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là s'arrête son action à ce titre ; la marchandise entre dès ce moment dans la possession de l'Etat; et s'il prétend y avoir droit, s'il prétend la conserver en vertu de ce droit, il se porte dès lors propriétaire, il n'est plus que personne civile, il agit à ce titre en justice s'attribuant au même titre l'œuvre de ses agents et il doit en porter les conséquences; on le voit donc, malgré les points de contact des deux titres, leurs caractères distincts n'en subsistent pas moins et les séparent clairement pour qui s'attache à s'en rendre un compte exact.

Ainsi en est-il du chemin de fer de l'Etat; des difficultés n'ont pu s'élever quant aux transports qu'il y effectue et au titre à raison duquel il les y effectue, que par suite des nombreux points de contact, que présente son action à ce titre avec son action à titre de personne civile; mais les caractères de ces deux titres n'y apparaissent pás moins clairement, pour peu que l'on pénètre dans la nature des divers actes qui s'y rapportent.

Ces actes en effet se divisent par leur nature en deux classes, qui n'ont de rapport entre elles que celui du moyen à l'action, c'est-à-dire, de l'Etat, personne civile, à l'Etat, gouvernement.

L'Etat emprunte des capitaux à intérêt; avec ces capitaux il acquiert des terrains, il fait construire sur ces terrains des bâtiments et des routes, il acquiert ou fait construire, puis établit sur ces routes des machines et des voitures de transport, il acquiert le combustible et les autres objets nécessaires à les mettre en mouvement, et il pourvoit conslamment à tenir le tout en bon état ; il devient ainsi débiteur et propriétaire comme une personne civile naturelle, et dans les opérations qui lui ont fait et qui lui conservent cette position, il agit comme un débiteur ou un propriétaire naturel, il ne consulte que l'intérêt matériel inhérent à sa propriété; il se préoccupe exclusivement des intérêts civils ou privés, qui s'y rattachent, il ne se préoccupe en rien à cet effet ni de l'ordre, ni des intérêts moraux ou matériels particuliers ou généraux, qui se rattachent à l'ordre et rentrent dans sa mission, comme Elat, gouvernement, et tendent aux fins de cette mission.

Il agit en conséquence à titre de personne civile; ce qu'il fait appartient à la vie civile propre à cette personne, est régi par le droit civil, ne peut y être soustrait sans contravention à ses dispositions, et donne en conséquence lieu, pour et contre lui, à des

actions sur lesquelles il ne peut être prononcé que par application des règles du droit civil.

Mais après tout cela ou en même temps et en dehors de tout cela, ses actes ont un autre principe, prennent une autre direction et tiennent à une toute autre position:

Les capitaux qu'il a empruntés, qu'il devra un jour rembourser, et dont il doit les intérêts jusqu'à ce qu'il les rembourse, les terrains qu'il a acquis, les bâtiments, les routes, les machines, les voitures, qu'il a fait construire, tous les objets, qu'il y a joints pour leur donner le mouvement, sont les instruments du transport des personnes et des choses, mais il n'effectue pas ce transport comme il a acquis, conserve et administre ces instruments, ou comme l'effectuerait un propriétaire naturel; il les a acquis, les conserve et les administre en vue de la propriété seulement et des intérêts privés, qui s'y rattachent en elle-même; quant au propriétaire naturel, il s'en servi rait pour les transports dans les mêmes vues, c'est-à-dire, dans l'intérêt matériel de la chose afin d'en tirer les meilleurs produits possibles et d'accroître son avoir; il ne l'aurait créée, elle et tous ses accessoires qu'à ces fins; il ne les livrerait au public qu'aux mêmes fins et sous les conditions qui devraient les lui faire atteindre; il ne s'inquièterait du public que sous ces conditions; il les aggraverait, fùt-ce au détriment du public, dût-il même diminuer le concours du public, s'il devait en retirer plus de profit, et il abandonnerait l'entreprise si ce profit était nul ou trop faible et s'il ne pouvait parvenir à l'augmenter dans la mesure que comporte son intérêt, seul principe et seul but de ses actes, ce qui en fait une véritable entreprise d'intérêt privé régie par le droit civil.

