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tous les biens demeurés vacants et sans maitre.

D'après les principes qui régissaient alors et qui ont continué à régir la matière, les biens du domaine étaient imprescriptibles, et toute distraction, sans le concours de la nation, était nulle (art. 8 du même décret).

Ainsi, en Belgique, les rivières non navigables ni flottables, et notamment la Senne, ont continué à faire partie du domaine public, puisque aucune loi ne les en a détachées; en supposant même qu'elles n'eussent pas fait partie du domaine de nos anciens souverains, elles seraient tombées dans le domaine national, tant en vertu de l'article 2, qu'en vertu de l'article 3 du décret cité de 1790; et alors même qu'elles auraient été possédées, pendant cinquante ans par un démembrement de l'Etat, la prescription ne pourrait être invoquée.

Si les auteurs ne sont pas d'accord sur la question de propriété de ces rivières, c'est par suite d'une confusion de principes.

Les uns en attribuent la propriété aux riverains par le motif que ceux-ci en retirent quelques profits et doivent supporter les frais de curage et d'entretien, mais ils oublient que le droit des riverains s'éloigne totalement du droit de propriété tel qu'il est défini par l'article 544 du Code civil, et que leur jouissance trouve sa cause uniquement dans les charges qui leur sont imposées et vice versa. Ils confondent, en un mot, des lois purement administratives avec des lois de propriété.

De ce que la loi attribue la police de ces cours d'eau aux autorités provinciales et communales, quelques-uns concluent que la propriété en appartient soit aux communes, soit aux provinces, confondant ainsi le double caractère de celles-ci, l'être moral

distinct avec le démembrement du pouvoir

exécutif.

Enfin le système du pourvoi consiste à faire considérer ces cours d'eau comme n'appartenant à personne et comme étant d'un usage commun à tous, usage à régler par les lois de police, aux termes de l'art. 714 du Code civil.

Mais il est évident que l'article 714 ne s'applique qu'aux choses forcément communes, telles que l'air, la mer, ou aux choses qui n'appartiennent à personne, telles que les oiseaux, les animaux sauvages, et non aux petites rivières qui sont susceptibles de propriété privée autant que les grandes PASIG., Are PARTIE.

- 1852.

rivières, dont la propriété doit dès lors résider dans le chef de quelqu'un, d'un être physique ou moral, et qui appartiennent à l'Etat par cela seul qu'elles n'ont pas d'autre maître (art. 715 du Code civil).

On objecte que l'Etat, en fût-il propriétaire, ne devrait payer ni les ouvrages d'art, ni les terrains incorporés dans la rivière, mais c'est méconnaitre la maxime d'équité: ubi commodum ibi incommodum. Le gouvernement ne peut vouloir conserver les grandes rivières, qui sont la partie productive de notre ancien domaine national et se débarrasser des petites qui en sont l'élément peu ou point productif.

Mais en supposant que le pourvoi eût raison sur ce point, le jugement attaqué, en décidant le contraire, n'aurait encore violé aucun texte de loi.

On dit que la loi met à la charge des communes les emprises faites pour l'élargissement des chemins vicinaux et on invoque l'autorité de Proudhon pour prouver l'analogie entre ces chemins et les petites rivières. Le jugement attaqué, en repoussant cette analogie, peut bien avoir méconnu l'autorité de Proudhon, mais il ne peut avoir violé la loi qui, de l'aveu du pourvoi, garde le silence sur ce point.

Les articles 29 et 55 de la loi du 16 sepbre 1807 ne s'occupent, l'un que des voies navigables et l'autre que des travaux d'assainissement, et quant aux autres textes invoqués, le jugement lui-même y répond suffisamment.

Le défendeur ajoute que les anciens ducs de Brabant payaient les ouvrages d'amélio ration faits à la Senne, et pour le justifier il cite un compte de leurs domaines pour l'année 1416. Il termine par cette remarque que celui qui incorpore la propriété d'autrui dans la sienne en doit la valeur d'a

près le droit commun (art. 541 et 544 du Code civil), et que c'est à l'Etat à citer la loi qui, dans l'espèce, mettrait semblable dépense à la charge d'un tiers.

