de rendre plainte? Au propriétaire de la chasse ou à ses ayants droit (article 15, même loi). Pourquoi le droit de chasse appartient-il au propriétaire? Parce que, dans nos lois modernes, ce droit est inhérent à la propriété dont il est une frac tion ou un démembrement (décret du 4 août 1789); et de ce chef, ce droit est cessible ou transmissible et peut être exercé séparément ainsi l'usufruitier ou le cessionnaire pourront exercer le droit de chasse.

Pourquoi le droit de rendre plainte appartient-il au propriétaire de la chasse? Parce que, suivant la loi, le droit de faire poursuivre un délinquant se rattache au droit de jouissance que ce délinquant a entravé ou diminué par un envahissement illicite.

Lorsque la loi (articles 2 et 15) reconnaît au propriétaire le droit de chasser et de rendre plainte; lorsqu'elle reconnaît ce double droit aux ayants droit des propriétaires, elle entend évidemment parler d'une seule et même personne et non pas de deux personnes; l'ayant droit quant à la plainte n'est pas autre que l'ayant droit quant à la chasse, car

le droit de rendre plainte, c'est-à-dire le droit de mettre en mouvement l'action de la vindicte publique, est trop important pour ne pas appartenir exclusivement au proprié taire du droit de chasse, droit dont la conséquence indivisible et inalienable est le droit de plainte (1).

Comment Merlin qui connaissait si bien la législation sur la chasse expliquait-il les mols partie intéressée employés dans l'article 8 de la loi de 1790? « Je ferai rapporter ces mots, disait-il, à ceux qui, sans être propriétaires, ont le même droit de chasser que s'ils l'étaient, c'est-à-dire à l'usufruitier et au cessionnaire du droit de chasse (2). » Et il rappelle le grand principe, qu'un fait de chasse (sur le terrain d'autrui) ne prend le caractère de délit que sur la plainte du propriétaire (3). Dans ce sens, le propriétaire de la chasse a une sorte de caractère public qu'il tire de sa qualité de propriétaire de la chasse et qui lui donne le droit de mettre en mouvement l'action du ministère public; et pour exercer ce droit, il faut qu'il possède rigoureusement et légalement la qualité que la loi exige à cette fin, c'est-à-dire qu'il soit propriétaire de la chasse. Le propriétaire de la chasse est, dans l'ordre commun, le propriétaire du sol; mais il arrive que le propriétaire a un ayant cause quant à la jouissance de ce droit usufruitier ou cessionnaire, cet ayant cause sera propriétaire de la chasse démembrée du fond, mais il sera propriétaire du droit de jouir, d'où découle le droit de plainte; et il ne pourra pas séparer ce droit de plainte du droit de jouir.

Conçoit-on Paul, propriétaire de la chasse, cédant à Jean le droit de porter plainte et gardant à lui le droit de chasser? Quelle sera la qualité de Jean pour exercer cette sorte d'action publique qui fait le fond du droit de rendre plainte? Nous comprendrions la cession du droit de demander des réparations ci

() Le projet de la section centrale portait aussi, en termes identiques, articles 2 et 12, la reconnaissance du double droit du propriétaire ou locataire de la chasse: voyez Annal., 184445, p. 1612.

(2) Le fermier, d'après notre loi, n'a le droit de chasse que s'il lui est cédé par le propriétaire; aussi n'a-t-il pas le droit de plainte; voy. Annal., P. 476.

(3) Rép., vo Chasse, § 8, ad fin.

() Voyez là-dessus Mangin, Action publique et civile, no 131; Morin, Rép. gén. du droit crim., no 34, vo Chasse ; Ortolan, du Min. pub., vol. 2, p. 19; Jurisprudence constante en Belgique et en France.

viles pour action civile, nous ne comprenons pas la cession isolée du droit de rendre plainte. Ce droit nous semble tout aussi incessible que l'action publique elle-même, parce que de même que l'action publique réside sur la tête du procureur du roi et ne peut être cédée par lui à un tiers, de même le droit de rendre plainte, qui est une action publique indirecte ou médiate, ne saurait être cédée par le propriétaire de la chasse isolément et valablement. Que dirait-on d'un individu qui céderait à un tiers le droit de rendre plainte en cas de diffamation, en vertu de l'article 10 du décret sur la presse? Que dirait-on d'un mari qui céderait à un tiers le droit de rendre plainte en adultère? La réponse à donner à ces questions prouve combien, en principe, le droit de plainte est inséparable du droit générateur en vertu duquel la plainte peut être rendue pour réprimer la violation de ce droit.

