Page images
PDF
EPUB

no 5; Code de commerce, art. 142, 187, 656, 638 et 638; Code de procédure, article 126; loi du 15 germinal an vi.)

(JANSON,

C. SCHLEICHER ET FILS.)

Nous avons rapporté, année 1849, première partie, p. 331, les faits de cette cause, le jugement du tribunal de Liége qui avait prononcé la contrainte par corps, et le premier arrêt de cette Cour, du 11 août 1849, qui a cassé cette décision et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Verviers.

Ce dernier siége ayant jugé comme l'avait fait le tribunal de Liége, Janson a reporté l'affaire devant les chambres réunies de la Cour de cassation. Comme la première fois, il invoquait la violation et la fausse application des articles 2060, no 5, du Code civil, 142, 187, 631, 632, 636, 637 et 638 du Code de commerce, 126 du Code de procédure civile, et la violation pour fausse application de la loi du 15 germinal an vi.

En principe, disait le demandeur, le cautionnement d'une obligation commerciale ne constitue pas par lui-même un acte de commerce. Si, en matière de lettres de change et d'après l'article 142 du Code de commerce, le donneur d'aval est contraignable par corps, à moins de convention contraire, cette disposition s'explique par la nature toute spéciale du contrat de change et par la faveur dont la loi a voulu l'entou

rer.

L'article 187 du Code de commerce, en statuant que les dispositions relatives aux lettres de change et concernant l'échéance, l'aval, etc., sont applicables aux billets à ordre, ajoute : et sans préjudice des dispositions relatives aux cas prévus par les articles 636, 637 el 638 du même Code; or, aux termes de l'article 637, l'individu, nonnégociant, qui a apposé sa signature sur un billet à ordre, ne peut être contraint par corps à moins qu'il ne se soit engagé à l'oc casion d'opérations de commerce, et ces opérations doivent concerner l'individu nonnégociant. Dans l'espèce, il est constaté que les opérations ne concernaient pas le demandeur. Le jugement a pris soin de reconnattre lui-même que les opérations étaient exclusivement personnelles aux dames Nalinnes.

Le billet à ordre, qui a donné naissance aux poursuites, ayant pour cause, dans son origine, une opération de commerce à laquelle Janson est êtranger, il s'ensuit que ce billet, bien que signé pour aval par le de

mandeur, ne pouvait donner naissance à la contrainte par corps. L'article 637 du Code de commerce ne fait et ne devait faire aucune distinction entre le donneur d'aval et les autres signataires du billet à ordre.

Lors même que l'aval a été fourni par un non-négociant pour garantie d'un billet à ordre créé à l'occasion d'une opération de commerce, il ne s'ensuit pas que l'aval participe de la nature de l'engagement principal et constitue un acte de commerce. Les actes de commerce sont clairement définis dans les articles 631, 632 et 633 du Code de com

merce.

Le jugement attaqué n'a pu juger le contraire qu'en créant une distinction qui ne résulte ni du texte ni de l'esprit de l'art. 637; d'où il suit que le tribunal de commerce de Verviers, en prononçant la contrainte par corps contre le demandeur en cassation, a contrevenu aux textes invoqués par le pourvoi et surtout à l'article 126 du Code de procédure civile, qui ne permet au juge de prononcer la contrainte par corps que dans les cas prévus par la loi, et, dans le cas dont il s'agit, la loi n'a pas permis la contrainte par corps.

