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à partir du 1er octobre 1830 jusqu'au 8 novembre 1835, bien qu'elle eût pu par le même arrêt statuer sur le principal et sur les intérêts, sans être pour cela obligée d'interpeller et d'entendre la Société générale, laquelle obligation ne lui est formellement imposée, aux termes de l'article 8 de la loi de son organisation, que lorsqu'il s'agit de prononcer des amendes ou de provoquer la destitution ou la suspension des comptables retardataires;

« Ce dont il n'était pas question dans l'espèce;

་་

Que, par lettre du 25 mars 1850, M. le ministre des finances a formellement enjoint à la Société générale de porter en compte les intérêts dont il s'agit, et de combler à cet égard la lacune existante dans les documents produits par elle pour établir la ges tion du caissier général jusqu'à l'époque du 30 septembre 1830, l'informant officiellement que la prédite injonction avait lieu en suite d'une lettre de la Cour des comptes du 12 juin 1849, et en conséquence de son arrêt du 26 janvier 1847;

Que la Société générale a eu ainsi connaissance tant de l'arrêt de la Cour des comples du 26 janvier 1847, conséquemment de la réserve faite par ledit arrêt sur la question des intérêts pour la période du 50 septembre 1830 au 8 novembre 1855, que de la cicrconstance que la Cour allait se prononcer sur cette question pendante devant elle;

« Mais qu'au lieu de présenter ses moyens de défense devant l'autorité déjà saisie, et qu'elle savait devoir statuer, la Société générale, persistant dans son système de décliner la compétence de la Cour des comptes, a assigné M. le ministre des finances devant le tribunal de première instance à Bruxelles, par notification du 9 avril 1850, à l'effet d'entendre dire qu'aucuns intérêts n'étaient dus par elle;

«Considérant que l'arrêt de la Cour des comptes du 4 mai 1850 n'est autre que le complément de celui du 26 janvier 1847, el qu'aucune prescription de loi n'imposait à la Cour l'obligation d'interpeller ou d'entendre la Société générale plutôt à l'égard du premier de ces arrêts qu'au sujet du second, interpellation d'ailleurs inutile, dans l'espèce, et sans objet, puisque la Société générale venait de s'adresser à la juridiction civile, à moins de prétendre qu'en tout état de cause la Cour des comptes doit interpeller et entendre celui-là même qui a déclaré

ne vouloir se présenter, prétention évidemment inadmissible;

« Que, s'il y a litispendance dans le sens que la Société générale croit devoir attacher à ce mot, c'est devant la Cour des comples elle-même qu'elle existe, laquelle a prononcé dès le 26 janvier 1847 en tenant la question des intérêts en suspens;

« Considérant qu'aux termes de l'arti cle 27 de son règlement d'ordre du 9 avril 1831, la Cour des comptes doit donner aux parties intéressées, qui la réclament, communication, expédition ou extrait des pièces reposant dans ses archives;

«Mais considérant, d'autre part, que, dans l'espèce les pièces dont la communication est demandée n'ont pu être de nature à influencer la décision à prendre par la Cour des comptes sur l'opposition formée par la Société générale contre son arrêt du 4 mai 1850, de sorte que rien ne s'oppose à ce que la Cour statue dès à cette heure sur l'opposition susdite, sauf à ordonner délivrance d'expédition des pièces dont il s'agit. « Sur les points de légalité :

« Vu l'article 11 de la loi du 29 oct. 1846, organique de la Cour des comptes, et portant: «La Cour, nonobstant un arrêt qui a dé«finitivement jugé un compte, peut, dans « le délai de trois ans à partir de la date de « l'arrêt, procéder à la révision, soit sur la

demande du comptable, appuyée de pièces « justificatives recouvrées depuis l'arrêt, « soit d'office pour erreur, omission ou dou «ble emploi reconnu par la vérification « d'autres comptes; »

Vu l'art. 13 de la même loi, s'énonçant comme suit:

