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ciens, ceux-ci étant empêchés, et que M. Delabarre, juge, a remplacé pour cause d'empêchement M. le procureur du roi ou l'un de ses substituts;

Attendu qu'aucune disposition de loi n'exige que les procès-verbaux constatant Ja composition des tribunaux énoncent précisément les causes et les circonstances qui doivent justifier chaque empêchement, et qu'à défaut de preuve contraire établie, un tribunal composé de membres que la loi y appelle en remplacement d'autres est présumé avoir vérifié l'empêchement légal de ces derniers; qu'il suit de ce qui précède que, sous le rapport de la deuxième branche du même moyen, le tribunal de Namur n'a point contrevenu aux articles invoqués à l'appui du premier moyen.

Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation de l'article 381 du C. d'inst. crim., et des articles 1er et 8 de la loi du 15 mai 1838, en ce que le sieur Sohet (Charles), né Français, et n'ayant obtenu que la naturalisation ordinaire, se trouvait inscrit sur la liste des trente jurés titulaires :

Attendu que si, d'après l'article 8 de la loi du 15 mai 1858, on doit tirer au sort trente noms de jurés titulaires, et en outre quatre jurés supplémentaires pour le service de chaque session ou série, le législateur n'a néanmoins pas voulu que la liste des trente fût complétée du chef qu'une erreur s'y serait glissée en y inscrivant le nom d'un incapable ou d'une personne qui aurait dû être dispensée d'office, et n'a exigé comme condition indispensable qu'un nombre de vingt-quatre jurés capables;

Attendu que la liste des trente comprenait encore les noms de vingt-sept jurés réunissant les qualités voulues par la loi lorsqu'il a été procédé à la formation du jury de jugement; qu'en admettant que le sieur Sohet, inscrit sur la liste comme vingthuitième juré restant, fùt incapable d'en remplir les fonctions, la circonstance que son incapacité n'aurait pas été découverte et que son nom n'a pas été rayé de la liste est à elle seule insuffisante pour vicier la procédure, ledit sieur Sohet n'ayant pas été appelé à concourir à la déclaration du jury.

Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 7, 8 et 9 de la constitution et 2 de la loi du 50 décembre 1836, en ce qu'aucune des deux conditions exigées par cette Joi pour son application n'a été remplie :

Attendu qu'il résulte d'une dépêche du ministre des affaires étrangères, en date du

11 février 1851, qui est jointe au procès, que la procédure instruite en France, à charge du demandeur, a été transmise aux autorités belges par le ministre de la légation française, à Bruxelles, et que ce ministre a demandé, au nom de son gouvernement, que le crime d'assassinat que le nommé Dewolf, demandeur, était accusé, par arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Paris, d'avoir commis en France, sur la personne d'un Français, fût poursuivi et puni en Belgique, d'après la législation en vigueur dans ce royaume;

Qu'il suit de là qu'en poursuivant en Belgique le demandeur, à raison du crime pour lequel il a été condamné, il a été fait une juste application de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1836, et qu'il n'a été contrevenu à aucun des articles invoqués à l'appui de ce moyen.

Sur le quatrième moyen tiré de la violation de l'article 1er de la loi du 15 mai 1849 el de l'article 48 du décret du 50 mars 1808, en ce que M. le président Boucher aurait dù siéger à la Cour d'assises, et que son absence à proximité de la ville de Namur n'était pas une cause d'empêchement :

Attendu que le procès-verbal de la séance énonce que la Cour d'assises se compose de M. Fleussu, conseiller président de ladite Cour, de M. Polet, juge au tribunal de première instance, séant à Namur, en remplacement de M. Boucher, président, absent, et de M. de Garcia de la Vega, vice-président, qui est en congé pour cause de santé ;

Attendu qu'aucune opposition ou réclamation n'a été formée contre la composition de la Cour d'assises; d'où il suit que le procès-verbal d'audience constate suffisamment que la cause qui a empêché M. le président Boucher de siéger dans l'affaire du demandeur a été reconnue suffisante et légitime.