Les défendeurs répondaient à ce moyen : Il est constant en fait que le billet à ordre, signé pour aval par le demandeur, a une cause commerciale, et que dès lors les souscripteurs étaient contraignables par corps. Or l'article 142 du Code de commerce porte que le donneur d'aval est tenu par les mêmes voies que les tireurs et endosseurs, et l'article 187 rend applicables aux billets à ordre toutes les dispositions relatives aux lettres de change, el concernant l'échéance, la solidarité, l'aval, etc. Il est vrai que cet article ajoute Sans préjudice des dispositions relatives aux cas prévus par les articles 656, 657 et 638. Mais il suffit de lire ces derniers articles, qui ont pour but unique de régler la compétence, pour se convaincre qu'ils n'apportent aucune modification aux articles 142 et 187 qui régissent l'aval. D'après l'article 636 il y a lieu de renvoyer les parties devant le juge civil, lorsqu'il s'agit de lettres de change qui, aux termes de l'art. 12, sont réputées simples promesses, ou de billets à ordre qui ne portent que des signatures d'individus non-négociants et n'ont pas pour occasion des opérations de commerce. Et l'article 657 ajoute: «< Lorsque «< ces lettres de change et ces billets å ordre,» c'est-à-dire des billets n'ayant pas pour occasion des opérations commerciales, « por«teront en même temps des signatures

d'individus négociants et d'individus non<< négociants, le tribunal de commerce en « connaitra, mais il ne pourra prononcer la « contrainte par corps contre les individus << non-négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de com

merce. »

Les motifs de ces dispositions sont faciles à saisir.

La lettre de change et le billet à ordre, étant de nature commerciale, tombaient de droit sous la juridiction consulaire, alors même qu'ils auraient été souscrits par tous individus non négociants, si l'article 656 n'avait pas dit le contraire. Et l'article 657, en soumettant à cette juridiction tous les signataires de ces effets, dès qu'il y avait parmi eux des négociants, devait ajouter, pour prévenir toute induction contraire, que cette juridiction n'entraînerait pourtant pas la contrainte par corps à l'égard du signalaire non négociant, à moins qu'il ne se soit engagé à l'occasion d'opérations de com

merce.

Mais cette restriction ne s'applique évidemment qu'au signataire qui n'a pas posé un acte de commerce, c'est-à-dire à l'individu non négociant qui a souscrit ou endossé l'effet pour cause civile, et nullement au donneur d'aval qui ne peut être assimilé au simple endosseur. L'aval est en effet un cautionnement commercial qui participe tellement de la nature de l'acte cautionné qu'il forme avec celui-ci un seul et même tout indivisible; si l'effet est commercial, le donneur d'aval pose un acte de commerce el en subit toutes les conséquences.

S'il est vrai, en principe, que le cautionnement d'une obligation commerciale ne constitue pas par lui-même un acte de commerce, il n'en est pas de même de l'aval qui est régi par des dispositions toutes spéciales et qui diffère essentiellement du cautionnement ordinaire. Ainsi, par exemple, aux termes de l'article 2021 du Code civil, la simple caution, à moins de stipulation expresse, n'est tenue solidairement avec le débiteur, lequel doit être préalablement discuté dans ses biens, tandis qu'aux termes de l'article 142 du Code de commerce, l'aval entraîne, de plein droit, la solidarité et soumet celui qui l'accorde aux mêmes voies d'exécution que le débiteur principal, le tout sauf convention contraire. La règle est donc inverse pour les deux cas, et de celle différence on doit tirer la conséquence que le cautionnement donné par aval est com

mercial lorsqu'il s'applique à une obligation commerciale, c'est-à-dire à une lettre de change qui constitue par elle seule un acte de commerce, ou à un billet à ordre causé pour affaire de commerce.

Qu'on ne dise pas que l'article 637 ne fait aucune distinction entre le donneur d'aval et les autres signataires d'un billet à ordre, car cet article ne s'occupe pas de l'aval qui est réglé par les articles 142 et 187, dispos'appliquait à l'aval. sitions qui seraient inutiles si l'article 637

On objecte encore que l'aval ne participe pas nécessairement de la nature de l'engagement principal, mais la loi dit le contraire; en effet, celui qui signe pour aval une lettre de change pose un acte de commerce, parce que la lettre de change est réputée telle; c'est donc à cause de la nature de l'effet et non à cause de la qualité blige ou non commercialement, et dès lors personnelle que celui qui donne l'aval s'ocelui qui signe pour aval un billet à ordre souscrit par un négociant ou causé pour affaires de commerce est contraignable par corps, comme le souscripteur lui-même (voy, arrêt de la Cour de Paris du 11 juin 1849).

