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nement en vertu de l'arrêté du 7 décembre 1840, puisqu'il donne son approbation au règlement qui la décrète.

Depuis 1841, le règlement du 20 juillet est exécuté; chaque année il reçoit une confirmation virtuelle par l'allocation portée au budget provincial et par l'approbation de ce budget par arrêté royal; indépendamment de cette confirmation administrative, le système entier reçoit une ratification souveraine dans le budget de l'Etat qui alloue chaque année une somme pour l'exécution des règlements provinciaux sur la race chevaline (développements du budget du ministère de l'intérieur, article 56, litt. B 20,000 fr.).

Ce qui s'est passé en 1841 pour la race chevaline a eu lieu en 1849 pour la race bovine. Pressés par le gouvernement, qui avait constaté les bons effets des primes pour les étalons et les juments, les conseils provinciaux firent des règlements pour l'amélioration de la race bovine. A plusieurs reprises le gouverneur du Brabant exprima au conseil provincial le désir de l'administration supérieure de voir organiser par les provinces un système de primes pour la race bovine; il soumit même au conseil un projet de règlement préparé au département de l'intérieur, dont la discussion fut ajournée par le conseil provincial pour des motifs financiers, et qui fut enfin adopté par trente-neuf voix contre cinq dans la séance du 12 juillet (1). Nous devons dire, en passant, que la discussion fut assez longue, el que personne ne songea à mettre en doute, soit la compétence du conseil, soit la légalité ou la constitutionnalité du règlement qui fut approuvé par arrêté royal du 4 août 1849. Ce règlement, comme celui de 1841, est à la fois d'administration et de police; il sanctionne par des peines les prescriptions et les prohibitions qu'il renferme, et l'article 18 porte que les frais à résulter de l'exécution seront payés deux tiers par l'Etat, un tiers par la province.

Le budget provincial du Brabant depuis 1849 porte une allocation pour l'amélioration de la race bovine; ce budget a toujours reçu l'approbation du gouvernement, aux termes de la loi provinciale; et le budget du ministère de l'intérieur, voté par la législature, a toujours, depuis lors, alloué une

(1) Voy. Exposé de la situation admin, du Brabant pour 1848, p. 470 et 471; même exposé pour 1840, p. 222; séances du conseil provincial, année 1847, p. 91; année 1848, p. 1054; année

somme importante pour l'exécution des règlements provinciaux sur la race bovine (article 56, litt. C, des développements du budget 55,500 fr. pour 1851) (2).

L'exposé de ces faits nous a paru offrir un grand intérêt dans la présente cause. L'initiative prise par le gouvernement dans l'arrêtê royal du 7 décembre 1840, pour ce qui concerne la race chevaline, avait amené dans toutes les provinces le vote de règlements dont l'exécution avait porté d'heureux fruits; le même système fut étendu aux races bovine, porcine et ovine, et a produit les mèmes résultats. Et lorsque la législa ture, en votant les fonds de l'agriculture, voulait assurer l'exécution des règlements provinciaux sur la matière, elle décrétait virtuellement l'approbation des mesures prises par le gouvernement et la légalité des ordonnances portées par les conseils provinciaux.

Et pour ce qui concerne la défenderesse ici en cause, nous remarquerons que la contravention constatée à sa charge est du 25 juillet 1851; que le règlement de 1849, qui punit cette contravention, a reçu pour cette même année 1851 une ratification formelle dans l'article 56 de la loi du 28 décembre 1850, décrétant le budget de l'intérieur pour 1851; que certainement, dans ces termes, la défenderesse ne pouvait échapper à la pénalité qu'elle avait encourue et que le jugement allaqué a refusé d'appliquer.

Remarquons, en effet, le mécanisme de nos institutions; certes, le pouvoir exécutif agit et doit agir dans les limites de la Constitution et des lois; le pouvoir provincial est soumis à la même obligation; mais ces pouvoirs ne sont pas privés pour cela de toute initiative, car si l'initiative n'est point, ab origine, conforme à une loi préexistante, elle peut recevoir sa force et sa puissance d'une loi postérieure, d'une loi qui ratifie et qui légitime l'acte dû à cette initiative; et c'est cette initiative qui constitue à propre ment parler la prérogative, c'est-à-dire la faculté de prendre les mesures utiles et d'un intérêt général ou local, sauf à puiser dans l'approbation du pouvoir souverain legislatif la consécration des mesures arrêtées.