Sur le cinquième moyen tiré de la violation de l'article 341 du Code d'instruction criminelle, en ce que les procès-verbaux, dont la remise au jury est ordonnée par l'article 341 du Code d'instruction criminelle, ne peuvent s'entendre que des procès-verbaux ayant un caractère d'authenticité, et que des procès-verbaux dressés par des magistrats français n'avaient pas ce caractère à défaut d'avoir été visés et légalisés ;

Attendu que la légalisation des actes n'est pas constitutive de leur authenticité, qu'elle n'en est qu'un mode de preuve, que ce mode de preuve pouvait être suppléé par un tout autre et l'a été par l'envoi que le gouverne

ment français lui-même a fait aux autorités belges desdits procès-verbaux; qu'il suit de là que ce moyen est dénué de fondement.

Sur le sixième moyen tiré de la violation de l'article 349 du Code d'instruction criminelle; en ce que le chef du jury n'a signé la déclaration du jury qu'après que la Cour eut délibéré et prononcé qu'elle se réunissait à la majorité du jury:

Attendu que le procès-verbal de l'audience porte: « Cette déclaration (du jury) signée par lui (le chef du jury) a été remise à « M. le président, le tout en présence des « jurés, la Cour s'est retirée en chambre du conseil pour délibérer, etc., etc.; » qu'il suit de là que ce moyen manque de base en fait et n'est pas mieux fondé que les cinq précédents;

Mais attendu, sur le moyen relevé d'office tiré de la violation des articles 295, 294 et 296 du Code d'instruction criminelle et consistant en ce que l'acte de l'interrogatoire prescrit par l'article 295 n'est pas revêtu de la signature du greffier, exigée par l'article 296;

Que le procès-verbal mentionné dans l'article 296 n'a pas seulement pour objet de constater l'observation des formalités prescrites relativement à la désignation d'un conseil à l'accusé et à l'avertissement lui donné du délai que la loi lui accorde pour former sa demande en nullité de l'arrêt de renvoi, formalités dont l'omission peut être couverte dans certains cas; que ce procès-verbal a également pour objet de constater que l'accusé a subi l'interrogatoire voulu par les articles 266 et 293, lors duquel il peut changer, modifier ses déclarations précédentes, faire connaître des faits et circonstances qui pourraient donner lieu, dans son intérêt, à l'instruction intermédiaire prévue par l'article 303 du Code d'instruction criminelle; que sous ce rapport cet interrogatoire, se liant intimement au droit de défense, constitue une formalité substantielle de la procédure;

Allendu que le procès-verbal dont l'arti cle 296 ordonne la rédaction doit, aux termes dudit article, être signé par le juge et le greffier, que le concours des deux signatures est donc indispensable pour constater l'existence légale de cet interrogatoire, et qu'à défaut de l'une d'elles l'acte est dénué de force probante et ne peut fournir la preuve légale de l'accomplissement de la formalité substantielle de l'interrogatoire; Attendu que l'acte du 5 août 1851, qui PASIG., 1852,

Ire PARTIE.

devait servir, à l'égard de Charles-Louis Dewolf, à constater l'observation de la formalité prescrite par l'article 293, n'est pas signé par le greffier; que dès lors l'accomplissement de cette formalité n'étant pas légalement établie, il y a lieu de la considérer comme ayant été omise et par suite de considérer l'accusé comme ayant été irrégulièrement soumis aux débats et frappé de condamnation; que de cette irrégularité il est résulté une atteinte aux droits de la défense et une violation des articles cités à l'appui du moyen;

Par ces motifs, casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'assises de la province de Namur, le 19 août 1851, qui condamne Charles-Louis Dewolf à la peine de mort, ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres de ladite Cour et que mention en sera faite en marge de l'arrêt annulé.

