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Cette décision a été dénoncée par la société à la Cour de cassation comme contrevenant expressément : 1o A la loi du 21 mai 1819, tableau 9;

2o A la loi du 6 avril 1823, article 9;

3o A la loi du 22 janvier 1849, qui, ne déterminant pas ce qu'il faut entendre par bénéfice soumis à cotisation, a suffisamment fixé la portée des dispositions législatives antérieures sur la matière.

Il n'y a pas bénéfice, disait la demanderesse, lorsque le capital primitivement versé, et qui constitue l'avoir de la société anonyme, n'est pas maintenu complet; ou s'il a été diminué par des pertes, tant qu'il n'a pas été reconstitué, jusqu'à cette époque il y a perte réelle d'une partie de l'avoir social, et partant de celui des actionnaires.

Quand non-seulement l'actionnaire ne touche ni intérêts ni dividendes, le titre nominatif qu'il possède, son action ne vaut plus la somme qu'elle représente, la somme qu'il a déboursée; la société et l'actionnaire sont donc en perte.

Dans cette position, le fisc se trompe quand, sous prétexte de bénéfice, il vient demander à percevoir un droit de patente, qu'il faudrait en réalité prendre sur une partie de l'avoir social.

Quand la société est mise à même par le travail d'une année de combler une partie des pertes faites antérieurement, elle commence à perdre moins, mais elle n'est pas en bénéfice.

Suivant l'administration, de ce que la loi parle de bénéfice annuel, elle ne s'inquiète pas si le bénéfice couvre ou non un déficit des années précédentes, il suffit que le bilan accuse un bénéfice pour l'année échue, pour que le droit de patente soit dù.

Cet argument pourrait être fondé, s'il n'était pas repoussé par la loi du 22 janvier 1849 elle-même, qui dans l'article 3 définit ce qu'il faut entendre par bénéfice, quant à la perception du droit de patente.

D'après cet article, trois éléments sculs peuvent être considérés comme bénéfices.

D'abord les sommes réparties, soit comme dividendes, soit à un autre titre.

Dans l'espèce aucune somme n'a été répartie.

En second lieu, les sommes affectées au fonds de réserve; au cas actuel il n'en peut pas non plus être question.

Enfin les sommes affectées à l'accroissement du capital social.

Or la société n'a rien porté à l'accroissement de son capital, elle s'est bornée à une affectation qui tend à le reconstituer.

L'administration soutient encore que dans l'article 3 de la loi du 22 janvier 1849, it s'agit du capital annuel, et non de la première mise de fonds; que la société fait un bénéfice sur le capital de l'année 1849, et que de ce chef elle est soumise au droit de patente.

La question se réduit donc à savoir si cet article 3 parle du capital annuel ou du capital primitivement versé.

Lorsqu'on parle du capital d'une société, sans y ajouter de qualificatif, ou en le qualifiant de social, c'est toujours le capital primitivement versé que l'on entend désigner.

Cela est surtout vrai dans la bouche du législateur, qui mieux que tout autre connaît la valeur légale des termes.

Ainsi lorsque l'article 34 du Code de commerce dit le capital de la société anonyme, il entend par là le capital social, tel qu'il a été fixé pour donner l'être à la société anonyme, qui n'existe que par ce capital.

C'est donc la portée légale du mot capital appliqué à une société anonyme.

Ce même mot doit donc avoir la même portée dans l'article 3 de la loi de 1849, d'autant plus que le législateur y a ajouté l'adjectif social.

L'administration se trompe donc lorsqu'elle affirme que l'article 3 parle du capital annuel.

Les mots capital social ne peuvent avoir cette portée.

La loi du 22 janvier 1849 n'étant que la modification et le complément des lois du 21 mai 1819 et 26 avril 1825, et le mot capital devant s'entendre dans cette dernière loi du capital social, proprement dit, ce mot capital social doit avoir la même signification dans l'article 3 de la loi nouvelle. Aussi l'administration a-t-elle ellemême clairement expliqué dans une circulaire du 4 août 1846 que les mots capital social sont synonymes de capital primitivement versé et non de capital annuel.

En se résumant, la société prétendait avoir démontré que dans l'espèce il n'y avait point de bénéfice, condition requise par l'art. 3, pour qu'il y ait licu à taxe, et ensuite qu'il n'y avait point davantage d'accroissement dans le sens de ce même article, puisqu'il ne parle que de la première mise de fonds,

et qu'elle était loin d'avoir entièrement reconstitué son capital primitif.