« Les arrêts de la Cour des comptes con«tre les comptables sont exécutoires; ils « peuvent être déférés à la Cour de cassation « pour violation des formes ou de la loi ; »

« Considérant, d'une part, que la Société générale, depuis les arrêts de la Cour des comptes des 26 janvier 1847 et 4 mai 1850, n'a produit aucune pièce justificative qui puisse donner lieu à une révision;

<< Considérant, d'autre part, el en ce qui concerne l'opposition que la Société générale entend former contre l'arrêt de la Cour des comptes du 4 mai 1850, concluant à ce que ledit arrêt soit révoqué et annulé par elle comme étant illégalement rendu, qu'aux termes de l'art. 13 de la loi du 29 oct. 1846, la voie ouverte aux comptables contre les arrêts de la Cour des comptes pour violation de

formes ou de la loi est le recours en cassation;

«Par ces motifs, la Cour, sur le rapport de la section de comptabilité, a porté l'arrêt suivant :

« Qu'il n'y a pas lieu à la révision de son arrét du 4 mai 1850;

«Que l'opposition de la Société générale contre ledit arrêt n'est point recevable;

« Qu'il sera délivré expédition à la Société générale des pièces reposant dans ses archives et qui font l'objet de la lettre du 26 novembre 1850;

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Expédition du présent arrêt sera transmise à la Société générale pour information; semblable expédition sera transmise à M. le ministre des finances pour information et exécution.» (Du 3 décembre 1850.)

Le jour même où cet arrêt a été rendu, la Cour des comptes en a transmis une expédition à la Société générale, en lui observant qu'elle trouverait dans les diverses considérations de cet arrêt les motifs qui l'ont empêchée de déclarer l'opposition recerable. Elle dit qu'elle ajoute à sa lettre le seul document que la Cour ait reçu du ministre des finances et qui fait l'objet de la dépêche de la Société du 26 novembre précédent.

Le 9 décembre, la Société répondit que c'était pour les besoins de sa défense qu'elle avait réclamé par sa lettre du 26 novembre les demandes, pièces et mémoires produits au nom du gouvernement ou dans son intérêt, et qu'il ne lui sera permis qu'après sa condamnation de voir les pièces que la Cour a invoquées dans ses arrêts et qui dès lors ont sans doute influencé sa décision. Elle pria la Cour, sous la réserve de tous ses droits et recours à exercer par toutes les voies légales, el pour en rendre l'exercice possible, de lui faire délivrer le plus tôt possible copie des pièces qu'elle indique, et qui lui ont été transmises, le 17 décembre, par le greffier de la Cour.

Tels sont les faits qu'il importait de connaître.

Pourvoi par la Société générale.

1er Moyen de cassation: Le premier moyen est fondé sur l'incompétence de la Cour des comptes, tant à raison de la matière qu'à raison de la personne, et partant sur la fausse application de l'article 202 de

(1) On invoque un arrêt de Bruxelles, du 6 mai 1857, confirmé par la Cour de cassation, le

la loi fondamentale de 1815, de l'article 116 de la constitution, et des articles 5 et 10 de la loi du 29 octobre 1846; sur la violation des articles 427, 428, 431 et 432 de l'arrêté royal du 24 octobre 1824; des articles 4 et 5, titre IV de la loi des 16-24 août 1790; des articles 14 et 19 de la loi de compétence du 25 mars 1841, et de l'article 59 du Code de proc. civ.; sur un excès de pouvoir et une contravention à l'article 10, § 5, du décret du 30 décembre 1830, comme aussi à l'article 10, § 5, de la loi du 29 octobre 1846.

La Cour des comptes, dit la demanderesse, n'a qu'une juridiction exceptionnelle; elle n'a d'autre mission, à l'égard des comptables réels, que d'examiner si, dans leurs comptes, ils ont renseigné tout ce qu'ils ont reçu, justifié tout ce qu'ils ont dépensé; elle ne peut connaître, ni d'un droit civil que l'on invoque, ni d'une obligation que l'on conteste, ces questions étant réservées exclusivement aux tribunaux ordinaires par l'article 92 de la constitution (1).

