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Appel, et le 16 janvier 1852, jugement du tribunal correctionnel de Courtrai qui confirme et qui, comme l'ordonnance de la chambre du conseil, passe en force de chose jugée.

Ce conflit négatif de juridiction ayant nécessité une demande en règlement de juge de la part de M. le procureur général près de la Cour d'appel de Gand, M. l'avocat général Faider, qui portait la parole devant la Cour de cassation, a examiné d'office la question de savoir si, dans l'état des faits, c'était à une chambre du conseil ou bien à une chambre de mise en accusation que le renvoi devait être prononcé.

L'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Courtrai, en date du 30 octobre 1851, a-t-il dit, a renvoyé Depyckere, du chef de coups et blessures, devant le tribunal de simple police d'Ingelmunster, par application de l'article 4 de la loi du 1er mai 1849. Cette ordonnance attribuait juridiction à ce tribunal en tant que le fait qualifié offrait le caractère de simple délit correctionnel, légalement atténué par l'appréciation des circonstances et du préjudice. Cette ordonnance avait aussi pour effet de dessaisir définitivement et le juge d'instruction et la chambre du conseil de Courtrai, puisque la juridiction de répression se trouvait saisie pleinement et absolument. Cette juridiction, c'est-à-dire le tribunal de simple police d'Ingelmunster légalement saisi, avait donc droit de statuer à toutes fins; et dès que le fait constaté devant lui cessait d'être correctionnel et prenait le caractère de fait criminel, il pouvait et il devait, à peine de violer la loi et de dépasser la limite de sa compétence, s'abstenir de connaître d'une prévention à l'égard de laquelle nulle autorité quelconque ne pouvait lui attribuer juridiction. Ainsi, d'une part, la chambre du conseil de Courtrai est dessaisie, d'autre part, le tribunal de simple police d'Ingelmunster est incompétent; de sorte qu'une prévention criminelle se trouve sans juge, si la Cour de cassation ne le désigne pas. C'est évidem ment le cas du règlement de juges; la requête de M. le procureur général de Gand est donc recevable. Toute la difficulté est de savoir devant quelle juridiction la cause doit être renvoyée. Le jugement d'incompétence du tribunal de simple police, du 12 décembre 1831, confirmé par le tribunal correctionnel de Courtrai, le 16 janvier 1832, non attaqué de cassation, a acquis la force de chose jugée à l'encontre de l'ordonnance de la chambre du conseil qui avait attribué ju

ridiction à ce tribunal: cette ordonnance a considéré comme fait correctionnel un fait réellement criminel; la chambre du conseil, en appliquant à ce fait criminel l'article 4 de la loi du 1er mai 1849 qui concerne exclusivement les faits correctionnels, a faussement appliqué cet article; il a également violé l'article 4 de la loi du 15 du même mois qui règle les attributions des chambres du conseil en matière criminelle. Cette ordonnance, ainsi entachée du vice d'illégalité, doit être annulée par la Cour de cassation, aux termes de l'article 536 du Code d'instruction criminelle; et en vertu du principe général déposé dans l'article 427 du même Code, elle doit renvoyer le procès et les parties devant un tribunal de même qualité que celui qui a rendu le jugement attaqué. C'est donc devant une autre chambre du conseil que l'affaire doit être renvoyée.

Ce n'est pas devant un autre juge d'instruction, parce que la Cour de cassation n'annule aucun acte de ce magistrat et qu'il s'agit de statuer, en vertu de l'article 135 du Code d'instruction criminelle combiné avec l'article 3 de la loi du 15 mai 1849, sur le renvoi du prévenu soit devant la chambre des mises en accusation, soit devant le tribunal correctionnel; il s'agit d'une ordonnance à rendre, et en renvoyant devant une chambre du conseil, la Cour saisit en même temps le juge d'instruction qui fait de droit partie de cette chambre et qui en est le rapporteur né; dès lors il est inutile de renvoyer devant un autre juge d'instruction, puisque par le fait du renvoi devant une chambre du conseil le juge d'instruction se trouve, du même coup, parfaitement saisi de tous les pouvoirs que la loi lui attribue pro subjectâ materiá.