La loi du 22 Réponse du défendeur. janvier 1849 confirme les dispositions des lois anciennes des 21 mai 1819 et 6 avril 1823 sur la matière des patentes des sociétés anonymes, et il résulte incontestablement de l'ensemble de ces lois, que c'est sur les opérations de l'année, constatées par les bilans des sociétés, que l'impôt doit être perçu, et qu'il frappe toute somme renseignée comme bénéfice, quels que soient d'ail leurs la destination et le nom qu'on lui donne.

Dans le sens des lois sur le droit de patente, le capital social ne peut être que celui qui est à la disposition des sociétés au commencement de chaque exercice.

Celui au moyen duquel elle exerce l'indus trie ou le commerce soumis à patente, et qui lui procure les bénéfices constatés au bilan de chaque exercice annuel; et cela soit qu'il ait été ébréché par des pertes antérieures, soit qu'il ait été majoré par des réserves ou des retenues produites par des bénéfices.

Le bilan de la société demanderesse, arrêté au 30 juin 1850, constatait qu'une somme de 19,557 francs 26 cent. formait les bénéfices réalisés par les opérations durant l'exercice de 1849 à 1850, et cette somme ne peut échapper à l'impôt.

Vainement soutient-on qu'elle n'a pas été distribuée aux sociétaires, qu'elle ne reste dans la caisse de la société que pour compenser des pertes subies par le capital; la somme ne constitue pas moins un bénéfice, dans le sens que l'emploi qu'en veut faire la société constitue un véritable accroissement du capital existant au 1er janvier 1849.

Elle constitue en quelque sorte une réserve, puisqu'on ne la distribue pas.

Or la loi atteint tout accroissement, toute réserve formée par les bénéfices et elle n'accorde nulle part une exemption pour les sommes qui servent à reconstituer les capitaux ébréchés.

Elle exclut toute idée de distinction dans l'emploi de la somme bénéficiée, bien plus, elle frappe en général les remboursements des capitaux.

Dans l'article 9 de la loi de 1823 il est dit que le droit ne sera pas perçu sur les sommes remboursées, lorsque les sociétés feront conster de la première mise des fonds et des remboursements, qui ont eu lieu,

de manière à ce que les remboursements du capital placé ou fourni puissent être suffisamment distingués des dividendes.

Ainsi les sociétés peuvent opérer des remboursements (restitutions), d'une partie de leurs capitaux aux actionnaires, lorsqu'il est bien établi qu'on ne fait que distraire une partie de la somme versée et non bénéficiée.

Si elles remboursent une partie du capital augmenté déjà par des réserves faites dans ses exercices antérieurs, et bien établies, elles ne payeront pas le droit, puisque ces réserves ont déjà été frappées par l'impôt aux exercices où elles ont été réalisées et renseignées au bilan.

Mais les sociétés qualifieraient vainement de remboursements des sommes formées par des bénéfices. Lorsque ces sommes n'ont pas été alleintes par l'impôt, elles doivent l'ê

tre.

C'est dans ce sens qu'a été dictée la résolution ministérielle du 4 août 1846, invoquée par la demanderesse.

Ces notions donnent encore une preuve que par capital social le fisc, au point de vue du droit de patente, ne peut entendre que le capital existant réellement, au commencement de chaque exercice qu'il s'agit d'imposer.

En effet, une société au capital de 100,000 fr. pourra conventionnellement rembourser 50,000 francs aux actionnaires qui l'ont formé en 1850.

Au 1er janvier 1851, le capital social, pour le fisc, ne sera que de 30,000 fr. et cependant ce ne sera pas le capital primitivement versé.

On objecte que la somme de 19,557 fr. 26 cent. ne devrait pas plus être imposée que si les pertes du capital, ayant été palliées par un emprunt, cette même somme bénéficiée eût été affectée à son remboursement: c'est une erreur.

L'impôt atteindra également cette somme dans l'hypothèse donnée. Elle restera toujours un bénéfice produit par un capital, agrandi si l'on veut.

Si dans le courant d'un exercice la société exigeait des actionnaires un versement, et majorait ainsi son capital, elle ne pourrait pas soutenir que la part des bénéfices que cette majoration a produite doit être exemple de l'impôt.

Elle opérerait un véritable remboursement à l'aide des bénéfices, elle se placerait

en dehors des conditions requises par la loi de 1823, pour jouir de l'exemption de l'imρόι.

Le défendeur disait enfin qu'il importe de ne pas perdre de vue qu'on n'établit pas le droit sur une série d'années, mais sur une année seulement, et d'après le bilan produit.

Que dès lors les bases de la cotisation d'un exercice ne peuvent être confondues avec celles d'un autre exercice.