Ces idées ne sont pas nouvelles et elles ont reçu une application formelle dans notre jurisprudence. La Cour d'appel de

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Bruxelles, dans un arrêt rendu conformé ment à nos conclusions le 5 décembre 1849 (Belg. jud., t. 8, p. 81 à 90), a considéré dans une affaire où la prérogative royale était en jeu « qu'il appartenait au roi de « fixer la solde de l'armée de réserve, tout « comme celle des autres corps de l'armée; « que c'est là un principe constitutionnel « découlant des articles 66 et 68 de la Con«stitution, et qui n'a jamais été méconnu; << qu'une pratique constante l'a consacré, «<et qu'il trouve au besoin sa sanction dans « les différents budgets adoptés par les << chambres législatives, et qui contient les << tableaux de la solde, ainsi que l'avaient u fixée les arrêtés royaux. » En développant le système que consacre ici l'arrêt, relativement à la portée des budgets, nous rappelions ces paroles pleines de sens de l'éloquent auteur de l'ouvrage intitulé du Régime constitutionnel : « Tout bien consi« déré, le pouvoir exécutif et la prérogative «ne diffèrent en réalité que par l'ordre « chronologique; l'un suit la loi, l'autre la "devance; le premier se conforme à sa vo«lonté promulguée, la seconde anticipe sur « elle; ici le prince a l'initiative, sauf ratification; là il doit attendre. Mais de toute « manière c'est de la loi que l'on part et à « la loi que l'on revient (1). »

On contesterait vainement la portée que nous donnons ici aux votes réitérés de budgets successifs; si le vote du budget est annuel, si les lois de dépenses ne sont valables que pour une année, on ne contestera pas du moins que pour cette année la ratification subsiste; et à coup sûr elle aura une valeur plus grande si elle est régulièrement renouvelée par plusieurs votes suc cessifs. Du reste, si l'on énumérait toutes les institutions, tous les règlements et toutes les ordonnances qui n'ont d'autre appui que les budgets, on serait effrayé du désordre qui éclaterait de toutes parts si on décidait que les lois financières ne sont pas en définitive et en réalité le frein et à la fois l'appui de la prérogative.

Il y a un pouvoir pour exécuter la loi; ce

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pouvoir suit la loi; il ne saurait la précéder, et le supposer même serait absurde. Mais il y a un pouvoir pour administrer, et dans ce pouvoir tout ou presque tout appartient à l'initiative (2). Cette initiative, dans une foule de cas, a pour objet des mesures d'utilité momentanée ou permanente qui nécessitent des dépenses, et nulle dépense n'est possible sans une allocation portée soit dans un budget législatif, soit dans un budget provincial ou communal, soit dans une loi ou ordonnance spéciale; et c'est par cette allocation de sommes que la prérogative ou l'initiative devient légitime et se trouve mise à l'abri de tout reproche d'illégalité. Donnons pour exemple une institution qui rentre dans le sujet qui nous occupe : l'école vétérinaire est organisée par arrêté royal; nulle loi ne l'a instituée, c'est la loi du budget qui, en luj allouant des fonds, ratifie l'arrêté d'institution et d'organisation. De même pour les commissions d'agriculture récemment réorganisées par arrêté royal et qui ont des attributions même coercitives; c'est la loi du budget qui, en votant les fonds qu'elles réclament, légalise en quelque sorte cette importante et utile institution (article 56 du budget de 1851, litt. C, des dévelop pements, 28,500 fr.).

Or, si cela est vrai pour une multitude d'actes du pouvoir administratif, il est permis de considérer le budget, non pas seulement comme un instrument financier, mais aussi et surtout comme le souverain contrôle de l'administration, et comme contenant à la fois l'appréciation et l'approbation des actes qui, dans toute la hiérarchie administrative, concourent à favoriser le développement des forces locales et à produire les résultats collectifs que cherche à obtenir tout gouvernement.

Nous pourrions dès à présent conclure à la cassation du jugement dénoncé qui prétend que l'article 1er du règlement provincial du 12 juillet 1849 est contraire à la loi; en disant cela le jugement a méconnu la réalité des choses, puisque les lois du budget de l'intérieur, et notamment la loi du

tratives, en date des 12-20 août 1790, publiée en Belgique par arrêté du 19 frimaire an iv, il appartient à ces assemblées, et particulièrement aux assemblées des départements, de veiller notamment à l'amélioration des races ovines ou bêtes à laine. L'idée de police est définie et expliquée par Loyseau, des Seigneuries, chap. 9, p. 48; par Fleury, Droit public, 2e partie, et par les professeurs modernes de droit administratif,

budget de 1851, a voté des allocations spécialement destinées, suivant les indications fournies par le ministre, à l'exécution de ce règlement provincial.

