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pour l'autre résulte donc de ses dispositions ce caractère d'entreprise d'utilité publique faite pour sauvegarder des intérêts communs à tous et toute distincte de la propriété, des intérêts civils qui s'y rattachent et des actes de la vie civile auxquels ces intérêts donnent lieu.

Ce caractère reçoit ses derniers traits des dispositions qui plus tard ont complété la loi de 1834, en ce qui concerne les péages.

Ils l'ont d'abord été provisoirement; on se trouvait alors à cet égard dans une incertitude dont on ne pouvait sortir avant que tout le chemin n'eût été construit, et que le mouvement des voyageurs et des marchandises n'y eût pris un développement normal qui fournit les données nécessaires pour que la loi les fixât définitivemont comme elle l'a fait plus tard; jusque-là on a dù laisser ce soin au pouvoir exécutif tout en ne lui permettant d'agir qu'en vertu d'une loi spéciale renouvelée chaque année; ce n'est que dans ces derniers temps qu'ils ont pu être fixés directement par la loi; ils l'ont été pour les voyageurs et leurs bagages, le 12 avril 1851; le projet qui les fixe de la sorte pour les marchandises, valeurs, équipages et animaux, a été présenté à la Chambre des représentants, le 26 janvier 1852.

La fixation provisoire a été autorisée par la loi du 12 avril 1855; et dès l'abord cette loi marque la nature des péages et par sa nature la nature des actes par lesquels l'Etat transporte les personnes et les choses.

Elle commence par viser l'article 110 de la Constitution; cet article est ainsi le principe de la loi et partant le principe même des péages, qu'elle charge provisoirement et pour une année le gouvernement de fixer; or, que porte-t-il? Qu'aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi; tel est donc le caractère du péage; il est perçu à titre d'impôt, en ce sens qu'il forme,conformément à l'article 113 de la Constitution, une rétribution au profit du trésor public établie par la loi à l'occasion d'une chose créée à l'usage individuel de tous sans exception, c'est-à-dire d'une chose du domaine public, qu'il ne faut pas confondre avec le domaine de l'Etat ('); il n'est donc pas le prix d'un contrat de transport, il est donc tout distinct des transports eux-mêmes, quoique perçu à cette occasion.

Après avoir marqué de la sorte cette dis

(1) Voy. Proudhon, du Domaine public, chapitres 14 et 15.

tinction par le caractère des péages, elle la marque dans ses dispositions par la destination qu'elle leur donne et par les limites dans lesquelles elle les renferme, et par celles qu'elle assigne au pouvoir dont le gouvernement est investi.

L'article 1er charge provisoirement le gouvernement de fixer les péages dont il s'agit dans l'article 5 de la loi du 1er mai 1854; il rattache par là les deux lois l'une à l'autre; il est une nouvelle preuve que les péages dont il est question dans la première sont les péages à raison des transports comme à raison de l'usage de la route; dans l'une ils étaient subordonnés aux dispositions de la loi, dans l'autre ils sont provisoirement subordonnés aux dispositions réglementaires prises en vertu de la loi; ainsi liées, ces deux lois n'ont qu'un même esprit; ce que nous venons de dire de l'une s'applique de tout point à l'autre.

Ce même article 1er ne lui donne qu'une durée d'un an et elle a été successivement prorogée d'année en année jusqu'à la fixation définitive; il imprime par là derechef aux péages ce caractère de rétribution, de perception et de payement à titre d'impôt qui les distingue d'un prix de transport et prévient toute confusion entre cette perception et les transports eux-mêmes ainsi toujours indépendants de ses produits.

L'article 4 fixe la destination exclusive des péages; ils doivent être versés au trésor pour servir aux dépenses de la route ainsi qu'au remboursement des intérêts et des capitaux affectés à sa construction et qui, nous le savons, avaient dû être empruntés; l'article ne dit pas, remarquons-le bien, que les péages devront couvrir la dépense, mais qu'ils y serviront, laissant, quel qu'en soit le montant, au trésor public, dans lequel ils sont versés, la charge de les couvrir.

