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féré à votre Cour, ni annulé par vous autrement que dans l'intérêt de la loi ; cela veut donc dire que l'arrêt de mise hors de cause devra être maintenu, dans tous les cas, au profit de Pinguet, qui ne doit et ne peut plus être repris ni accusé à raison de la publication des écrits incriminės (article 560).

Mais ici se présente la difficulté : le verdict du jury sur la question d'auteur est complexe; en relaxant l'imprimeur, il déclare définitivement l'auteur; c'est parce que l'auteur est reconnu que l'imprimeur est acquitté, et si cette reconnaissance de l'auteur a été faite irrégulièrement au sein d'une Cour illégalement composée; si le verdict qui proclame l'auteur est déclaré nul en inême temps que toute l'instruction; si avec le verdict doit tomber l'arrêt qui a mis hors de cause l'imprimeur, et qui n'est que la conséquence du verdict même déclaré nul, que restera-t-il? Si au contraire l'arrêt de mise hors de cause de l'imprimeur lui est acquis, si cet arrêt ne peut plus être cassé et annulé contradictoirement comme rendu par une Cour incapable, comment arriverat-on jusqu'au verdict qui a déclaré l'auteur? Si l'arrêt n'est pas cassé, cassera-t-on le verdict seul? Mais alors quelle sera la base légale de l'arrêt dont ce verdict était l'élément substantiel?

Notons que le pourvoi attaque deux arrêts qu'il désigne l'arrêt de mise hors de cause de l'imprimeur et l'arrêt qui renvoie la cause et le prévenu Perrier à une prochaine session. Le premier de ces arrêts sera ou ne sera pas annulé; s'il n'est pas annulé, le verdict qui l'a précédé ne peut pas être annule non plus; dès lors la proclamation de Perrier comme auteur est irrévocable. Mais si elle est irrévocable, comment devra agir le jury de la prochaine session? lui imposera-t-on le verdict du jury de la session précédente? violentera-t-on sa conscience? S'il est d'avis que Perrier n'est pas l'auteur, évidemment il ne pourra pas, lors de son verdict sur la nature des articles incriminés, le déclarer coupable; il l'acquittera, non point parce que les articles seront innocents, mais parce que Perrier n'en est pas, suivant lui, le véritable auteur. Or, ce cas arrivant, l'effet du premier verdict est anéanti; le second jury, auquel on ne peut imposer l'appréciation du premier, renversera le verdict de celui-ci, et en se prononçant négativement sur la question de culpabilité, il entreprendra peut-être sur le premier verdict en s'occupant de la question d'auteur, qui pourtant aura été souverainement décidée.

Or, il est impossible de placer le nouveau jury dans cette position, les convenances ne permettent pas d'imposer à un jury l'appréciation d'un autre jury; la loi veut (article 11 du décret sur la presse) que le jury, avant d'examiner si l'écrit incriminé renferme un délit, décide si la personne présentée comme auteur l'est réellement; ces deux branches d'une même mission sont indivisibles; il est donc impossible, parce qu'il est manifestement contraire à la loi, de séparer les deux appréciations. Dès lors si un autre jury, si une autre Cour d'assises doivent s'occuper de la question de savoir si les écrits attribués à Perrier renferment un délit, ce même jury, cette même Cour d'assises doivent également s'occuper de la question préalable de savoir si Perrier est l'auteur des écrits; c'est donc l'affaire tout entière qui doit être renvoyée devant une autre Cour, car dès que la prévention n'est point purgée, dès que la question du délit n'est pas décidée, il faut nécessairement que l'affaire soit poursuivie, et si elle doit être menée à fin, elle doit être reprise dès le commencement du débat oral, parce qu'elle forme un tout indivisible sur lequel un seul et même jury doit prononcer.

Si cela est vrai, et nous le croyons incontestable, le verdict qui a reconnu Perrier comme auteur s'évanouit, puisqu'il faut en requérir un nouveau, sur la même question, devant un autre jury.

