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le jugement attaqué s'en est tenu à la superficie des choses; il n'a pas défini la prérogative ou l'initiative du pouvoir administratif général ou provincial; il n'a pas tenu compte de l'intervention du gouvernement, de la ratification de la législature, des motifs de l'article 85 de la loi provinciale, des raisons de différence entre cet article et l'article 78 de la loi communale, de l'harmonie assurée entre les règlements provinciaux par l'article 86 de la loi provinciale. Le jugement dénoncé n'a pas non plus tenu compte du caractère historique et essentiel du pouvoir provincial, pouvoir d'origine toute récente si on le compare au pouvoir communal, pouvoir non point local par essence, mais servant presque toujours d'instrument et d'organe à des intérêts généraux. Le jugement dénoncé a eu tort, suivant nous, de refuser aux conseils provinciaux cette prérogative qui forme l'élément de l'action administrative et qui fait, dans cette sphère d'action spontanée, de l'autorité provinciale, ce que l'on peut considérer en effet comme un diminutif du pouvoir de l'Etat. Enfin, disons pour finir que c'est le système du jugement attaqué qui introduirait, dans l'ensemble des pouvoirs, un principe anarchique, si ce jugement pouvait échapper à

votre censure.

Nous concluons à la cassation du jugement dénoncé.

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que pour assurer aux communes et aux provinces leur vie propre, ainsi que la liberté et l'indépendance compatibles avec le bien général, l'article 31 de notre Constitution a proclamé le principe « que les intérêts exclusivement com<< munaux ou provinciaux sont réglés par « les conseils communaux ou provinciaux; »> Que l'article 108 de la même Constitution porte « que les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois et que ces lois assureront l'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes et suivant le mode que la loi détermine; »

Attendu qu'en ce qui concerne la province, ces principes ont reçu leur application et leur développement dans les articles 65, 66, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 75, 76 et 77 de la loi du 30 avril 1836; que ces dispositions sont toutes relatives à des matières qui inléressent exclusivement les provinces; qu'outre les attributions essentielles des conseils PASIG., 1852.

1re PARTIE.

provinciaux, la loi leur en a encore assigné différentes autres aux articles 78, 79, 80, 81, 82 et 83, relatifs à des objets qui intéressent les provinces d'une manière moins spéciale;

Qu'enfin l'article 85 autorise les conseils provinciaux à faire des règlements d'administration intérieure et des ordonnances de police;

Attendu que l'exercice du droit attribué par ce dernier article à l'autorité provinciale ne peut porter sur des objets déjà régis par des lois et par des règlements d'administration générale;

Que c'est là la seule limite que la loi pose à cette attribution;

Attendu que si le § 3 de l'article 85 décrète que les ordonnances provinciales sont abrogées de plein droit, lorsque dans la suite il est statué sur les mêmes objets par des lois ou des règlements d'administration générale, celle disposition suppose évidemment que ces ordonnances ou règlements peuvent être relatifs à des matières qui, n'étant point d'un intérêt exclusivement provincial, rentrent également dans le domaine soit de la législature soit de l'administration générale;

Attendu que l'article 85 ainsi interprété et le pouvoir qui en résulte pour les conseils provinciaux ne sauraient raisonnablement faire craindre les inconvénients qu'on signale, puisqu'aux termes du n° 6 de l'article 86 de la loi du 30 avril 1856, les règlements et ordonnances dont il s'agit sont toujours soumis à l'approbation royale et que certes le chef de l'Etat ne manquerait pas de refuser son approbation à de pareilles mesures, si elles étaient contraires à l'intérêt général;

Attendu d'ailleurs que si les règlements faits pour les diverses provinces présentaient des variations qui ne seraient point justifiées, s'ils offraient des contradictions ou des disparates contre lesquelles réclamerait la justice ou l'utilité publique, il dépendrait du gouvernement, et en tout cas du pouvoir législatif, en statuant sur tout ce qui est d'intérêt général, de ramener dans ces matières l'unité et l'harmonie désirables;

Attendu, enfin, qu'en ce qui concerne le règlement en question, la législature a ellemême virtuellement reconnu la compétence du conseil provincial et la légalité des mesures prescrites, puisque chaque année elle a alloué au budget de l'Etat des fonds destinés à en assurer l'exécution;

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Les faits de cette cause, les décisions judiciaires qui ont précédé l'arrêt de la Cour d'appel de Gand qui a donné lieu au pourvoi ainsi que l'arrêt attaqué, sont rapportés dans ce recueil, année 1850, 1, 165, et 1851, 2,228.

