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ne fait valoir aucun motif qui puisse la mettre à l'abri du droit perçu ;

« Vu la loi du 21 mai 1819, celle du 6 avril 1823 et celle du 22 janvier 1849;

« Vu les avis conformes du répartiteur, en date du 23 avril dernier, du contrôleur, en date du 26 du même mois, du directeur des contributions, etc., en date du 4 septembre suivant;

« Arrête La cotisation dont il s'agit est maintenue. »

Cette décision a été déférée à la censure de la Cour de cassation par la compagnie demanderesse.

Deux moyens étaient présentés à l'appui du pourvoi.

Fausse appli

1er Moyen, 1re branche: cation, et partant violation de la loi du 21 mai 1819, article 1er et tableau 9, ainsi que de l'article 3 de la loi du 22 janvier 1849; violation de la loi du 16 mai 1845, qui a concédé la construction du chemin de fer de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt; de l'arrêté royal du 19 mai 1845 rendu en exécution de cette loi, et de l'article 7 de l'annexe jointe à la prédite loi du 16 mai 1845; fausse interprétation et violation de l'article 1er des statuts du 2 juillet 1845, approuvés par arrêté royal du 21 juillet 1845, et en même temps violation de l'article 1134 du Code civil.

Pour soumettre la société demanderesse à patente, disait le demandeur, on veut la faire considérer comme entreprise de roulage pour le transfert des marchandises et entreprise de voiture pour le transfert des voyageurs.

Mais elle est cessionnaire des droits accordés à Bruneau et consorts par la loi du 16 mai 1845 et l'arrêté royal du 19 mai suivant; elle ne doit donc patente qu'autant que celle-ci aurait été due par Bruneau et consorts, cessionnaires primitifs.

Or ceux-ci n'étaient pas soumis à patente. L'arrêté du 19 mai 1845, conséquence de la loi du 16, ne leur accorde et ne pouvait leur accorder que la cession de la construction des chemins de fer dont il s'agit.

Bruneau et consorts n'entreprenant que la construction de ces chemins de fer moyennant une redevance annuelle de 50 pour cent des recettes brutes à payer par le gouvernement, ne reçoivent que le remboursement des fonds qu'ils ont consacré à ces travaux, c'est l'usage d'un droit de propriété qui ne doit pas être confondu ni avec

une exploitation commerciale ni avec un acte sujet à patente.

La société demanderesse, au droit des concessionnaires, est précisément dans la même position que ceux-ci, ses charges ne sont pas plus étendues.

La société demanderesse a exclusivement établi el construit les chemins de fer, el c'est exclusivement le gouvernement qui l'exploite avec son matériel et son personnel.

La députation a dù reconnaître que l'entreprise de construction d'un chemin de fer sans exploitation n'est pas sujette à pa

tente.

C'est aussi ce qu'a jugé cette Cour le 11 novembre 1850 (Pasic., 1851, 1, 42).

Aussi pour établir que la société demanderesse prend part à l'exploitation des lignes concédées, la députation a-t-elle dû faire dire à l'article 1er des statuts de la société que cette société s'est constituée en société anonyme ayant pour objet, entre autres choses, l'exploitation des chemins de fer de Tournai et Hasselt.

Or, les statuts ne disent pas que la société a pour objet l'exploitation des chemins de fer, mais ce qui est tout différent, l'exploi tation des péages et des produits des chemins de fer.

L'exploitation des chemins de fer est une entreprise de transport, l'exploitation des péages et produits d'un chemin de fer au contraire n'est que la redevance payée aux propriétaires.

Enfin les concessionnaires n'ont reçu que la concession de la construction des lignes concédées, et ce moyennant une redevance fixée à 50 pour cent de la recette brute.

La société demanderesse n'est donc pas soumise à patente, parce qu'elle ne se livre à aucune spéculation pour laquelle un particulier serait tenu à patente; qu'elle ne prend aucune part d'une exploitation de transport, et qu'elle ne pourrait le faire, sa concession étant limitée à la construction des chemins de fer, et tel aussi étant le prescrit de ses statuts.

2o Branche du 1er moyen : La décision attaquée considère en second lieu le contrat du 17 mai, entre le ministre des travaux publics et les concessionnaires, comme établissant une véritable société dans laquelle ces derniers apportent le chemin de fer construit et exécuté par eux et à leurs frais, et où l'Etat apporte le matériel et le personnel d'exploitation.

En cela elle a violé les articles 1832 et 1855, § 2, précités.