Que le droit de rendre plainte se rattache étroitement à l'action publique, c'est ce qui ne peut être contesté. La plainte n'entraîne pas par elle-même la réparation civile, puisqu'elle n'affranchit pas de l'obligation de se constituer partie civile pour obtenir cette réparation : la plainte, comme expression de la poursuite d'un délit privé (tradition ancienne), éveille uniquement l'action publique, mais elle l'éveille si bien qu'une fois mise en mouvement, le plaignant (sauf en cas d'adultère) ne peut plus l'arrêter ; elle appartient désormais au ministère public et au juge; elle doit avoir son cours; le ministère public peut même interjeter appel et se pourvoir en cassation sans le concours du plaignant qui, par sa plainte, a saisi la justice foncièrement et définitivement (4). Sans doute, le ministère public n'est pas obligé de donner suite à la plainte qui lui paraîtrait dénuée de fondement (5), et si, en ce cas, l'action publique est impossible, il reste au

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(3) Les observations de Mangin, nos 17-21, et de Hélie, no 715, semblent devoir éteindre toute controverse sur cette question, qui d'ailleurs ne saurait se produire en Belgique en effet, lors de discussion de la loi, M. Desaegher a dit : « Je " pense qu'il est entendu que le ministère pu«blic conserve, en cas de plainte, son entière a liberté d'action. » Le ministre a répondu : « C'est de toute évidence; on n'a pas voulu enle«ver au ministère public sa liberté d'action, son « droit d'appréciation; d'ailleurs la partie lésée peut saisir directement le tribunal. » M. Desaegher a ajouté: « J'ai demandé cette explica<tion parce qu'en France il y a des débats trèsly « sérieux sur cette question. »

plaignant la citation directe comme partie | deur a-t-il pu en user? Le silence de ce

civile pour saisir la justice répressive, du moins en matière correctionnelle (1): mais, notons-le, il doit alors se constituer partie civile, et l'action publique n'est alors ouverte que comme se rattachant à l'exercice même de l'action privée. En cas de citation directe, comme en cas de plainte, l'action pénale est si bien l'action publique que, d'une part, elle s'éteindrait par la mort du prévenu (article 2 du Code d'instruction criminelle); que, d'autre part, elle ne pourra plus être soustraite au juge de répression par la voie du désistement.

Nous pouvons donc le répéter, le droit de plainte se rattache à l'action publique à laquelle il donne, si l'on peut dire, le souffle judiciaire; ce droit, en matière de chasse, est inhérent au propriétaire de la chasse ou à l'ayant droit auquel la chasse a été cédée, et nous ne concevons pas que le droit de plainte puisse subsister sans être indissolublement uni au droit de chasse (2).

III. Ces considérations servent à résoudre, comme conséquence, la troisième question que nous nous sommes posée; nous pouvons dire avec conviction : c'est à tort que l'arrêt attaqué semble séparer ces deux éléments d'un même fait juridique: si Bartholeyns a pu céder son droit à des dommages éventuels, il n'a cédé alors que le droit à des réparations purement civiles; si ce droit à des dommages éventuels s'entend du droit de mettre l'action publique en mouvement, alors il se lie au droit de chasse lui-même : et comme ce droit de chasse, dans la cause, n'a pas été cédé ou loué par Bartholeyns seul, il s'ensuit que le droit de porter plainte n'a pas pu être cédé non plus, les deux droits étant inséparables et régis par les mêmes principes.