Telle était donc la nature des péages et telle était par suite celle des transports : les péages n'avaient qu'une fin; leur fixation devait être mise en rapport avec elle; c'était le payement des dépenses de la route et de la dette contractée par l'Etat pour la construire; et encore, pour autant qu'il y avait possibilité; ils devaient y servir et rien de plus; le trésor public les recevait et devait y pourvoir et suppléer au déficit; quant à des bénéfices, quant à des revenus, ils n'étaient qu'une pure éventualité, dont on profiterait si elle se réalisait, mais on n'y pensait pas pour en faire le but des transports; les bénéfices, les produits de la route ne consistaient donc sous ce rapport que dans

l'utilité que le public en retirait; les véritables produits, les produits certains, auxquels on aspirait, étaient pour lui, non pour le propriétaire de la route; les actes par lesquels l'Etat effectue les transports n'étaient donc pas des actes de propriétaire, ils étaient faits en vue du public, la route lui était livrée, et toujours ainsi nous arrivons à ce résultat qui distingue ces actes de ceux d'un propriétaire, les intérêts qui s'y rattachent des intérêts civils de la propriété, et du caractère civil qui est propre aux intérêts civils et aux droits sur lesquels ils reposent.

Voilà quel était le régime légal en vigueur lorsque le procès a pris naissance, et depuis rien n'y a été changé, sauf qu'il est devenu définitif, et ce définitif même n'a fait que le confirmer; on le voit en effet par les discussions qui ont eu lieu sur la loi du tarif des voyageurs (celle qui fixe le tarif des marchandises n'a pas encore été volée); jusqu'à présent le produit du chemin de fer est resté de beaucoup inférieur à ses charges, cutretien, intérêts et amortissement des emprunts, le trésor public a toujours supplée à ce qu'il y manquait sous ces trois rapports; si cette situation a dù être, non pas transformée, il ne s'en est pas agi, mais améliorée, ce n'a été pourtant que dans les limites du possible, ainsi que le dit le rappor teur de la section centrale sur le projet ; on doit « l'améliorer, ajoute-t-il, tout en con« servant au chemin de fer, pour nous servir << des expressions de M. le ministre des travaux publics (Annales parlementaires, « 1849-1830, p. 1489) la prospérité dont il « a joui jusqu'à présent, tout en continuant << à en faire un instrument accessible à <<< toutes les classes de la société, un instru«ment populaire et en lui conservant son << caractère de création nationale: » on le voit encore par toute la suite du rapport de la section centrale, il n'y a aucune comparaison à faire entre cette création et les chemins de fer étrangers concédés à des compagnies ; la différence de condition entre ces entreprises et notre rail-way explique la différence de leurs tarifs, qui sont supérieurs aux nôtres de 30, 40, 50 et même 90 pour

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cent.

Le même esprit se reproduit dans l'exposé des motifs du projet de loi destiné à fixer définitivement le tarif du transport des choses, nous ne citerons qu'un court passage, assez explicite pour suffire à le faire connaître : « Le chemin de fer, porte-t il, * est une création toute nationale. Exécutée << et exploitée en vue des avantages du plus PASIC., 1852. - 1re PARTIE.

<«< grand nombre, cette voie de communica«tion qui pèse, par l'intérêt des capitaux « de son établissement et par ses dépenses << annuelles de service, sur la généralité des «< contribuables, doit nécessairement être « administrée de manière à produire au «pays la plus grande somme de bienfaits. « Considéré comme un service public, on « peut admettre que notre rail-way se dis«tingue entre tous autres par la modération « de ses prix de transport, modération qui, « favorisant le commerce et l'industrie de « nos diverses provinces, porte directement « son action favorable sur toutes les parties « du royaume. » (Annales parlementaires, 1851-1852, p. 772).