Pour qu'il y ait société, il faut, d'une part, que les intérêts des divers associés se confondent dans un intérêt collectif et constituent une personne morale nouvelle, distincte en quelque sorte des associés, ce qui évidemment n'existe pas dans l'espèce.

Il faut, d'autre part, que les associés participent aux bénéfices et aux pertes de l'association. #

Or, dans l'espèce, il est reconnu en fait que la société reçoit pour l'indemnité des constructions 50 pour cent de la recette brute, quelles que soient les charges et les dépenses; que de son côté l'Etat reçoit le surplus de la recette brute pour les dépenses ét charges d'exploitation. Il est responsable vis-à-vis des tiers des conséquences de cette exploitation.

Ainsi tandis que la société reçoit toujours, et dans tous les cas, intégralement 50 pour cent de la recette brute, il peut arriver que l'Etat, loin de faire des bénéfices, ait à supporter de très-fortes perles.

Il n'y a donc pas entre la société anonyme el le gouvernement de société pour l'exploi tation, parce que là où il n'y a pas participation dans les pertes, il ne peut exister de société.

Réponse du défendeur à la 1a partie du moyen : Le défendeur répondait :

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La loi du 21 mai 1819 porte à l'article 1er, comme règle générale, que nul ne peut exercer ou faire exercer en son nom un commerce, une profession, une industrie, sans être muni de patente.

Il y a donc lieu à examiner si la société demanderesse se livre à des spéculations commerciales, si par sa nature elle est, aux termes ou dans l'esprit de la loi, assujettie au droit de patente.

L'article 19 du Code de comm. déclare la société anonyme commerciale, mais en admettant que toute société anonyme ne soit pas nécessairement commerciale, il faut reconnaitre avec la décision attaquée et l'arrêt de cette Cour du 11 novembre 1850 qu'une exploitation de péages et de produits d'un chemin de fer, en vertu d'une concession du gouvernement, est soumise au droit de patente, el que cela est d'autant moins douteux qu'une semblable entreprise a pour objet le transport des marchandises el des voyageurs par la voie ferrée, et que la loi soumet expressément au droit de patente

les entreprises de cette nature qui se font par les voies ordinaires.

La société demanderesse doit être envisagée comme exploitant les péages et les produits des chemins de fer dont il s'agit. En effet, en examinant la nature, l'esprit et les termes des arrêtés et des actes invoqués, on acquiert la conviction que la société, en vertu de sa concession, exploite en réalité, et que le gouvernement n'est ici en quelque sorte que son agent ou son mandataire; qu'elle recueille les fruits et les produits aléatoires de l'exploitation, que son capital est affecté à des spéculations commerciales, et qu'elle distribue les bénéfices et les produits du capital à ses actionnaires.

Les deux chemins de fer dont il s'agit ont fait l'objet d'une concession comprenant non-seulement la construction, mais aussi l'exploitation.

La société n'a pas construit pour l'Etat, elle a construit dans le but spéculatif et commercial d'exploiter les péages et les produits pendant quatre-vingt-dix ans.

L'établissement seul des chemins n'aurait constitué qu'une entreprise, mais avant tout il s'est agi des péages et des produits.

Il n'est pas exact de prétendre que parce que l'Etat s'est chargé d'administrer par ses agents, d'exploiter par son matériel et d'entretenir la ligne concédée moyennant 50 pour cent de la recette brute, la société ait cessé de participer à la concession, de se livrer à la spéculation.

L'Etat, en construisant, s'est chargé d'un forfait, les statuts le disent, il a loué son matériel, le service de ses agents pour une quotité de recette brute. Il fait par entreprise en bloc le service de détail que la société devrait payer à chacun de ses agents qu'elle employerait. En cela la société fait une deuxième spéculation.

Vainement objecte-t-on que la loi de 1819 el autres sur le droit de patente n'entend imposer que les bénéfices, et que la société, en percevant annuellement 50 pour cent de la recette brute, ne fait que reformer son capital, qu'elle n'obtient jusqu'ores aucun bénéfice; la loi veut que pour fixer le droit de patente la société produise elle-même son bilan annuel; on y verrait probablement quelle somme est prélevée annuellement pour reformer le capital, et quelle est la somme distribuée aux actionnaires. Mais la société refuse de produire ce document, et ce refus a mis le fisc dans la nécessité de coliser d'office sur le bénéfice présumé.