Et après en avoir délibéré spécialement et conformément à ce qui est prescrit par l'article 430 du Code d'instruction criminelle, la Cour renvoie l'accusé en état d'arrestation et les pièces de la procédure devant la Cour d'assises du Hainaut, séant à Mons, pour être procédé à de nouveaux débats et au jugement sur le pied de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation, en date des 20 et 21 mai 1851.

Et vu l'article 415 du Code d'instruction criminelle, ainsi conçu :

«Article 415. Dans le cas où, soit la Cour << de cassation, soit une Cour royale, annu<«<lera une instruction, elle pourra ordonner « que les frais de la procédure à recommen<< cer seront à la charge de l'officier ou juge « instructeur qui aura commis la nullité.

« Néanmoins la présente disposition n'aura << lieu que pour des fautes très-graves, et à l'égard seulement des nullités qui seront << commises deux ans après la mise en acti«vité du présent Code. »

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Attendu que la cassation qui vient d'être prononcée résulte de l'omission commise par le greffier de signer le procès-verbal, portant la date du 5 août 1851;

Que cette omission constitue une faute très-grave de la part du greffier chargé spécialement de la rédaction des procèsverbaux ;

Par ces motifs, ordonne que les frais de François-Augustin Hock, greffier en chef, la procédure annulée seront à la charge de rédacteur du procès-verbal portant la date

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du 5 août 1851, et signé par M. le président | 377; Bioche et Goujet, vo Huissier, no 297. de la Cour d'assises.

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(носк, C. LE MIN. PUB.)

Sur l'opposition du greffier Hock, la condamnation aux frais, prononcée contre lui par l'arrêt qui précède, a été rapportée, le 8 décembre 1851.

Pour que la faute soit susceptible d'entraîner la condamnation aux frais de la procédure annulée, disait le demandeur, il faut, la loi le porte expressément, qu'elle soit très-grave. Il ne suffit donc pas que la nullité soit imputable à l'officier ministériel qui l'a commise, il faut de plus qu'elle soit le résultat d'une faute très-lourde. La faute emportant nullité, la faute grave ne sont pas assez pour entraîner la sévérité de la loi, la faute très-grave seule emporte la responsabilité de l'officier négligent; aussi Berlier, exposant les motifs de l'article 415 du Code d'instruction criminelle, disait-il : «En restreignant ainsi les causes de nul«lité, l'on a cru qu'il était juste, en cas de «faute très-grave, de faire supporter les << frais de la procédure recommencée à l'of« ficier ou juge instructeur qui aura com« mis la nullité, cette disposition, dont sans « donte l'application sera très-rare, devien« dra un éveil à l'attention des officiers « instructeurs. »

Dans l'esprit de la loi, la pénalité n'est donc destinée à atteindre que l'homme négli gent et peu soucieux de ses devoirs; or dans l'espèce, le greffier Hock établit par les témoignages les plus honorables du tribunal auprès duquel il exerce ses fonctions déjà depuis de longues années, du corps des avoués, des fonctionnaires de l'enregistrement, et enfin de toutes les autorités avec lesquelles ses fonctions le mettent en rapport, que jamais il n'a dù ètre l'objet du moindre blâme et que, dans l'occurrence, la faute qu'il a commise n'est qu'un oubli résultant de circonstances de faits entièrement indépendantes de sa volonté.

Le demandeur, pour établir que la loi avait toujours été comprise dans un sens très-restreint, citait le Journal du Palais, vo Huissier, no 304; Pigeau, Procédure, t. 1, p. 200; Chauveau, sur Carré, 1, 9,

M. le premier avocat général Dewandre, qui n'avait pas été entendu lors de la condamnation du demandeur, la nullité de la procédure ayant été prononcée d'office par la Cour, a pris la parole en ces termes :

L'opposition, formée par le demandeur à votre arrêt du 4 octobre dernier, étant nécessairement recevable puisque cet arrêt a été prononcé contre lui par défaut sans qu'il ait été appelé ni entendu, nous passons immédiatement à l'examen du fond.