Les comptes qu'elle est appelée à contròler ne se composent pas d'éléments arbitraires que le gouvernement pourrait élendre ou modifier pour faire naître la juridiction qui lui convient.

Aux termes des articles 427, 428 et 451 de l'arrêté du 24 octobre 1824, sur la comptabilité générale, le caissier général devait comprendre dans ses comptes en débet les payements effectués, en crédit les versements fails. Ces comptes ne devaient ni ne pouvaient contenir autre chose. L'article 432 ajoute: Le compte annuel sera examiné el clos à la chambre générale des comples, la minule y restera déposée et le duplicata, muni de l'arrêt qu'elle aura porlė, sera renvoyé par elle au ministre des finances pour qu'il le fasse parvenir au caissier général du royaume.

Le caissier n'avait donc d'autre compte à rendre et la Cour des comptes d'autre compte à contrôler que celui des recettes et des parements. Or, il est en aveu que ce compte est apuré depuis longtemps, et qu'en 1850 il ne restait plus ni recette à renseigner ni payement à justifier; que la Société avait même payé au delà de son solde effectif. L'incompétence de la Cour des comptes est donc déjà incontestable.

Dès le mars 1844, le gouvernement avait approuvé le compte du caissier géné

2 juillet 1838 (J. de B., 1837, 2, 432, et 1838, 1, 463).

ral, et dans la lettre que le ministre adressait à la Cour des comptes, le 10 novembre de la même année, il demandait lui-même à la Cour de lui renvoyer, après vérification, l'une des expéditions du compte revêtue des formalités requises et destinée à être remise à la Société générale pour lui servir de décharge.

La lettre ajoute, il est vrai, ces mots : avec restriction, en ce qui concerne les intérêts qui peuvent lui être réclamés pour la jouissance de l'encaisse depuis le 1er octobre 1830 jusqu'à l'époque du 8 novembre 1855, mais c'était là une simple réserve d'une prétention dont le juge des comptabilités ne pouvait connaître et qui devait se produire devant une autre juridiction.

Le gouvernement ne pouvait donc plus, en 1850, saisir la Cour des comptes d'une prétention étrangère au compte définitivement liquidé; il ne pouvait changer l'ordre des juridictions en donnant à sa prétention la forme d'un compte supplémentaire dressé d'office; il s'agissait d'une obligation contestée dans tous ses éléments, c'est-à-dire d'un débat de pur droit civil que l'article 92 de la constitution réserve aux tribunaux ordinaires exclusivement.

Cet article est absolu et exclut toute exception, et l'article 8 a encore soin de proclamer que nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

Dans l'espèce, la nature du débat ne pouvait être équivoque.

Les comptes de la Société avaient été apurés et le gouvernement voulait lui imposer l'obligation de payer de ses propres deniers des intérêts réclamés, non à raison de sa gestion comme caissier général, mais sous prétexte d'une mise en demeure (article 1139 du Code civil), et la Société générale soutenait devant le tribunal de Bruxelles, qu'elle avait saisi du litige, que la prétention était repoussée par la prescription de cinq ans (article 2277 du Code civil), qu'elle était condamnée par la transaction intervenue entre parties (articles 1154 et 2252 du Code civil); que la transaction sur le capital et le payement reçu sans réserve

(1) On cite arrêt de cassation de Belgique du 3 février 1829 (Pasic., 1829, 1, 117); Liége, 16 janvier 1834 (Pasic., 1854, 2, 351); Brux., 16 février 1833, 28 juin 1854, et 6 mai 1837 (Pasic., 1833, 1, 220; 1834, 2, 270; 1837, 2, 452); Brux., cass., 9 novembre 1835; 11 décembre 1855; 19 décembre 1836; 2 juillet 1838; 19 novembre

opérait la libération des intérêts (article 1908 du Code civil); que l'aveu que le capital avait été improductif d'intérêts excluait la prétention contraire; que la demande n'avait d'ailleurs jamais été fondée, et que la mise en demeure n'avait pas existé en fait et avait été impossible en droit.