Que c'est d'après le résultat du bilan de chaque année que l'impôt est perçu ; de telle sorte que si un exercice donne des pertes, aucune cotisation n'est établie, tandis qu'elle est faite d'après les bénéfices réels constatés au bilan de l'exercice suivant.

Dans l'espèce la somme de 19,557 francs 26 cent. est renseignée au bilan comme bénéfice réalisé de 1849 à 1850. Il est donc incontestable, comme l'a admis la décision attaquée, qu'aucune distinction ne doit être faite pour la perception de l'impôt entre les sommes distribuées à titre de dividende, et celles affectées à couvrir des pertes éprouvées antérieurement, pour faire servir les premières à la cotisation du droit, en négli

geant les secondes.

Voy. au surplus un arrêt de cette Cour du 14 mai 1850 (Pasicrisie, 1851, p. 27). M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi.

Le bilan annuel de la société demanderesse, a-t-il dit, offrait, au 30 juin 1850, un solde favorable, porté comme bénéfices, de 19,557 francs 26 cent. : l'administration perçut un droit de patente de 359 fr. 15 c., sur le pied de l'article 3 de la loi du 22 janvier 1849. La société réclama contre celle perception en disant que cette somme de 19,557 francs 26 cent. avait été consacrée à reconstituer le capital primitif ébréché par des pertes antérieures, que par conséquent elle ne tombait pas sous les termes de la loi de 1849, comme matière imposable. La députation permanente du Hainaut, rappelant des décisions antérieures du 20 décembre 1850 et 17 janvier 1851 qui consacraient les vrais principes, repoussa la réclamation de la société suivant la députation, tous les fonds réservés sur les bénéfices d'un exercice, quel que soit le nom qu'on leur donne ou l'usage auquel on les destine, font partie de l'avoir des actionnaires et forment dès lors un accroissement du capital social; le droit de patente devant être établi et réglé annuellement, il importe peu que les

bénéfices constatés aient été destinés ou

employés à couvrir des pertes d'années antérieures, car les balances sont annuelles et les pertes d'un exercice ne doivent grever que le bilan du même exercice.

Les répartiteurs, consultés sur la réclamation, l'ont considérée comme fondée parce que, disent-ils, il est notoire qu'aucun bénéfice n'a pu être réalisé jusqu'ici. Mais le contrôleur et le directeur, se référant à des avis antérieurs et à une décision du ministre des finances du 18 octobre 1849, onl exprimé une opinion tout opposée à celle des répartiteurs : ils ont pensé qu'on ne peut pas ici combiner les résultats de plusieurs années pour former l'élément d'une cotisation essentiellement annuelle; que le solde favorable du bilan annuel profite également aux actionnaires, soit qu'on le leur distribue, soit qu'on accroisse d'autant le capital avec lequel on a commencé les opérations de l'année; que nulle loi n'a dit qu'il n'y aurait de bénéfice que celui qui excédcrait le capital fourni de la première émission des actions.

Nous croyons que le système consacré par la décision attaquée ne saurait être cri

tiqué et nous essayerons d'établir que les considérations développées au nom de la société demanderesse sont inconciliables avec le texte comme avec l'esprit de la loi. L'article 3 de la loi du 22 janvier 1849 établit, à charge des sociétés anonymes, un droit de patente assis sur le montant des bénéfices annuels : l'essence du droit de patente, son caractère spécial, son principe fondamental, c'est d'être annuel, c'est-àdire d'être renouvelé ou calculé chaque année sur la base variable que la loi indique dans ses diverses dispositions. Il s'agit donc ici de l'établissement et de la liquidation d'un impôt annuel assis sur les bénéfices annuels d'une société anonyme; el c'est au moyen du bilan annuel, dont parle en termes exprès le même article de la loi, que l'administration fixe le montant du droit à percevoir sur les résultats constatés.

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Ceci, pensons-nous, ne peut pas être contesté, comme point de départ; au besoin, nous citerions l'arrêté royal du 23 juillet 1841 dans lequel on lit : « Considérant qu'il « est de principe en matière de droit de « patente, que ce droit, qui est annuel, se ་་ règle en raison des bénéfices annuels; << que ce principe est fondamental, et que « le droit de patente des sociétés anonymes, « pour être déterminé en raison des béné« fices annuels faits par les sociétés, doit

<< nécessairement être établi d'après les « résultats des comples rendus pendant « l'année à laquelle la cotisation se rap<< porte.» Nous citerons également l'arrêt de cette Cour du 14 mai 1850 (Bull., 1851, p. 27), rendu sur le rapport de M. Paquet el sur les conclusions conformes de M. Dewandre, qui reconnait « que le droit de patente doit être réglé annuellement. » Ce point, développé avec lucidité par l'honorable organe du ministère public, ne saurait donc faire l'objet d'un doute.