Dans l'espèce du procès, les circonstances de fait démontrent même que le demandeur n'était pas étranger à l'opération commerciale qui a donné lieu aux billets cautionnés mari de l'une des débitrices, quoique séparé de biens, il avait intérêt à obtenir une réduction ou un atlermoiement de la part des créanciers de sa femme. D'ailleurs l'article 637 n'exige pas, pour l'exercice de la contrainte par corps, que celui qui donne sa signature à un effet de commerce soit directement intéressé dans l'opération commerciale qui l'a causée, mais uniquement qu'il se soit engagé à l'exécution de semblable opération. Quant au moyen tiré de la loi du 15 germinal an vi, cette loi, qui existait avant le Code de commerce, prononce la contrainte par corps contre les souscripteurs d'une lettre de change; l'article 142 du Code de commerce assimile le donneur d'aval au souscripteur, et l'article 187 du même Code assimile le billet à ordre à la lettre de change pour ce qui concerne l'aval. Le jugement attaqué a donc fait une juste application de la loi de germinal combinée avec les deux articles cités du Code de commerce.

M. le procureur général Leclercq a conclu au rejet du pourvoi.

Le pourvoi qui vous est soumis, a-t-il dit,

repose sur le moyen par lequel a été attaqué et annulé un premier jugement rendu dans cette affaire.

Une seule question se rattache à ce moyen, c'est celle de savoir si le contrat d'aval passé pour le payement d'un billet à ordre est ou non exécutoire par la voie de la contrainte par corps, selon que le billet å ordre a été ou non souscrit ou endossé par un négociant ou à l'occasion d'une opération commerciale, selon qu'il est ou non un acte de commerce; ou bien, si cette voie d'exécution dépend exclusivement de la qualité du donneur d'aval et de la nature de l'opération personnellement faite par lui, quels que soient la nature et les effets du billet en faveur duquel il a contracté l'aval.

Cette question a sa source dans les articles 141, 142, 187 et 637 du Code de commerce.

A ne voir que les trois premiers de ces articles, la solution n'en serait point douteuse; il n'y aurait même point de question.

Ils contiennent les dispositions expresses de nos lois sur le contrat d'aval.

L'article 141, sans en donner une défini. tion, que sa dénomination même et le sens clair qu'elle présente (1) rendaient inutile, permet de garantir la lettre de change par ce contrat.

L'article 142, tout en déclarant le donneur d'aval obligé solidairement avec les tireurs et les endosseurs, lui rend applicables les voies d'exécution applicables à ces derniers; il rend en conséquence le donneur passible de la contrainte par corps par cela seul que les tireurs et les endosseurs sont passibles de cette voie d'exécution, et indépendamment de sa qualité et de la nature de l'opération qu'il a personnellement faite

en contractant.

L'article 187 déclare applicables aux billets à ordre toutes les dispositions relatives aux lettres de change, et il comprend dans l'énumération qu'il en fait les dispositions concernant l'aval; il rend en conséquence propres à ceux qui ont contracté l'aval pour le payement d'un billet à ordre les voies d'exécution propres à ceux qui ont souscrit ce billet comme tireur ou endosseur, et par suite il rend le donneur passible ou non de la contrainte par corps, par cela seul et selon que le souscripteur et les endosseurs

(1) Aval, promesse de faire valoir, Ferrière, Dictionnaire du droit; Savary, Parfait négociant, livre III, chapitre 8.

sont ou non passibles de cette voie d'exécution, c'est-à-dire, par cela seul et selon que le billet est ou non un effet de commerce, et il l'en rend passible, quelles que soient la qualité et la nature de l'opération qu'il a personnellement faite en contractant.