Ainsi, aujourd'hui, sous le régime définitif, comme dès le principe sous le régime provisoire, les péages ne sont point le corrélatif nécessaire des transports; ils ne correspondent point les uns aux autres dans une mesure égale, comme devraient correspondre deux terines d'un ensemble mutuellement dépendants et réciproquement appropriés; ils ne sont point le prix d'un marché où chaque partie donne pour ce qu'elle reçoit; ils ne sont qu'une rétribution à titre d'impôt au profit du trésor public, qui supporte la charge des transports, quoiqu'ils puissent produire; .et ceux-ci forment en conséquence une œuvre toute distincte, œuvre créée pour le public, livrée au public, tenue constamment à la disposition du public, exploitée pour le public, indépendaminent de ses résultats financiers, et dont par suite l'auteur n'a rien de commun par le principe et par le but de ses actes avec le propriétaire d'un domaine et les actes, par lesquels il l'exploite.

Arrivé à ce point de la discussion, la question dont nous cherchons la solution, la question de savoir à quel titre l'Etat effectue le transport des voyageurs sur le chemin de fer, si c'est à titre de personne civile ou à titre de souverain ou gouvernement, nous semble résolue; il suffit, pour prononcer, de rapprocher des caractères propres à l'un et à l'autre titre la position que font à l'Etat les lois sur lesquelles repose celle grande institution et en vertu desquelles il pose les actes que l'arrêt attaqué a qualifiés d'actes de la vie civile.

Nous venons de le voir, de pareils actes analysés, comme nos lois autorisent à le faire, n'ont ni pour principe, ni pour fin ce qui est le propre de la personne civile et de ses actes; d'une part, l'intérêt d'une propriété, d'autre part, l'intérêt des revenus

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dont cette propriété est susceptible; exécution d'un service exclusivement remis aux mains de l'Etat en vue du public, parce que les intérêts qu'il est destiné à satisfaire ne peuvent l'être aussi complétement que par 'Etat, exécution d'un service soustrait aux mains des particuliers (individus ou associations), parce que s'il y était placé, ces intérêts auraient à en souffrir ou tout au moins n'y trouveraient point cette satisfaction complète qui leur assure constamment conservation et progrès; ces actes concernent évidemment cette classe d'intérêts communs à tous qui ne peuvent, sans dépérir ou sans s'altérer gravement, être laissés à la libre disposition des individus isolés ou volontairement associés, qui sont en conséquence l'un des éléments de l'ordre et dont l'Etat doit se saisir d'autorité pour les gérer au nom de tous et au profit de tous; ils ont en conséquence pour principe la mission qui appartient à toute nation ou société civile à l'égard des personnes et des choses qu'elle embrasse dans son sein et qui la distingue elle-même de toute personne et de toute chose, ils ont pour but les fins de cette mission dont l'objet est également toute personne et toute chose, ils sont donc les actes de l'Etat, gouvernement ou souverain, ils constituent à ce titre l'un des nombreux services publics qui lui sont confiés en accomplissement de sa mission et pour les fins qu'elle comporte; ils sont étrangers à la personne civile de l'Etat, ils sont des actes de la vie publique ou nationale, ils ne sont point des actes de la vie privée ou civile.

De là dérive cette dernière conséquence, conclusion du litige; ils sont régis par le droit propre à l'Etat, souverain ou gouvernement, par le droit public; si les particuliers, dans les rapports qui s'établissent entre eux et l'Etat à cette occasion, ont besoin de garanties, ils doivent les demander au droit public; ces garanties ont aussi leur efficacité, quelque différentes qu'elles soient des garanties du droit civil; si elles peuvent parfois leur laisser à désirer, ils trouvent une compensation suffisante dans les avantages du service public institué pour eux, ils ne peuvent pas, en recourant au droit civil pour s'en prévaloir contre l'Etat à l'occasion d'actes qui de sa part n'ont rien de la liberté et de l'égalité civiles, essence du droit civil, ni des intérêts de la propriété, caractère fondamental de la personne civile, accepter les avantages du régime du droit public et jouir de ces avanlages, rude fardeau pour l'Etat, tout en repoussant ses charges; ils ne peuvent in