L'arrêté royal de 1841, comme votre arrèl de 1850, ont été portés sous l'empire de la loi du 6 avril 1823; ils seraient bien plus vrais sous l'empire de la loi du 22 janvier 1849, qui est plus précis, plus formel encore la comparaison des diverses lois qui ont régi la matière en débat servira à en faire mieux saisir la vraie signification. La première loi des patentes, celle du 11 février 1816, article 27, imposait les sociétés anonymes à raison des capitaux, sans s'occuper des bénéfices. Cette base fut modifiée par la loi du 21 mai 1819 qui établit le droit de patente à raison de 2 pour cent du montant cumulé des dividendes dont les actionnaires jouissent, non compris le montant des remboursements et l'accroissement des capitaux; dans le système de cette loi, le droit de patente n'était pas essentiellement annuel, puisque d'une part l'article 12 déclare que ce droit sera réglé pour l'année entière à partir du 1er janvier, à l'exception de celui fixé dans les tableaux 9 et 15 (sociétés anonymes et théâtres), et que d'autre part, le tableau 9, tout en soumettant ces sociétés à déclaration lors de l'ins cription générale annuelle prescrite par l'art. 17, porte que l'établissement du droit du chef de distribution de dividendes sera fait chaque fois que les administrateurs des sociétés feront ces distributions dont la déclaration préalable devra être faite par eux.

Il y avait dans le système de la loi de 1819 une exception portant sur le montant des remboursements et l'accroissement des capitaux: l'art. 9 de la loi du 6 avril 1825 la fit disparaître comme contraire au principe même du droit de patente; cet article disposa que les remboursements et accroissements de capitaux seraient désormais considérés comme dividendes donnant ouverture au droit. Toutefois, lorsque les sociétés auront eu soin de bien établir que les prétendus remboursements de capitaux ne sont pas pris sur les dividendes ou sur des accroissements de la première mise de fonds, le

PASIC., 1852.4re PARTIE.

droit n'était pas dû sur les sommes remboursées. Dans ce système, et en vertu de ces modifications, l'établissement du droit prenait un caractère annuel bien mieux caractérisé que sous l'empire de la loi de 1819, parce que l'application de dividendes devait nécessairement se faire sur le résultat des opérations annuelles, les remboursements et accroissements de capitaux de vant désormais être considérés comme dividendes et donnant lieu à une liquidation du droit de patente au bout de chaque exercice. Aussi, vous l'avez reconnu dans votre arrêt de 1850, d'accord avec l'arrêté du gouvernement de 1841, l'impôt à percevoir des sociétés anonymes était annuel par

essence.

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Mais la loi de 1849 est bien plus formelle encore nous en avons rappelé les termes; indiquons-en l'esprit : la loi de 1823 parlait des dividendes distribués, elle ne parlait pas des intérêts des capitaux engagés dans l'entreprise, c'est-à-dire des capitaux qui formaient la personne civile même, appelée société anonyme; or, dans la liquidation du droit de patente de certaines sociétés anonymes, on percevait le tantième de l'impôt à la fois sur les intérêts et sur les dividendes lorsque les statuts, sans stipuler d'intérêts, ne parlaient que de dividendes; au contraire, la partie des bénéfices représentant les intérêts échappait à l'impôt, lorsque les statuts ne promettaient un dividende qu'après le prélèvement des intérêts de là une inégalité évidente dans la perception de l'impôt. Qu'a voulu la loi nouvelle ? Une perception uniforme et annuelle sur tous les bénéfices annuels suivant le résultat du bilan annuel; et elle a considéré comme bénéfices non-sculement les dividendes distribués, mais aussi les intérêts des capitaux formant la société, intérêts qui sont évidemment aussi un bénéfice : et, en définissant ce que la loi nouvelle entend par bénéfices annuels, l'article 5 dit qu'il faut comprendre toutes les sommes réparties à quelque titre que ce soit, intérêts de capitaux engagés, dividendes et autres, y compris celles affectées à l'accroissement du capital et les fonds de réserve, ce qui veut dire les accroissements que le capital social actif reçoit par les résultats des opérations de l'année : c'est ainsi que la circulaire du 18 octobre 1849 explique le sens de la loi dans la pratique, parce que, dit-elle, on ne peut pas confondre les résultats de plusieurs années pour en former l'élément annuel de cotisation.

