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criptions et que les opposants sont restés en demeure de nommer un expert;

«Par ces motifs, déclare les époux Vanderton non fondés dans leurs moyens d'opposition à la demande en expertise formulée à leur charge par ladite administration, par exploit qui leur a été notifié le 27 juillet 1849; ordonne que cette expertise aura lieu, ordonne en outre que les époux opposants auront à faire choix d'un expert pour procéder, conjointement avec celui choisi par l'administration, à l'expertise des biens désignés audit exploit, etc. »

Vanderton s'est pourvu en cassation du chef, 1o de violation et fausse application des art. 4, 15, 17 et 18 de la loi du 22 frimaire an vii; 2° pour fausse application de l'art. 5 de la loi du 27 ventôse an Ix; 3° pour violation des art. 697, no 4, 698, 707, §, 709 et 710 du C. de pr. civ.

M. le procureur général Leclercq a donné les conclusions suivantes :

Un immeuble a été adjugé publiquement, en justice, sur expropriation forcée.

Il l'a été, en exécution de l'article 698 du C. de pr., au créancier poursuivant, c'està-dire forcément, à défaut de surenchérisseur sur la mise à prix, que suivant l'article 697 il avait dù insérer dans le cabier des charges de la vente, et pour cette mise à prix devenue ainsi prix de vente.

La régie de l'enregistrement n'a pas cru devoir prendre ce prix pour règle de la valeur de la propriété sur laquelle était dù le droit proportionnel; elle en a requis l'estimation par experts, et le tribunal de Bruxelles l'a ordonnée.

Son jugement est-il conforme à la loi? La réponse à cette question est dans les articles 15 et 17 de la loi du 22 frimaire an vir dont les dispositions tracent les règles à suivre pour déterminer la valeur de la propriété des immeubles soumis au droit proportionnel de mutation. Nous n'ajouterons pas à ces articles, comme l'a fait le jugement dénoncé, l'art. 4 portant que le droit proportionnel d'enregistrement est assis sur les valeurs; le sens et les effets de cet article ne sont contestés par personne; la règle d'appréciation des valeurs est seule en litige, et cette règle est exclusivement dans les articles 15 et 17 pour les translations d'immeubles à titre onéreux.

L'article 15 porte : « La valeur de la pro« priété, de l'usufruit et de la jouissance « des immeubles est déterminée pour la li« quidation et le payement du droit propor

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Nous venons de voir par cet article qu'il y a deux mesures d'appréciation d'un immeuble transmis à titre onéreux pour la liquidation du droit proportionnel; ces deux mesures sont le prix exprimé et une estimation d'experts.

Mais la loi met entre elles une différence que le tribunal de Bruxelles a perdue de vue, et qui fausse le motif principal de son jugement, le point de départ de tous les autres.

Suivant lui, la valeur sur laquelle l'impôt est assis se détermine par le prix exprimé ou par une expertise, et nul, sans contrevenir à l'article 112 de la constitution, ne saurait se soustraire à l'égalité d'impôt par la forme de l'acte d'acquisition; il suppose ainsi que la loi place sur la même ligne le prix exprimé et l'expertise, que la loi ne fait aucune différence entre ces deux mesures des valeurs, et que le choix en apparlient au créancier de l'impôt, à la régie, pour tous les actes que l'article embrasse et parmi lesquels se trouvent les adjudications de toute espèce.

