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la moitié des fils d'une famille, et que réglant ensuite, par application de ce principe, l'ordre de l'appel au service dans les familles composées de trois ou d'un plus grand nombre de fils, il statue nommément que le service actif d'un frère aîné, soit en personne, soit par remplacement ou substitution, exempte le second;

Attendu que si cette disposition ne parle que du service en cours d'accomplissement, On n'est pas moins fondé à conclure qu'il en est de même à plus forte raison du service accompli; qu'il peut d'autant moins y avoir du doute à cet égard, que ladite disposition se borne à exprimer, par forme d'exemple, une des conséquences du principe préalablement posé qui ne permet pas d'appeler au service plus de la moitié des fils d'une famille, et que l'on doit nécessairement ranger au nombre des fils appelés au service celui qui a pleinement satisfait aux obligations que la loi lui imposait comme milicien désigné pour le service;

Attendu d'ailleurs que par la dernière partie de l'alinéa précité, le législateur, considérant le décès au service comme constituant l'entier accomplissement des obligations imposées au milicien appelé à servir, exempte expressément pour un an le frère de celui qui est tué ou mort au service; que si cette partie de la disposition ne répète pas les expressions soit en personne, soit par remplacement ou substitution, on ne peut aucunement en conclure que l'exemption dont il s'agit doit cesser d'être accordée au frère de celui qui servait par remplacement ou substitution lorsque son remplaçant ou son substituant est décédé au service; qu'en effet le législateur, qui venait d'exprimer très-clairement que le service fait par le remplaçant ou le substituant constitue le service actif du remplacé ou du substitué et exempte son frère, a dù considérer cette répétition comme étant d'autant plus inutile qu'il ne faisait que maintenir, après le décès au service, une exemption accordée pendant que le service était en cours d'accomplissement, et que cette disposition était ainsi une suite de celle qui la précède immédiatement et comme elle une conséquence du principe posé en tête du même alinéa, principe qui en explique d'autant mieux la portée dans le sens qui vient d'être indiqué, que celui dont le remplaçant ou le substituant est tué ou mort au service a satisfait aussi complétement aux obligations qui lui étaient imposées comme milicien appelé au service, que celui qui est lui-même décédé au service;

Attendu que c'est sans fondement que l'on objecterait que celui qui a accompli son service par substitution peut être obligé de servir encore dans le cas où le numéro tiré au sort par son substituant est appelé au service; qu'en effet, dans ce cas, qui n'est pas celui du procès, le substitué n'est pas appelé à servir comme milicien désigné pour le service, et que, devenant à son tour le substituant de celui qui lui a été substitué, il ne doit servir que pour ce dernier et à sa décharge; que cela est tellement vrai que l'article 110 lui donne pour ce cas le même droit à l'exemption que celui dont jouit le substituant;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la loi du 8 janvier 1817 exemple du service le second fils d'une famille dont l'aîné a fourni un substituant décédé au service;

Attendu que la loi de 1820 ne déroge à cet égard à la loi de 1817 qu'en ce qu'elle accorde une seule fois et pour toujours l'exemption qui n'était qu'annale et dont la cause devait être justifiée de nouveau chaque année; que pour le surplus elle maintient les dispositions ci-dessus citées de la loi de 1817; que par son article 24 elle reproduit le principe qui ne permet pas d'appeler au service plus de la moitié des fils d'une famille; que les articles 22 et 23 mettent, quant à l'exemption qu'il procure, le décès au service sur la même ligne que le service accompli, et que du reste ils ne font qu'exprimer des conséquences résultant plus ou moins explicitement des articles 94, SMM, et 95 de la loi de 1817; que l'art. 22, en tant qu'il exempte le frère de celui qui est décédé au service, est conçu dans les mêmes termes que la dernière disposition du deuxième alinéa de l'article 94, § MM, précité; que par suite il a la même portée et exempte le frère de celui qui a accompli son service par un substituant mort au service comme le frère de celui qui est décédé au service; que cela est d'autant moins douteux que, d'après les dispositions non abrogées de la loi de 1817, l'on fait son service d'une manière aussi satisfaisante par substi tution que par soi-même;

Attendu qu'aucune disposition de la loi de 1820 ne dit que le substitué et le substiluant sont placés dans la même position que s'ils avaient obtenu respectivement au tirage le numéro qui leur a été cédé en échange; que ladite loi reconnait implicitement le contraire par son article 21, en statuant que le frère d'un substituant ne sera exempté que dans le cas où le numéro qui a été