Vainement soutient-on encore que si les premiers concessionnaires n'eussent pas formé de société anonyme, le droit de patente n'eût pas pu les atteindre; dans ce cas il n'y eût eu que le mode ou la base de la perception qui eût été changé. On ne les aurait pas imposés comme société anonyme, puisqu'elle n'aurait pas existé, mais on les aurait imposés comme individus exerçant une profession imposable.

Réponse à la 2e partie.

Si l'on devait admettre qu'il n'y a pas entre la société anonyme et le gouvernement une société telle qu'elle est définie par les lois civiles et commerciales, alors il faut supposer que la députation n'a entendu parler que d'une communauté d'intérêts qu'elle a qualifiée de société.

Mais il s'est établi entre eux une véritable société; il y a à cet égard décision en fait par appréciation d'une convention.

D'ailleurs les articles 1852 et 1855, no 2, du Code civil n'ont pu être violés, car la députation, en effet, ne dit pas qu'il a été convenu de ne pas partager le bénéfice, elle n'a donc pas violé l'article 1852.

Quant à l'article 1855, pour qu'il eût été violé, il faudrait que la convention affranchit de toute perte l'un des associés. Or, cela n'existe pas, la société avait son capital engagé, et il court la chance de ne pas être couvert par sa part dans le produit de l'exploitation des péages.

2o Moyen: Violation de l'article 97 de la Constitution; des articles 141, 470 du Code de proc., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la société soutenait qu'en supposant qu'il put y avoir lieu à un droit de patente, l'administration devait s'adres ser au département des travaux publics qui devait le supporter.

Elle se fondait sur ce que la part de la recette brute étant attribuée à l'Etat pour frais d'administration, d'exploitation et d'en tretien, fixée à 50 pour cent, la patente à payer à raison de l'exploitation faisait partie des frais d'exploitation, devait être réclamée de l'Etat et non de la société.

Or, la députation décide qu'il importe peu de savoir si l'Etat, en supposant que ce fût un particulier, serait soumis au droit de patente eu égard à sa participation aux bénéfices de l'association, puisque cela n'exempterait en aucune manière les concessionnaires de payer l'impôt de patente sur la part des bénéfices que le contrat leur attribue.

Mais là n'était pas la question, il ne s'agissait pas de savoir si l'Etat participerait ou non au droit de patente, mais si un droit devant être payé de ce chef, l'Etat devait le supporter intégralement.

La décision attaquée a donc écarté les con⚫ clusions à cet égard sans donner des motifs, et par suite cette décision viole les textes précités.

Subsidiairement la demanderesse proposait comme moyen de cassation la violation de l'article 7 de l'annexe de la loi du 16 mai 1845 et de l'article 4 de la convention du 17 mai, approuvée par arrêté royal.

Elle se fondait sur ce que la députation aurait dù décider que le droit de patente incombe à l'Etat, puisqu'il exploite à forfait absolu pendant toute la durée de la concession moyennant 50 pour cent des recettes brutes, et qu'en décidant que la société devait payer patente, la conséquence nécessaire est qu'elle ne reçoit plus les 50 pour cent garantis par le contrat..

Réponse du défendeur. — La société ne formait qu'un seul chef de demande, le dégrèvement de la cotisation. Elle s'appuyait sur divers moyens, et la députation examine même assez longuement le moyen dont il s'agit ici.

La députation peut s'être trompée dans son appréciation, mais toujours est-il qu'elle a motivé sa décision.

Dans cette demande on ne concluait pas à ce que l'Etat belge fût déclaré passible de l'impôt, cela n'était pas possible, mais on cherchait à démontrer que, le cas échéant, ce serait à l'Etat qu'incomberait cette charge; or, la décision attaquée a examiné ce soutenement tout en déclarant qu'il importait fort peu d'examiner la question; en rattachant ce considérant à ceux qui précèdent et suivent, la décision attaquée a donc rempli le vœu de la loi, et l'on ne peut soutenir qu'elle n'est pas motivée.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi en ces termes :

Dans le mémoire qu'elle a adressé à la députation permanente, la société demanderesse s'est attachée à bien caractériser les conventions qui la lient vis-à-vis de l'Etat, et elle les a résumées dans les termes suivants : « La société anonyme donne une « somme de 12,500,000 francs pour l'éta «blissement et la construction d'un chemin « de fer à créer dans l'intérêt et à la dé« charge du gouvernement, lequel pour prix « de cet immeuble doit, pendant quatre. vingt-dix ans, payer à la société une re

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« devance annuelle égale à la moitié de la recette brute de ce chemin de fer. » Partant de la convention ainsi libellée, la société déduit les moyens légaux qui, suivant elle, doivent l'affranchir du droit de patente. Sa plaidoirie devant la Cour n'a été que le développement de cette thèse fondamentale.