Mais ce n'est là qu'une supposition; la loi n'admet pas indifféremment ces deux mesures au choix de la régie; elle les distingue au contraire en termes exprès; elle admet purement et simplement, d'une manière absolue, la mesure par le prix exprimé, elle n'admet pas de même la mesure par estimation d'experts, elle ne l'admet que dans les cas autorisés par elle; pour l'une la règle suffit, pour l'autre, il faut de plus une disposition spéciale, une véritable dérogation à la règle; elles sont ainsi dans les rapports de l'exception à la règle; le prix exprimé est la règle, l'estimation est l'exception, et ces rapports des deux mesures s'expliquent naturellement par la force des choses, par les intérêts mis en jeu dans toute vente; le prix, en présence de ces intérêts, est la véritable expression de la valeur des choses dans un temps donné; il ne cesse de l'être que là où il y a une raison et un moyen d'en dissimuler l'étendue réelle, et, à part ce cas, il est d'autant plus équitable de le considérer comme tel, qu'un acquéreur ne peut jamais s'y refuser pour payer un moindre droit que

celui qui en résulte; telles sont donc les deux mesures admises par la loi, le prix d'abord et comme règle générale, l'estimation d'experts ensuite, mais dans le cas seulement où la loi, par une disposition expresse, l'a autorisée, et le tribunal de Bruxelles s'est trompé en les plaçant sur la même ligne, pour voir dans l'article 15 une disposition générale applicable pour l'une et l'autre à tous les modes de translation de la propriété à titre onéreux.

Le cas de l'espèce est-il au nombre de ceux pour lesquels la règle ne doit pas ètre suivie, et la loi autorise-t-elle l'exception par une disposition spéciale? A ce point se réduit maintenant la question du pourvoi.

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Ici encore le tribunal de première instance a raisonné de manière à rendre l'article applicable à tous les cas de translation à titre onéreux d'immeubles en propriété ou en usufruit, à substituer l'exception à la règle, et à rendre cet article même inutile. Suivant lui, et ce n'est d'ailleurs qu'une conséquence de son appréciation de l'article 15, il suffit à la régie de trouver le prix exprimé dans une translation quelconque, inférieur à la valeur vénale, pour qu'elle puisse en demander l'expertise; mais s'il en est ainsi, elle peut toujours faire cette demande, et il n'était besoin ni d'insérer l'article 17 dans la loi, ni d'insérer dans l'article 15 le principe de cet article 17, c'est à dire d'ajouter à la mesure des valeurs par estimation d'experts cette restriction: dans les cas autorisés par la présente; ces mots restrictifs étaient de trop; ils devaient être supprimés et remplacés par l'attribution, faite à la régie, du droit d'expertise; la loi ne l'a pas fait, elle ne peut avoir disposé inutilement, pareille interprétation ne peut être donnée à ses dispositions; celle que leur a donnée le tribunal de première instance est donc erronée, et c'est ce qu'achèvent de prouver les termes dans lesquels est conçu l'article 17, l'objet de cet article, et la sanction qu'il a reçue.

De ces trois chefs, qui se prêtent un mu-
PASIC., 1852, 1re PARTIE.

tuel appui, la loi n'autorise la mesure de l'estimation d'experts que dans les cas où la translation de la propriété ou de l'usufruit à titre onéreux s'opère par une convention entre le propriétaire et l'acquéreur, elle n'écarte la mesure du prix exprimé que dans les cas où ce prix dépend, dans son expression, de la volonté du vendeur et de l'acquéreur, elle porte une disposition en harmonie parfaite avec celle de l'article 15, et la distinction qu'il établit entre les deux mesures des valeurs, faisant de l'une la règle et de l'autre l'exception.