Mais cet article 187 ne déclare pas purement et simplement applicables aux billets à ordre les dispositions relatives aux lettres de change, il ajoute une restriction à cette déclaration en y faisant exception dans les cas prévus par les articles 636, 637 et 638.

L'article 637 trace, dans les cas qu'il prévoit, des règles spéciales sur la voie d'exécution par la contrainte par corps, en l'autorisant ou en l'interdisant dans ces cas suivant les circonstances; il la fait dépendre de la qualité des contractants ou de la nature de l'opération, à l'occasion de laquelle ils contractent, et de là il suit que si le cas du contrat d'aval passé pour le payement du billet à ordre est du nombre des cas prévus, il est soumis à ces règles; il n'est plus soumis, quant à la voie de la contrainte par corps, à la règle, qui ouvre contre le donneur les voies d'exécution ouvertes contre les tireurs et les endosseurs du billet à ordre, pour le payement duquel il a été passé, il tombe sous l'exception apportée à l'application aux billets à ordre des dispositions relatives aux billets de change, il tire exclusivement celle voie d'exécution de la qualité du donneur ou de la nature de l'opération, qu'il a personnellement faite en contractant, il ne la tire plus de la qualité des souscripteurs et des endosseurs du billet, dont il est l'accessoire, ou de la nature de l'opération à l'occasion de laquelle ils l'ont souscrit ou endossé.

Là donc est le noeud de la question que nous venons de poser.

Le cas du contrat d'aval est-il au nombre des cas prévus par l'article 637 du Code de commerce?

Nous pensons qu'il ne l'est pas ; que cel article ne dispose, ne trace de règles spéciales sur la voie d'exécution par la contrainte par corps que pour les billets à ordre; qu'il ne dispose nullement pour le contrat d'aval, contrat distinct, quoique accessoire, de ces billets, qu'il le laisse en conséquence suivre dans toutes ses voies d'exécution, d'après la règle générale de l'article 187, le sort du billet, pour le payement duquel il a été passé, et qu'ainsi l'exception qu'il apporte à cette règle est étrangère à ce contrat.

Un seul mot, en effet, inséré dans l'article 637 a pu donner à croire qu'il concer

nait le contrat d'aval, c'est le mot signalures, car pour le surplus il ne dit absolument rien qui touche nommément à ce contrat.

Il parle des signatures apposées sur les billets à ordre, et de là on conclut que l'aval se donnant sur ces billets, la signature du donneur est une signature du billet à ordre qui lui rend l'article applicable comme celle du souscripteur et des endosseurs le rendent applicable à ceux-ci.

C'est là une confusion que tout repousse, et l'objet de cet article, tel que nous l'indiquent les termes dans lesquels il est conçu, et l'histoire des discussions dont il est sorti, et le principe en vertu duquel la loi a, par l'article 142, déclaré le donneur de l'aval contracté pour le payement d'une lettre de change tenu par les mêmes voies d'exécu tion que les tireurs et les endosseurs.

L'article 637 parle, il est vrai, des signalures apposées sur les billets à ordre pour soumettre ou soustraire ceux dont elles émanent à la contrainte par corps selon leur qualité ou la nature de leurs opérations.

Mais en disposant dans cette forme il ne parle pas des signatures apposées matériellement sur le papier ou l'acte contenant le contrat de billet à ordre; il parle des signatures apposées sur le contrat lui-même et qui en sont un des éléments; il traite de ce contrat, il en trace les règles d'exécution sous le rapport de la contrainte par corps; il n'entend donc, parlant de signatures à son sujet, il n'entend designer que les signatures destinées à lui imprimer irrévocablement la forme nécessaire à sa validité et à ses effets; il n'entend donc désigner que les signatures des parties à ce contrat, de ceux qui, en le signant à ce titre, l'ont conclu, y ont donné leur consentement à cette fin; el dans ce sens seul, il porte que le tribunal de commerce ne pourra prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change ou courtage.