échangé contre un numéro moins élevé aura été appelé au service; que cette disposition est en effet la conséquence de ce que, d'une part, d'après la loi de 1817, le substituant ne sert pas pour lui-même, que c'est le substitué qui est en service actif par son intermédiaire, et que ce service exemptant le frère du substitué ne peut en même temps exempler le frère du substituant, et d'autre part, de ce que dans le cas où le numéro tiré au sort par le substituant a été appelé au service, le substitué devient à son tour le substituant de celui qui lui a été substitué, et que celui-ci se trouvant alors au service actif par substitution. exemple son frère en vertu de l'art. 94, § MM, de la loi de 1817; Attendu que la conclusion des arguments a contrario el ab inutili que l'on puise dans l'article 25 de la loi de 1820 est en opposition directe avec les dispositions citées des articles 94 et 95 de la loi de 1817 et de l'article 22 de la loi de 1820, el que par suite ces arguments sont sans valeur;

Attendu que l'on invoque en vain, pour établir que le législateur a entendu refuser au frère du substitué l'exemption qu'il accorde au frère du remplacé, la différence existant, d'après les articles 94 à 100 de la loi de 1817, et 29 à 34 de la loi de 1820, entre la position et les obligations réciproques du remplacé et du remplaçant et celles du substitué et du substituant; qu'il ne s'agit pas, en effet, dans la présente cause, des rapports du substitué et du substituant l'un envers l'autre; qu'il y est uniquement question de l'exemption que le fils aîné servant ou ayant servi par substitution procure à son frère puiné, et qu'à cet égard les articles 94, § MM, et 95 de la loi de 1817 mettent le service fait par substitution absolument sur la même ligne que le service fait par remplacement;

Attendu que l'interprétation admise par l'arrêté attaqué est d'autant moins admissible que, dans certains cas, elle amenerait des résultats iniques diamétralement opposés à la volonté expresse du législateur; qu'en effet, dans le cas possible d'après cette interprétation où les deux aînés d'une famille de quatre fils ont été désignés pour le service et ont fourni des substituants morts au service, les deux plus jeunes devraient encore servir si le sort les désignait pour le service, de sorte que tous les fils d'une même famille pourraient être appelés au service contrairement au principe fondamental consacré par les lois de 1817 et 1820, qui ne permet pas d'appeler au service plus de la moitié des fils d'une même famille ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté attaqué a expressément contrevenu aux articles 94, § MM, 95 de la loi du 8 janvier 1817 et 22 de celle du 27 avril 1820;

Par ces motifs, statuant chambres réunies, casse et annule l'arrêté de la députation permanente du conseil provincial de la Flandre orientale du 23 juillet 1851 ; ordonne que le présent arrêt soit transcrit sur les registres de ladite députation et que mention en soit faite en marge de l'arrêté annulé; renvoie la cause devant la députation permanente du conseil provincial du Hainaut pour, après que la loi aura été interprétée par le pouvoir législatif, y être statué sur l'appel interjeté par le demandeur de la décision du conseil de milice de l'arrondissement de Courtrai, du 19 mars 1851.

Du 12 novembre 1851. Ch. réunies.Prés. M. De Gerlache, 1er prés. Rapp. M. Fernelmont.- Conclusions M. Leclercq, proc. gén.

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1o Les jugements et arrêts militaires sont, comme les arrêts des Cours d'assises, susceptibles de demande en révision. (C. cr., art. 445.)

20 Au cas où la Cour de cassation, par suite d'une demande en révision, annule des jugements militaires, ce n'est pas à la juridiction civile mais aux tribunaux militaires que le renvoi doit être fait. Spécialement: Lorsque, au même cas, la Cour casse un arrêt de la Cour militaire et un jugement prononcé par un conseil de guerre, c'est à la Cour militaire, autrement composée, que le renvoi a lieu (1).

(LE PROC. GÉN. A LA COUR DE CASSATION,

C. DOTHÉE ET VERREKKEN.)

Le réquisitoire de M. le procureur général Leclercq faisant suffisamment connaitre les faits; nous nous dispensons de les rapporter.

Le réquisitoire de M. le procureur géné ral était ainsi conçu :

(1) Voyez pour les autorités, sur les deux questions, le réquisitoire de M. le procureur général Leclercq.