Par ses termes l'article se rapporte exclusivement aux translations de propriété ou d'usufruit dont la formule extérieure est, pour le prix comme pour les autres clauses, à la libre disposition du propriétaire vendeur et de l'acquéreur, et peut cacher des arrangements qui en modifient l'expression; il est par conséquent étranger aux translations qui s'opèrent par jugements rendus sur expropriation forcée ses termes, en effet, n'attachent l'autorisation spéciale nécessaire à l'estimation qu'aux simples actes translatifs de propriété ou d'usufruit, et ce mot, tel qu'il est employé ici, ne peut désigner ces jugements; nous disons à dessein tel qu'il est employé ici, car nous n'ignorons pas que le mot acte, pris en général et même employé ainsi dans la loi du 22 frimaire an VII, peut désigner des jugements comme des contrats, mais il ne s'agit pas du sens de ce mot pris en général, il s'agit du sens de ce mot avec l'emploi spécial qui en est fait ici, et nous croyons qu'avec cet emploi spécial il ne peut désigner les jugements; l'article 17, en effet, vient immédiatement après les trois premiers articles du chapitre intitulé: Des valeurs sur lesquelles le droit proportionnel est assis, et de l'expertise; ces trois premiers articles, 14, 15 et 16 de la loi, posent le principe de l'appréciation des valeurs; embrassant toutes les opérations soumises au droit proportionnel, ils asseyent en général cette appréciation sur les clauses des titres qui les contiennent; ce n'est qu'au dix-septième qu'on les abandonne pour recourir aux expertises; le seizième, qui le précède immédiatement, complète les deux précédents en statuant dans la prévision que ces titres ne contiendraient pas l'indication des sommes et valeurs, c'est-à-dire dans la prévision d'un cas tout autre que celui de l'espèce où le jugement contient l'indication de la somme; sa disposition est animée du même esprit, il ordonne aux parties d'y suppléer par une déclaration estimative, et comme il embrasse les mêmes

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titres que ces deux articles, c'est-à-dire tous sans exception, il les désigne tous; et à cet effet il les désigne par ces deux mots actes ou jugements, distinguant par là, quant aux titres dont traitent les deux premiers articles du chapitre, les actes et les jugements, indiquant par l'un de ces mots une chose et par l'autre une chose distincte et non comprise sous le premier, quoique ce premier mot, pris en général comme il est pris ensuite à la fin de l'article, où aucun doute n'était possible après la distinction qui venait d'être faite, puisse embrasser les juge.

ments.

De cette distinction il résulte que lorsque passant ensuite et immédiatement du mode d'appréciation des valeurs suivant les titres au mode d'appréciation suivant les expertises, admissibles seulement dans des cas particuliers et en vertu d'une autorisation expresse, la loi ne statue que pour les actes et ne dit rien des jugements, elle restreint son autorisation à la première de ces deux classes de titres et en exclut l'autre, les jugements; or, c'est ce qu'elle fait et en commençant et en finissant sa disposition; en commençant elle parle expressément du prix énoncé dans un acte, elle ne parle point du prix énoncé dans un jugement par lequel, indépendamment de toute convention à cette fin, la propriété est transmise d'une tête sur une autre ; en finissant elle fixe le délai dans lequel l'expertise peut être demandée pour cet acte, et restant conséquente avec cette dénomination restrictive, elle le désigne par le synonyme particulier aux titres auxquels ce mot se rapporte en fait de vente, elle le désigne par le mot contrat tout à fait inapplicable au jugement sur expropriation forcée qui prononce une vente étrangère à tous les éléments du contrat, surtout dans l'espèce, où vendeur et acheteur acquièrent tous deux cette qualité contre leur gré; on peut bien dire d'un jugement indépendant de toute convention translative qu'il équivaut à un contral; que les parties contre lesquelles il prononce ont formé le contrat judiciaire, mais jamais on ne l'appellera et on ne l'a jamais appelė contrat; telle est donc la limite que la loi apporte à l'autorisation d'expertise par les termes mêmes qu'elle emploie.

Cette limite apparaît non moins clairement dans l'objet de sa disposition : cette disposition a pour objet de rendre vaine toute dissimulation du véritable prix de la part des parties; elle repose en effet sur la présomption que l'on aurait énoncé dans un acte translatif un prix inférieur à la valeur