Aux termes de l'article 295 du Code d'instruction criminelle, l'accusé, lors de son arrivée à la maison de justice, doit être interrogé par le président de la Cour d'assises ou par le juge qu'il a délégué. Les articles 294, 295 et 296 indiquent les formalités que le juge est tenu de remplir à l'occasion de cet interrogatoire. Enfin l'article 296 se termine par ces mots : « L'exécution du présent article et des deux précé dents sera constatée par un procès-verbal, que signeront l'accusé, le juge et le greffier.»>

Nous prions la Cour de remarquer, dès l'abord, que la loi, à l'inaccomplissement de la formalité de la signature du greffier, n'attache pas, textuellement, la peine de nullité. Nous prenons acte de ce point, parce que, tout à l'heure, on verra la conséquence que nous devons en tirer au point de vue de la question qui nous occupe.

Aux dispositions que nous venons de citer, l'article 415 du Code d'instruction criminelle ajoute: « Dans les cas où, soit la Cour « de cassation, soit une Cour d'appel annulera une instruction, elle pourra ordonner « que les frais de la procédure à recommen« cer seront à la charge de l'officier ou juge « instructeur qui aura commis la nullité.

"

«Néanmoins, la présente disposition n'aura « lieu que pour des fautes très graves. »

Ainsi, aux termes de l'article 415 du Code d'instruction criminelle : « Dans les cas où la Cour annule une instruction, elle peut mettre les frais à la charge de l'auteur de la nullité. Arrêtons-nous d'abord à cette première partie de la disposition:

Pour que la Cour de cassation puisse annuler une procédure, il faut nécessairement ou que la formalité omise soit textuellement prescrite à peine de nullité, ou bien que cette formalité tienne aux droits substantiels de la défense, la loi, sur ce point, est formelle (Code d'instruction criminelle, article 408; loi du 4 août 1832, article 17). La

négligence de l'officier ministériel, par la faute duquel semblable nullité vient à se produire, est donc toujours, en pareil cas, très-grave. Elle est la plus grave que reconnaisse la loi, puisque sans cela elle n'y attacherait pas la sanction la plus forte qu'elle ait créée pour assurer sa ponctuelle exécution, à savoir la peine de nullité.

Que conclure de cette marche de la loi? C'est évidemment que, quand le législaleur ajoute, «< néanmoins la présente disposition n'aura lien que pour des fautes trèsgraves, » ce n'est pas à l'importance du devoir qui a été négligé qu'il entend faire allusion. Ce n'est pas seulement à l'obligation plus ou moins directe, qui pesait sur l'officier ministériel, de remplir la formalité, que la loi s'adresse, car tout fait dont l'omission entraîne la nullité de l'instruction implique la responsabilité directe de celui auquel ce fait était commandé. Lorsque l'article 415, nous le répétons, ajoute : « Néanmoins, la présente disposition n'aura lieu que pour des fautres très-graves, » ce n'est donc pas à la nullité commise qu'elle fait allusion, c'est aux éléments constitutifs de la négligence que la loi s'adresse, bien plus qu'à l'obligation plus ou moins personnelle pour l'officier public, quia commis la négligence, de remplir la formalité qu'il a omise. La preuve, c'est qu'en présence de la faute la plus lourde qui pût exister aux yeux de la loi, c'est-à-dire l'oubli d'une formalité qui entraîne la nullité de la procédure, elle n'a pas voulu cependant que ce fut pour cela un devoir pour le juge de condamner toujours l'officier négligeant aux frais de l'instruction annulée, et qu'elle n'en a fait qu'une simple faculté, et encore une faculté contre laquelle le législateur lui-même se hâte de mettre le juge en garde en ajoutant: « Néanmoins, la présente disposition n'aura lieu que pour des fautes très-graves. »