Le débat était donc de pur droit civil, et le gouvernement ne pouvait, sous aucun prétexte, en saisir la Cour des comptes, qui n'est pas composée de jurisconsultes et qui n'offre aucune des garanties que la constitution assure aux droits civils en litige.

Le tribunal de Bruxelles était seul compétent, aux termes des articles 4 et 5, tit. IV de la loi des 16-24 août 1790; 14 de la loi du 25 mars 1841, et 59 du Code de procédure civile (1).

La Cour des comptes n'a rien répondu à ces objections. Pour justifier sa juridiction, elle s'est bornée à rechercher si le caissier

général était un comptable à raison de ses fonctions, ce qui était un hors-d'œuvre, son compte ayant été définitivement liquidé et personne ne réclamant plus rien de ce chef. Il est vrai qu'elle a ajouté que ses arrêts doivent porter sur l'universalité des faits et débets auxquels les comptes peuvent donner lieu, tant en capital qu'en intérêts, mais c'est là une pétition de principe, si la Cour a voulu dire que toutes les obligations des comptables tombent sous sa juridiction; c'est au contraire la condamnation de son arrêt si elle a reconnu qu'elle n'avait à statuer que sur le débet auquel le compte soumis à sa vérification pouvait donner lieu.

La Cour des comptes.était d'ailleurs également incompétente à raison de la per

sonne:

Le contrat qui avait lié la Société générale avait été résilié par les événements de 1850; celle-ci devait remettre à ceux qui l'avaient constituée ce qu'elle ne pouvait plus délivrer sur des ordonnances ministérielles.

Cette position ne pouvait donner lieu qu'à une action judiciaire dès qu'elle devenait l'objet d'un débat, comme le gouvernement l'a reconnu lui-même le 8 nov. 1855 (2); il

1842 (Pasic., 1834, 1, 97; 1836, 1, 192; 1857, 1, 245; 1838, 1, 465; 1842, 1, 529).

(2) La demanderesse fait allusion au passage de la transaction de cette date où le gouvernement dit qu'il croit un arrangement amiable avec la Société préférable à l'exercice d'une action judiciaire.

fallait pour la régler une liquidation entre les deux gouvernements et la Société générale, comme le ministre des finances l'avouait dans un acte officiel, le 20 octobre 1832 ('), et comme le prescrivait d'ailleurs le traité du 15 novembre 1831. Un règlement transactionnel a été arrêté le 8 novembre 1833 et le gouvernement belge a reçu le solde du compte en se rendant responsable envers la Hollande de tout ce que celle-ci aurait à réclamer de ce chef. Cette situation tout exceptionnelle n'a jamais pu tomber sous le contrôle de la Cour des comptes de Belgique, pas plus qu'elle n'au rait pu subir celui de la Chambre des comptes de Hollande : créée le 30 décembre 1850, la Cour des comptes devait rester étrangère aux conséquences d'un mandat qui avait été résilié le 27 septembre précédent.

Aux termes de l'article 10 du décret du 30 décembre 1830, tout comptable devait d'ailleurs, trois ans après la cessation de ses fonctions, recevoir une décharge définitive; la Cour des comptes a donc encore commis un excès de pouvoir, à ce point de vue, en faisant naître, vingt ans après la résolution du mandat, une juridiction sur une prétention d'intérêts que le terme de trois ans aurait éteinte si elle avait jamais été fondée.