à l'audience, a ajouté à ce réquisitoire les considérations suivantes :

« Attendu que, par lettre du 29 août 1851, M. le ministre de la justice l'a chargé, conformément à l'art. 445 du C. d'inst. crim., de dénoncer à la Cour de cassation un jugement du conseil de guerre de la province de Liége, rendu le 14 février 1831, et un arrêt de la Cour militaire, rendu le 2 août suivant;|bilité de la demande en revision des con

« Attendu que, par le jugement du 14 février, coulé en force de chose jugée, PierreJoseph Dothée, né à Bruxelles, a été condamné pour avoir, à Huy, le 7 janvier 1851, déserté une seconde fois du régiment de chasseurs-carabiniers, infraction punie de peines criminelles ;

« Attendu que, par l'arrêt du 2 août, Pierre Isidore Verrekken, né à Waelhem (Anvers), a été condamné pour avoir, à Huy, le 7 janvier 1851, déserté une seconde fois du régiment de chasseurs-carabiniers;

«Attendu que cet arrêt constate en même temps que ledit Verrekken servait alors dans ce régiment sous le nom de Pierre-Joseph Dothée, qu'il s'y était engagé en faisant usage des papiers de ce dernier, et que la condamnation auparavant prononcée sous ce nom pour première désertion l'avait été à sa charge;

« Attendu qu'il résulte de ces faits que la seconde désertion du chef de laquelle PierreJoseph Dothée a été condamné par le jugement du conseil de guerre de Liége n'est autre que celle dont Joseph-Isidore Verrekken a été déclaré l'auteur, par l'arrêt de la Cour militaire;

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« Qu'il suit de là que deux accusés différents se trouvent condamnés, chacun comme unique auteur d'un seul et même crime, qu'en conséquence, ces condamnations ne pouvant se concilier, et étant la preuve de l'innocence de l'un ou l'autre condamné, il y a lieu de procéder à leur révision en exécution de l'art. 443 prérappelė;

«Par ces motifs, requiert qu'il plaise à la Cour casser le jugement rendu par le conseil de guerre de la province de Liége, le 14 février 1851, à charge de Pierre-Joseph Dothée, casser également l'arrêt rendu par la Cour militaire, le 2 août suivant, en ce qu'il prononce des condamnations à charge de Joseph-Isidore Verrekken, et renvoyer les accusés devant la Cour militaire composée d'autres juges, pour être procédé sur les accusations, qui ont été l'objet des condamnations respectivement prononcées contre eux. Fait au parquet, le 30 août 1851, signé M. N. J. Leclercq, etc. »

«Nous croyons utile, pour prévenir tout doute, d'ajouter à notre réquisitoire quelques considérations sur deux points qu'il tient pour constants, d'abord sur la receva

damnations criminelles prononcées par la juridiction militaire, puis sur la Cour ou le tribunal devant lequel doivent être renvoyées les affaires après l'annulation des décisions dénoncées de ce chef;

«La recevabilité de la demande en révision ne pourrait être mise en question qu'à cause des termes dans lesquels sont conçues les dispositions du Code d'instruction criminelle dans toutes ces dispositions la loi fait mention des Cours d'assises; les demandes en révision de condamnations pour crime, dont elle y trace les règles, portent sur les arrêts de ces Cours; tout au plus pourrait-on voir dans l'art. 445 les Cours spéciales aujourd'hui abolies, indiquées en même temps que les Cours d'assises par le mot Cours, puisque cet article, relatif comme les autres aux arrêts pour crimes, suppose des arrêts rendus sur actes d'accusation ne concernant que les accusés de crimes renvoyés à ce titre devant les Cours d'assises ou les Cours spéciales.

« Aux Cours d'assises, et à la rigueur dans un seul cas, aux Cours spéciales semble donc au premier aborc se réduire la faculté de la révision.

«Mais pour peu que l'on réfléchisse à la nature des cas dans lesquels la loi l'accorde, pour peu que l'on fasse attention à la forme de ses dispositions et aux motifs qui ont pu déterminer cette forme, l'on s'aperçoit qu'il est moralement impossible de restreindre la demande de révision aux arrêts des Cours d'assises et des Cours spéciales; que s'il y avait quelque différence à faire entre ces arrêts et ceux d'autres juridictions, ce serait plutôt dans un sens contraire, et que les termes de ses dispositions présentent moins une restriction réelle qu'une apparence de restriction clairement expliquée par le système de nos institutions judiciaires en matière criminelle.