Mais nous voulons, pour l'honneur des principes méconnus par le jugement allaqué, examiner de plus près si, abstraction faite de la ratification législative que nous avons rappelée, le conseil provincial du Brabant n'avait pas le droit essentiel, de par la Constitution et les lois, de rendre l'ordonnance de police et d'administration dont il s'agit ici.

Or, nous croyons sans la moindre hésitation que le conseil provincial avait ce droit, et que le jugement attaqué verse dans une capitale erreur en le lui déniant.

Sans doute, la Constitution attribue aux conseils provinciaux et communaux tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, et dans le règlement de ces intérêts le pouvoir provincial ou le pouvoir communal, représenté et agissant par des conseils électifs, jouit de l'initiative et de l'indépendance, sauf l'approbation de certains ácles et l'intervention du roi ou du pouvoir législatif pour réprimer les excès de pouvoirs et les illégalités. Mais il n'est écrit nulle part que les conseils provinciaux ou communaux ne seront pas appelés à coopérer à l'administration générale, lorsque les intérêts provinciaux ou communaux sont liés aux me. sures prises ou conseillées par cette administration; la pratique constante est ici d'accord avec la nature des choses et avec la loi, car la loi provinciale, en réglant les attributions des conseils, en réservant aux conseils la prérogative constitutionnelle qui leur appartient, les considère pourtant comme coopérant à la réalisation de mesures générales dans lesquelles l'intérêt des provinces est véritablement engagé. Il y a plus lors même que l'intérêt provincial porte sur une matière d'intérêt général, le conseil peut le régler administrativement tant que le pouvoir exécutif n'a pas pris l'initiative; et c'est ce qu'il aurait pu faire pour la race bovine si, après avoir constaté la décadence de cette race dans la province, il avait spontanément porté une ordonnance pour arrêter cette décadence.

Cela ne résulte pas seulement du texte précis de la loi provinciale, cela résulte de la nature intime du pouvoir provincial.

D'abord le texte de l'article 85 de la loi provinciale reconnaît que les conseils provinciaux peuvent faire des règlements d'administration intérieure et des règlements

de police; l'article 86 veut que ces règlements soient soumis à l'approbation du roi avant d'être mis à exécution; l'intervention du roi, c'est-à-dire d'un pouvoir régulateur, doit bannir la crainte exprimée par le jugement dénoncé de voir détruire l'unité de législation et renaître les abus de l'ancienne législation coutumière. L'article 85 veut plus encore, il veut que ces règlements provinciaux disparaissent de plein droit si, dans la suite, les lois ou les règlements d'administration générale statuent sur les objets réglés par les provinces, et si ces lois et règlements d'administration générale régissent déjà un ordre de faits généraux, il est formellement interdit aux conseils provinciaux de s'en occuper. Il résulte du système des articles 85 et 86 de la loi provinciale que le droit conféré aux conseils provinciaux de faire des règlements provinciaux et des ordonnances de police, est subordonné à l'exercice d'un droit plus général, mais semblable, du pouvoir administratif ou de la prérogative royale; il en résulte encore que les conseils provinciaux peuvent régler, sous la condition de l'approbation substantiellement nécessaire du roi, des faits d'un intérêt général, faits qu'il peut devenir opportun ou urgent de régler dans une province ou dans une agrégation de communes.

Les articles 51 et 108 de la Constitution ne sont pas, comme le pense le jugement attaqué, méconnus dans ce système; les conseils provinciaux ne perdent point leur caractère de pouvoir provincial réglant les intérêts exclusivement provinciaux; ils restent les organes nécessaires et légaux de ces intérêts. Mais la Constitution ayant abandonné à la loi le soin de régler les institutions provinciales, la loi de 1836 a conféré aux conseils provinciaux un droit de réglementer et de sanctionner dont elle a défini la nature et posé les conditions; cette loi pouvait le faire, car la Constitution ne dit nulle part que ce qui n'est pas exclusivement d'intérêt provincial ne pourra pas, dans une certaine mesure, être réglé par la province.