Le renvoi ne doit pas être fait devant la chambre des mises en accusation, parce que nul acte de cette chambre n'est annulé, parce que la chambre du conseil, d'après notre organisation judiciaire, est la première instance de toute mise en prévention précédée d'instruction judiciaire; parce que l'ordonnance du 30 oct. 1851 étant anéantie, une nouvelle ordonnance doit la remplacer, et que cette ordonnance, c'est une chambre du conseil qui est seule qualifiée, hic et nunc, pour la rendre, les articles 135 du Code d'instruction criminelle et 4 de la loi du 15 mai 1849 donnant juridiction première sur ce point à cette chambre.

Notons, pour confirmer cette manière de voir, que la chambre du conseil a, dans l'espèce, le droit essentiel de saisir la juridic

tion correctionnelle; l'article 182 déclare que le tribunal correctionnel est saisi par le renvoi ordonné en vertu de l'article 150; nous devons y ajouter le renvoi ordonné en vertu de l'article 4 de la loi du 15 mai 1849: or, ce droit de saisir les tribunaux correctionnels n'est attribué aux chambres des mises en accusation, par les articles 230 du Code et 4 1er de la loi du 15 mai 1849, que dans le second degré, c'est-à-dire lorsque déjà, dans le premier degré, il y a eu ordonnance de la chambre du conseil décernant prise de corps; dans tous les autres cas, c'est à la chambre du conseil à statuer sur le renvoi correctionnel, et les chambres des mises en accusation n'y ont aucune compétence, si le ministère public ou la partie civile n'a pas formé opposition à l'ordonnance; celle opposition seule saisit alors la chambre des mises en accusation; la Cour de cassation ne pourrait donc pas, dans l'espèce, sans bouleverser toute la hiérarchie des juridictions, renvoyer la cause devant un corps judiciaire autre qu'une chambre du conseil nous le répétons, l'article 427 trace nettement la marche à suivre.

Pourrait-on argumenter de ce que des charges nouvelles auraient été révélées devant le tribunal de simple police d'Ingelmunster et de ce que, dès lors, on devrait renvoyer devant le juge qui avait instruit l'affaire à Courtrai? Les articles 246, 247 et 248 définissent les charges nouvelles et il suffit de les lire pour se persuader qu'il n'en est nullement question ici. Le tribunal de simple police constate que les blessures infligées par Depyckere ont entraîné une incapacité de travail de plus de vingt jours; il s'agit là d'un fait avec ses conséquences indivisibles, il s'agit de la qualification du crime et de l'imputabilité que ce crime engendre, il ne s'agit pas de charges, c'est-àdire, comme le dit l'article 247, de preuves nouvelles ou de faits utiles à la manifestation de la vérité, c'est-à-dire de faits externes propres à fortifier la démonstration de la culpabilitė; mais ici le fait était établi, et il s'agissait simplement d'une conséquence indivisible du fait, de l'incapacité de travail; la chambre du conseil a pu, en statuant sur le fait, savoir si le blessé était guèri; s'il ne l'était pas, elle pouvait, elle devait attendre l'expiration des vingt jours; il était dès lors certain que le prévenu serait responsable des conséquences des blessures dont il était l'auteur, et l'on ne peut pas attribuer à ces conséquences inévitables le caractère de charges nouvelles. L'incapacité de travail se rattache rétroactivement et indivisiblement

aux blessures; elle constitue une circonstance aggravante du fait constaté et non pas une charge nouvelle ayant pour effet de constater le fait même; le renvoi devant le même juge devient donc impossible.

Nous concluons en conséquence à ce qu'il plaise à la Cour, recevant la requête de M. le procureur général de la Cour d'appel de Gand, casser et annuler l'ordonnance de la chambre du conseil de Courtrai, en date du 30 octobre 1851, et statuant en règlement de juges, renvoyer la cause et le prévenu devant la chambre du conseil d'un autre tribunal pour être fait droit d'après les ré

troactes.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que Pierre Depyckere a été poursuivi du chef des coups qu'il a portés à Eugène Liber et des blessures qui en sont résultées ;

Attendu que, par ordonnance du 30 octobre 1851, la chambre du conseil du tribunal de Courtrai, faisant application de l'article 4 de la loi du 1er mai 1849, a renvoyé Pierre Depyckere devant le tribunal de simple police d'Ingelmunster;

Attendu que par cette ordonnance la chambre du conseil du tribunal de Courtrai s'est dessaisie définitivement de la connaissance de cette affaire, et qu'à défaut d'opposition dans le délai légal, cette ordonnance a acquis la force de chose jugée;

Attendu que l'affaire ayant été portée devant le tribunal de simple police précité, il y a été constaté que les coups el blessures, objets de la poursuite, avaient occasionné une incapacité de travail de plus de vingt jours à Eugène Liber;