La décision attaquée repousse celle explication des rapports établis entre l'Etat et la société; se basant sur les statuts, la décision déclare « que la société s'est constituée « en société anonyme ayant pour objet, entre << autres choses, l'exploitation des chemins « de fer de Tournai à Jurbise et de Landen « à Hasselt, » et elle déduit de ce fait que la société anonyme ainsi constituée est sujette au droit de patente. Elle fortifie cette conséquence en disant « que les conven«tions intervenues ont établi entre l'Etat « belge et les concessionnaires remplacés « par la société une véritable société où les apports respectifs sont réglés et où un << mode spécial de partage des bénéfices est « arrêté. » Enfin la décision déclare formellement que l'entreprise ainsi détermi«née constitue essentiellement une spécula«tion commerciale pour les deux parties « contractantes. »

La Cour voit que la députation permanente a interprété les conventions arrêtées entre l'Etat et la société dans un tout autre sens que la société elle-même: de son interprétation la société tirait des conséquences que la députation a expressément repoussées, et pour les repousser elle a donné à ces conventions une interprétation tout opposée.

La Cour de cassation ne doit-elle pas respecter cette interprétation? ne doit-elle pas admettre comme souverainement jugé par la députation permanente : que la société demanderesse a pour objet réel, entre autres choses, l'exploitation des chemins de fer de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt. Et si vous devez accueillir cette interprétation, la conséquence légale n'est nullement douteuse; la société demanderesse doit être assujettie au droit de patente, aux termes du tableau 9 de la loi du 21 mai 1819, abstraction faite même de la question de société formée entre l'Etat et la compagnic demanderesse.

Tout récemment la Cour avait à juger si un maître de poste était soumis au droit de patente comme entrepreneur du camionage du chemin de fer; il s'agissait, suivant nous, d'apprécier la qualité légale du maître de poste au regard des règlements et sou. missions arrêtés entre l'administration et les

maitres de poste; vous vous êles bornés à déclarer que les obligations des maîtres de poste et la nature de l'entreprise avaient été caractérisés en fait par la députation permanente, cel, acceptant comme souveraine l'interprétation de cette députation, vous avez appliqué au fait les conséquences légales qui en découlaient naturellement; vous avez rejeté le pourvoi.

Nous sommes ici dans la même position : il y a des conventions légalement conclues entre l'Etat et la société demanderesse; ces conventions créent des droits et des obligations qu'il faut apprécier; la députation, consacrant une interprétation que nous considérons du reste comme exacte, déclare que ces conventions se rapportent à des opérations essentiellement commerciales; une fois que ce caractère des opérations de la société anonyme est reconnu, la conséquence qui en découle immédiatement ne saurait être douteuse.

Dans ces termes toute notre mission se bornerait à signaler à la Cour la décision en fait de la députation; la parfaite exactitude de la conséquence qu'elle en a déduite el la nécessité de rejeter le pourvoi. Que s'il était opportun d'examiner jusqu'à quel point les caractères légaux des opérations déclarées commerciales par la décision attaquée existent réellement, quelques considérations, que les mémoires échangés au procès et les plaidoiries nous permettent d'abréger, nous conduisent à la même conclusion.

Il est, en effet, de toute évidence que la société demanderesse rentre dans les termes très généraux du tableau 9 de la loi du 21 mai 1819. Il serait puéril d'insister, comme l'a fait la société demanderesse devant la députation, sur ce que la loi du 16 mai 1815 lui accorde simplement la concession de la construction des chemins de fer; ces mots n'ont rien de sacramentel; il est contraire à la logique et au bon sens de s'attacher aux mots, à l'écorce, lorsque la nature des opérations ressort du but même de la société; d'ailleurs si la loi du 16 mai 1845 parle de la concession de la construction, l'annexe de la loi renferme expressément les clauses et conditions de la concession des chemins de fer; tels sont les termes de l'intitulé du contrat, et l'article 5 porte que cette concession pourra durer jusqu'à quatre-vingt-dix ans à compter du jour de la mise en exploitation. Conçoit-on une concession de construction de chemin de fer qui dure quatre-vingt-dix ans après que le

chemin de fer est construit? Evidemment la société manquait son but en offrant cet argument qui semblait fondamental; ce que les concessionnaires ont obtenu en vertu de la loi du 16 mai 1845 et du contrat annexé à cette loi, c'est l'autorisation de construire et ensuite d'exploiter; cette exploitation se fait suivant un mode particulier, mais c'est bien certainement le privilége d'exploiter qui a été concédé comme compensation de l'obligation de construire.

