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pour les intérêts, et l'a priée de l'informer le plus tôt possible si elle entendait lui remettre ce compte d'après les bases qu'il indiquait; que ce n'est qu'après le refus de la Société générale que le ministre a transmis d'office à la Cour des comptes, par dépêche du 11 avril 1850, le compte que celle-ci a approuvé par arrêt du 4 mai suivant;

Attendu que la Société générale a formé opposition à cet arrêt et qu'elle a adressé à la Cour des comptes un mémoire dans lequel elle a fait valoir ses moyens de défense, tant sur la question de compétence que sur le fond du litige, moyens que la Cour des comptes a examinés dans son arrêt du 3 décembre 1850, qui repousse l'opposition;

Attendu que le deuxième moyen manque donc de base en fait comme en droit.

Sur le troisième moyen exception de litispendance, contravention à l'article 171 du Code de procédure civile, abus de pouvoir, violation de l'article 365 du même Code:

Attendu que par son arrêt du 26 janvier 1847, qui arrête définitivement le chiffre de l'encaisse de 1830, la Cour des comptes, après avoir établi dans les considérants que le caissier général avait été mis en demeure de mettre cet encaisse à la disposition du gouvernement, et qu'il en devait les intérêts pendant son indue jouissance, réserve néanmoins cette question pour y être, s'il y a lieu, statué ultérieurement et comme de droit; que, le 25 mars 1850, le ministre des finances, en transmettant cet arrêt à la Société générale, l'a informée que pour agir selon le vœu de cette réserve, il fallait, dans l'opinion de la Cour des comples, soumettre à son approbation un compte supplémentaire des intérêts;

Attendu que ce n'est que le 9 avril suivant que la Société générale a fait assigner l'Etat devant le tribunal de première instance de Bruxelles, à l'effet de se voir faire défense, sous telles peines que de droit et notamment de dommages-intérêts, de former ou de reproduire à l'avenir la prétention aux intérêts de l'encaisse;

Attendu que, si le sens de la réserve insérée dans l'arrêt de 1847 pouvait laisser quelque doute, la Cour des comptes l'a interprétée souverainement en décidant qu'elle s'était saisie du litige avant que le tribunal de Bruxelles n'en eût été saisi, que le troisième moyen manque donc encore de base

en fait, en supposant qu'il put être fondé en droit.

Quatrième moyen, pris de la violation des articles 1550, 1556, 1134, 1908, 2052, 2251, 2277 et 2244 du Code civil et des lois 4, Code, depositi, et 13, Code, de usuris;

Attendu que la transaction du 8 novem. bre 1833 porte :

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« Art. 1er, La Société générale, croyant « ne pouvoir régler avec le gouvernement belge le solde de compte du caissier gé«néral de l'ancien royaume des Pays-Bas, << ni en effectuer le payement définitif, sans «< compromettre sa responsabilité, et vou« lant d'autre part ménager à l'Etat la jouis<«<sance des fonds dont elle est dépositaire, " s'engage à avancer au trésor public le « montant dudit solde... sans intérêts, com« mission ni frais.

« Art. 2. Le gouvernement, sans entrer « dans l'examen des considérations ci-des« sus, croyant que dans l'intérêt du pays « un arrangement amiable avec la Société « est en ce moment préférable à l'exercice « d'une action judiciaire, et sans rien pré« juger sur la quotité de l'encaisse déclaré « par le gouverneur de ladite Société, s'en« gage de son côté à remettre à la So« ciété générale, contre ce payement provisoire, une somme égale en bons du tré

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Attendu que la Cour des comptes, interprétant les clauses de cet acte, a décidé que le seul but en avait été, non point de régler le solde pi ce qui pouvait être dù par la Société générale, mais uniquement de mettre le trésor belge en jouissance de la somme qui, provisoirement et en attendant le règlement de compte par qui de droit, pourrait être considéré comme dù;

Attendu qu'après cette décision en fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation, la Cour des comptes a pu décider en droit que ni la transaction, ni l'avance faite en conséquence n'ont impliqué la renonciation aux intérêts, sans contrevenir soit aux articles 1134 et 2252 du Code civil, soit à l'article 1908 du même Code;