Ceci deviendra d'une vérité frappante, lorsque nous aurons déduit un ordre de considérations qui ont entièrement échappé au tribunal correctionnel de Bruxelles. Comparons les dispositions de la loi communale avec celles de la loi provinciale. L'article 85 de cette dernière dit que le conseil provincial peut faire des règlements d'administration intérieure et des ordonnances de police; l'art. 78 de la loi commu

nale reconnait aux conseils des communes le droit de faire des règlements communaux d'administration intérieure et les ordonnances de police communale; le mot restrictif communale a été ajouté au mot police sur la proposition de M. Henri de Brouckere, et pour des motifs que l'on peut lire dans les notes de la Pasinomie. Ces ordonnances ne sont pas soumises à l'approbation préalable ou plutôt au veto absolu de l'autorité supérieure comme celles des conseils provinciaux. Il n'est pas dit que les ordonnances communales seront abrogées de plein droit si, dans la suite, il est statué sur les mêmes objets par des lois ou règlements d'administration générale; il est simplement dit que les ordonnances communales ne peuvent être contraires aux lois ou aux règlements d'administration générale ou provinciale. Cette différence de rédaction de l'article 78 de la loi communale et de l'article 85 de la loi provinciale; cette indépendance plus large reconnue à la commune qui n'est pas obligée de faire approuver ses règlements, pourvu qu'ils ne violent point les lois et les règlements généraux et provinciaux; cette personnalité communale mieux accusée dans la loi; tout cela n'est pas l'effet du hasard, mais le résultat d'une discussion approfondie.

Comparez l'article 77 du projet de loi communale présenté par le gouvernement, l'article 76 du projet de la section centrale et l'article 78 de la loi actuellement en vigueur; relisez la discussion de ces articles à la chambre, et vous serez convaincus que les différences que nous signalons sont le fruit d'appréciations nettement formulées et d'un système médité. Le gouvernement, dans son projet, reproduisait la disposition de l'article 85 de la loi provinciale déjà votée à cette époque et portant que les règlements communaux seraient abrogés de plein droit si, dans la suite, il est statué sur les mêmes objets par des lois ou arrêtés; la section centrale avait maintenu cette réserve qui, vous le voyez, a disparu de l'article 78 de la loi du 30 mars 1836.Et pourquoi? Le Moniteur (du 25 novembre 1834) va nous l'apprendre: M. Dumor

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tier, rapporteur de la loi communale, soutenait vivement la suppression de cette réserve. Ceux qui en demandaient le maintien argumentaient de la disposition identique que l'on avait admise dans la loi provinciale; M. Dumortier leur répondait : « Il y a une distance immense entre la loi provinciale et la loi communale; dans la loi provinciale on stipule pour des intérêts généraux ; dans la loi communale on stipule seulement pour la localité et pour des intérêts circonscrits dans la cité. » Il disait encore : « L'autorité provinciale est en quelque sorte un diminutif du pouvoir de l'Etat : elle règle non pas les intérêts de telle ou telle localité, mais de beaucoup de localités. Ses ordonnances ont donc cela de commun avec les lois générales, qu'elles se rapportent à une foule d'intérêts différents : les règlements d'administration locale sont des règlements exclusivement communaux. » M. Della faille, qui soutenait le même système, disait, de son côté « Il y a une différence notable entre les règlements de police d'administration générale ou provinciale et les règlements de police émanant de l'administration communale comme le gouvernement, l'administration provinciale ne règle les objets que dans leur ensemble; les municipalités au contraire traitent des intérêts privés de la commune... (1) » — Or, la chambre a volé la suppression du paragraphe proposé; elle l'a votée par les motifs qu'avaient développés les orateurs qui la proposaient; elle a reconnu qu'il était opportun de consacrer ce double principe d'un localisation presque absolue de l'administration et de la police communales, d'une généralisation de l'administration et de la police provinciales: à ce point de vue, la police communale, les règlements communaux ont une existence propre; la police provinciale, les règlements provinciaux, ceux bien entendu que permet et que règle l'article 85 de la loi provinciale, n'ont qu'une existence en quelque façon contingente, car l'acte des conseils provinciaux ne subsiste que pour autant qu'une loi ou qu'un arrêté royal ne règle pas la malière que le conseil avait réglementée par cet acte, et que le roi l'ait approuvé.