Attendu que, d'après cette circonstance, le tribunal de simple police d'Ingelmunster s'est déclaré incompétent, par jugement du 12 décembre 1851, et que ce jugement a été confirmé sur appel par le tribunal de police correctionnelle de Courtrai, du 16 janvier 1852;

Attendu que ce jugement n'a pas été altaqué dans les délais et que par suite il est également passé en force de chose jugée;

Attendu que dans cet état de choses, il existe un conflit négatif de juridiction, qui nécessite l'intervention de la Cour de cassation pour rendre à la justice son cours ordinaire;

Attendu que l'article 309 du Code pénal punit de la reclusion l'auteur de coups et blessures qui ont occasionné une incapacité

de travail pendant plus de vingt jours; Attendu que les articles 3 et 4 de la loi du 15 mai 1849 permettent bien à la chambre du conseil de renvoyer pareilles affaires devant le tribunal correctionnel lorsqu'il y des circonstances atténuantes, reconnues à l'unanimité, mais qu'elle ne peut renvoyer une telle affaire devant le tribunal de simple police;

Attendu que l'article 4 de la loi du 1er mai 1849 sur lequel s'est fondée la chambre du conseil du tribunal de Courtrai pour renvoyer l'affaire en simple police n'est applicable qu'aux faits réputés simples délits, et non à ceux qui sont réputés crimes par le Code pénal; d'où il suit tout à la fois que c'est avec raison que les tribunaux de simple police se sont déclarés incompétents, et que l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Courtrai, en renvoyant l'affaire à un tribunal de simple police, a violé l'article 309 du Code pénal et les articles 3 et 4 de la loi du 15 mai 1849, et fait une fausse application de l'article 4 de la loi du 1er mai 1849;

Par ces motifs, et statuant en règlement de juges, casse et annule l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Courtrai, en date du 30 octobre 1851, laquelle sera considérée comme non avenue, renvoie la cause devant la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruges, ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du tribunal de première instance de Courtrai et que mention en sera faite en marge de la décision annulée, etc.

Du 16 fév. 1852.- 2o Ch.- Prés. M. Joly, fais. fonct. de prés.- Rapporteur le même. -Conclusions conformes M. Faider, av. gén.

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du chef d'outrage envers le commissairevoyer Carters, une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Hasselt, en date du 20 juillet 1851, les renvoya devant le tribunal de police correctionnelle du chef du délit prévu par l'article 224 du Code pénal, portant: «L'outrage fait par paroles, « gestes ou menaces à tout officier ministé«riel ou agent dépositaire de la force publique, dans l'exercice ou à l'occasion de « l'exercice de ses fonctions, sera puni d'une « amende de 16 à 200 francs. >>

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Aucune opposition ne fut formée contre celte ordonnance.

Le tribunal correctionnel, saisi de la cause, rendit, le 8 août 1851. un jugement par lequel il se déclara incompétent et renvoya la cause devant le tribunal de simple police du canton de Peer.

Ce jugement était ainsi conçu :

« Attendu que. pour qu'il y ait outrage, le fait qui le constitue doit avoir été adressé à un magistrat, à un officier ministériel ou à un agent dépositaire de la force publique ;

« Attendu qu'un commissaire - voyer ne pouvant être rangé dans les deux premières catégories, il s'agit d'examiner s'il est agent dépositaire de la force publique ;

« Attendu qu'il résulte des discussions du Code pénal, articles 224 et suivants, de la doctrine des auteurs et de la jurisprudence, que les agents de la force publique sont ceux qui ont une mission coercitive, ceux qui font partie de la force publique (armée, gendarmerie, etc.); que les agents dépositaires de la force publique sont ceux qui sont spécialement chargés de l'exécution des mandats de justice;

« Attendu que les agents de l'autorité publique ne sont pas tous des agents de la force publique (article 209 du Code pénal); que quand la loi a voulu entourer ceux-là d'une protection spéciale dans certains cas, elle a eu soin de s'en exprimer clairement, témoin l'article 230 du Code pénal;

« Attendu que le droit de requérir directement la force publique ne donne pas à l'agent qui en est investi la qualité d'agent dépositaire de la force publique, puisqu'il a fallu une loi spéciale (article 35 de la loi du 6 avril 1843) pour rendre l'article 224 du Code pénal applicable aux outrages adressés aux employés des douanes et des accises, à qui cependant l'article 322 de la loi générale du 22 août 1822 accorde le droit de réquisition ci-dessus vantė;