vénale; c'est ce que prouvent les mots, s'il paraît inférieur, appliqués à l'énonciation du prix; ce n'est pas, remarquons-le bien, dans la prévision de la possibilité d'une infériorité de prix que la loi autorise la mesure des valeurs par l'expertise; elle l'autorise dans la prévision qu'il y ait présomption de cette infériorité; or, une pareille présomption ne peut légalement exister que pour les titres translatifs où le véritable prix a pu être dissimulé; non-seulement cette présomption n'existe pas dans les autres titres translatifs, mais on y rencontre, à raison du caractère qui leur est propre, une présomption contraire; dans ces titres le concours et l'opposition des intérêts des nombreuses parties qui y interviennent, les précautions minutieusement combinées et assises toutes sur la science et l'expérience afin d'arriver à la véritable valeur vénale, l'intervention de la justice présente à toutes les phases de l'opération afin de les contròler, d'en assurer les fins et d'y mettre le sceau définitif de son autorité, constituent une véritable présomption légale de cette valeur ou tout au moins repoussent légalement la présomption d'un prix inférieur, et cela était non moins vrai au temps où a été publiée la loi du 22 frimaire an VII qu'aujourd'hui sous l'empire du Code de procédure civile; on peut contester en théorie l'efficacité des dispositions de la loi sur la matière, mais aux yeux de la loi cette efficacité existait, et cela suffit pour la question des expropriations forcées; certes, nonobstant toutes les circonstances de ces sortes de ventes et les précautions légales qui les entourent, un prix inférieur à la valeur vénale est possible, et encore faut-il être trèscirconspect à affirmer ce fait, parce qu'il arrive fréquemment qu'un bien, vendu un jour pour un prix se vend quelque temps après pour un prix fort supérieur à cause de circonstances personnelles au vendeur et à l'acheteur, et absolument étrangères à la valeur propre de la chose vendue; mais ce n'est là qu'une possibilité, et nous venons de le dire, ce n'est pas dans la prévision d'une simple possibilité, c'est dans celle d'une présomption que la loi a autorisé la mesure des valeurs par l'expertise, et elle n'a pu, en thèse générale, prévoir de présomption d'infériorité de prix que dans les titres où la dissimulation du prix véritable pouvait avoir lieu; tel est donc l'objet de sa disposition; rendre vaine cette dissimulation, et les considérations qui nous ont conduit à le reconnaitre nous conduisent, par une conséquence nécessaire, à reconnaître

qu'il n'est applicable qu'aux titres translatifs qui, dans leur rédaction, sont l'œuvre de la volonté des parties; que par suite il ne l'est pas aux jugements d'adjudication rendus sur expropriation forcée; aussi, et cette observation confirme ce que nous venons de dire, ne concevrait-on pas la forme de rédaction adoptée par la loi, si elle n'avait pour objet de rendre vaine toute dissimulation du prix véritable de vente, si elle avait simplement pour objet de mettre à l'écart le prix de vente indépendamment de toute dissimulation; on ne concevrait pas, dans celte dernière hypothèse, qu'au lieu de parler de l'énonciation du prix dans l'acte, comme du fait à écarter, elle ne se serait point bornée à parler du prix de vente; car c'était là le seul fait à écarter et à remplacer par le prix d'expertise; l'énonciation n'y élait pour rien, elle ne pouvait être prise en considération qu'autant que la loi voulut atteindre seulement l'acte contenant des assertions contraires à la vérité par l'effet d'une dissimulation; mais hors de là il lui suffisait de dire, c'était l'expression propre, il lui suffisait de dire: si le prix de translation paraît inférieur, etc., le fait de l'énonciation était de trop et n'avait de place légitime dans la disposition qu'en vue de la dissimulation, et partant qu'en vue des seuls actes où elle pouvait avoir lieu, ce qui en exclut les jugements sur expropriation forcée.