Ainsi n'agit, ne veut, ne doit et ne peut agir l'Etat : les lois qui ont décreté le chemin de fer et son exploitation lui font une autre position, quant aux actes par lesquels il effectue les transports des personnes et des choses. Ce n'est point pour la route ellemême, en vue de sa propriété, en vue des bénéfices, qu'on peut tirer de cette propriété considérée en elle-même et comme source de revenus, qu'il la livre au public par ses actes de transport; il la livre au public pour le public lui-même, il n'a que le public en vue dans les actes, par lesquels il effectue le transport des personnes et des choses, et il n'intervient de la sorte que parce que là se trouve engagé un grand intérêt général, que

lui seul peut sauvegarder, et qu'il a en conséquence mission de sauvegarder en s'en attribuant la gestion d'autorité; les bénéfices des transports, les produits de la route ne sont pas le but de ses actes, comme sa propriété même n'en est pas le principe; car que ces bénéfices, que ces produits soient faibles, qu'ils soient nuls même, il ne continuera pas moins l'œuvre dont il s'est chargé, le trésor public lui en fournira les moyens comme le trésor public pourvoit à tout service public; d'un autre côté les sommes qui proviennent de ces produits n'en proviennent point, ne sont point payées par le public à titre de contrat, exprès ou tacite, louage ou autre, comme il arrive en tout acte de propriété fait par un propriétaire agissant en vue des intérêts que cette qualité comporte; un contrat suppose en effet la liberté de conclure ou de ne pas conclure suivant qu'on y trouve ou non intérêt, et il n'y a pas ici l'ombre de liberté; l'Etat doit toujours le transport, qu'il gagne ou ne gagne pas; un contrat synallagmatique d'ailleurs suppose un échange de choses équivalentes ou réputées telles, et il n'y a rien de semblable ici; les sommes payées le sont, il est vrai, pour contribuer à couvrir les dépenses du service accompli par l'Etat, remboursement de capitaux, payement des intérêts, conservation et renouvellement du matériel, traitement du personnel; mais ce service n'est pas accompli aux fins de gagner ces sommes, elles ne sont exigées que pour autant qu'il n'en souffre pas, et que le public ne soit pas détourné de l'usage de la route; cet usage doit avant tout être maintenu, il est la mesure des actes de l'Etat, le produit lui est subordonné, les sommes payées doivent toujours avoir une élévation en concordance avec lui et le trésor y suppléera en cas d'insuffisance comme il l'a fait jusqu'aujourd'hui ; cette condition du contrat synallagmatique, l'échange de choses équivalentes, manque donc comme manque la condition première de tout contrat civil, la liberté de conclure ou de ne pas conclure suivant l'intérêt civil qu'on y trouve; il en est donc de ces sommes comme de toutes sommes payées pour les différents services publics et notamment comme des rétributions spéciales affectées à tout service public spécial, qui doit être maintenu quelqu'en soit le produit; il en est d'elles, par exemple, comme des frais de greffe, qui sont destinés à couvrir les frais de justice dans une certaine mesure et ne peuvent jamais s'élever de manière à en rendre l'accès impossible ou difficile; elles ne sont donc dans la réalité