«Attendu qu'il suit de ce qui précède

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qu'un des éléments constitutifs du délit d'outrage manquant au fait imputé aux prévenus, ce fait ne constitue qu'une contravention de simple police (loi du 1er mai 1849);

«Par ces motifs, le tribunal se déclare incompétent et renvoie l'affaire devant le tribunal de simple police de Peer. »

l'arrêt

Sur l'appel de ce jugement, la Cour de Liége rendit, le 3 décembre 1851, suivant :

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Adoptant, en ce qui concerne la commais pétence, les motifs du premier juge, attendu que l'ordonnance de la chambre du conseil par laquelle l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de simple police du canton de Peer, n'ayant pas été attaquée par la voie d'opposition, est devenue irrévocable; qu'une autre juridiction ne peut en être saisie que par voie de règlement de juges, et que dès lors c'est à tort que les premiers juges ont renvoyé les prévenus devant le tribunal de simple police du canton de Peer;

«Par ces motifs, statuant par défaut, la Cour, faisant droit sur l'appel du ministère public, confirme le jugement, quant à la déclaration d'incompétence, le réforme pour Te surplus. »

Cet arrêt, signifié le 8 janvier 1851, et non frappé d'opposition, était donc passé en force de chose jugée.

C'est par suite du conflit négatif résultant des décisions prérappelées que le procureur général près la Cour de Liége demandait qu'il fût réglé de juges.

M. l'avocat général Faider, qui portait la parole devant la Cour de cassation, a estimé que le tribunal correctionnel de Hasselt, et après lui la Cour d'appel de Liége, en refusant aux commissaires-voyers la qualité d'agents dépositaires de la force publique dans le sens de l'article 224 du Code pénal, et par suite en prononçant l'incompétence de la juridiction correctionnelle pour connaitre des outrages, par paroles et menaces, dirigés contre ces officiers publics, avaient fait une fausse interprétation des dispositions législatives sur la matière, et expressément contrevenu à cet article.

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merie, et comme agents dépositaires de la force publique ceux qui sont spécialement chargés de l'exécution des mandats de justice; l'arrêt en tire la conséquence que tout agent de l'autorité n'est pas agent de la force publique, et il argumente de l'art. 35 de la loi du 6 avril 1845 pour déclarer que le droit de requérir la force publique ne donne pas même à l'agent qui en est investi la qualité d'agent dépositaire de la force publique. Suivant ces principes l'arrêt assimile le commissaire-voyer à un simple particulier, et, sans indiquer la disposition qu'il faudrait appliquer, il prononce l'incompétence de la juridiction correctionnelle, parce que c'est sans doute l'article 375 du Code pénal qui seul doit former le titre de la poursuite en simple police, aux termes de l'article 1er de la loi du 1er mai 1849.

la

Nous croyons que la Cour de Liége a consacré une interprétation trop étroite du Code pénal, interprétation qui blesse réellement l'esprit de ce Code. La section iv, chap. 5, titre ler, livre III, du Code pénal, est destinée tout entière à réprimer la résistance, désobéissance et les autres manquements envers l'autorité publique; cette section offre, suivant les paroles mêmes de Berlier, huit classes de crimes et délits qui blessent l'autorité publique; la deuxième classe, qui comprend les articles 222 à 233, réprime les outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité et de la force publique, et, comme le dit encore Berlier, les outrages contre les fonctionnaires ou agents publics. Voilà le but général des dispositions comprises sous le § 2 de la section iv.

:

Ces dispositions établissent des distinctions les paroles, gestes ou menaces sont moins punis que les coups; les coups, les blessures, la mort, sont punis de peines différentes. Les faits de l'espèce commis envers des magistrats sont plus sévèrement punis que ceux commis envers de simples agents publics; les faits commis hors de l'audience sont moins punis que ceux commis à l'audience, etc. D'après ces données, le Code admet des catégories; l'article 222 qualifie l'outrage par paroles contre un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire; l'article 228 qualifie simplement les coups sur un magistrat; mais par un procédé logique qui nous parait nécessaire, on a toujours donné à l'article 228 les mêmes limites qu'à l'article 222, el l'on a appliqué le premier comme s'il répétait les termes du dernier, comme si l'article 228 avait répété la qualification des magistrats de l'ordre administratif et