Insistant sur cette proposition qu'elle ne pouvait être considérée comme comptable, la Société générale ajoutait qu'elle n'avait point été un comptable selon l'article 116 de la constitution. Voici en substance son raisonnement :

La loi fondamentale de 1815, article 61, avait attribué au souverain la direction suprême des finances; la loi du 21 juin 1820, sur l'organisation de la Chambre générale des comptes, lui reconnaît à ce titre la faculté de désigner par des arrêtés spéciaux les comptables ordinaires et extraordinaires dont les comptes d'administration de fonds ou de biens ou propriétés du royaume seront examinés et clos par ladite Chambre (article 25), et celle de fixer de même l'époque à laquelle un comptable devra adresser son compte à la Chambre (article 25); lorsque l'article 24, placé entre ces deux dispositions, déclare qu'il existe entre la

(1) On fait allusion au compte du trésor rendu par le ministre des finances pour 1850, et dans lequel le ministre des finances déclarait qu'il ne portait le solde en compte que pour mémoire, attendu qu'il était en litige, et que le traité des

Chambre et le comptable, à l'égard de la reddition de leurs comptes, une relation directe et indépendante de l'autorité des départements d'administration générale, desquels ces comptables ressortissent, il est évident que cela ne peut s'appliquer qu'aux comptables qu'un arrêté spécial a chargés d'adresser leur compte à la Chambre. Or, d'après la convention intervenue entre le gouvernement et la Société générale, approuvée par arrêté royal du 11 octobre 1825, et l'arrêté royal de 1824, qui applique cette convention, la Société, en sa qualité de caissier contractuel, ne devait adresser ses comptes qu'au ministre des finances, ce qui excluait tout rapport direct avec la Chambre des comptes, laquelle n'avait à contrôler que les comptes du ministre, chef de l'administration des finances. Cet état de choses a été maintenu expressément sous le régime de la loi du 50 décembre 18530, car l'arrêté de 1831 porte que la Société générale demeure. en sa qualité de caissier général, soumise à l'exécution de toutes les clauses et conditions de la convention de 1825; d'où il suit qu'elle n'était point, et que le gouvernement d'alors ne l'a pas considérée comme un comptable dans le sens du décret de 1850 et de l'article 116 de la constitution.

Le deuxième

2o Moyen de cassation: moyen consiste dans la contravention aux règles et aux lois qui assurent le droit de défense, et dans la violation des articles 6, 7 et 8 de la loi du 29 octobre 1846; de l'article 14, titre II de la loi des 16-24 août 1790, et des articles 61 et 85 du Code de procédure civile.

Ce n'est que par lettre du ministre, en date du 11 avril 1850, dit la demanderesse, que la réclamation d'intérêts a été produite devant la Cour des comptes; avant celle époque celle-ci n'en avait point été saisie; cela résulte 1o de la lettre du 14 avril 1849, par laquelle le ministre des finances deman dait à la Cour son opinion sur la marche à suivre avant d'entreprendre aucune démarche; 2o de la réponse, du 12 juin suivant, par laquelle la Cour informe le ministre que dès l'instant qu'il était reconnu que les intérêts du solde sont dus, c'était le cas de faire rendre au caissier un compte spécial

vingt-quatre articles stipulait une liquidation à intervenir entre le gouvernement précédent et la Société générale. (Voy. rapport de M. Fallon, p. 12 et 13.)

de ce chef ou de le dresser d'office, en cas de refus; et enfin 3o de l'arrêt même du 4 mai, qui porte, dans l'un de ses considérants, qu'il restait à statuer sur les intérêts, le gouvernement n'ayant pas jusque-là formulé de conclusions à ce sujet auprès d'elle.

Ce n'est que le 23 mars 1850 que le ministre pria la Société générale de vouloir bien l'informer si elle entendait lui remettre un compte complémentaire pour les intérêts, mais sans lui adresser aucune injonction, sans faire mention de l'avis émis par la Cour des comptes, et sans lui faire connattre qu'en cas de refus ce compte serait dressé d'office.

Le 11 avril, après avoir reçu la réponse de la Société générale, ainsi que l'assignation du 9 du même mois, le ministre dressa secrètement un compte des intérêts qu'il transmit le même jour à la Cour des comptes, et, le 4 mai, celle-ci rendit son arrêt sans que la Société eût été instruite de la demande, sans qu'elle eût été mise à même de se défendre.