Attendu que le ministre des finances n'a, en aucune manière, fait l'aveu devant la Cour des comptes que la transaction eùt impliqué cette renonciation; que si, dans sa lettre du 11 avril 1850, il a déclaré que

la prétention de l'Etat reposait sur les documents relatés dans le rapport que M. Fallon avait fait à la Chambre des représentants, le 5 août 1835, et que le caractère d'authenticité de ce rapport le dispensait de tout autre soutien, il est évident qu'il n'a fait allusion qu'aux documents favorables à la prétention de l'Etat, et nullement à l'avis que la transaction aurait été exclusive des intérêts, en supposant gratuitement que semblable avis eût été énoncé dans ce rapport;

Attendu au surplus que la Société générale n'a pas invoqué ce prétendu aveu devant la Cour des comptes, et que cet aveu, s'il avait existé, n'aurait pu lier la Cour dont l'action ne peut être restreinte par les déclarations du gouvernement; que le moyen tiré de la violation de l'article 1556 n'est donc ni recevable ni fondé;

Attendu, quant au moyen de prescription, que l'article 2277 n'établit la prescription de cinq ans que pour les arrérages de rentes, les loyers et fermages, les intérêts des sommes prêtées et généralement pour tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts;

Attendu que cette prescription, dont le but est de punir la négligence du créancier et de prévenir la ruine du débiteur par l'accumulation des arrérages, ne peut être invoquée par la Société générale, qui a été condamnée à payer les intérêts des sommes perçues pour compte de l'Etat, qu'elle a été en retard de verser et qu'elle a employées à son profit, puisque ces intérêts n'étaient pas payables à des époques périodiques et qu'ils n'ont pu être exigés que lorsque la créance de l'Etat avait été fixée en principal par une liquidation définitive, liquidation qui n'a eu lieu que par arrêt du 26 janvier 1847; que la prescription n'ayant pu courir avant cette époque, il est inutile de rechercher, avec le pourvoi, si elle a été légalement interrompue.

Sur le cinquième moyen décision ultrà petita; violation de l'article 480 du Code de procédure civile et de tous les textes cités sur le deuxième moyen qui garantissent le droit de défense; fausse application des articles 1139, 1936 et 1996 du Code civil; contravention à l'article 1155, ainsi qu'aux articles 1239, 1241 et 1937 du même Code;

Attendu que la disposition de l'art. 484 du Code de procédure civile, qui n'ouvre du reste que la voie de la requête civile contre les jugements qui ont adjugé plus qu'il n'a été demandé, est sans application possible devant la Cour des comptes, dont la juri

diction n'est pas subordonnée à la demande du gouvernement;

Attendu au surplus que la Cour des comp. tes n'a alloué à l'Etat que les intérêts qu'il avait réclamés et que, s'il était vrai que l'Etat n'eût fondé sa demande que sur la mise en demeure de la Société générale, la Cour, en fondant en outre la condamnation sur ce que celle-ci a employé les fonds de l'Etat à son usage personnel, n'aurait pas prononcé sur choses non demandées, mais n'aurait fait qu'ajouter un motif de plus à celui de la demande;

Mais attendu que le gouvernement avait même invoqué ce second motif au moins implicitement, puisque dans sa lettre du 23 mars 1850, le ministre des finances, en informant la Société générale que les intérêts devaient être comptés à partir du 20 décembre 1850, date de la mise en demeure, avait ajouté qu'il était inutile d'entrer dans de nouvelles démonstrations pour soutenir la justice de sa prétention qui avait été suffisamment débattue pour qu'on sût réciproquement à quoi s'en tenir à cet égard, et que dans sa dépêche à la Cour des comptes, en date du 11 avril suivant, il a déclaré formellement que la prétention de l'Etat reposait sur les documents relatés dans le rapport de M. Fallon du 5 août 1835, documents parmi lesquels se trouvent ceux que la Cour a invoqués pour établir que la Société a fait emploi, pour son compte personnel, des fonds de l'encaisse ;

Attendu que la Société générale a donc été mise à même de se défendre, de ce chef, et qu'en réalité elle a présenté sa défense dans le mémoire adressé à la Cour des comptes à l'appui de l'opposition qu'elle avait formée à l'arrêt du 4 mai 1830;

Attendu que, si la Cour des comptes a reconnu dans ce même arrêt que la Société générale a pu, sans contrevenir à son mandat, employer le solde débiteur à son profit, elle ajoute immédiatement qu'il ne lui était néanmoins point permis de le faire au préjudice du trésor, en refusant de pourvoir à ses besoins et ainsi, à la fois, jouir du bénéfice du solde et se soustraire aux obligations sous la condition desquelles ledit solde lui avait été confié; qu'en présence des faits ainsi caractérisés, la Cour a fait une juste application des articles 1936 et 1996 du Code civil, en condamnant la Société générale aux intérêts du solde;