voquer la loi civile qu'autant que la loi administrative, la loi régulatrice du service. public propre à l'Etat, gouvernement, la lui ait rendue applicable par une appro priation mise en rapport avec la position spéciale dans laquelle se trouvent réciproquement l'Etat et les particuliers envers lesquels il agit, et nous ajouterons dans l'intérêt desquels il agit; là seulement est l'égalité et la justice, parce que là sculement aussi peuvent se rencontrer toutes les précautions sans lesquelles les charges de l'Etat, investi d'une quantité de services que les progrès de la civilisation tendent sans cesse à multiplier et à développer, deviendraient exorbitantes, et les intérêts publics confiés à ses soins à titre gouvernemental finiraient eux-mêmes par être gravement compromis..

Ainsi a-t-il été fait pour les transports des choses par les règlements qui les régissent; ces règlements rendent expressément applicable à l'Etat la responsabilité civile, mais ils en subordonnent l'application à toutes sortes de précautions en dehors desquelles aucune réclamation n'est admise, et restreignent même pour certains cas, par exemple, le cas de perte des malles des voyageurs, la responsabilité dans certaines limites, n'accordant qu'une certaine somme, quelque valeur qu'on prétende attribuer aux objets perdus; ainsi encore a-t-il été fait par la loi qui attribue compétence aux tribunaux de commerce pour juger les contestations relatives aux transports des choses; cette loi, du 16 juillet 1849, ne leur attribue pas compétence purement et simplement, elle ne la leur attribue qu'avec toutes les précautions dont nous venons de parler; et ces précautions même, jointes au principe de ses dispositions, achèvent de prouver à quel titre l'Etat agit en effectuant les transports s'il agissait, en effet, à titre de personne civile, si ses actes étaient des actes de la vie civile, si en conséquence ces actes constituaient une entreprise de transports, entreprise de sa nature industrielle et commerciale; en un mot, si tel était le caractère de son existence et de son action, ce caractère serait le principe du droit qui les régirait sous le rapport des règles et sous le rapport des tribunaux compétents pour en faire l'application, ce droit les régirait purement et simplement, de lui-même, par la seule force des choses, sans qu'aucune disposition expresse fût. nécessaire à cette fin, et il ne serait autre que le droit privé ou civil dont le droit commercial est une subdivision.

Si, au contraire, il agissait à titre de gouvernement ou souverain, si ses actes étaient des actes de la vie gouvernementale, ce caractère serait le principe du droit qui les régirait; ce droit serait avant tout autre le droit public ou administratif, le droit privé ne lui serait appliqué que dans un ordre subsidiaire, il ne lui serait pas appliqué purement et simplement de lui-même et par la seule force des choses, il lui serait appliqué sous certaines restrictions par des dispositions expresses et par des dispositions tirées, non de la nature de la vie civile, mais de la nature des intérêts mêmes que la vie gouvernementale est appelée à sauvegarder.

Eh bien, c'est ce qui a été fait par la loi du 16 juillet 1849; cette loi n'a pas été portée par une résolution spontanée du pouvoir législatif; elle l'a été à cause d'un arrêt de la Cour de cassation qui avait décidé que les tribunaux civils, et non les tribunaux de commerce, étaient compétents pour prononcer sur les contestations relatives au transport des choses effectué par l'Etat sur le chemin de fer.