qu'une rétribution établie au profit du trésor public, établie en conséquence à titre d'impôt ainsi que le prescrit l'article 115 de la Constitution, établie par suite en vertu de la loi et selon les conditions fixées par elle ou en vertu des dispositions de la loi ainsi que le prescrit l'art. 110 de la Constitution: payées à ce titre et sous ces conditions à raison de la jouissance d'une chose du do. maine public, créée pour l'usage individuel de tous, usage, de sa nature, inséparable de l'emploi des moyens de transport qui ont dù y être attachés, elles ne sont donc pas le prix d'un contrat de transport, c'est-à-dire, un prix fixé par chaque partie contractante, de son chef, librement et suivant les besoins de sa propriété exclusivement à toute autre considération; la perception en est donc tout à fait distincte de l'œuvre qu'accomplit l'Etat en effectuant les transports des personnes et des choses, cette œuvre nonobstant les payements auxquels elle donne lieu, nonobstant que le produit de ces payements appartienne à la personne civile de l'Etat, conserve le caractère propre à son institution et à ses fins; une œuvre exclusivement conçue et accomplie en vue du pu blic, en vue des intérêts généraux communs à toutes personnes et à toutes choses, qui forment le public; ainsi l'ont faite les lois qui l'ont décretée et réglée; une simple analyse de leurs dispositions en achèvera la preuve en même temps qu'elle nous conduira directement à la conclusion que vous entrevoyez déjà.

Ces lois sont, la loi du 1er mai 1854 el celles qui règlent les péages à percevoir :

La loi du 1er mai 1834 ordonne d'abord la construction d'un système de chemins de fer, dont elle marque le point de départ et les points d'aboutissement; elle en confie le soin au gouvernement et la met à charge du trésor public, moyennant les emprunts nécessaires.

Après avoir ainsi pourvu à la création, cette loi pourvoit à l'entretien de ce grand ouvrage; des péages produits de la route doivent être affectés à son entretien, à son administration, au payement des intérêts des emprunts faits pour sa construction et à leur amortissement; ces péages ne sont établis qu'à cette fin, et ils doivent être fixés chaque année par la loi.

Dans ces deux ordres de dispositions se manifeste, telle que nous venons de l'exposer, la nature des actes par lesquels l'Etat se charge de transporter les personnes et les choses.

Tout le monde se rappelle les longues discussions qui se sont élevées dans nos chambres législatives sur le mode d'exécution des travaux du chemin; les opinions étaient divisées entre le système des concessions et le système de l'intervention directe de l'Etat; toutes néanmoins se réunissaient en ce point qu'il s'agissait non d'une entreprise de propriétaire ou d'industriel faite en vue des bénéfices d'argent qu'on devait en retirer, mais d'une entreprise de haute utilité publique, liée à tous les intérêts politiques et matériels que la Belgique embrasse; on prévoyait la possibilité de ces bénéfices, mais on ne la considérait que comme une éventualité toujours subordonnée aux grands intérêts publics, but exclusif du projet en discussion; et si de nombreuses opinions, respectables d'ailleurs, croyaient convenable d'en remettre l'exécution à des compagnies concessionnaires, c'est parce qu'elles croyaient que malgré les bénéfices assurés à ces compagnies, les grands intérêts dont tous se préoccupaient seraient sauvegardés, moyennant l'intervention et la surveillance continuelles de l'Etat, avec de moindres sacrifices pour ses finances; mais l'opinion contraire a prévalu; elle n'a pas voulu tenir compte de ces sacrifices en présence des intérêts publics, but de l'œuvre à accomplir, elle les leur a subordonnés; elle a craint que les intérêts de propriété, dont se préoccuperaient nécessairement avant tout des concessionnaires, ne leur vinssent à la traverse malgré toutes les précautions que l'Etat pourrait prendre; et elle a voulu qu'il n'abandonnât point à des personnes et à des intérêts privés ce qui devait être en tout temps un intérêt public et un devoir pour la nation chargée de la garde de cet intérêt.

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(Moniteur du 25 juin 1833). « En ma«tière de routes et de canaux, porte l'exposé des motifs, le point essentiel à at«teindre est la facilité et le bon marché « des transports. Cette vérité, applicable à « tous les pays, l'est spécialement à la Bel"gique, qui, entourée de trois nations ma«ritimes concurrentes pour le commerce « d'Allemagne, est obligée d'apporter dans « les expéditions toute la facilité et l'économie possibles, et de suivre toujours ces "nations dans la voie des encouragements « qu'elles pourraient accorder à ce com

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<< Or, cet avantage ne pourrait s'obtenir « par le système des concessions parce << qu'il est de la nature de ce système de « se créer une espèce de perpétuité qui ne « permet point de modification.