Attendu que l'article 1159 du Code civil, d'après lequel le débiteur est constitué en demeure par une sommation ou un acte

équipollent, ne détermine pas de quelle nature doit être cet acte; que la Cour des comptes a pu, sans contrevenir à cet article, considérer comme tels des ordres administratifs adressés à la Société générale comme fonctionnaire comptable, ordres dont l'appréciation lui appartenait exclusivement;

Attendu que l'article 1155 du Code civil, qui ne fait courir les intérêts que du jour de la demande, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit, est sans application à l'espèce, dès qu'il est constant que la Société générale avait été légalement mise en demeure, ou qu'elle avait employé indûment à son usage les fonds du trésor, circonstances dont chacune prise isolément justifie la condamnation aux intérêts;

Attendu que la Société générale n'a pu, en 1830, pas plus que tout autre comptable public, refuser de remettre au gouvernement établi les fonds qu'elle avait perçus pour compte de l'Etat, sous prétexte qu'elle avait reçu son mandat du gouvernement précédent; que le gouvernement belge, qui avait remplacé ce dernier, avait qualité pour lui donner quittance et qu'elle-même était sans qualité pour invoquer les droits éventuels du gouvernement néerlandais, droits qui ne pouvaient faire l'objet que de négociations diplomatiques entre les deux gouvernements intéressés; que le moyen, en tant qu'il est déduit de la violation des articles 1239, 1241 et 1957 du Code civil, est donc encore dénué de fondement;

Attendu enfin que le pourvoi est dirigé

contre deux arrêts dont le second n'a fait que repousser l'opposition faite au premier; qu'il y a donc lieu de ne prononcer qu'une seule amende;

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Lorsqu'une Cour, en interprétant les actes de la procédure, décide que celui qui se plaint d'une prétendue contrefacon s'est dit breveté pour l'emploi simultané de la houille et de la résine dans la fabrication du gaz, abstraction faite des appareils, elle ne peut avoir contrevenu par là aux articles 1319 et 1320 du Code civil (1).

En déclarant en outre qu'une semblable idée purement scientifique était suffisamment précisée par son indication seule dans un ouvrage imprimé et publié, la Cour n'a pu violer les articles 2 et 8 de la loi du 25 janvier 1817 (2).

Lorsqu'un arrêt est suffisamment justifié par des motifs à l'abri de la critique, on s'attaque vainement à ceux qui ne sont donnés que surabondamment.

(BODART, C. BIOLLEY.)

Alphonse Bodart est porteur d'un brevet d'invention, en date du 20 mars 1841, pour un nouvel appareil destiné à la fabrication du gaz light, extrait des matières grasses

ou résineuses combinées avec la houille.

Le défendeur a également été breveté, le 14 juin 1844, pour un appareil servant à extraire du gaz de la houille, du goudron, etc.

Le demandeur n'a jamais allégué que l'appareil employé par les sieurs Biolley et fils, et qui lui avait été fourni par Henri Leprince, fut le même que celui pour lequel il avait été breveté.

Mais par exploit du 30 décembre 1847, il fit signifier aux sieurs Biolley l'extrait de son brevet, «et attendu, porte l'exploit, qu'il résulte spécialement dudit brevet que le procédé qui consiste à employer simultanément de la houille et de la résine ou autre matière grasse, pour fabriquer du gaz, a été expressément breveté en faveur d'Alphonse Bodart, mon requérant, pose en fait vrai que le gaz qui est fabriqué à l'usine appartenant aux notifiés située à Crotte, est extrait de la houille combinée avec la résine, et somme par suite les notifiés 1o de reconnaître ou dénier, endéans les dix jours, ledit fait qui sera tenu pour constant et avéré en cas de silence; 2o de déclarer, endéans le même délai, s'il entend cesser la fabrication dont s'agit."

Biolley et fils répondirent à cette som

(2) Voy. Dalloz, Nouv. Rép., vo Brevel, p. 584, n^ 81.

mation que le gaz fabriqué dans leur établissement est extrait de la houille ou du cock combiné avec toute espèce de matière grasse, résine, etc., procédé connu depuis longtemps avant l'obtention du brevet de Bodart, et que l'appareil employé par eux, et qui leur avait été fourni par Leprince, est tout autre que celui qui a été breveté au profil de Bodart.