Or le donneur d'aval n'est point partie au contrat de billet à ordre; ce contrat se conclut et produit ses effets indépendamment de son intervention et de son consentement; il peut bien signer sur l'acte qui le contient, mais il ne le signe point, sa signature est l'expression de son consentement à un contrat tout distinct, quoique accessoire; il signe et conclut le contrat d'aval et rien de plus; ce n'est donc pas de lui, ce n'est donc pas de sa signature que parle l'article 637, quand il dispose comme il le fait; PASIC., 1852. 1re PARTIE.

il ne parle que des souscripteurs et des. endosseurs; il faudrait tout au moins pour qu'on put y comprendre le donneur d'aval, si toutefois il était possible de faire abstraction de la distinction des deux contrats, il faudrait que sa signature sur le billet à ordre fût de l'essence de cette sorte de garantie et dût par suite, en la confondant avec lui, se confondre également avec les signatures dont il tient l'existence; mais il n'en est rien, car le contrat d'aval peut être passé par acte séparé du billet à ordre tout aussi bien que dans le même acte; il est même dans une quantité de places de commerce (1) habituellement passé par acte séparé, et sous l'une et l'autre forme il n'est pas autre, il ne produit pas d'autres effets, il ne donne pas ouverture à d'autres voies d'exécution; il est donc impossible de dire que les signatures du contrat d'aval soient des signatures du billet à ordre, dont parle l'article 637; l'argument, l'unique argument sur lequel repose ce système, pêche donc en fait non moins qu'en droit; formulé par acte séparé, le contrat d'aval ne prête évidemment pas à cet argument des signatures; celle du donneur d'aval n'est pas alors sur le billet à ordre pour le payement duquel il a contracté; et pourtant c'est de cette circonstance seule qu'on peut induire que le contrat d'aval est au nombre des cas prévus par l'article 657; un semblable argument n'a donc absolument aucune valeur, il faut donc bien reconnaître que cet article, en parlant de signatures apposées sur les billets à ordre, ne parle que des signatures par lesquelles on conclut, on forme ou continue le contrat de billet å ordre et qui sont de l'essence de ce contrat, qu'il concerne en conséquence exclusivement les souscripteurs et les endosseurs, entre lesquels seuls il intervient et se continue; et que par suite il ne concerne aucunement ceux qui ont signé un contrat d'aval.

C'est ce que confirment, ainsi que nous le disions tantôt, et l'histoire des discussions dont il est sorti, et le principe en vertu duquel la loi a, par l'article 142, déclaré les voies d'exécution, par lesquelles sont tenus les tireurs et les endosseurs d'une lettre de change, ouvertes contre ceux qui ont passé un contrat d'aval pour en assurer le paye

ment.

L'histoire des discussions dont est sorti l'article 637 avec l'article 656 qui le précède

(1) Observations des Cours et tribunaux sur le projet du Code de commerce.