« Toutes conditions qu'on pourrait sti<< puler à l'avance pour réduire les péages « obtenus par les concessionnaires, n'au<< raient jamais assez de force pour vaincre « l'intérêt privé, et quand même on par<< viendrait à les exécuter, ce serait au dé«triment de l'Etat, qui devrait à cet effet << s'imposer chaque fois des sacrifices plus << ou moins considérables.

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« L'opinion des économistes et l'exemple « de l'Angleterre entourent sans doute le système des concessions d'apparences fa«vorables, mais s'il peut être utile de l'a«dopter pour des communications secon« daires, il ne l'est certainement pas pour « la grande route commerciale.

« Cette entreprise vraiment nationale ne <«< saurait être abandonnée à l'exploitation « particulière, aux caprices ou à l'avidité «de l'intérêt privé. Prolongement de la mer «<et de nos deux principaux fleuves, une « telle communication doit rester dans le << domaine public.

« Le gouvernement l'espoir que vous « partagerez ses vues à cet égard, et que « vous ne permettrez pas que la principale «communication du royaume, à laquelle se

rattache l'avenir agricole, industriel, com«mercial et maritime du pays, soit livrée « à des concessionnaires (étrangers peut« être), et qui pourraient avoir intérêt à paralyser les bienfaits que la nation en « attend.

« J'ai dit que les besoins du commerce « et de l'industrie pouvaient varier d'après « le degré de protection que les puissances « voisines accorderaient à leur commerce a de transit avec l'Allemagne. C'est afin de « pouvoir satisfaire à ces besoins et pour « laisser toujours à la représentation natio«nale sa part d'influence légitime sur l'ex«ploitation et l'administration de la route,

que le gouvernement vous propose de dé« cider que le tarif des péages à établir sera « réglé chaque année par les chambres, qui « pourront toujours de cette manière con«cilier les intérêts des diverses localités « avec l'intérêt général, dont la défense <«<leur est spécialement confiée. »

(Moniteur du 27 novembre 1833). « La << question qui va se débattre, porte le rapport de la section centrale à la chambre

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« des représentants, touche à notre avenir « commercial, industriel et maritime; les considérations politiques qui la dominent « la rendent également importante, et l'in«térêt toujours croissant qu'y attachent «<le commerce national et le commerce << étranger lui mérite votre sérieuse sollici«tude.

« On ne saurait disconvenir, sans céder à << une prévention défavorable, que la révo«lution, en saisissant le pays dans un mo«ment où de grandes combinaisons com«merciales et industrielles avaient été pro« jetées et exécutées, n'ait froissé et déplacé beaucoup d'intérêts, et qu'elle n'ait tari « d'un coup des débouchés importants sur << lesquels ces combinaisons avaient été spé<<<cialement fondées.

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«Mais si tel est le résultat presque tou«jours inévitable des grandes commotions « politiques, il est consolant de penser <«< qu'une nation douée d'énergie et de pa«triotisme parvient presque toujours, au « retour du calme et de la confiance, à remédier aux maux même les plus graves, et à trouver dans sa position nouvelle, « indépendamment même des avantages « politiques qu'elle a conquis, des ressour«ces de bien-être matériel plus précieuses « même que celles qui avaient été exploitées tout à l'heure.

« C'est ainsi que la Belgique, après avoir << acquis enfin une nationalité indépendante « pour laquelle nos ancêtres ont fait tant

de sacrifices, a pu immédiatement tour«ner ses regards vers les différentes bran«ches de la prospérité publique, et c'est << ainsi qu'en les examinant de près et en « les comparant à celles des autres peuples <«< qui l'entourent, elle a reconnu bientôt qu'avec le système de communications par le chemin de fer, appuyé par le système de transit et des entrepôts libres, « elle pouvait rétablir avec efficacité el avantage ses anciennes relations avec l'AI«<lemagne, procurer à son commerce les « ressources d'une seconde patrie et don«ner à l'industrie nationale des moyens « d'écoulement qui lui manquent.