Telle est donc, par son objet comme par ses termes, la limite de l'article 17, de l'autorisation d'expertise accordée par la loi; cette limite ressort également de la sanction ajoutée par elle à sa disposition; l'article 18 met les frais d'expertise à la charge de l'acquéreur en cas de plus-value de 1/8; l'article 5 de la loi du 27 ventôse an Ix que, par sa nature, le législateur a dù coordonner avec la loi du 22 frimaire an VII, telle qu'il l'entendait, et qu'en conséquence il voulait qu'on l'entendit, impose dans le même cas un double droit sur le supplément de l'estimation; cette sanction comprend tout à la fois et des dommages-intérêts par l'obligation de payer les frais d'expertise et une amende, véritable peine, par l'obligation du double droit; or, ni des dommages-intérêts, ni une peine, ne peuvent être encourus que par une faute ou tout au moins une imprudence, car sans faute ou imprudence, il ne peut y avoir ni délit ni contravention; ce principe de droit se trouve respecté dans toutes les dispositions de la loi de frimaire; les dispositions mêmes qu'a citées le demandeur, en se bornant à faire

cette citation au point de vue de la fraude, en sont la preuve; et ni une faute, ni une imprudence, ne peuvent jamais être commises dans une vente sur expropriation forcée; elles ne peuvent l'être que dans les ventes qui, sous le rapport des clauses comme sous celui de l'acte, sont l'œuvre de la volonté des parties; elles ne peuvent l'être surtout dans une vente par laquelle un créancier, poursuivant, comme il en a le droit, le payement de sa créance, se trouve forcé de recevoir au lieu d'argent un bien dont personne n'a voulu malgré toutes les précautions que la loi a prises pour le faire porter à sa plus haute valeur; une pareille situation ne peut, sans atteinte à tous les principes du droit, encourir ni dommagesintérêts ni amende; elle n'a rien de comparable à celle d'une vente ordinaire; le tribunal de première instance a dit que dans cette vente les parties contractantes peuvent aussi, et sans dissimulation, avoir consciencieusement fixé un prix inférieur de 1/8 à la valeur vénale; mais ce n'est là qu'une possibilité toute exceptionnelle, et elle n'exclut pas en thèse générale la présomption d'une dissimulation que la loi doit réprimer; rien de semblable au contraire ne peut se rencontrer dans une vente sur expropriation forcée, elle est toujours à l'abri du plus léger soupçon de dissimulation, et doit par cela même demeurer étrangère aux peines de la loi, et par suite à la disposition dont ces peines sont la sanction.

Tout concourt donc pour soustraire les mutations de propriété ou d'usufruit faites par cette voie à l'autorisation spéciale sans laquelle on ne peut abandonner la règle générale de l'appréciation de leur valeur, c'està-dire le prix exprimé, pour y substituer la règle spéciale de l'expertise.

Tout y concourt, et l'inutilité de l'art. 17 dans le système du jugement, et les termes de cet article qui rattachent la règle spéciale de l'expertise aux contrats et en excluent les jugements indépendants de toute convention translative de propriété; et l'objet de sa disposition qui lui assigne pour but d'empêcher les dissimulations, propres seulement aux contrats et incompatibles avec les jugements; et cette sanction que, nous venons de le voir, le droit ne permet d'appliquer qu'à l'œuvre libre des parties, qu'aux contrats, et qu'il repousse loin de l'œuvre de la loi et de la justice, loin des jugements; nous ajouterons enfin cette grande raison d'équité qui s'oppose à ce que la loi, refusant aux parties le profit de l'expertise au cas d'un prix de vente reconnu supérieur à

la valeur vénale, ne l'accordant qu'au trésor public, maintenant contre elles sans exception la règle générale du prix exprimé, déroge à cette règle et rompe l'égalité entre le contribuable et son puissant créancier, dans d'autres ventes que dans celles où le premier peut lui-même la rompre par sa volonté, c'est-à-dire dans les contrats, et étende sa dérogation là où n'existe nul moyen de l'éviter et où la concurrence et l'opposition des intérêts, jointes à l'intervention de la loi et de la justice, forment une présomption légale d'un prix non fictif et d'un prix équivalent à la valeur vénale dans un temps donné.

Nous estimons en conséquence qu'aucune autre interprétation n'a pu être donnée à la loi; qu'en l'étendant à d'autres titres de translation qu'à ceux qui présentent les caractères du contrat, on applique l'exception au lieu de la règle, et on contrevient par cela même à celle-ci.