Et si ce verdict s'évanouit, est-il facile d'admettre, nous le demandons encore, le maintien de la mise hors de cause de Pinguet?

Remarquez les termes du décret sur la presse : l'imprimeur poursuivi sera toujours maintenu en cause jusqu'à ce que l'auteur ait été judiciairement reconnu tel. Perrier a-t-il été judiciairement reconnu auteur, ainsi que le veut le décret? Judiciairement, cela veut dire, ce nous semble, en forme judiciaire; les simples lexicographes se contenteront ici de la forme, inais les juges voudront une forme légale; ils voudront une Cour régulière, et non pas une Cour viciée d'incapacité. Et si un verdict d'acquittement ordinaire peut être valable dans ces circonstances, pourra-t-on dire la même chose d'un verdict qui n'est verdict d'acquittement pour l'imprimeur que médiatement, puisque les termes mémes du verdict portent sur la question d'auteur et ne disent pas un mot de l'imprimeur. L'auteur ici a-t-il donc été reconnu judiciairement, suivant les formes judiciaires

prescrites par la loi? Non, l'auteur a été reconnu en justice irrégulière, au sein d'une Cour composée en violation de l'article 257 du Code.

Supposons que la Cour d'assises de Mons se fut aperçue de l'irrégularité de sa composition immédiatement après le verdict qui reconnaît Perrier comme auteur, et qu'au lieu de mettre Pinguet hors de cause, elle eût prononcé le renvoi de l'affaire dans ce cas le verdict aurait-il, en réalisant tout son effet, été acquis à l'imprimeur, et ce dernier aurait-il été recevable à exiger que sa mise hors de cause fùt prononcée en vertu de ce verdict? Se prononcer pour l'affirmative serait, ce nous semble, étendre trop loin le principe de l'article 350 du Code, car si ce principe est applicable à un verdict qui clôt la poursuite, il n'est pas d'une application aussi facile et aussi générale à un verdict qui n'est qu'une déclaration préalable sur la question d'auteur; ce qui achève le verdict, ce qui clôt la poursuite, ce qui constitue une véritable déclaration échappant à tout recours, c'est le verdict sur la criminalité des écrits, parce que c'est là que véritablement l'accusation est purgée.

Si, dans la supposition que nous venons de faire, en l'absence d'un arrêt ou d'une ordonnance de mise hors de cause, l'imprimeur ne pourrait pas se prévaloir d'un verdict irrégulier sur la question d'auteur, le pourrait-il parce que l'arrêt de mise hors de cause a été prononcé, lorsque cet arrêt est rendu par une Cour incapable? Il est bien permis d'en douter, surtout si l'on décide que la reconnaissance de l'auteur n'a pas été faite judiciairement, c'est-à-dire régulièrement.

Une autre considération nous semble importante il faut nécessairement que, dans tous les cas, Perrier soit renvoyé devant une autre Cour d'assises, puisque l'action publique doit être purgée; il faut aussi que celte Cour soumette au nouveau jury la double question d'auteur. et de délit; cela ne fait pas de doute. Admettra-t-on que l'imprimeur qui est connu jouira du bénéfice d'une déclaration d'auteur irrégulière? Le bénéfice de l'acquittement proprement dit lui sera-t-il ainsi acquis par voie médiate, lorsque la déclaration d'auteur n'a pas été légale ou valable? Nous convenons que, dans le doute, il faudrait étendre et non restreindre le principe favorable des articles 350 et 560 du Code, mais nous devons insister sur ce que, d'une part, l'article 550 parle d'une déclaration définitive, expresse

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et directe, sur ce que, d'autre part, l'article 360 parle d'une personne acquittée légalement, tandis que, dans la présente affaire, il s'agit d'une déclaration préalable, virtuelle et indirecte par rapport à l'imprimeur, lequel ne saurait être considéré comme légalement acquitté que si l'auteur est légalement reconnu ; nous nous demandons si cette reconnaissance légale existe.