Le pouvoir législatif a statué que les tribunaux de commerce seraient compétents, et nous employons à dessein le mot statué au lieu du mot décidé, qui serait le mot propre s'il avait eu l'intention d'interpréter les lois qu'avait interprétées la Cour de cassation, et avait attribué compétence en vertu de cette interprétation; mais il n'a pas procédé ainsi : il a statué directement, il a déduit ses dispositions du principe gouvernemental de l'exploitation du chemin de fer et des grands intérêts engagés dans l'accomplissement de cette mission, et tout en admettant en apparence le système qui voyait dans l'exploitation du chemin de fer des actes de la vie civile de nature commerciale, il a en réalité consacré les considérations contraires sur lesquelles reposait votre arrêt avec toutes les conséquences qui en dérivent; il a régi les actes de transports qui se rapportent à cette exploitation comme devaient l'être des actes de la vie gouvernementale. Qu'il nous soit permis de rapporter ici les motifs de l'arrêt du 14 novembre 1844, par lesquels vous caractérisiez ainsi ces acles; ils se rattachent trop étroitement à la loi de 1849 pour que nous puissions les passer sous silence :

"Attendu, disiez-vous, que la loi du << 1er mai 1834, organique de l'établisse"ment en ce pays d'un système de chemins « de fer, prescrit, article 2, que la construc

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« Attendu que la loi du 12 avril 1835 charge le gouvernement de l'exploitation « de ces chemins et l'autorise à faire tous les « règlements à cet effet;

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Qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'établissement des chemins «de fer ne forme pas une simple entreprise << industrielle et d'intérêt privé, mais con«<stitue une véritable création nationale << n'ayant uniquement en vue que les inté«rêts du pays;

« Attendu dès lors que l'administration «publique des chemins de fer en exploita«tion, en se chargeant, suivant le but de <«<leur institution, du transport des voya« geurs et des marchandises, ne fait que << remplir la mission gouvernementale qui « lui a été déférée par la loi. »

La vérité de ces paroles, résumé exact de tout ce que nous venons de dire sur le titre auquel agit l'Etat en cette matière et sur les lois dont il a reçu ce titre, a été formellement reconnue par les auteurs de la loi de 1849; l'exposé des motifs du projet présenté au nom du roi les déclare conformes à l'esprit de la loi, ajoute qu'on entend respecter l'interprétation consacrée par votre arrêt, donne pour raison d'attribuer compétence aux tribunaux de commerce le double intérêt du commerce et de l'exploitation du railway; et les rapports, faits à la Chambre des représentants et au sénat, sans contester davantage votre jurisprudence, le titre gouvernemental sur lequel elle repose, part de la même raison pour proposer le projet à l'adoption des deux autres branches de la législature.

Le principe de la loi n'était donc pas le caractère d'entreprise industrielle et d'intérêt privé, qu'avait répudié la Cour de cassation, c'était les grands intérêts publics engagés dans l'institution nationale du transport des marchandises que vous qualifiez de mission gouvernementale; ces intérêts ne pouvaient par leur nature tomber sous les règles du droit privé pour conférer juridiction aux tribunaux de commerce, ils ne pouvaient en conséquence produire cet effet qu'en vertu d'une disposition expresse de la

loi; et c'est à cette fin qu'une disposition a été portée, consacrant par son existence même le titre gouvernemental qui caracté rise les actes de l'Etat; les autres dispositions qui y ont été jointes ne sont qu'une suite de ce caractère et ne font ainsi que le consacrer de nouveau suivant la première, qui forme l'article 2, le droit commercial pourra être appliqué au jugement des contestations; cela était de droit si la compétence dérivait de la nature civile de l'institution; une disposition était inutile, une fois cette compétence établie comme elle l'était par l'arti cle 1er; le droit civil lui-même devait l'être à défaut du droit commercial; mais ainsi ne F'entend point le législateur; il trouve une disposition expresse nécessaire pour l'appli cation des lois et usages en matière de com. merce; et celle disposition même il ne la porte pas purement et simplement; il n'autorise les tribunaux à appliquer les lois et usages du commerce que tout en se conformant aux fois et règlements particuliers concernant l'exploitation des chemins de fer; il place ainsi ces lois et règlements en première ligne, les lois et usages du commerce ne viennent qu'en ordre subsidiaire; et comme ce n'était pas assez, comme s'il craignait encore que cette disposition, étant relative aux objets de toute nature et par conséquent aux objets étrangers au com. merce comme aux marchandises, les commerçants ne s'en fissent un prétexte pour se soustraire, quant aux livres et aux écritures, au pouvoir réglementaire, il statue par une disposition expresse, l'article 3, que les lois relatives aux livres et écritures de commerce ne seront pas applicables et que les livres et écritures de l'Etat auront pleine foi en justice, tels que les règlements en auront déterminé le nombre et la forme.