Un seul moyen de cassation était proposé devant les chambres réunies de la Cour de cassation.

Le demandeur le fondait sur la violation des articles 2 et 5 de la loi du 1er mai 1834, 1, 2, 3 et 4 de la loi du 12 avril 1835, 1384 du Code civil.

L'arrêt attaqué, disait le demandeur, ne contient aucun motif nouveau: il est fondé en droit 1° sur ce que l'Etat, en exploitant le chemin de fer, pose un acte ordinaire de la vie civile, soumis aux règles générales du droit commun; 2o sur ce que l'article 1384 du Code civil, qui déclare le commettant responsable du dommage causé par son préposé, est général et règle les obligations de quiconque a recours à un pareil intermédiaire pour l'accomplissement des engagements qu'il contracte.

Que l'Etat, exploitant le chemin de fer, agisse en vertu de sa puissance gouvernementale, c'est ce qui résulte, à la dernière évidence, de la nature même des actes qu'il

pose ainsi; du pouvoir exceptionnel que lui ont donné à cette fin les lois du 1er mai 1834 et du 12 avril 1835; de la destination attribuée aux produits du chemin de fer considérés comme impôt direct; de la qualité de fonctionnaires publics dont ses employés sont revêtus, etc. C'est ce qu'ont irrévoca- . blement démontré MM. Faider, Delebecque et le savant procureur général Leclercq, dans des dissertations et réquisitoires qu'il est inutile de citer ici, parce qu'ils sont entre les mains de tous les jurisconsultes (voir les dissertations de M. Faider, Belgique judiciaire, t. 1er, p. 305, t. 4, p. 584, t. 8, p. 674; réquisitoire de M. Leclercq, affaire Raskin-Chulet, Jurisprudence du XIXe siècle, 1844, 1, 408; réquisitoire de M. Delebecque, affaire de Pitteurs, ibidem, 1850, 1, 163).

C'est ce qu'ont décidé, en termes exprès, la Cour de Bruxelles (arrêts des 16 juin 1838, 29 juin 1841 et 23 décembre 1844), la Cour de Liége (arrêt Knockaert), la Cour de cassation (arrêts des 14 novembre 1844 et 25 février 1850) et la Cour de Gand ellemême jugeant aussi chambres réunies (arrèt du 26 juillet 1845).

L'inapplicabilité de l'article 1384 du Code civil aux fonctionnaires publics n'est pas moins évidente lorsqu'on se reporte à l'exposé des motifs de cette disposition exclusivement appliquée, par Treilhard, Bertrand de Greuilh et Tarrible, aux devoirs de discipline domestique, et dont ils montrent la raison d'être dans le profit personnel que le commettant attend de son préposé, dans la faculté qu'il a de s'en passer s'il ne veut pas en répondre; lorsqu'on songe que l'article 1384 constitue une exception au droit commun, qui doit être strictement renfermée dans ses termes et ne peut être étendue aux personnes dont elle ne parle pas formellement; enfin lorsqu'on voit la loi constitutionnelle régler la responsabilité des fonctionnaires publics en même temps que le Code civil déterminait les relations privées des citoyens entre eux.

Le régime tout exceptionnel auquel la loi soumet les fonctionnaires publics, les devoirs spéciaux qu'elle leur impose, les priviléges particuliers dont elle les environne dans l'exercice de leurs fonctions, prouveraient seuls qu'elle n'a pas entendu les ranger dans la classe des simples préposés; et l'on en trouve la raison surabondante dans les conséquences qu'aurait, pour l'Etat, une pareille assimilation. Où conduirait en effet la responsabilité civile du gouvernement en ce

qui concerne les fautes personnelles, les actes illégaux auxquels peuvent se livrer presque journellement, et malgré ses instructions contraires, les cent mille fonctionnaires publics dont l'emploi est forcé pour l'administration de l'Etat ?

Ici encore les monuments de la jurisprudence sont nombreux, et parmi les arrêts qui décident l'inapplicabilité de l'art. 1584 du Code civil aux fonctionnaires publics, on peut citer ceux que la Cour de Bruxelles a rendus les 10 février 1841 et 18 janvier 1843 (chambres réunies), les arrêts de la Cour de cassation des 24 avril 1840 et 23 fév. 1850, rendus dans l'espèce même dont il s'agit aujourd'hui et qui résument avec une grande force les principes de la matière.

les voyageurs, est soumis à la loi du contrat;

7° D'ailleurs aucune disposition exceptionnelle ne soustrait l'Etat à la responsabilité établie par les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil.