Nous ne sommes pas en matière ordinaire, avons-nous dit; ce qui le prouve encore, c'est qu'en présence de l'article 350, de cassation n'a rien à annuler, rien à casen présence d'un verdict négatif, la Cour ser; le verdict a une conséquence simple, unique, la solution des questions a été définitive, absolue. Ici il faut nécessairement que celle Cour annule ce qui s'est fait au sein de la Cour d'assises de Mons; il faut que vous annuliez le verdict du jury de Mons sur la question d'auteur, puisque cette soumise, en vertu de la loi, à un autre jury, même question doit inévitablement être au jury qui doit connaître indivisiblement de la question de délit. Si vous annulez ce 'verdict, et vous l'annulerez, vous devez annuler tout ce qui l'a précédé et tout ce qui l'a suivi; vous devez annuler par conséquent l'arrêt dénoncé du 18 février, ordonnant la mise hors de cause de l'imprimeur; dès lors le titre en vertu duquel l'imprimeur a été relaxé disparaît, il ne reste plus qu'un droit fondé sur une abstraction dont on ne peut faire état dans la situation des choses; le titre de la mise hors de cause est frappé de nullité, parce qu'il était frappé du vice d'inexistence; il émanait d'un juge incapable, incomplet, incompétent, incompetentia est nullitas nullilalum. En matière ordinaire, l'ordonnance d'acquittement et le verdict sont inattaquables; ici ils seront et devront être annulés. N'y a-t-il pas un abime entre les deux positions, et n'avions-nous pas raison de dire que nous ne sommes point ici dans les cas ordinaires sur lesquels le conseil d'Etat a discuté en 1808, et pour lesquels il a créé les dispositions que nous avons examinées?

Sans doute, lorsqu'il s'agit d'apprécier la portée du verdict définitif rendu par le jury, même en matière de presse, nous acceptons le principe des articles 350 et 360 du Code, parce que ce principe est essentiel à l'institution du jury dont il consacre l'un des attributs fondamentaux : ce principe, c'est l'irrévocabilité du verdict, même en cas d'incapacité de l'un des jurés et, à plus forte raison alors, même en cas d'inca

pacité de l'un des assesseurs; et ce principe, inhérent au jury, s'étend aux poursuites en matière de presse, quoique celles-ci soient vraiment correctionnelles et non criminelles au fond mais il faut pour cela que le verdict soit définitif. Ainsi, supposant que le jury de Mons eût rendu un verdict négatif sur la question du délit et que le président eut rendu son ordonnance d'acquittement, alors le principe de l'irrévocabilité était du même coup acquis à l'imprimeur et à l'auteur, malgré la cause de nullité qui est aujourd'hui signalée à la Cour; il n'y aurait eu pourvoi recevable et fondé de la part du ministère public que dans l'intérêt de la loi.

Mais le verdict définitif, ce verdict qui clôt la poursuite, ce verdict dont parle évidemment l'article 350 du Code, ce verdict qui forme un droit acquis à celui qui l'a obtenu parce qu'il ne peut et qu'il ne doit jamais être annulé, ce verdict irrévocable n'existe pas ici: le verdict qui existe et que l'on invoquerait pour l'imprimeur est au contraire un verdict que vous pouvez et que vous devez annuler; cette annulation est inévitable parce que, nous l'avons dit déjà, la question d'auteur doit être soumise au nouveau jury que vous désignerez. Or, comment appliquer à un pareil verdict qui va disparaitre dans son texte comme dans ses effets, le principe d'incommutabilité reconnu au regard des verdicts définitifs? Nous avons donc raison de dire que nous ne sommes pas en matière ordinaire; si la poursuite des délits de presse se fait devant le jury, elle a des formes qui different souvent des poursuites criminelles communes; elle a aussi des principes différents si elle en a de semblables; c'est aux juges qu'il appartient d'établir les différences et de tenir compte de la réalité, ce fondement de tout droit et de toute interprétation légale.