L'arrêté royal de concession du 19 mai 1845 déclare les fondateurs de l'opération concessionnaires de la construction des chemins de fer, mais concessionnaires aux clauses et conditions reprises dans l'annexe de la loi du 16 mai et dans la convention du 17 mai; or, ces clauses et conditions sont formellement ratifiées dans l'article 2 de la convention; la concession est faite pour quatre-vingt-dix ans ; et lorsque dans l'acte de formation de la société anonyme, ici défenderesse, les concessionnaires ont euxmêmes caractérisé l'objet de la société, ils ont dit qu'il s'agissait de l'établissement et de l'exploitation des péages et produits des chemins de fer, conformément aux clauses et conditions du cahier des charges du 16 mai et de l'arrêté du 17. La société anonyme, substituée aux concessionnaires, existe donc pour un temps égal à la concession, laquelle est de quatre-vingt-dix ans, sauf une faculté de rachat réservée à l'Etat après la quarante-cinquième année; elle existe avec les avantages et les charges antérieurement stipulés; elle existe nonseulement avec l'obligation de construire, mais avec le droit d'exploiter. Cette exploitation se fait, il est vrai, suivant un certain mode; c'est le département des travaux pu blics qui exploite et qui entretient la route moyennant attribution à l'Etat de 50 pour cent de la recette brute. Cela exclut-il toute idée de spéculation dans les opérations et avec les capitaux de la société anonyme? Cela dépouille-t-il l'objet essentiel de la société anonyme de son caractère de commercialité, d'exploitation? La négative nous paraît évidente. Il est vrai que l'Etat exploite directement, mais la société demanderesse n'en fait pas moins une spéculation; l'Etat exploite, mais non pas en son nom, quant au résultat final; il exploite pour et avec la société anonyme; il exploite la chose de la société, il perçoit les recettes de la so

(1) La concession du chemin de fer de Dendre et Wacs ne peut intervenir en rien dans les questions de tarifs; elle n'a, par rapport aux

ciété qui lui en cède la moitié pour l'indemniser du fait de l'exploitation, de l'entrelien, de la responsabilité qu'il a acceptée; la société fait une opération commerciale, une véritable spéculation par les mains de l'Etat, puisqu'elle a un capital fixe, commercialement engagé et distribué par actions, rapportant intérêts et bénéfices par l'exploitation même, bénéfices plus ou moins considérables suivant le montant de la recette brute, bénéfices négatifs si la recette brute est faible, intérêts même nuls s'il n'y a pas de bénéfices, car l'intérêt de 5 pour cent par action, plus 1/4 pour cent pour amortissement, de même que les dividendes ne sont perçus que sur les bénéfices restant après le payement des charges et dépenses de toute nature (article 41 des statuts). On voit que tout ce qui caractérise la société anonyme commerciale se rencontre ici; il y a non-seulement construction, établissement de chemin de fer, il y a exploitation de ce chemin de fer, exploitation des péages et produits, si l'on veut, c'est-à-dire exploitation de ce qui constitue précisément l'opération commerciale telle qu'elle est définie par l'arrêt de cette Cour du 11 novembre 1850.

On soutient que l'Etat exploite en son nom et non pas au nom de la société; on soutient qu'il ne suffit pas, aux termes de l'article 1er de la loi du 21 mai 1819, que l'Etat exploite pour le compte de la société. Mais n'est-ce pas, encore une fois, s'attacher aux mots plutôt qu'à la chose. Evidemment la société est propriétaire des chemins de fer pour quatre-vingt-dix ans, puisque l'Etat n'a que le droit de les racheter après la quarante-cinquième année; évidemment la société est propriétaire réelle des recettes brutes puisque c'est elle qui stipule formellement que 50 pour cent de ces recettes sont attribués à l'Etat; évidemment la société est propriétaire de la jouissance, pendant toute la concession, de la section de Landen à Saint-Trond (article 6 des clauses), et ce à titre de subvention permanente; évidemment la société coopère à la gestion puisqu'elle s'est réservé le droit de vérifier les recettes et d'inspecter les comptes; évidemment enfin la société a un droit acquis aux péages sur le pied de tarifs certains et suivant des bases fixées contradictoirement (1). En vertu de ces droits que les concessionnaires possédaient, quel a été

tarifs, aucun droit acquis, le contraire est stipulé pour la société demanderesse.

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