C'est ce qu'a fait le jugement déféré à votre controle; ce jugement contient donc une contravention expresse aux articles 15, no 6, 17, 18 de la loi du 22 frimaire an vII, et à l'article 5 de la loi du 27 ventôse an Ix; nous concluons en conséquence à ce qu'il plaise à la Cour l'annuler, renvoyer la cause et les parties devant un autre tribunal; ordonner que l'arrêt à intervenir sera transcrit sur les registres du tribunal de Bruxelles, et que mention en sera faite en marge du jugement annulé; condamner le défendeur aux dépens.

ARRÊT.

LA COUR; Sur la première partie du moyen de cassation prise de la violation et de la fausse application des art. 4, 15, 17 ct 18 de la loi du 22 frimaire an vn;

Considérant qu'il est constant en fait que les demandeurs, ayant poursuivi l'expropriation de l'immeuble dont il s'agit au procès, en ont été, à défaut de surenchérisseur et conformément à l'article 698 du Code de procédure, déclarés adjudicataires pour le montant de leur mise à prix, par jugement rendu à l'audience des criées du tribunal civil de Bruxelles, le 13 février 1849;

Considérant que le droit de faire fixer par experts la valeur des biens immeubles dont la propriété est transmise entre-vifs n'est pas ouvert d'une manière absolue à l'administration de l'enregistrement; qu'il résulte au contraire de l'art. 15, no 6, de la loi du 22 frimaire an vii, qu'elle ne peut en user

que dans les seuls cas prévus par cette loi;

Considérant que l'art. 17 de la même loi, réglant cette faculté à l'égard des mutations à titre onéreux, n'en permet l'exercice qu'autant que le prix énoncé dans l'acte paraisse inférieur à la valeur vénale, et que la demande d'expertise ait lieu dans l'année de l'enregistrement du contrat, délai qui a été porté à deux ans par la loi du 51 mai 1824;

Considérant que le but de l'expertise est d'assurer la perception de l'impôt sur l'intégrité de la valeur vénale qui en forme la base, en remédiant aux fraudes qui dissimulent le prix véritable convenu entre les parties;

Considérant qu'une fraude de cette nature ne saurait légalement se présumer, quand il s'agit d'une adjudication faite par jugement sur expropriation forcée, avec le concours de toutes les formalités prescrites;

Que non seulement rien n'autorise à croire que la loi du 22 frimaire an vII, postérieure à peine de quarante jours à celle du 11 brumaire sur l'expropriation forcée, ait révoqué en doute l'efficacité des mesures établies par celle-ci pour atteindre, dans l'adjudication, la valeur vénale de l'immeuble, mais que l'extension de l'expertise à ce cas serait, au contraire, inconciliable tant avec l'art. 18, § pénultième, de la loi du 22 frimaire qu'avec l'article 5 de la loi du 27 ventôse an IX;

Qu'en effet, l'adjudicataire est puni, par ces dispositions, du payement des frais de l'expertise et du double droit quand l'estimation excède d'un huitième le prix énoncé au contrat; or, il n'a pu entrer dans la pensée du législateur de frapper d'une peine un adjudicataire de bonne foi, surtout lorsqu'il devient, comme dans l'espèce, acquéreur malgré lui, ce qui pouvait arriver sous l'empire des articles 4 et 17 de ladite loi du

11 brumaire comme en vertu des art. 697 et 698 du C. de proc.;

Considérant que le législateur a lui-même révélé sa pensée dans les art. 17 et 18 précités, en désignant, sous le nom de contrat, l'acte qui peut donner lieu à l'expertise; que cette qualification ne s'applique à un jugement d'adjudication sur expropriation forcée ni dans le langage ordinaire de la loi, ni dans l'acception vulgaire ;

Qu'enfin la distinction des deux modes d'acquisition a été signalée par décret impérial du 12 septembre 1811 qui, dans son préambule, reconnait en propres termes,

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