Ces considérations paraissent suffire pour justifier notre manière de voir dans cette cause; nous croyons qu'il y a lieu d'accueillir le pourvoi du procureur du roi de Mons, de casser l'arrêt de la Cour d'assises du Hainaut du 18 février 1852 et tout ce qui l'a précédé, de renvoyer les deux prévenus devant une autre Cour d'assises, en vertu de l'article 429, § 2, du Code d'instruction criminelle, pour y être procédé à de nouveaux débats. Nous croyons aussi qu'il y a lieu de casser l'arrêt de la même Cour, du 19 février 1852, par lequel l'affaire et le prévenu Perrier sont renvoyés à une autre session de la Cour d'assises de Mons; il est certain

que la cassation du premier arrêt entraîne la cassation du second qui n'a plus d'objet ni de portée, puisque le renvoi que vous prononcerez en cassant le premier efface l'effet du renvoi qu'a prononcé le second. Mais outre cela, il est à remarquer que si, d'ordinaire, les arrêts qui renvoient les causes criminelles à une autre session sont des arrêts purement préparatoires et d'instruction, si d'ordinaire, le pourvoi dirigé contre ces arrêts isolément n'est pas recevable, dans le cas actuel cet arrêt à un caractère d'attribution qui lui donne une nature définitive; en effet, il renvoie à une autre session le prévenu Perrier seul : or, suivant nous, la cassation qu'il faut prononcer entraîne le renvoi devant un autre jury des deux prévenus; et de plus ce renvoi doit avoir lieu devant une autre Cour d'assises et non devant la Cour d'assises de Mons: le double effet d'attribution de l'arrêt du 19 février doit donc être effacé et la cassation de cet arrêt est inévitable. C'est dans ce sens que nous concluons.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et que l'arrêt attaqué du 19 février constate en fait que, sous la date du 2 novembre 1850, le juge Laisné, l'un des assesseurs de la Cour d'assises devant laquelle les défendeurs ont été traduits et qui a rendu les arrêts attaqués, a instruit sur différents chefs de la prévention pour lesquels ils ont été renvoyés devant ladite Cour, par arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles, du 30 octobre 1851; d'où il suit qu'il a été expressément contrevenu à l'article 257 du Code d'instruction criminelle; qu'ainsi, en annulant les arrêts attaqués et tout ce qui a été fait dans la présente cause devant la même Cour d'assises, il y a lieu de renvoyer la cause et les deux prévenus devant une autre Cour d'assises pour y être soumis à de nouveaux débats sur le pied de l'arrêt précité de la chambre des mises en accusation;

Attendu qu'on invoquerait en vain les articles 550, 360 el 409 du Code d'instruction criminelle, pour soutenir que le défendeur Pinguet ne peut plus être poursuivi à raison des faits pour lesquels il a été légalement mis hors de cause par suite de la déclaration du jury portant que Perrier est l'auteur des articles incriminés, que le bénéfice de cette déclaration lui est irrévocablement acquis et que l'annulation de la procédure ne peut lui préjudicier;

Altendu, en effet, que les articles cités ne sont textuellement applicables qu'à la déclaration de non-culpabilité faite par le jury en faveur de l'accusé et à l'ordonnance d'acquittement qui en est la conséquence; qu'aucune disposition de la loi ne donne, en matière de presse, aux réponses affirmatives du jury sur les questions d'auteur, les effets d'une déclaration de non-culpabilité en faveur de l'imprimeur, ni à l'arrêt qui, par suite de ces réponses, met l'imprimeur hors de cause, les effets d'une ordonnance d'acquittement; qu'il résulte, au contraire, de l'article 11 du décret du 20 juillet 1831 sur la presse, que l'imprimeur des articles incriminės doit toujours être maintenu en cause jusqu'à ce que l'auteur ait été judiciairement reconnu tel; d'où il suit que le sort de la mise hors de cause de l'imprimeur est nécessairement lié à celui des réponses affirmatives du jury aux questions d'auteur et que si, comme dans l'espèce, ces réponses comme le surplus de la procédure devant la Cour d'assises doivent être annulées à l'égard du prévenu poursuivi comme auteur, ces mêmes réponses et la mise hors de cause de l'imprimeur qui en est la conséquence ne peuvent être maintenues en faveur de ce dernier;