A l'appui de chacune de ces propositions la défense disait, en résumé :

§ 1. L'administration du chemin de fer est responsable, parce qu'elle-même a commis l'imprudence en effet, son règlement du 22 mars 1842 permettait le transport des matières qui, dans l'espèce, ont causé l'incendie; ce n'est qu'après cet événement, et qu'un règlement du 11 août 1848 a défendu pour prévenir de semblables catastrophes, le transport de matières inflammables, par convois de voyageurs. Aussi l'Etat lui-même a-t-il déclaré, dans ses conclusions de première instance, que la conduite de ses em

Pour avoir été méconnus une fois de plus, ces principes n'ont pas changé, et leur consécration, à dix ans d'intervalle, par la Cour suprême, prouve assez qu'ils ne sont pas deployés avait été irréprochable. ceux sur lesquels il puisse s'élever le moin-' dre doute fondé.

Il est donc permis d'espérer qu'une troisième étude de la question fortifiera plus encore la Cour dans ses convictions invariables, et qu'accomplissant la haute mission qu'elle a reçue de la loi, elle sauvegardera le respect de la justice en ramenant les Cours d'appel, égarées sur ce point, à l'unité de la jurisprudence.

Réponse. La défense reposait sur sept propositions formulées comme suit:

1o La responsabilité de l'administration résulte de ce que l'imprudence est moins le fait des employés que de l'administration elle-même.

2o Même dans le système du pourvoi, l'article 1384 ne pourrait avoir été que faussement appliqué; il n'aurait pas été violé;

3o Les articles cités des lois de 1834 et 1835 ne peuvent pas non plus avoir été violés, l'arrêt attaqué ne décidant rien de contraire à leurs dispositions.

4o Le Code civil est, en général, applicable à l'Etat, comme aux autres personnes morales et physiques.

3o Les actes émanés de l'Etat se divisent en deux catégories, comme les droits et les devoirs créés par les lois de 1834 et 1835: d'un côté l'Etat commande par les lois et arrêtés conformes aux lois, de l'autre il contracte comme propriétaire du domaine national, comme particulier.

6o L'Etat, par l'intermédiaire de ses agents, faisant un contrat de louage avec

Les articles 1382 et 1385 suffiraient donc pour justifier l'arrêt dénoncé. Il est vrai que l'arrêt n'a pas exprimé ce motif, mais le dispositif n'y trouve pas moins un appui qui le met à l'abri de la cassation.

§ 2. La Cour de Gand décide que le gouvernement est responsable de ses préposés ; c'est-à-dire qu'elle applique l'article 1384 à l'Etat. Si elle s'était trompée, il y aurait fausse application de cette disposition, mais il n'y aurait pas violation, puisque, au contraire, c'est l'exécution de l'article qui est ordonnée. Or, la fausse application d'une loi ne donne pas ouverture à la cassation, à moins qu'elle n'ait pour conséquence une contravention expresse à une autre loi. Est-ce le cas dans l'espèce?

§ 3. Non. La fausse application de l'article 1584 du Code civil n'entraînerait pas la violation des articles 2 et 5 de la loi du 1er mai 1834, des articles 1, 2, 3 et 4 de la loi du 12 avril 1855.

Le pourvoi ne va pas jusqu'à alléguer une contravention expresse aux textes qu'il cite. C'est une violation indirecte, par voie de conséquence, qu'il veut établir au moyen de ce raisonnement: Le gouvernement est chargé par la loi d'exploiter le chemin de fer donc cette exploitation constitue un acte gouvernemental, donc en y appliquant les règles du Code civil, on a violé les lois qui chargent l'Etat d'exploiter le chemin de fer.

Mais la loi de 1834 qui décrète la construction d'un chemin de fer et qui en confie l'exécution à l'Etat, et la loi de 1855 qui

autorise le gouvernement à réglementer l'exploitation de ce chemin de fer, disentelles en quels cas l'Etat remplit une mission gouvernementale? disent-elles que l'Etat, quand il se trouve dans ces cas, n'est pas soumis aux règles du Code civil? Evidemment non.

Il serait donc impossible que l'arrêt attaqué eût contrevenu à ces lois, lors même qu'il aurait donné une extension outrée au principe de la responsabilité. Pour que la contravention existât, il faudrait que la Cour de Gand eùt méconnu, soit que l'Etat exploite le chemin de fer en vertu de la loi, soit qu'il a le droit de réglementer cette exploitation, et c'est ce qu'elle n'a pas fait.