L'avocat général a estimé que pour statuer sur le pourvoi, il était inutile de décider si les petits cours d'eau sont ou non une dépendance du domaine public; mais que dans la supposition qu'ils dussent être rangés dans la catégorie des biens dépendants de ce domaine, il fallait les attribuer au domaine public municipal (Proudhon, Domaine privé, no 821, Domaine public, nos 200 et 328): recherchant les principes de l'ancien droit belgique à cet égard, il a

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cité l'ordonnance du 4 avril 1651 (1) (Plac. Brabant, t. 5, p. 592). En France, d'après la loi du 29 floréal an x1, le curage des rivières est une charge des habitants, des riverains ou usiniers; les travaux d'élargissements doivent y être assimilés (Proudhon, Domaine public, t. 2, no 1044). La loi de floréal était sous ce rapport en parfaite harmonie avec les principes suivis aux PaysBas autrichiens. Dans le royaume des PaysBas, la surveillance de tout ce qui touche à l'entretien des petits cours d'eau appartenait aux conseils provinciaux (loi fond. du 24 août 1815, article 221; arrêté du 28 août 1820; règlement provincial du Brabant, du 14 juin 1820, articles 7 et 8; arrêté du 10 sept. 1830). Ces principes sont retracés à l'article 90, § 12, de la loi communale qui se réfère à la loi du 29 floréal an x1; c'est donc très compétemment qu'a été pris le règlement du 25 juillet 1842, pour la province de Brabant. Après avoir signalé les conséquences inadmissibles du système préconisé par le tribunal de Bruxelles, dont la portée serait de faire payer par l'Etat des dépenses ordonnées par les provinces ou par les communes; après avoir rappelé ce qui se pratique en matière de chemins vicinaux dont le sol fait aussi partie du domaine public municipal, mais non national, l'organe du parquet a conclu à la cassation.

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Attendu que le jugement attaqué n'a invoqué les faits de la cause que pour déterminer le prix du terrain qui fait l'objet du litige et qui a été empris pour l'élargissement de la Senne, mais que, pour décla rer l'Etat débiteur de ce prix, il ne s'est point fondé sur ce qu'en fait la cession du terrain aurait été consentie à son profit, mais uniquement sur ce que, en droit, la propriété des rivières non navigables ni flottables fait partie du domaine public; que le pourvoi est donc recevable.

Sur le moyen unique de cassation déduit de la violation des articles 558, 561 et 714 du Code civil; des articles 29 et 55 de la loi du 16 septembre 1807; de l'article 16 de la loi du 16 décembre 1811; de l'article 90 de la loi communale et des articles 2, 6, 7, 8 et 17 du règlement provincial du Brabant,

(1) A consulter en outre 27 mars 1610 (Plac. Brabant, t. 2, p. 161); 10 juin 1628 (id.); 27 février 1652 (id., t. 5, p. 592), et 17 mars 1689;

en date du 25 juillet 1842, approuvé par arrêtés royaux des 25 août 1842, 1er septembre 1843 et 8 août 1844; enfin de la fausse application et par suite de la violation des articles 2,5 et 6, section 1, de la loi du 22 décembre 1789 et 1er janvier 1790 :

Attendu qu'en admettant que les rivières non navigables ni flottables forment des dépendances du domaine public, aux ter

mes de l'article 538 du Code civil, comme n'étant pas susceptibles de propriété privée, il résulte de l'ensemble de notre législation que ces cours d'eau, dont les principaux avantages sont abandonnés aux propriétaires riverains, doivent être rangés dans le domaine public municipal plutôt que dans le domaine public national, et que la dépense des travaux y relatifs constitue une charge locale qui doit être répartie entre ceux qui ont intérêt aux travaux, et dans laquelle l'Etat n'intervient qu'au moyen de subsides à accorder dans les limites de son budget;

Attendu que cela résulte notamment 1° de la loi du 24 floréal an xi qui porte « qu'il est pourvu au curage des canaux et rivières non navigables et à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y correspondent, de la manière prescrite par les anciens règlements ou d'après les usages locaux, » et à défaut de semblables règlements ou usages par un règlement d'administration publique, de manière que la quotité de la contribution de chaque imposé soit toujours relative au degré d'intérêt qu'il aura aux travaux; 2o de l'article 29 de la loi du 16 septembre 1807 qui dispose que la défense relative à l'établissement d'une petite navigation ou d'un canal de flottage, à l'ouverture ou à l'entretien de grandes routes d'un intérêt local, à la construction ou à l'entretien des ponts sur lesdites routes ou sur les chemins vicinaux, doit être supportée par les départements, les arrondissements et les communes intéressés selon les degrés d'utilité respective, et que le gouvernement n'y contribue que lorsqu'il le juge convenable; 3o de l'article 35 de la même loi qui met à charge des communes les travaux de salubrité qui les intéressent; 4o des articles 16 et 17 du décret du 16 décembre 1811, d'après lesquels la dépense relative aux routes dépar tementales doit être répartie entre les dépar tements, les arrondissements et les communes intéressés ;

15 mars 1748; ordonnance du conseil du Hainaut, 8 février 1734; Plac. Brabant, t. 5, p. 467, et 7 mars 1704.