Par ces motifs, casse et annule les arrêts rendus par la Cour d'assises de la province du Hainaut les 18 et 19 février 1852, ainsi que tout ce qui a été fait dans la cause devant ladite Cour, ordonne que le présent arrêt soit transcrit sur les registres de la

même Cour et que mention en soit faite en marge des arrêts annulés, condamne les défendeurs aux dépens de cassation et à ceux de la procédure annulée et, après en avoir délibéré spécialement dans la chambre du conseil, renvoie la cause et les deux défendeurs devant la Cour d'assises de la province de Namur, pour y être soumis à de nouveaux débats et y être statué sur la prévention mise à leur charge par l'arrêt précité de la chambre de mises en accusation.

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cette date, quand ce droit n'est fondé que sur un usage local, constitue la vaine pâture. (Édit de mai 1771; loi du 28 septembre 1791, article 11, titre IV.)

(DE TORNACO, C. LA COMM. DE LENS-SAINTSERVAIS.)

Le 8 juillet 1847, la commune défenderesse au pourvoi ayant fait conduire ses bestiaux dans les prés du baron de Tornaco, avant la récolte du foin, celui-ci la fit assigner, par exploit du 17 du même mois, devant le tribunal de Huy en payement d'une somme de 500 fr. pour dommages-intérêts, et à l'effet d'entendre dire qu'il ne lui compétait aucun droit de pâture sur les prés dont s'agit; que le droit de pâturer la seconde herbe, en supposant qu'il existât, ne qui ne pouvait être exercé qu'après la réconstituerait qu'un droit de vaine pâture colte de la première herbe, et auquel il serait facultatif au demandeur de se soustraire par la clôture.

La commune conclut à ce qu'il plùt au tribunal dire que le demandeur n'était ni recevable ni fondé dans sa demande; subsidiairement déclarer qu'elle avait prescrit le droit de faire pâturer, par le bétail de ses habitants, la seconde herbe des prés dont s'agit; très-subsidiairement l'admettre à prouver, même par témoins, les faits sui

vants :

1o Que les habitants sont, depuis plus de civil, en possession de faire paitre par leurs trente ans depuis la publication du Code bestiaux la seconde herbe que produisent les prés dont s'agit;

2o Que ces prés produisent du regain qui peut être fané et conservé;

3° Que les habitants exerçaient ce droit le 24 juin de chaque année, à l'heure de midi au plus tard;

4° Qu'il est même arrivé que le foin de ces prés n'était pas récolté à cette époque, mais que le bétail des habitants y était cependant conduit au jour et à l'heure cidessus;

5° Que l'administration communale seule pouvait proroger l'époque du pacage de la seconde herbe;

6° Que la commune exerce ce droit sur d'autres prairies plus éloignées du centre du village en faisant vendre le regain qu'elles produisent;

7° Enfin que les faits dont le demandeur se plaint n'ont eu lieu que conformément à l'usage constamment suivi.

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Le tribunal de Huy, considérant le droit réclamé par la commune comme un droit de vaine pâture, déclara qu'elle ne pouvait pas l'exercer avant l'enlèvement de la première herbe, et pour l'avoir fait, la condamna à 50 francs de dommages-intérêts, sans avoir égard à l'offre de preuve repoussée comme irrelevante.

Cette décision est fondée sur ce que la commune n'invoquait pas de titre pour établir son droit, mais seulement des faits possessoires; sur ce qu'en supposant qu'elle eût prescrit le droit sous l'ancienne législation par une possession immémoriale, il lui aurait été enlevé par les articles 3 et 10 de la loi du 28 septembre 1791, d'après lesquels l'exercice de la vaine pâture ne peut jamais avoir lieu dans les prairies, nonobstant tout usage contraire, tant que la première herbe n'est pas récoltée; sur ce qu'enfin, s'agissant d'une servitude discontinue, elle n'a pu s'acquérir sous la législation nouvelle que par titre (Code civil, art. 691).