Par exploit du 21 février 1848, celui-ci fit assigner les sieurs Biolley et fils devant le tribunal de Verviers. Voici la teneur textuelle de l'exploit,

« Attendu que par arrêté royal, en date du 20 mars 1841, mon requérant a été breveté pour un procédé qui consiste à employer simultanément de la houille et de la résine ou autre matière grasse, pour fabriquer du gaz;

«Attendu qu'au mépris des droits exclusifs concédés à mon requérant par son brevet, les cités se permettent de fabriquer à leur usine du gaz extrait de la houille avec la résine; que ce fait est avoué par eux dans leur signification du 31 décembre 1847, se voir et entendre condamner à cesser cette fabrication et à payer à mon requérant, etc.»>

Devant le tribunal, Bodart motiva également ses conclusions sur ce que, par l'arrêté royal dont s'agit, il avait été breveté pour un procédé qui consiste à employer simultanément de la houille et de la résine ou autre matière grasse, pour fabriquer du gaz, et sur ce qu'au mépris des droits exclusifs concédés au demandeur par son brevet, les défendeurs se permettent de fabriquer du gaz extrait de la houille combinée avec la résine.

Henri Leprince intervint au procès et soutint notamment que la fabrication du gaz incriminée diffère de celle du sieur Bodart par les appareils et par les procédés de fabrication, et qu'en supposant gratuitement que le demandeur ait sollicité et obtenu un brevet pour l'emploi simultané de la bouille et de la résine, ce brevet serait nul comme portant sur un objet tombé dans le domaine public.

Par jugement du 24 mai 1848, le tribunal de Verviers décida que les termes de la demande et du brevet accordé à Bodart, ainsi que son mémoire à l'appui, prouvent que l'on a breveté non-seulement l'appareil décrit par Bodard, mais encore l'emploi des matières par lui signalées; qu'ainsi on ne peut admettre l'exception de Leprince, fondée sur ce que l'appareil seul aurait été

breveté; mais que les conclusions de Bodart ne pouvaient être accueillies, parce que la fabrication du gaz light, au moyen de certains appareils et des éléments dont l'emploi fait une des bases du brevet de 1841, avait été décrit antérieurement dans un ouvrage publié à Mons, en 1839.

Bodart interjeta appel de ce jugement et conclut à ce qu'il plût à la Cour condamner les sieurs Biolley et fils à cesser la fa fabrication du gaz mixte qu'ils se permettent de faire à leur usine de Crotte, c'est-àdire du gaz extrait de la houille combiné avec la résine, etc... dire que c'est sans droit et au mépris du privilége concédé à l'appelant par son brevet que Henri Leprince s'est permis et se permet encore de se livrer, tant par lui que par ses préposés et les personnes avec lesquelles il traite à cette fin, à la fabrication du gaz extrait de la bouille combiné avec la résine, lui faire défense de continuer à l'avenir, etc.

Les intimés conclurent à la confirmation du jugement, demandant 'subsidiairement qu'il fut nommé des experts chargés de vérifier notamment si la fabrication des sieurs Biolley et fils ne diffère pas essentiellement du brevet Bodart, par les appareils, par les procédés de fabrication et par les résultats, et si l'objet breveté obtenu par Bodart n'est pas décrit dans les ouvrages publiés et imprimés avant 1841, ou si à l'aide des ouvrages brevetés il n'était pas facile de se livrer à la fabrication brevetée.

Par arrêt du 6 juillet 1849:

« Attendu que c'est avec raison que les premiers juges ont déclaré que le brevet accordé à Bodart ne s'applique pas seulement à son appareil, mais qu'il s'étend à ses procédés de fabrication;

"Attendu que les intimés soutiennent que ces procédés n'étaient pas susceptibles d'un brevet d'invention, parce qu'ils étaient connus et décrits dans des ouvrages imprimés et publiés antérieurement au brevet;

« Attendu que si ce fait est vérifié, le brevet de Bodart ne pourrait être opposé aux intimés; qu'ils n'auraient fait qu'user de leurs droits en adoptant un système de fabrication tombé dans le domaine public;

« Attendu qu'il importe peu que le procédé breveté ait été publié et décrit à l'étranger ou en Belgique, la révélation du procédé l'ayant fait connaître et se trouvant incompatible avec un brevet d'invention qui suppose une découverte;

« Attendu que c'est prématurément que

le tribunal a rejeté la demande de Bodart, en tenant pour constant que ses procédés de fabrication et ses appareils ont été publiés et décrits par Pelouze en 1839;