Attendu que si ces dispositions ne prévoient pas spécialement le cas de l'élargissement d'une petite rivière, elles proclament au moins le principe que les travaux publics d'une utilité locale ne sont pas à charge de l'Etat, mais à charge de ceux dans l'intérêt desquels ils sont entrepris, ou dont ils protégent les propriétés; qu'elles s'appliquent donc à l'élargissement du lit de la rivière comme à tout autre ouvrage nécessaire pour faciliter l'écoulement des eaux et prévenir les inondations;

Attendu que le même principe est sanctionné par la loi communale de 1836 dont l'article 131, § 19, range parmi les charges obligatoires des communes les dépenses de la voirie communale et des chemins vicinaux, des fossés, des aqueducs et des ponts qui sont légalement à charge des communes, et dont l'article suivant ordonne que, lorsque ces dépenses intéressent plusieurs communes, celles-ci y concourent toutes proportionnellement à l'intérêt qu'elles peuvent y avoir;

Attendu que l'article 90, § 12, de la même loi charge le collège des bourgmestre et échevins de faire entretenir les chemins vicinaux et les cours d'eau conformément aux lois et aux règlements de l'autorité provinciale; que cette disposition, qui assimile les cours d'eau à la voirie vicinale, comprend dans sa généralité tous les travaux nécessaires d'une part pour maintenir la viabilité des chemins, et d'autre part, pour faciliter l'écoulement des eaux, et s'applique ainsi au redressement ou à l'élargissement du chemin ou de la rivière aussi bien qu'aux simples travaux de réparation ou de curage;

Attendu que le règlement provincial du 23 juillet 1842, dùment approuvé par arrêté royal, dispose expressément par ses art. 2, 6, 7 et 8 que les frais à résulter soit des travaux de curage, soit de la construction ou de la réparation de digues, talus ou ouvrages d'arts nécessaires pour l'entretien d'un cours d'eau, seront supportés par les propriétés que ces travaux protégent, suivant leur degré d'intérêt, et charge l'autorité communale d'en dresser les rôles de répartition, sauf l'approbation de la députation permanente;

Attendu enfin que d'après l'article 17 du même règlement, c'est à l'administration communale qu'il appartient de fixer l'alignement, sauf recours à la députation, pour les plantations et les constructions à faire le long de ces cours d'eau, et que dans l'espèce

il est constaté par le jugement attaqué que c'est en effet par suite d'un semblable alignement que le terrain en litige a été incorporé dans la Senne; qu'il est impossible d'admettre que la dépossession qui a lieu en vertu d'un acte de l'administration communale, posé dans le cercle de ses attributions municipales, puisse engendrer une obligation à charge du trésor de l'Etat ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que. le jugement attaqué, en déclarant l'Etat débiteur du prix du terrain en litige, par le seul motif que ce terrain a servi à l'élargissement d'une rivière non navigable ni flottable, et que les rivières de cette catégorie forment des dépendances du domaine public, a expressément contrevenu à l'article 90, 12, de la loi communale et aux articles 2, 6, 7, 8 et 17 du règlement provincial du Brabant du 23 juillet 1842;

Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu en cause par le tribunal de Bruxelles, le 11 avril 1851; condamne le défendeur aux frais de l'instance en cassation et à ceux du jugement annulé, renvoie la cause et les parties devant le tribunal civil d'Anvers, etc.

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En matière de délits de presse, l'imprimeur ne pouvant être mis hors de cause que quand l'auteur est judiciairement reconnu, si le verdict qui a prononcé sur la question d'auteur vient à être annulé par la Cour de cassation, l'arrêt de mise hors de cause de l'imprimeur doit être également annulé par voie de conséquence forcée.

En cette matière, le principe consacré par les articles 350, 358 et 360 du Code d'inst. crim., que la déclaration du jury ne peut être soumise à aucun recours, doit cesser en présence de l'indivisibilité nécessaire des deux verdicts sur la question d'auteur et sur la question du délit. (Article 11 du décret du 20 juillet 1851.)

En conséquence, lorsque l'arrêt de mise hors de cause de l'imprimeur est annulé, ce der

nier doit être renvoyé avec l'auteur devant une autre Cour d'assises pour être soumis à un nouveau jugement. (Code d'inst. cr., articles 350, 358 et 360.)

(LE MIN. PUB., C. PERRIER ET pinguet.)