La commune interjeta appel de ce jugement, et devant la Cour de Liége elle offrit de nouveau la preuve des sept faits articulés en première instance, ainsi que d'un huitième consistant en ce que les habitants avaient joui du pâturage réclamé, avant la publication du Code civil, pendant un temps. immémorial et suffisant à prescrire.

La Cour, par arrêt du 25 mai 1850, avant faire droit et sans rien préjuger au fond, admit cette preuve en se fondant sur ce que les premiers juges avaient décidé la contestation au point de vue de la vaine pâture, tandis qu'il s'agissait de savoir si le droit réclamé n'était pas, ainsi que le soutient la commune, un droit réel de pâturage, et sur ce que les faits articulés en preuve tendaient à établir la nature et l'existence du droit en litige.

Après les enquêtes et contre-enquêtes, l'affaire fut reportée à l'audience, et la commune soutint qu'il résultait de l'ensemble des faits constatés que son droit est plus étendu que la simple vaine pâture, et qu'il constitue en réalité un droit de pâturage non atteint par la loi de 1791.

Le demandeur soutint au contraire que la commune n'avait aucunement rapporté la preuve offerte et qui devait établir principalement que, lorsque les premières herbes n'étaient pas récoltées au 24 juin, elles étaient soumises au pâturage, à l'instar des secondes herbes.

La Cour d'appel, par arrêt du 16 janvier 1851, réforma le jugement de première in

stance et déclara que la commune avait acquis sur les prés dont il s'agit un droit réel de pâturage, et que par suite il lui avait été loisible de faire pâturer les secondes herbes de ces prés; elle la décharge en conséquence des condamnations prononcées contre elle.

Nous avons rapporté cet arrêt, partie d'appel, année 1851, p. 53.

Le pourvoi formé par de Tornaco est fondé sur un seul moyen de cassation tiré de la violation des articles 5, 9, 10 et 11, titre Ier, sect. IV, de la loi du 28 septembre6 octobre 1791, des articles 544 et 545, 1370 et 1582 du Code civil; enfin des articles 2229, 2232, 2236 du même Code et 23 du Code de proc. civ.

La commune défenderesse répondait en substance :

La Cour d'appel a décidé, d'après une enquête, que le droit revendiqué par la commune est un droit de vive et grasse pâture, et que dès lors les lois qui s'occupent de la vaine pâture ne peuvent s'y appliquer. Or, le pourvoi avoue que la loi ne définit ni la grasse et vive pâture, ni la vaine pâture; en supposant donc que la Cour d'appel se fùt trompée dans son appréciation de pur fait, sa décision échapperait au contrôle de la Cour de cassation.

Le demandeur dit que le droit réclamé ne portant que sur la seconde herbe, la loi de 1791 défendait précisément de l'exercer avant l'enlèvement de la première récolte. Mais cette loi s'occupe spécialement de la vaine pâture et ne règle point tout droit à la seconde herbe. Ce que l'article 10 défend avant l'enlèvement de la seconde, c'est uniquement l'exercice du parcours ou de la vaine pâture. De ce que la loi limite la vaine pâture à la perception des secondes herbes, le pourvoi tire la conséquence que toute perception des secondes herbes constitue un droit de vaine pâture, mais c'est là un argument a contrario évidemment mal fondé.

L'arrêt dénoncé repousse d'ailleurs ce raisonnement plus énergiquement encore que la loi, car loin de constater que la commune n'aurait droit qu'aux secondes herbes, avec obligation de respecter les premières, il juge qu'elle a un droit de vive et grasse pâture, et cela parce que les habitants ont acquis légalement, avant le Code civil et la loi de 1791, sous prétexte du droit aux secondes herbes, on le concède, celui de mener paître leurs bestiaux, non pas dans tous les prés de la commune, mais dans les deux

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