En présence du texte de la loi, en présence de la réserve qu'elle apporte immédiatement à son exécution, en restreignant son application, nous ne dirons pas au cas de négligence très-grave, mais de faute très-grave, ce qui est bien plus caractéristique encore, puisque nous y voyons le législateur ne pas frapper la négligence qui a engendré la nullité, mais la faute trèsgrave qui doit de plus accompagner cette négligence. En présence des termes de la loi, disons-nous, nous croyons que ses auteurs ont entendu que la Cour de cassation, dans l'appréciation qu'elle doit faire de la faute, eût égard non pas surtout au devoir qui

pesait sur l'officier public, car point de nullité imputable sans un devoir commandé par la loi à celui qui a commis la nullité, et en fait de nullités tenant aux droits de la défense, il est superflu de faire remarquer qu'il n'en est pas de graves et de très-graves, c'est tout ou ce n'est rien. Nous disons donc que, dans l'appréciation de la faute, ce que la loi considère comme susceptible de plus ou moins de gravité, ce n'est pas la faute en elle-même, en d'autres termes, ce n'est pas la nullité d'abord, puisque, encore une fois, les nullités d'ordre public, et dans l'espèce il ne peut s'agir que d'une nullité d'ordre public, puisque autrement elle aurait été couverte par le silence de l'accusé Dewolf qui ne s'en est pas prévalu; les nullités d'ordre public, disons-nous, ne sont pas divisibles en nullités graves et nullités plus graves. Ensuite, que ce n'est pas non plus, comme constituant dans tous les cas la lourde faute, le commandement adressé à celui qui a négligé la formalité, car d'abord, nous le répétons, sans commandement point de faute, puisque, si cela était vrai, on ne verrait pas le législateur, en présence de la nullité commise, faire cependant au juge un devoir d'examiner ultérieurement, et avant qu'il puisse appliquer la pénalité, si, la nullité existant, elle est de plus accompagnée d'une lourde faute.

Que, quand nous voyons la loi, malgré l'oubli de ses commandements, malgré que la nullité soit commise, malgré enfin que l'annulation de la procédure ait dû être prononcée, prendre soin d'avertir formellement le juge qu'il ne peut cependant punir de la condamnation aux frais l'officier négligent qu'autant que la faule soit trèsgrave, il faut donc en conclure que ce n'est pas surtout sur la gravité de l'acte qui a été négligé qu'elle fixe son attention, mais principalement sur les circonstances extrinsèques du fait, sur les éléments de la négligence elle-même, si nous pouvons nous exprimer ainsi.

Or, s'il est vrai que le greffier qui, au cas dont il s'agit, néglige de signer le procès-verbal de l'interrogatoire de l'accusé, commette incontestablement une faute grave, puisque la loi lui fait un devoir de le signer, au moins, comme nous vous le disions tout à l'heure, faut-il reconnaître qu'il est tout aussi vrai qu'à l'inaccomplissement de ce devoir aucune disposition textuelle de la loi n'attachant la peine de nullité, le demandeur n'était pas tenu d'apporter dans l'exécution de son mandat la même attention, la même diligence que s'it

eût été averti par la loi de l'importance, faute auquel seul la loi réserve ses rigueurs. qu'elle y attachait.

Au moins encore faut-il reconnaitre aussi qu'aucune nullité n'étant écrite dans la loi, et par conséquent la controverse étant permise et avec elle le doute, on ne peut pas dire, par conséquent, que l'oubli de la formalité constitue par lui seul la négligence au premier chef. Et lorsque nous disons qu'en présence du mutisme de la loi la faute du greffier Hock s'atténue, ce n'est pas sans raison. Le point de savoir, en effet, si l'absence de signature du greffier frappe de nullité l'acte certifié par le juge ; celui de savoir, spécialement, si la nullité du procèsverbal de l'interrogatoire de l'accusé dans la maison de justice, alors qu'en fait il a été pourvu d'un conseil, que ce conseil l'a représenté à l'audience, qu'aucun moyen quelconque de justification ne lui a été refusé lors des débats, et qu'enfin il n'élève aucune plainte de ce chef contre l'arrêt qui le condamne, doit entraîner la nullité de la procédure; ces questions, disons-nous, sont de nature à soulever non pas une vaine et futile controverse, mais peuvent donner lieu à de sérieuses et profondes méditations.