"Une condamnation pour crime doit être annulée et une nouvelle instruction doit s'ouvrir sur l'action publique qui y a donné lieu, dans trois cas seulement, lorsque deux personnes différentes ont été condamnées chacune comme unique auteur du même crime et qu'il est impossible que l'une soit M. le procureur général, portant la parole coupable sans que l'autre soit innocente,

lorsqu'une personne a été condamnée comme coupable d'homicide et que l'existence de la prétendue victime a depuis été reconnue, enfin lorsque parmi les témoins à charge, sur les dépositions desquels une condamnation a été prononcée, il s'en trouve qui depuis ont été condamnés pour faux témoignage dans cette affaire.

La loi a reconnu que l'on ne pouvait sans une iniquité flagrante refuser dans ces trois cas la révision des procès criminels, elle n'a pas été arrêtée par le danger toujours grave de remettre en question la chose jugée; il y eut eu danger si comme sous l'ancienne législation française elle avait accordé une faculté illimitée de révision quelle qu'en fût la cause; mais renfermée comme elle l'est aujourd'hui dans trois cas, dont deux signalent une erreur incontestable, et dont le troisième signale la fausseté, incontestable aussi, de quelques-uns des éléments de preuve, sur lesquels une condamnation a été prononcée, la révision était une nécessité et loin d'ébranler l'autorité de la justice elle ne pouvait que lui donner plus de force.

C'est ce caractère de la révision, telle qu'elle est organisée, c'est ce caractère de nécessité, qui ne permet pas d'en exclure les condamnations pour crime émanées de la juridiction militaire; la loi proclame que, rendue dans certaines circonstances, une condamnation pour crime atteint un innocent, ou atteint un accusé du chef d'un fait, qui n'existe pas, elle proclame que dans une autre circonstance une condamnation pour crime a été rendue sur des preuves, dont quelques-unes sont fausses, elle reconnatt que la conséquence nécessaire d'un pareil événement est l'annulation de la sentence de condamnation suivie d'un nouveau jugement, et elle n'appliquerait pas cette conséquence à toute condamnation, quoiqu'elle soit vraie pour toutes, et elle l'appliquerait seulement aux condamnations émanées des Cours d'assises, quoique ces Cours forment la juridiction ordinaire, entourée de toutes les formes propres à garantir la découverte de la vérité; elle l'appliquerait à ces Cours seulement, quoique auparavant et précisément à cause de l'autorité morale qui leur appartient, elle avait proscrit d'une manière absolue la révision de leurs arrêts, elle ne ferait exception à cette application restreinte que pour les Cours spéciales et même que pour un seul cas, celui de l'art. 443; pour les juridictions autres que les Cours spéciales et même pour ces Cours en dehors du cas unique de l'article 443, elle la répousserait, quand précisément la nécessité s'en ferait PASIC., Ire PARTIE. 1852.

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le plus vivement sentir et en réclamerait peut être l'application à de plus nombreux cas, à cause de l'inexpérience juridique de la plupart de leurs membres et des formes expéditives de leur procédure; il y aurait dans des dispositions ainsi entendues, et une impossibilité morale et une contradiction, que des termes expressément exclusifs pourraient seuls faire admettre ; et ces termes ne s'y rencontrent pas la loi, il est vrai, ne fait mention que des Cours d'assises ou tout au plus dans un seul cas des Cours spéciales et de leurs arrêts; mais elle ne dit nullement que la révision n'aura lieu que pour les condamnations prononcées par ces Cours; elle ne parle d'elles que sous la forme d'une hypothèse et cette hypothèse s'explique naturellement par la circonstance que la révision n'est pas admise pour les condamnations correctionnelles ou de simple police, la grâce suffisant à la réparation du mal là où il n'y a ni peine afflictive ni peine infamante; qu'elle n'est admise que pour les condamnations criminelles; qu'en thèse générale ces condamnations sont prononcées par les Cours d'assises; que dans le système de nos institutions judiciaires, ces Cours sont la juridiction ordinaire en matière de crimes, et qu'ainsi l'indication, qu'en fait la loi, est l'expression même de la nature criminelle des procès, objet de la révision, plutôt que la désignation d'une juridiction déterminée; telle en est la seule signification raisonnable, et nous devons ajouter, eu égard aux limites dans lesquelles est renfermée la révision, telle en est la seule signification possible et exempte de contradiction. Cette indication des Cours d'assises ne peut donc présenter à l'esprit aucune idée d'exclusion; elle est démonstrative et non restrictive; la restriction qu'elle semble accuser au premier abord est purement apparente, et partant la demande, dans l'espèce, est recevable.