Perrier, journaliste, et Pinguet, imprimeur, ayant été renvoyés devant la Cour d'assises du Hainaut à raison d'articles calomnieux ou injurieux insérés dans le Penseur borain, un premier arrêt, rendu le 18 février 1832, sur la déclaration du jury portant que Perrier était l'auteur des articles incriminés, mit hors de cause l'imprimeur Pinguet, mais la Cour ayant ensuite reconnu que l'un des assesseurs du président avait rempli les fonctions de juge - instructeur dans la cause, renvoya, par un second arrêt du lendemain 19, l'affaire à une autre session.

Le même jour pourvoi en cassation de la part du ministère public, tant contre l'arrêt du 18, qui avait mis l'imprimeur hors de cause, que contre l'arrêt du 19.

Ni Perrier ni Pinguet ne présentaient aucun moyen. Cependant le pourvoi soulevait une question neuve et délicate. La déclaration du jury, par suite de laquelle l'imprimeur avait été mis hors de cause, pouvait-elle être soumise à un recours en cassation en présence des articles 350, 358 et 360 du Code d'inst. crim.?

M. l'avocat général Faider, qui portait la parole dans cette cause, a estimé que le pourvoi du ministère public était recevable, aussi bien contre l'arrêt du 18 que contre celui du lendemain, et que tous deux devaient être annulés.

Il a dit :

La Cour d'assises de Mons qui a prononcé les arrêts dénoncés, et au sein de laquelle a été rendu le verdict du 18 février 1852, était irrégulièrement composée : l'un des juges appelés, aux termes de la loi du 15 mai 1849, à assister le président, avait, en vertu d'une délégation régulière, rempli les fonctions de juge d'instruction dans certains actes de la poursuite à charge des défendeurs; l'intervention de ce magistrat était contraire à l'article 257 du Code d'inst.

(1) Voir le Manuel de cassation de Plaisant, p. 68; Bourguignon, Codes crim., art. 408, no 8; avis du conseil d'Etat des 18-51 janvier 1806, au Rép. de Merlin, vol. 3, p. 370; Merlin, aux Quest., vol. 1, p. 481.

(2) « Le principe est que la mise en liberté doit

crim., elle violait cet article; elle frappait dans son essence la capacité judiciaire de la Cour; elle violait en même temps les articles 17 et 7 combinés de la loi du 20 avril 1810, parce qu'on peut dire que, en réalité, les arrêts dénoncés n'ont pas été rendus par le nombre de juges prescrit, l'incapacité légale ayant ici absolument le même effet que l'absence (1). Sous tous les rapports, en présence des textes que nous venons de rappeler, la nécessité de régulariser la procédure est évidente, et le pourvoi formé dans le délai voulu par le procureur du roi de Mons, et dûment notifié aux défendeurs, a valablement saisi la Cour de cassation.

Mais quelle sera la conséquence du pourvoi sur l'affaire même et sur le sort des défendeurs? Là se présentent plusieurs difficultés dont les précédents de la Cour ne donnent point la solution. En matière ordinaire, lorsque, à la suite d'un verdict négatif, un accusé a été acquitté par ordonnance du président des assises, la personne acquittée se trouve sous la double sauvegarde des articles 350 et 358, d'une part, et des articles 360, 409 et 374, d'autre part : d'une part, la loi a dit que la déclaration du jury ne serait jamais soumise à aucun recours, et elle a voulu, comme conséquence directe du droit acquis par cette déclaration, que le président seul, sans conclusions du ministère public, par la vertu légale du verdict même, prononçât que l'accusé est acquitté (2); d'autre part, la personne légale ment acquittée ne peut être reprise à raison du même fait, et le recours en cassation du ministère public ne peut être formé dans les vingt-quatre heures que dans l'intérêt de la loi contre l'ordonnance d'acquitte

ment.

Ce système est très-rigoureux et trèsprécis, et si la jurisprudence a admis des pourvois en cassation contre des ordonnances d'acquittement autrement que dans l'in térêt de la loi, ce n'est que lorsqu'il y avait erreur évidente dans l'ordonnance inėme, comme lorsque le président des assises avait prononcé l'acquittement dans le cas où il fallait un arrêt d'absolution (3).

Mais en principe le verdict négatif, lorsqu'il épuise l'accusation, constitue un droit

résulter de la seule déclaration du jury. » Paroles de Cambacérès au conseil d'Etat, apud Locré, t. 14, p. 185.

(3) Voy. Legraverend, t. 2, p. 173; Carnot, article 409; comp. Morin, Répert, du droit crim., vo Acquillement.

acquis pour l'accusé, quelles que soient les irrégularités qui aient signalé l'instruction. Nous dirons même que, dans les poursuites ordinaires, la composition irrégulière du jury ou de la Cour ne serait pas de nature à faire admettre, de la part du ministère public, un recours en nullité autrement que dans l'intérêt de la loi. Une discussion remarquable, et que nous devons rappeler, a eu lieu sur ce point au conseil d'Etat, séance du 23 juillet 1808 (1).