ne

Si donc le greffier Hock a incontestablement commis une faute grave en signant pas le procès-verbal dont il s'agit, il faut bien reconnaître, nous le répétons, qu'au point de vue de la nature du devoir qui, en présence de la loi, pesait sur lui, cette faute perd une partie de ce degré extrême de gravité auquel, seul, l'article 415 du Code d'instruction criminelle attache la responsabilité pénale des frais; car, enfin, s'il est vrai qu'il devait savoir qu'il ne pouvait pas manquer de signer l'interrogatoire dont est question sans manquer aux prescriptions de la loi, au moins est-il tout aussi incontestable que ce devoir ne lui étant pas commandé sous peine de nullité écrite dans la loi, il n'était pas tenu d'apporter à son acte le même degré de diligence que s'il se fût trouvé averti par le législateur.

Entre la faute de l'officier ministériel qui commet une nullité, parce que tel est le sens que la doctrine, l'interprétation, doivent faire donner à la loi, et la faute de l'officier ministériel qui néglige une formalité que la loi lui dit textuellement être exigée sous peine de nullité, il existe donc manifestement un degré, une nuance sensible qui les sépare. Or si ce degré existe, et l'on ne saurait, pensons-nous, se refuser à le reconnaître, la faute du demandeur cesse alors d'atteindre le degré suprême de la

Et cependant, en présence même de cette faute très-grave, la loi se montre encore indulgente; elle se montre indulgente, disons-nous, puisque, même dans ce cas, le droit de punir n'est pas un devoir mais une simple faculté pour le juge. C'est donc que, véritablement, ce n'est pas le fait de l'oubli de ses prescriptions que le législateur envisage comme constituant ce qu'il appelle la faute très grave, que ce n'est ni la nullité commise, ni le préjudice causé, mais que les éléments accessoires de la faute peuvent seuls la rendre très-grave.

Or, dans l'espèce, laissant à part les considérations que nous avons puisées dans le texte des articles 292 et suivants du Code d'instruction criminelle, et qui sont de nature cependant, croyons-nous, à permettre moralement et légalement, de dire que la responsabilité du demandeur n'est pas engagée au même point que si la nullité avait été décrétée par la loi; que l'oubli qu'il a à se reprocher n'emprunte donc pas le caractère de la lourde faute dans le sens de l'article 415; dans l'espèce, disons-nous, il existe un autre motif qui, à lui seul, autoriserait la Cour à le relever de la condamnation que, alors qu'il n'avait pu présenter ses défenses, elle a cru de son devoir de prononcer contre lui. C'est, en effet, que dans la cause actuelle vous avez devant vous un officier public produisant des preuves irrécusables d'une exactitude constante dans l'accomplissement de ses devoirs, un fonctionnaire jusque-là toujours irréprochable; un fonctionnaire qui, remplissant honorablement ses devoirs, est reconnu par la magistrature auprès de laquelle il siége, par le barreau, par tous ceux enfin avec lesquels ses fonctions le mettent en rapport, comme étant plein de zèle et de soins et digne par conséquent de l'indulgence de la loi, car la loi ne peut frapper également l'homme diligent et soucieux de ses devoirs et l'homme qui ne sait pas les comprendre, et qu'enfin, lors de l'interrogatoire dont il s'agit, il s'est trouvé dans des circonstances qui, indépendantes de sa volonté, ont pu amener l'oubli à l'occasion duquel il se trouve devant vous.

Nous concluons, en conséquence, à ce que, recevant l'opposition et y faisant droit, il vous plaise relever le demandeur de la condamnation prononcée contre lui par votre arrêt du 4 octobre dernier.

ARRÊT.

LA COUR; Vu l'article 415 du Code d'instruction criminelle;

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