§§ 4 et 5. L'Etat, dans ses rapports avec les citoyens, doit être considéré sous deux points de vue différents, et sous l'un de ces aspects, qui est celui du procès, il est soumis, comme un particulier, aux règles du droit civil.

Après quelques considérations générales sur l'origine, la nature et les limites du pouvoir gouvernemental dans notre droit public, le défendeur ajoutait : l'Etat, par ses agents, pose deux espèces d'actes. Les arrêtés portés en exécution des lois, les règlements d'ordre et de police constituent des actes de gouvernement proprement dits; ici le gouvernement exécute la loi, il commande et doit être obéi. Mais hors de ces cas, il est dans la position d'un particulier soumis à la loi d'un contrat librement consenti, soumis au Code civil; il vend, il achète, il échange, il loue conformément au droit commun. Le défendeur citait sur ce point la doctrine de Zachariæ et celle de Dalloz ; il invoquait la jurisprudence du conseil d'Etat de France dont ce dernier rapporte les monuments.

D'après cette jurisprudence, continuait-il, la question n'est pas de savoir si l'Etat agit ou n'agit pas dans l'intérêt général, mais s'il agit comme autorité ou comme particulier, comme pouvoir ou comme partie; s'il commande ou s'il pose un acte civil. Cet acte se rattache, sans doute, à un intérêt gouvernemental, mais il n'en forme pas moins un acte soumis par son objet aux règles du Code civil. Ainsi le gouvernement, accordant la concession d'un chemin de fer, fait d'un côté un acte d'autorité qui est l'octroi, et de l'autre un acte civil qui est le contrat passé avec le concessionnaire; et ce contrat, comme la Cour l'a jugé le 26 juin 1847, est soumis aux formes et aux règles d'interprétation du droit civil.

L'arrêt attaqué a donc avec raison décidé que, lorsqu'il n'en a pas été disposé au

<< trement par des lois spéciales ou excep«<tionnelles, l'Etat, quand il pose un acte de « la vie civile, est en général soumis aux «< conditions ordinaires du droit commun. »> Or, dans l'espèce, aucune loi exceptionnelle ne change le caractère du contrat qui intervient entre l'Etat et les particuliers; il s'ensuit que ce contrat est régi par le Code civil, et que l'Etat est responsable des actes de ses représentants.

§ 6. Le voyageur, en prenant un coupon des mains de l'employé préposé à cet effet, contracte non avec le mandataire, mais avec le mandant (art. 1998 du Code civil).

L'Etat, personne morale, ne peut contracter que par ses représentants légaux : la loi départit à chaque fonctionnaire sa mission compétence, chacun engage l'Etat; ainsi le et sa compétence. Dans les limites de cette

receveur d'une station du chemin de fer contracte valablement, pour l'administra tion, avec les voyageurs; tous les règlements le reconnaissent, puisqu'ils assurent l'exécution de ces engagements. Le fonctionnaire peut s'exposer à une responsabilité personnelle s'il sort de ses attributions, mais quand il s'y renferme, quand il n'excède pas ses pouvoirs, les actes de son ministère obligent I'Etat qu'il représente.

Le pourvoi nie qu'il se forme un contrat civil entre l'administration et le voyageur: les lois de 1834 et 1835, d'après le demandeur, prouvent au contraire que la perception du prix des places n'est que la recette d'un impôt direct!

Que disent ces lois? Elles statuent que les produits de l'exploitation du chemin de fer seront employés au payement des dépenses d'entretien et d'administration et à l'amortissement de l'emprunt.

Est-il besoin, d'abord, de faire remarquer que la perception de péages pour un service immédiatement rendu, que ce contrat purement volontaire de la part de l'individu qui le forme, n'offre aucun des caractères de l'impôt qui est toujours général et obligatoire pour tous? Cette vérité n'a-t-elle pas élé proclamée au sénat, lors de la discussion de la loi de 1835 ?

Loin de fournir un argument au pourvoi, la destination spéciale des recettes du chemin de fer sert plutôt à prouver l'existence d'un acte privé, car l'impôt entre dans les caisses de l'Etat sans distinction d'origine, sans affectation déterminée d'avance.

D'un autre côté, le contribuable qui acquitte un impôt n'en reçoit pas isolément et

immédiatement la compensation. Il ne jouit pas de l'équivalent en qualité de contribuable, mais comme membre de la communauté en même temps et au même titre que celui qui ne paye rien.