IV. Nous voici amené à rechercher la solution de notre quatrième question : le demandeur en cassation, comme prévenu d'un délit, comme défendeur sur l'action publique, a-t-il pu exciper du défaut de pouvoir de Bartholeyns par rapport à la cession du droit de chasse et de ses conséquences? Cette exception, qui appartient proprement à un tiers, c'est-à-dire au copropriétaire indivis de Bartholeyns, le deman

(1) Articles 64, 145, 182 du Code d'instruction criminelle. D'autres garanties sont offertes aux justiciables dans les articles 235 et 274 du même Code, et dans l'article 11 de la loi du 20 avril 1810.

(2) Voyez le résumé de jurisprudence et de

copropriétaire met-il obstacle à l'emploi pour le demandeur de cette exception?

Nous estimons que le demandeur peut faire emploi de l'exception et que le silence du tiers qualifié plus haut n'est point un obstacle à l'exception.

Nous croyons l'avoir établi : Bartholeyns n'a pu seul démembrer sa propriété indivise, en céder seul une dépendance, louer seul le droit de chasse sur cette propriété; il n'a pu non plus détacher le droit de plainte du droit de chasse, et en réalité il ne l'a pas détaché; dès lors, la cession faite par Bartholeyns à la partie civile est entachée d'un vice de nullité que le copropriétaire de Bartholeyns pourrait faire valoir. Une exception puisée dans ce vice et dans le droit de ce copropriétaire serait donc élisive du droit de plainte de la partie civile agissante et par suite de l'action publique qui ne doit sa vie et son mouvement qu'à la plainte elle-même: donc le demandeur peut opposer cette exception à ceux qui le poursuivent, parce que cette exception est exclusiva juris agentis.

La Cour connait mieux que nous la théorie de cette exception: en principe, nul ne peut invoquer le droit d'un tiers; mais, par dérogation à ce principe, dérogation que dictent l'équité et la réalité, les docteurs, se fondant sur divers textes romains, ont établi et développé le principe que l'exception du droit d'un tiers est recevable lorsqu'elle est élisive du droit du poursuivant. C'est en expliquant la I. 4, § 7, D., lib. 8, tit. V, si servil. vind., que Bartole et les autres docteurs ont établi ce principe qui a été universellement accueilli, parce qu'en effet, il eut été à la fois absurde et injuste, contraire au droit et à la réalité que le droit doit autant que possible respecter (3), de voir un individu poursuivi, condamné, et, comme dans l'espèce, emprisonné peut-être, en vertu d'un titre ou d'un pouvoir vicié de nullité et dont la nullité n'est pas effacée par des faits certains.

Parmi d'éminents jurisconsultes qui ont appliqué ces principes, nous citerons Méan qui, dans plusieurs Observations, les a rappelés en citant les textes: c'est pour défendre sa possession que l'excipant est surtout

doctrine sur cette question donné par la Belgique judiciaire, vol. 6, p. 174, 175 et 176.

(3) La vérité est le fondement de toute justice, dit Poullain-Duparc, Princ., vol. 5, append., chapitre 1.

admis à invoquer le droit d'un tiers exclusif de l'action qui lui est intentée : « exceptio « juris tertii exclusiva juris actoris admitti<< tur maximè ad tuendam possessionem; « licet exceptio juris tertii regulariter objici « non possit præsertim ab eo qui, si vince<< ret, deteriorem faceret tertii conditionem, jure tamen recepta est ea quæ à possessore

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actori objicitur exceptio quasi exclusiva

« juris agentis (1). » Bartole pose comme maxime de droit : « non potest quis excipere de jure tertii quod non est exclusivum « juris agentis. » Godefroid rappelle le même principe dans une note à la loi 6, C., liv. 6, lit. 1, de servit. fugit.: « ut hinc colligitur, « de jure tertii potest excipi. » Nous n'insisterons pas sur ce principe qui est libellé partout dans la doctrine et dont un grand nombre d'auteurs ont parlé (2); mais nous devons examiner si le silence du copropriétaire indivis de Bartholeyns peut valoir comme consentement tacite à la cession du droit de chasse, auquel cas l'exception du prévenu, ici demandeur, tomberait par sa base. Or, nous croyons que ce silence ne peut, dans la position des parties, valoir comme consentement tacite.