28

se trouve dans les procès-verbaux des longues et nombreuses séances qu'y a consacrées le conseil d'Etat il n'y en a pas eu moins de quatorze dans le cours des années 1806 et 1807; et dans toutes on voit que la seule difficulté qu'il s'agissait de lever était celle de savoir surtout au point de vue de la contrainte par corps dans quels cas un billet à ordre est un effet de commerce, s'il ne l'est jamais, s'il l'est toujours, ou si tantôt il l'est, tantôt il ne l'est pas; tel a été l'unique objet de ces longues discussions : déterminer la nature du contrat de billet à ordre. Jusque-là sa condition avait été incertaine, et les opinions avaient été partagées; avant l'ordonnance du commerce de 1675, il n'était guère d'un fréquent usage; ce n'est que depuis qu'il s'était développé, et cette ordonnance non plus que les lois postérieures jusqu'au Code de commerce ne s'en étaient expliquées d'une manière positive; nous n'y voyons même prévu expressément que l'aval des lettres de change, et tandis que dans un des projets soumis au conseil d'Etat qui ne l'a pas du reste soumis à une discussion, l'on prévoit l'aval pour la lettre de change, on ne prévoit que le simple cautionnement pour le billet à ordre, tant était grande jusqu'alors l'incertitude sur sa véritable nature; aussi toute la discussion du conseil d'Etat relative aux articles 636, 637 et 658 roula sur ce point. Trois systèmes étaient en présence: les uns prétendaient que le billet à ordre n'était pas de sa nature un effet de commerce, d'autres au contraire, qu'il était toujours un effet de commerce, d'autres enfin soutenaient un système mixte, suivant lequel il était un acte de commerce selon la qualité des contractants ou la nature de leurs opérations; dans la lutte de ces trois systèmes on ne voit apparaître que le contrat de billet à ordre et les parties à ce contrat, les souscripteurs et les endosseurs; les membres du conseil d'Etat entrent dans les plus grands détails, prévoyent et discutent soigneusement tous les cas possibles, et jamais ils ne laissent échapper un mot, qui de près ou de loin touche au contrat d'aval et aux parties à ce contrat; c'était pourtant le cas d'en parler, car outre qu'il peut être passé par un acte séparé, il a son caractère particulier, et ce caractère pouvait compliquer encore le débat et sa solution; mais on ne parle que du contrat de billet à ordre et des diverses éventualités qui pouvaient s'y rattacher en lui-même; on ne parle des signataires de ces billets que dans le sens des souscripteurs et des endosseurs, c'est-à-dire, dans le sens de

gens qui font leur affaire en le signant, ce qui ne peut se dire du donneur d'aval, du moins à prendre les actes comme on le doit dans le sens de leur forme et indépendamment d'une simulation qui ne se présume pas et qui d'ailleurs en changerait le caractère; c'est à régler exactement, sous le rapport de la contrainte par corps, toutes les éventualités des signatures ainsi entendues qu'on s'attache, c'est à cette fin qu'ont été rédigés pour conclusion de ces longs et profonds débats les articles 636 et 657 du Code de commerce, et on y garde le silence sur le contrat d'aval comme on l'avait gardé sur ce contrat dans la discussion dont ils sortaient; on ne l'y prévoit, on ne l'y comprend donc pas plus qu'on ne l'avait prévu, qu'on ne l'avait compris dans cette discussion; l'une est la mesure de l'autre, et de même que le débat y était étranger, la disposition y a dû être étrangère aussi.

C'est ce qu'achève de prouver le principe en vertu duquel la loi a, par l'article 142, déclaré les voies d'exécution par lesquelles sont tenus les tireurs et les endosseurs d'une lettre de change, ouvertes contre ceux qui ont passé un contrat d'aval pour en assurer le payement. Ce principe est pleinement applicable à l'aval contracté pour le payement d'un billet à ordre, et il repousse loin de ce contrat l'article 637, ou plutôt il rend la disposition de cet article absolument inutile à son égard.

Si le donneur d'aval à la lettre de change est passible de la contrainte par corps comme le tireur et les endosseurs, ce n'est point parce que comme ceux-ci il est partie au contrat de change, il fait acte de change et que de sa nature l'acte de change est commercial; quelques personnes l'ont pensé, et cette idée les a conduites à ne pas étendre cette voie d'exécution à l'aval donné au billet à ordre, qui n'est pas de sa nature un effet de commerce, et ne prend ce caractère vis-à-vis du souscripteur et des endosseurs, pour donner contre eux ouverture à la contrainte par corps qu'à raison de la qualité personnelle de chacun d'eux ou de la nature de l'opération personnelle faite par lui. Mais c'est là une erreur; le principe de la contrainte par corps appliqué au donneur d'aval n'est pas dans la nature du contrat de change, auquel il serait partie; ce principe est dans la nature spéciale du contrat d'aval lui-même et dans les rapports qui en dérivent du donneur à ceux dont il s'est obligé par ce contrat à faire valoir les engagements.

« PreviousContinue »