Le voyageur, au contraire, paye le prix de son transport en proportion de la distance à parcourir et des commodités dont il veut jouir. C'est assurément bien là un acte civil. Aucun règlement ne lui en refuse, au surplus, le caractère ou les effets, ne déclare qu'un échange ou un louage n'opérera pas comme échange ou comme louage. Enfin, en présence de l'article 107 de la Constitution, c'est en vain qu'un règlement aurait porté cette atteinte à la loi en dénaturant un contrat qu'elle a défini.

L'arrêt attaqué se justifie donc aussi par les règles propres au louage, et le pourvoi ne lui reproche pas d'avoir méconnu les dispositions où elles sont inscrites.

§ 7. Le défendeur raisonnait ici dans la double hypothèse que l'arrêt dénoncé ne se soutint pas à l'aide de motifs étrangers à l'article 1384, et que la fausse application de ce même article pùt entraîner la violation des deux lois citées avec lui. I examinait si réellement il avait été faussement appliqué.

Il recherchait d'abord à quel source l'article a été puisé. S'il fallait remonter au droit romain, il croyait que la l. 14, pr., De cust. et exhib. reor., D., XLVIII, 3, serait favorable au système de la responsa bilité de l'Etat : mais, disait-il, le principe de l'article 1584 a été plutôt emprunté au droit coutumier et surtout à Pothier qui enseigne la responsabilité du commettant et qui l'applique aux fermiers du prince, pour les délits dont ils se rendent coupables dans l'exercice de leurs fonctions.

Enfin la responsabilité de l'Etat n'était pas une opinion nouvelle et sans consistance à l'époque de la rédaction du Code civil: elle avait été reconnue dans la loi du 22 août 1791 sur la poste aux lettres (art. 19); dans les lois des 14 fructidor an II (art. 9) et 9 floréal an vii (t. 4, art. 16), relatives aux douanes, et dans le décret du 1er germinal an xin sur les droits réunis.

L'article 1384 est un corollaire de l'article 1382. La responsabilité établie par l'arcle 1582 s'étend, dans l'article 1384, jusqu'au fait des préposés. « Ainsi réglée, dit «Treilhard, la responsabilité est de toute « justice; ceux à qui elle est imposée ont à

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s'imputer, pour le moins, les uns de la "faiblesse, les autres de mauvais choix,

<«<lous la négligence.» (Exposé des motifs.)

Tarrible dit, à son tour, qu'au nombre des moyens propres à assurer la réparation d'un dommage, la loi « place une responsa«bilité morale qui doit redoubler la vigi« lance des hommes chargés du dépôt sacré «de l'autorité. »

Où voit-on là que le législateur ait voulu soustraire l'Etat à la responsabilité?

Si les arguments tirés de l'utilité publique des chemins de fer étaient fondés, si tout ce qui se rattache aux chemins de fer était essentiellement un acte de gouvernement, pourquoi ce caractère ne s'étendrait-il pas à la construction de la voie ; pourquoi ne refuserait-on pas aussi une indemnité aux intérêts lésés par cette construction?

La responsabilité de l'Etat a été limitée par quelques lois; mais cela même constate que, hors des cas exceptés, il est soumis à la règle générale. Aussi la Cour de cassation de France, après avoir décidé que la perte, par cas fortuit, d'une lettre confiée à la poste ne donne pas d'action contre l'administration, a jugé, au contraire, que celle-ci doit répondre d'un détournement de lettres commis par ses employés (arr. 12 janvier 1849, 12 mai 1851).

On peut en dire autant de l'article 38 de l'arrêté du 11 août 1848, qui restreint, mais quant aux marchandises seulement, la garantie due par l'Etat. Cet article ne crée pas la responsabilité, il dit quand elle cesse; il en reconnait donc l'existence et il laisse au droit commun son empire pour tout ce qui est en dehors de l'exception, par conséquent pour ce qui concerne non les marchandises, mais les voyageurs, comme dans l'espèce.

M. le procureur général Leclercq a conclu à la cassation en ces termes :

Une seule question est soumise à votre décision par le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Gand, du 30 mai 1851, et dans cette question rentrent, à l'exception d'un seul, les divers points de droit successivement discutés par le défendeur; c'est la question de savoir si l'article 1384 du Code civil peut, sans contravention à la loi, être appliqué à l'Etat du chef des dommages qu'un voyageur a, durant son transport sur le chemin de fer, éprouvé par l'imprudence des personnes chargées de ce service public; en d'autres termes, et pour emprunter le langage de la loi appliquée par la Cour d'appel de Gand, si, dans le service du transport des voyageurs sur le chemin de fer

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