«La section centrale a pensé que la route « nouvelle étant uniquement destinée à ra« nimer l'industrie, l'agriculture, le com«merce et la navigation, ce serait subor« donner la prospérité de ces branches de « prospérité générale aux caprices de l'in« térêt privé si on l'abandonnait à des con«cessionnaires;

«Que la Belgique, resserrée aujourd'hui

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« entre de grands Etats, ne pouvant plus « obliger le commerce étranger à emprun. << ter son territoire pour le transit vers l'Allemagne, il importe au gouvernement et « à la législature de se maintenir dans la « possession de la communication nouvelle, « afin de pouvoir toujours suivre la Hol« lande, les villes hanséatiques et la France << dans la voie des économies et des avan<tages que ces puissances accorderaient à «< ce transit.

« (Moniteur, 30 avril 1834). La route « projetée, porte le rapport au sénat, as<< sure à l'intérieur une communication fa«cile, et à l'extérieur elle va nous placer « dans une position toute nouvelle vis-à-vis << de l'Allemagne, car joindre l'Océan à « l'Escaut, à la Meuse et au Rhin, c'est don «ner à ces fleuves une embouchure belge, « c'est ajouter encore l'intérêt de la grande « confédération commerciale de l'Allema«gne à toutes les garanties qui nous assu «rent déjà la liberté de l'Escaut.

«Les bénéfices qui semblent résulter << pour le royaume de l'adoption du mode << de concession dans l'exécution de ce « grand ouvrage national, et les arguments « nombreux fondés surtout sur l'exemple « et l'expérience acquis en Angleterre, mi«litent en faveur des entreprises confiées à « l'activité et à l'intelligence intéressées des « sociétés concessionnaires; mais des con<«<sidérations d'un ordre supérieur, des «vues d'une haute politique et qui pren«nent leur première importance dans l'ac<«<tualité de notre position intérieure et de « notre rivalité commerciale vis-à-vis de la « Hollande, déterminent le gouvernement « à se réserver à lui-même et à sa charge «l'exécution de ces grands travaux pour << rester ainsi l'arbitre de la conduite des « ouvrages, de la fixation des tarifs et des « modérations à accorder en faveur du tran « sit étranger.

« L'Etat croit ainsi devoir dans cette cir« constance dévier à la marche qu'il s'était « tracée par la loi du 18 juillet 1852; le « gouvernement croit également, et non « sans raison, qu'en abandonnant à l'indus«trie particulière l'exploitation, et princi«palement le choix des divers embranche«ments de route, les sociétés n'offrent na«<turellement leur concours que pour les « routes les plus productives, et délaissent << ainsi celles d'un profit incertain, quoique << également indispensables à la prospérité « de la Belgique; dans les mains de l'Etat << au contraire c'est vers les points qui doi

« vent dès l'origine profiter au bien-être public qu'il est à même de diriger ses travaux; il est évident en outre que dans « l'exécution d'une pareille entreprise, qui « doit offrir à la Belgique un nouveau dé« bouché vers l'Allemagne, à l'abri désormais des vexations hollandaises et dont le « résullat sera de nous faire concourir avec « avantage contre cette même Hollande, « notre éternelle rivale sur tous les marchés « de la Germanie, il importe que le gouver«nement garde en son pouvoir la fixation « des tarifs de manière à les tenir toujours « en dessous du prix des péages et du transit par la Hollande. Sous le régime con«cessionnaire il lui reste moins de facilité « pour varier et diminuer ces tarifs, ce ne << serait qu'au moyen de sacrifices onéreux qu'il obtiendrait ce droit.

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«Le gouvernement, par l'article 5 de la loi, laisse annuellement aux Chambres la << fixation des péages, et ce sera à vous « qu'il appartiendra d'en déterminer la ba<< lance suivant les besoins industriels et « commerciaux du royaume.»