Sans doute, cette circulaire ne vous lie

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pas; mais elle a été signée en octobre 1849, par M. Frère-Orban qui, comme ministre des finances, avait discuté, au sein des chambres, la loi du 22 janvier 1849 dont il indiquait la portée dans sa circulaire : la discussion de cette loi a été longue, approfondie et savante; nous l'avons reluc avec attention; elle nous a vivement intéressé; elle a eu pour sujet principal là distinction des dividendes et des intérêts: des financiers prétendirent que les intérêts des capitaux engagés devaient venir en déduction des bénéfices annuels; d'autres, parmi lesquels le ministre, soutenaient au contraire, avec pleine raison, que les intérêts des capitaux étaient un bénéfice, qu'ils étaient le premier résultat de l'action des capitaux mêmes, que le dividende comprend l'inté rêt, qu'enfin tout ce qui se distribuait aux actionnaires était passible de l'impôt, puisque, dans la société anonyme, le capital actif était la personne mème reconnue par la loi et que tout le boni obtenu par ce capital constituait le bénéfice que devail frapper l'impôt (1).

Ce système a triomphé dans la loi : il en résulte que désormais tout ce qui sera annuellement distribué, soit sous le nom d'intérêt, soit sous le nom de dividende, soit sous tout autre nom, constituera un bénéfice; que toute somme affectée au fonds de réserve constituera un bénéfice; que toute somme affectée à augmenter le capital social constituera un bénéfice et l'appré ciation des résultats étant essentiellement annuelle, c'est au point de vue des bénéfices obtenus dans l'année au moyen du capital, que le droit est liquidé.

Est-il vrai, comme le soutient le mémoire du pourvoi, qu'il n'y a pas bénéfice mais perte réelle tant que le capital primitif est diminué par des pertes? Cela est vrai dans un sens absolu; cela n'est plus vrai par rap port au droit de patente: lorsque le bilan annuel accuse un bénéfice reconnu el non contesté, le droit est dù parce que ce béné fice reçoit évidemment l'une des affectations prévues par la loi : intérêts, dividendes, fonds de réserve, accroissement du capital social; parce que le solde favorable du bilan annuel profite aux actionnaires même lorsqu'il est employé à combler des déficits antérieurs ce solde favorable, en accroissant

(4) Cette intéressante discussion a eu lieu à la chambre des représentants le 23 décembre 1849, au sénat, les 18 et 19 janvier 1850. L'exposé des motifs est aux Annales, p. 140; le rapport de

le capital, accroît le crédit de la société, la solidité de l'exploitation et la valeur des actions sociales.

Le pourvoi s'efforce d'établir une distinction radicale entre l'accroissement du capital social et sa simple reconstitution; el pour faire admettre cette distinction, il recherche avec soin ce que la loi de 1849 entend par capital social: or, la société demanderesse argumente successivement de l'article 54 du Code de commerce qui, en parlant du capital, entend certainement le capital primitif, et ce mot capital n'a pas d'autre sens dans la loi du 6 avril 1825, qui parle de la première mise de fonds, ou dans la loi du 22 janvier 1849, qui parle du capital social. Mais cette argumentation ne résout rien : lorsque le Code de commerce a parlé de capital de la société anonyme, c'était pour dire que ce capital serait divisé par actions, et non pas pour dire que le capital fixé dans les statuts de la société devait être complet pour être considéré comme la personne morale qualifiée de société anonyme; la personne morale subsiste entière quoique son capital soit entamé, les actions continuent de représenter les droits et les devoirs de cette personne morale quoique leur valeur soit tombée au-dessous du pair; le capital est, jusqu'à liquidation, investi de la plénitude de la personnalité civile que lui a reconnue la loi, et elle a les prérogatives et les obligations que toute personnalité de ce genre puise dans la loi; parmi ces obligations figure celle de payer le droit de patente chaque fois qu'un bilan annuel, régulièrement balancé, accuse des bénéfices annuels; l'état du capital est donc indifférent ici; ce que recherche la loi, c'est le montant des bénéfices réalisés pendant l'année au moyen du capital qui a servi aux opérations de l'année; s'il y a perte, nul droit n'est dû, s'il y a gain, il est dû 1 2/3 pour cent des bénéfices annuels, parce que l'on constate un boni passible d'impôt.

Le capital social dont parle l'article 3 de la loi de 1849 doit-il s'entendre dans le même sens que la première mise de fonds dont parle l'article 9 de la loi de 1825? Evidemment non; les deux lois parlent de choses toutes différentes : la loi de 1825, par une disposition toute spéciale, dit que les remboursements ne seront pas considé

M. Moreau à la chambre est à la page 526, et le rapport de M. Cogels au sénat est à la page 68 des Annales du sénat,

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