« Attendu que Bodart soutient qu'il n'y a nulle identité entre ses procédés brevetés et ceux qui ont été décrits par Pelouze et autres;

"Attendu que les avis et les vérifications des hommes de l'art pourront seuls mettre la Cour à même de juger cette question en connaissance de cause, qu'ainsi une expertise préalable est nécessaire tant sur ce point que sur tous ceux sur lesquels les parties sont en discordance;

« La Cour, avant faire droit, ordonne que par trois experts... il serait procédé à l'examen des appareils ou des procédés de fabrication employés tant par Bodart que par Biolley et Leprince. »>

L'arrêt ajoute que les experts exprimeront leur avis sur le point de savoir si l'appareil et les procédés de fabrication brevetés en faveur de Bodart ont été décrits ou connus antérieurement à l'obtention du brevet; si la fabrication du gaz chez Biolley est la même que celle pour laquelle Bodart a été breveté, etc.

L'expertise ayant été achevée, et la cause ramenée à l'audience, le demandeur reproduisit les conclusions qu'il avait déjà prises devant la Cour; demandant subsidiairement un supplément d'expertise sur le point de savoir si les passages cités de Pelouze contiennent la description du procédé breveté au profit de Bodart, lequel consiste à introduire une certaine quantité de bouille dans une cornue suffisamment rougie, dans laquelle on injecte après, lorsque la houille est tuméfiée, de la résine liquéfiée, ce qui produit un gaz mixte combiné à l'état naissant, procédé qui offre plusieurs avantages spécifiés au brevet.

Le 8 mars 1851, la Cour rendit l'arrêt suivant :

«Attendu qu'il résulte de l'exploit de sommation du 30 décembre 1847, et de l'exploit introductif d'instance du 21 février 1848, comme aussi des conclusions prises en première instance et devant la Cour, que l'action en contrefaçon intentée par l'appelant Bodart est uniquement fondée sur ce que la partie intimée aurait employé simultanément de la houille et de la résine, pour fabriquer du gaz servant à l'éclairage; qu'en effet, d'après les actes mêmes émanés

dudit appelant, le procédé breveté à son profit consiste à employer simultanément de la houille et de la résine ou autre matière grasse pour fabriquer du gaz;

«Mais attendu qu'antérieurement à la date où il a obtenu son brevet d'invention, l'emploi simultané des deux substances se trouvait déjà indiqué dans l'ouvrage imprimé de Pelouze (Traité de l'éclairage au gaz, Paris, 1839), où l'auteur, à la page 26 de l'avertissement et à la page 488, dit en termes formels qu'il a vu employer la résine en mélange avec des houilles pour ce genre de fabrication, et qu'on a aussi proposé un appareil pour décomposer les huiles et le goudron en mélange avec la houille, en faisant arriver sur celle-ci les matières fluides; qu'on ne peut objecter que l'auteur ne parle que d'huile et de goudron dans ce dernier passage et non point de résine, puisque le goudron se range parmi les substances résineuses, comme on peut le voir aux pages 349, 392, 396 et suivantes du même livre; puisque d'ailleurs le brevet même de l'appelant Bodart, ainsi que les exploits de sommation et d'introduction de l'instance ci-dessus rappelés, ne mentionnent pas exclusivement l'emploi de la résine combinée avec la houille, mais parlent de résine ou autre matière grasse comme substances analogues, également propres à obtenir le résultat cherché ;

"Attendu que l'appelant ne peut objecter davantage que les essais dont parle Pelouze n'auraient pas réussi; que l'emploi simultané des deux substances n'en était pas moins connu et que Leprince était par conséquence en droit, aussi bien que Bodart, de renouveler et de conduire l'expérience à bonne fin, dans un appareil de son invention propre; qu'au surplus l'appelant n'établit pas que le procédé de fabrication chez la partie intimée soit absolument le même que le sien; que les experts déclarent, au contraire, que les deux procédés varient par l'époque de l'introduction des matières grasses et résineuses, laquelle, dans le procédé Bodart, a lieu au commencement de la distillation, et dans le procédé Leprince, deux heures environ après que cette opération est commencée; qu'il est également résulté de l'instruction de la cause que les quantités relatives des substances mélangées diffèrent, ce qui fait que les experts, dans le dernier paragraphe de leur rapport, désignent spécialement le gaz Leprince sous le nom de gaz à la houille, et déclarent qu'il n'y a pas impossibilité d'en fabriquer de

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