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La commune est un être moral, une individualité politique qui a ses racines dans les origines de la société : l'agrégation appelée commune tient à la formation de tout état politique, et les intérêts collectifs que la commune représente et régit sont à peu près aussi anciens, aussi nombreux, aussi puissants que ceux des individus enfermés dans les étroites limites d'une localité déterminée. Inutile d'insister sur ce fait fondamental souvent signalé par les politiques et par les historiens. On conçoit donc que l'idée d'un pouvoir communal, d'une indépendance communale, d'une police communale (police si importante, si variée et si nécessaire), ait obtenu un légitime triomphe dans notre organisation constitutionnelle. La commune reste ce qu'elle a vraiment toujours été, quoique parfois on ait méconnu son caractère, elle reste une individualité nettement tranchée et qu'on se représente sans difficulté, dans l'ordre d'intérêts anciens et locaux.

L'individualité provinciale n'est ni aussi ancienne, ni aussi vivement accusée, ni aussi facile à comprendre; historiquement, cela est certain, incontestable dans l'ancienne organisation, la province était ordinairement une souveraineté (1) et non pas une individualité fictive dans l'Etat : dans l'organisation transitoire, le département devint un rouage administratif; alors, le département ne fut pas l'ancienne province, comme la commune resta presque toujours l'ancienne municipalité; le département fut découpé dans la province et formé suivant des convenances administratives ou des accidents de terrains; les communes entrèrent presque partout, avec leurs intérêts séculaires et leurs droits anciens, dans les dé

(1) Tel était, on le sait assez, le caractère de nos anciennes provinces que personne ne s'avisera d'assimiler aux provinces d'aujourd'hui.

(2) La province n'apparaissait pas à nos législateurs comme une individualité semblable à la commune; ainsi l'article 5 du titre VIII de la loi judiciaire du 24 août 1790 dit que les officiers du ministère public seront entendus dans toutes les causes où les droits, soit de la nation, soit d'une commune, seront intéressés; la province n'est point nommée. L'article 83 du Code de pr. civ.

parlements qui devinrent ainsi des agrégations de communes : mais n'est-il pas vrai de dire que le département n'est point, dans des limites plus larges, ce qu'est, ce qu'a toujours été la commune dans les limites parfois si étroites et si profondément, si anciennement creusées (2)?

Sans doute, notre Constitution a reconnu les intérêts provinciaux, créé le pouvoir provincial, organisé les conseils provinciaux: mais c'est au point de vue d'une individualité toute récente et d'intérêts peu nombreux, il faut l'avouer, en tant que réellement provinciaux. Ce que le conseil provincial représente surtout, ce sont les intérêts généraux administratifs avec lesquels il est indissolublement lié quant à l'action; et ce qui le prouve, c'est la pratique de vingt années, c'est l'évidence des choses, c'est, répétons-le maintenant avec pleine confiance, c'est l'article 85 de la loi provinciale dont le sens et la portée ne sauraient être équivoques à vos yeux, c'est l'approbation géminée donnée par la législature à des actes qui ne portent pas sur un intérêt exclusivement provincial, nous le reconnaissons, mais qui règlent une matière où l'intérêt provincial est lié à l'exécution d'un ensemble de mesures indiquées, proposées, favorisées par le gouvernement et par la législature en vue d'un intérêt général, c'est-à-dire l'amélioration des races d'animaux qui servent presque exclusivement à la nourriture des populations.

Ces considérations nous ont amené à signaler comme entaché d'une erreur viscérale le jugement dénoncé le conseil provincial du Brabant n'a pas, dit-il, reçu une délégation spéciale de la loi pour régler l'amélioration de la race bovine; il ne peut fonder cette délégation sur l'article 85 de la loi provinciale, dont le principe serait anarchique dans l'application qu'on en ferait à la cause; il n'existe ni loi ni arrêté pris en exécution de la loi qui ait conféré au conseil la mission de régler la matière aujourd'hui en débat. Mais pour énoncer ces principes,

mentionne la commune et point la province. Les articles 2121 et 2155 du Code civil s'occupent de l'hypothèque légale des communes et non des provinces. Il a fallu que le rapporteur de la nouvelle loi hypothécaire rappelât le droit de la province, en vertu de la loi de 1856, pour que les articles 47 et 89 de cette loi fissent mention de la province, tant l'idée de l'individualité communale prédomine partout. On pourrait multiplier ces exemples.

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