Tel est l'esprit dans lequel a été adoptée la loi qui charge l'Etat de la construction du chemin, réserve à la loi d'en fixer les péages annuellement et affecte ces péages au remboursement des emprunts, au payement des intérêts et aux dépenses d'entretien et d'administration.

Tel est donc le sens de cette loi, telle est la position qu'elle fait à l'Etat, qui exploite cette grande voie de communication, telle est la nature des actes par lesquels il l'exploite. Pareille position n'a rien de commun avec celle d'un monopole ordinaire établi pour se procurer un revenu d'argent, et qui ne constitue en définitive qu'un intérêt de propriété, véritable intérêt civil; pareille position n'a rien non plus de celle d'un propriétaire, qui n'acquiert ou ne construit que pour retirer le revenu pécuniaire de son acquisition et de ses constructions, pour se créer un revenu, se constituer une propriété avec tous les intérêts civils propres à ce droit civil, et qui subordonne nécessairement à cette fin tous ses actes, ne s'inquiétant nullement, si ce n'est à ce point de vue, de ceux avec lesquels il peut avoir à traiter à ce sujet, préférant avoir affaire, par exemple s'il s'agit d'une route, à mille voyageurs qui lui procureront un bénéfice net de 10,000 francs qu'avec deux mille qui lui procureraient une somme moindre, sacrifiant tout en un mot au produit matériel de sa chose; l'Etat, au contraire, agissant en vertu

et par suite de la loi dont nous venons de voir l'esprit et le sens, n'agit pas à cette fin, il n'agit qu'en vue du public et des intérêts du public, il leur subordonne tous ses actes avec leurs produits, et ces produits, toujours fixés par la loi ou en vertu de la loi, fixés annuellement, susceptibles de modification chaque année et affectés à de pures dépen ses d'entretien et d'administration, ne sont pas un prix de contrat, ils ne sont qu'une rétribution au profit du trésor public affectée à un service public; et qu'on ne dise point que les péages dont parle la loi ne sont que des péages à raison de l'usage de la route même, que ce ne sont pas les péages à raison des transports; certes on pouvait prévoir qu'un jour l'exploitation de la roule pourrait, selon les résultats connus de l'entreprise, être remise à des concessionnaires; mais pour le moment la loi réserve le tout à l'Etat; elle ne distingue pas en parlant de péages, et elle ne pouvait distinguer entre les péages des transports et les péages de la route; ses termes sont généraux et les embrassent tous; les uns d'ailleurs comprennent les autres; les grandes considérations d'intérêt public sur lesquelles repose la loi ne permettent aucune distinction à cet égard; la fixation des tarifs qui lui est attribuée, les termes de cette attribution, les changements qu'on se réservait d'y pouvoir apporter chaque année, tout cela pouvait n'être pas exclusif d'une exploitation concédée, ce qui se conçoit du reste assez difficilement, mais supposait également celle de l'Etat; la comparaison même que l'exposé des motifs faisait entre les concessions anglaises et l'intervention directe de l'Etat prouvait que c'était dans ce sens qu'on en parlait, et de fait jamais aucune loi n'a remis expressément l'exploitation, les transports aux mains de l'Etat; l'on s'est toujours borné à fixer des péages qui l'y supposent, el si lors de la première fixation qui en a été faite on a encore prévu dans les discussions l'éventualité d'une concession des transports, si alors le gouvernement, qui avait dû soutenir de longues luttes pour obtenir l'intervention directe de l'Etat, ne s'est pas expliqué catégoriquement sur ce point pour ne pas les renouveler, cette pensée d'une concession de la charge des transports a depuis disparu tout à fait dans toutes les discussions des nombreuses lois qui ont réglé la matière jusqu'à ce jour.

La position que faisait celle du 1er mai 1834 à l'Etat, le caractère qu'elle imprimait à ses actes, saisissaient donc l'exploitation comme la construction; pour l'une comme

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