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(1) Méan, Observ. 417, no 9; 718, no 16; 109, nos 4, 5, 6.

(2) Nous nous bornons à indiquer ici, outre Bartole et Méan, plusieurs auteurs qui ont traité de jure tertii: Coccejus, Dissert, curiosa, vol. 1, disput. 60, p. 805; Cancerus, Varior. resol., vol. 2, cap. 16, de tertiis; Surdus, Decis. 144. no 19 et Cons. 415, no 16; Menochius, Cons. 665, no 11; Mascardus, Concl. 1251, no 15; Barbosa, Thesaurus loc. comm., vo Tertius; Codex fabr., lib. 8, tit. XXIV, Def., 20. Les lois romaines, la glose et les notes citées par ces auteurs.

(3) De jurisprud, extemporali, lib. 2, cap. 23. () Voy. Muxillanus, Peckius et Dantoine sur ces règles: « C'est une maxime certaine, dit Dantoine, sur la règle 44, que de deux propriétaires d'une chose en commun, l'un d'eux ne peut rien faire au préjudice de l'autre. Mais si celui des propriétaires, au préjudice duquel a l'autre a fait quelque nouveauté, ne s'y est pas « opposé, que doit-on juger de son silence?... l faut conclure que la loi ne regarde pas son si

l'admettre ici, puisque la cession du droit de chasse faite par Bartholeyns à une compagnie de chasseurs constitue bien certainement le onus ou le præjudicium que le copropriétaire ne peut pas facilement être censé accepter: dès lors, l'induction du consentement ne découle pas du silence; donc le silence ne met pas obstacle à l'exception du demandeur en cassation.

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Une autre considération fondamentalement juridique vient à l'appui de cette conclusion: la présomption du consentement tirée du silence, est de droit étroit parce qu'elle est basée sur une fiction, sur le jus fictitium: on assimile, dans certains cas donnés, le silence à la parole par une supposition qui contrarie évidemment la réalité, qui résulte du figmentum juris, suivant l'expression de Hauteserre (5), et l'on sait que toute fiction est d'étroite interprétation, comme la présomption. C'est ce qu'enseignent à la fois Hauteserre et Poulain-Duparc (6). « Quoiqu'il y ait des fictions très« favorables, dit ce dernier auteur, et que « même la loi ne les ait établies que pour <«<les motifs les plus justes, il est néanmoins « certain que la fiction n'est point favorable << par elle-même...» Pourquoi en est-il ainsi ? parce que, dit Hauteserre: fictio est contra veritatem, sed pro veritate habetur. Il est évident que, dans ces termes, le silence qui, par lui-même, est une négation et ne devrait produire aucun effet, ne saurait être assimilé à un consentement exprès que par une supposition forcée et par là même nou susceptible d'extension (7). Aussi, comme nous l'apprend Hauteserre lui-même, grand partisan des fictions, le droit canonique (quo

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«lence comme un consentement, puisqu'elle lui « permet d'agir comme s'il s'était opposé à l'entreprise de l'autre propriétaire. » C'est ainsi que, dans la gestion d'affaire, quasi-contrat fondé sur un consentement tacite, le gérant a l'actio negotiorum gestorum si utiliter gesserit; il ne l'a pas s'il a fait des actes inutiles ou onéreux, parce que le silence du géré équivaut à un refus pour tout ce qui n'a pas été utile: voy. art. 1375 du Code civil; Toullier, t. 11, p. 50; Dig. 3, 5, 10, 1 de negot. gest. Le quasi-contrat de in rem verso et celui qui est indiqué, en matière de société, à l'article 1864 du Code civil, sont fondés sur les mêmes principes.

(5) Alteserra, De fict. jur. tract. 3, cap. 7. Quasi contractus ex tacita conventione et figmento juris nascuntur.

(6) Altes., De fict. jur. tract. 1, cap. 5, et Duparc, Princ. vol. 3, app., ch. 1.

(7) Præsumptio naturæ non valet ad jus tertii perimendum; voyez Compend. Mascardi, p. 727, par Stimpelius.

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