judiciaire; la même observation s'applique à l'article 223, si bien que les articles 222, 223 et 228, sauf le degré de la répression, protégent absolument les mêmes classes de magistrats. Le même raisonnement, et pour les mêmes motifs, s'applique aux articles 224 et 230, malgré la différence des termes qu'ils présentent; l'article 224 punit l'outrage envers tout officier ministériel ou agent dépositaire de la force publique; l'article 230 punit les coups dirigés contre un officier ministériel, un agent de la force publique ou un citoyen chargé d'un ministère de service public; ces différences dans les qualifications ont-elles ici plus de portée que pour les magistrats? Non, et les auteurs ont reconnu la parfaite identité des articles 222-228, d'une part, 224-230, d'autre part (Dalloz, Nouveau Répertoire, vo Fonctionnaires publics, no 129; Cour de Paris, 21 juin 1838, citée par Dalloz, no 148). En effet, Soutiendra-t-on que l'agent de la force publique dont parle l'article 230 ne sera point protégé par l'article 224, parce que ce dernier article ne parle que de l'agent dépositaire de la force publique? Cependant, d'après les définitions de l'arrêt de la Cour de Liége, ces deux catégories d'agents doivent être distinguées, et si cette distinction est fondée, l'agent de la force publique n'est point protégé par l'article 230, lorsqu'on le frappe, tandis qu'il est protégé par l'article 224, lorsqu'on l'insulte; le résultat inverse se produit pour l'agent dépositaire de la force publique.

De pareilles conséquences sont d'autant plus absurdes que l'article 225, par une précaution spéciale, a puni d'une peine plus forte l'outrage envers un commandant de la force publique, ce qui démontre bien que l'article 224 s'applique aux simples agents de cette force publique, quoiqu'il n'ait parlé que des agents dépositaires de la force publique.

Le raisonnement que nous venons de faire s'applique évidemment aux citoyens chargés d'un ministère de service public dont parle l'article 230; le législateur a voulu partout, à titre égal, sauf l'aggravation de la peine, préserver les dépositaires de l'autorité et de la force publique (qualification de la rubrique) contre les outrages par paroles, gestes ou menaces comme contre les coups et violences; la nécessité de protection existe pour tous les cas, pour tous les manquements; et si l'article 230 punit les coups portés à un citoyen chargé d'un ministère de service public, l'article 224 punit |

nécessairement les outrages envers ce citoyen; la même raison de décider existe pour ce citoyen et pour l'agent de la force publique ; l'un n'est pas plus qualifié dans l'article 224 que l'autre ; l'un et l'autre doivent être mis à l'abri des outrages, comme l'agent dépositaire de la force publique doit se trouver à l'abri des violences et des blessures. Nous disons donc que l'article 224 concerne, tout comme l'article 230, les citoyens chargés d'un ministère de service public.

Remarquons que le citoyen chargé de ce ministère est compris dans les termes généraux de la rubrique, dépositaire de l'autorité et de la force publique; et c'est par argument de ces termes et par une extension rationnelle et juridique des articles du Code que l'on appliquerait les dispositions qui font le sujet de nos remarques aux présidents des bureaux électoraux (loi électorale, article 22; loi communale, article 26; loi provinciale, article 15), qui ont le droit de requérir la force publique et qui ne trouveraient que dans les articles 222 ou 224 la protection spéciale et toute temporaire dont ils ont besoin pour fortifier l'autorité ou le ministère de service public dont ils sont charges. (Voy. Dalloz, loco citato, no 133.)

Indépendamment des arguments spéciaux qu'offrent la comparaison des textes, les termes de la rubrique du paragraphe et l'autorité de la doctrine, nous pouvons nous armer des arguments tirés des dispositions du Code d'instruction criminelle relatives aux officiers de police judiciaire et aux agents qui ont le droit de constater les délits et de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire. Ce Code établit diverses catégories de magistrats, d'officiers et d'agents considérés comme officiers de police judiciaire, et dont, suivant l'article 154, les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire, quelquefois même jusqu'à preuve de faux. Soutiendra-t-on que ces dépositaires de l'autorité ne sont pas tous protégés par les articles 222 à 233 du Code pénal? et si, comme nous le croyons, on ne peut le soutenir, ne sera-t-il pas évident que cette protection couvrira tous les autres agents constitués par des lois spéciales, et auxquels ces lois ont attribué le droit de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire?

Il n'importe que ces agents soient considérés comme officiers de police auxiliaires du procureur du roi (loi du 15 avril 1843, article 15, relative à la police du chemin

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