Cette loi traite ainsi d'un bout à l'autre les transports, comme les actes d'une administration publique, régis de la manière dont doivent l'être les actes de cette nature, par les lois de droit public, c'est-à-dire, les lois et règlements administratifs, auxquels peuvent venir s'adjoindre, mais dans un ordre secondaire, sous la réserve de leurs dispositions et en vertu de dispositions expresses, les lois de droit civil. Elle est en conséquence une dernière preuve, et nous croyons pouvoir ajouter, une preuve à elle seule décisive du titre de souverain ou gouvernement, auquel agit l'Etat en transportant les voyageurs.

Cette adjonction du droit civil au droit public, notamment en ce qui concerne la

responsabilité, n'a pas été faite pour les voyageurs comme elle l'a été pour les marchandises par les règlements qui en régissent le transport. Nous avons fait le relevé de tous les arrêtés, règlements et instructions portés depuis l'ouverture du chemin de fer jusqu'au 5 mai 1843, jour où est survenu l'accident qui a donné naissance à ce procès; ils sont au nombre de dix, et dans aucun nous n'avons trouvé un mot qui applique la responsabilité civile à l'Etat du chef des actes de ses fonctionnaires et employés quant aux accidents éprouvés par les personnes; toujours elle est expressément restreinte aux accidents dont les choses ont eu à souffrir, les autres restent à charge des personnes qui les ont occasionnés. On a cru voir cette responsabilité dans un article d'un règlement du 1er septembre 1838, l'art. 564, en ce qu'il réserve l'action civile résultant des articles 1382, 1383 et 1584 du Code civil, mais qui ne voit qu'il s'agit là d'une action civile réservée contre des employés passibles d'une action publique, soit pour leurs propres faits, soit pour le fait d'employés auxquels ils avaient des ordres à donner et envers lesquels ils avaient une surveillance à exercer, d'après la hiérarchie établie dans ce règlement même, ce qui pouvait équitablement leur faire rendre applicables, soit les articles 1582 et 1583, soit la première partie de l'article 1384, la seule en effet qui se trouve transcrite dans le règlement; l'autre partie, celle qui traite des commettauts et des préposés, y est omise. On a cru voir encore celte responsabilité dans une instruction ministérielle du 22 juillet 1820 où à l'occasion d'accidents qui peuvent donner lieu à demandes d'indemnités, à procès-verbaux, à réclamations adressées à l'administration générale et à recours de celle-ci contre les employés, le ministre ordonne aux employés supérieurs arrivés sur le lieu d'un sinistre d'aviser à prévenir les suites de l'accident par tous les moyens que l'équité et l'humanité mettent en leur pouvoir; on a cru pouvoir conclure de cette sollicitude de l'administration pour les personnes, en cas d'accidents, que les indemnités auxquelles ils devaient donner lieu, que les procès-verbaux et les réclamations qui devaient les constater, impliquaient la responsabilité civile de l'Etat du chef des faits de ses employés dommageables aux personnes, et l'on n'a pas vu que ce n'est que transitoirement et par occasion qu'il est parlé d'aviser aux mesures dictées par l'équité et l'humanité, que pour le surplus toute l'instruction a exclusivement pour ob

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