Lorsque le gouvernement a voulu porter à la connaissance de la Société l'arrêt du 4 mai, il l'a bien fait notifier par exploit d'huissier; comment a-t-il pu en être dispensé pour la demande à dénoncer?

Il n'y a aucune loi qui permette d'intenter une action, n'importe devant quelle juridiction, par une simple lettre tenue secrète. D'après l'article 61 du Code de proc. civ., tout acte de poursuite doit contenir l'objet de la demande, l'exposé des moyens et l'indication du juge qui doit en connaitre. Et cela est substantiel, puisque autrement le défendeur se trouverait dans l'impuissance d'exercer son droit de défense qui est consacré de la manière la plus absolue par toutes les lois, notamment par l'art. 14, tit. II de la loi des 16-24 août 1790, et par les articles 77 et 85 du Code de proc. civ.

La Cour des comptes n'est point affranchie de cette règle lorsque le comptable remet spontanément ses comptes il joint les pièces justificatives, et dès lors la vérification est contradictoire; l'article 11 de la loi de 1846, conforme au même article du décret de 1850, lui permet même de provoquer la révision de l'arrêt pour erreur, omission ou double emploi.

Lorsque le comptable ne fournit pas spontanément son comple, les articles 6, 7 et 8 de la loi de 1846 prescrivent ce qu'il faut faire dans ce cas la Cour correspond avec le comptable et fixe les délais dans lesquels leurs comptes doivent être déposés; elle

peut même prononcer une amende contre les retardataires entendus ou dúment appelés; elle peut enfin prescrire la reddition d'office du compte, mais seulement à l'égard du comptable interpellé qui ne l'a point rendu dans le délai fixé.

La marche suivie dans l'espèce était donc arbitraire. Si un compte d'intérêts avait pu être dù, la Cour aurait dù fixer un délai pour en faire le dépôt au greffe ; et pour que ce compte eût pu être dressé par un autre que le comptable, il aurait fallu que la Cour en eût ordonné par arrêt la reddition d'office, et que le comptable interpellé par elle eût laissé expirer le délai fixé.

Or, rien de pareil n'a été fait dans l'espèce, et lorsque la Société générale s'est plainte de cette inobservation des formes, la Cour a répondu que toute interpellation eût été inutile et sans objet, puisqu'elle venait de s'adresser à la juridiction civile, à moins de prétendre qu'en tout état de cause la Cour des comples doit interpeller et entendre celui-là même qui a déclaré ne vouloir se présenter, prétention évidemment inadmissible.

En acceptant donc la lettre du 11 avril comme un moyen d'introduire la demande des intérêts, et en tenant cette lettre secrète, la Cour a anéanti le droit de défense et violé tous les textes cités. En jugeant un compte que la Société générale ne connaissait pas et sans avoir interpellé celle-ci, elle a de plus violé les règles de son institution et les articles 6, 7, 8 et 11 de la loi du 29 octobre 1846.

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3o Moyen: Exception de litispendance; contravention à l'article 171 du Code de proc. civ.; abus de pouvoir; violation de l'article 363 du même Code.

L'article 171 du Code de proc. civ. porte: «S'il a été formé précédemment en un « autre tribunal une demande pour le même << objet, ou si la contestation est connexe à « une cause déjà pendante en un autre tri<«<bunal, le renvoi pourra être demandé et « ordonné. »

Et d'après l'article 363 du même Code, il y a lieu à règlement de juges par la Cour de cassation si un différend est porté à deux ou plusieurs tribunaux qui ne ressortissent pas tous à la même Cour d'appel ou si le conflit existe entre une ou plusieurs Cours.

Dans l'espèce, dit la demanderesse, le différend avait été porté régulièrement au tribunal de Bruxelles par l'assignation du 9 avril 1850, et il n'était plus possible de

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