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Un article 404 du projet présenté par Berlier prononçait la nullité des arrêts et jugements « toutes les fois que des juges ou « des jurés auront prononcé en nombre supérieur ou inférieur à celui que le présent « Code a fixé ou que des juges auront statuć «sans réquisition du ministère public. Les « jurés seront réputés avoir prononcé en << nombre inférieur lorsque l'un ou plusieurs « d'entre eux n'auront pas cu les qualités << prescrites par le présent Code. » Après les observations de l'archichancelier Cambacérès, le conseil d'Etat fut d'avis de retrancher cet article, parce que, disait-il, << rien ne serait plus injuste que de rendre « l'accusé responsable d'un fait qu'il ne pouvait pas connaître. » Berlier lui-même, convaincu par les raisons de Cambacérès, provoqua la suppression de la disposition que nous venons de rappeler; voici notamment ce qu'il dit : «S'il s'agit de nullités « que personne n'ait aperçues avant l'arrêt, « comment peut-on en faire porter la peine « à l'homme absous et le priver du bénéfice « d'une déclaration du jury sur laquelle << n'aura peut-être pas influé la nullité qu'on « oppose. » Après une discussion approfondie, le conseil décida en principe « que l'incapacité de l'un des jurés n'opérera point «la nullité de la déclaration en cas d'abso<«<lution; que le ministère public aura le « droit de réquisition qu'on a proposé de <«<lui attribuer » c'est-à-dire un pouvoir très-large pour faire réparer les irrégularités ou nullités commises avant le verdict du jury.

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Ces faits démontrent à toute évidence que l'incapacité d'un juré, qui peut être signalée avant le verdict, ne peut plus ètre valablement invoquée contre l'accusé acquitté après que le verdict négatif a été rendu ; les mêmes principes s'appliquent évidemment à l'incapacité de l'un des membres de la Cour, puisque l'article 405 du projet, qui

() Voy. Locré, vol. 14, p. 173 et suiv.

parlait de cette incapacité, a été retranché après la remarquable discussion que nous avons rappelée.

Nous pouvons donc dire, en présence de l'article 350 du Code d'instruction criminelle, en présence de cette discussion qui en établit si clairement le sens et la portée, que l'intervention dans un débat criminel d'un juge d'instruction ne saurait entrainer la révocation du verdict négatif du jury ni de l'ordonnance qui en est la conséquence inséparable et nécessaire. Nous avouons que nous n'aurions pas le moindre doute, el que nous bornerions là nos observations, s'il s'agissait d'une poursuite criminelle ordinaire; nous nous trouverions en présence d'un verdict négatif, d'une ordonnance d'acquittement, d'une déclaration qui n'est point passible de recours, d'un accusé légalement acquitté qui ne peut plus être repris dans ce cas la poursuite est épuisée, la justice est dessaisie, le pourvoi en nullité ne peut être formé que dans l'intérêt de la loi.

Mais, remarquez-le bien, nous ne sommes point ici en matière ordinaire, mais en matière de presse, c'est-à-dire que la procédure diffère essentiellement en certains points de la procédure commune, et les difficultés qui se présentent à notre esprit nous paraissent mériter de vous être signalées.

Dans le système que nous avons analysé plus haut, c'est-à-dire en appliquant à la présente cause les principes ordinaires, voici ce qu'on pourrait dire le jury de Mons a déclaré dans son verdict que Perrier est l'auteur des écrits incriminės; la conséquence directe et légale de ce verdict, en présence de la constitution et du décret sur la presse, est la déclaration d'innocence de l'imprimeur Pinguet, et l'arrêt de mise hors de cause, prononcé le 18 février 1852, n'est que la conséquence légale du verdict; on pourrait même soutenir qu'un arrêt de la Cour n'est pas nécessaire pour prononcer cette mise hors de cause, et qu'elle pourrait être valablement proclamée par une ordonnance du président, puisqu'elle ne serait, comme dans le cas ordinaire, que la suite du verdict. Pinguet est donc mis hors de cause par un arrêt prononcé à la suite d'un verdict qui reconnaît Perrier comme auteur. Cette mise hors de cause ne sera soumise à aucun recours, cela veut dire que l'arrêt qui a purement et simplement ordonné la mise hors de cause de Pinguet ne pourra être valablement attaqué par le pourvoi du ministère public, ni valablement dé

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