Ces considérations sont confirmées par l'exposé des motifs fait au nom du gouvernement au corps législatif et par le rapport de la commission de législation de ce corps sur le chapitre des demandes en révision; l'orateur du gouvernement, après s'être expliqué sur la troisième cause de révision, le faux témoignage, reconnaît que là il n'y a point erreur évidente dans la condamnation, parce que, dit-il, «< il est strictement possible « que le faux témoignage n'ait pas seul dicté « la déclaration du jury devant les Cours «< criminelles », puis il ajoute, prévoyant une déclaration non émanée d'un jury « ou << formé l'opinion des juges dans les matières

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<«< qui leur sont spécialement réservées. »

De son côté le rapporteur de la commission de législation, après l'explication des principes de la loi et de la nécessité, qui en résulte dans les cas prévus par elle, d'autoriser la révision, quoique l'arrêt ait été rendu sur une déclaration du jury, ajoute « et ce que nous disions des jurés, on peut « l'appliquer aux juges composant les Cours

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spéciales; il ne parle, à la vérité, que des Cours spéciales, mais il en parle en y étendant les dispositions de la loi sur tous les cas de révision, tandis que si elles étaient restrictives et non démonstratives, elles ne pourraient s'y étendre que pour un seul cas.

Nous n'insisterons pas davantage après ces citations et nous passerons à la question de savoir devant quelle juridiction l'affaire doit être renvoyée, dans l'espèce, après l'annulation des décisions qui vous sont dénoncées.

Cette question se divise en deux :

L'affaire doit-elle être renvoyée devant la juridiction civile, c'est-à-dire, devant une Cour d'assises ou devant la juridiction militaire?

Nous avons dit dans notre réquisitoire qu'elle doit être renvoyée devant la juridiction militaire, et non devant un conseil de guerre, mais devant la Cour militaire.

Le choix entre la juridiction militaire et la juridiction civile nous a paru devoir être déduit des dispositions du Code d'instruction criminelle expliquées par ellesmêmes et indépendamment de toute législation antérieure.

Il n'en existait en effet plus aucune depuis un grand nombre d'années lorsque ce Code a été publié; la révision était alors prohibée d'une manière absolue, et la légis lation ancienne abolie dès les premiers temps de la révolution de 1789 différait du tout au tout des règles nouvelles; cette législation admettait la révision dans tous les cas d'erreur et de nullité et non, comme aujour d'hui, dans quelques cas rares dont la nature rend la nouvelle instruction, dont l'arrêt de renvoi doit être suivi, beaucoup plus simple qu'elle ne l'était lors du premier jugement; elle ordonnait le renvoi non comme aujourd'hui devant une autre Cour que celle qui avait prononcé la condamnation, mais de vant la Cour même qui l'avait prononcée; telle était la règle positive consacrée par l'art. 9, tit. XVI de l'ordonnance criminelle du mois d'août 1670, et cette règle ne disposait pas seulement pour les juridictions ordi

naires, elle disposait sans distinction aucune entre elles et les nombreuses juridictions spéciales qui autrefois en France prononcaient des condamnations pour crimes; nous en avons compté jusqu'à treize ; pour deux seulement, suivant Jousse, Bornier et l'ancien répertoire, pour les présidiaux et les prévôts des maréchaux ('), la règle n'était pas suivie; mais ce n'était point parce qu'une exception y avait été apportée, l'ordonnance criminelle n'en contenait aucune, elle était générale et nous n'en trouvons aucune non plus dans les ordonnances antérieures ou postérieures; c'était, ainsi que l'explique Bornier en rappelant la déclaration faite à ce sujet par le premier président de Lamoignon sur l'art. 12 du titre XVI en ses conférences, c'était parce que dans ces deux cas il y avait plutôt appel que révision; aussi n'était-ce pas devant les tribunaux ordinaires que la condamnation était renvoyée pour élre révisée, c'était ou devant une Cour d'appel, devant le parlement ou devant la Cour de cassation, devant le conseil qui alors tenait lieu de cette Cour.

Une législation si différente de la nôtre et qui d'ailleurs était abrogée depuis plus de vingt années quand le Code d'instruction criminelle a été mis en vigueur, n'a pu servir de guide aux savants jurisconsultes chargés de rédiger les nouvelles dispositions de ce Code sur la révision; c'est ce qui faisait dire à l'orateur du gouvernement dans l'exposé des motifs de la loi, que tout y était nouveau (Locré, Code d'inst. crim., article 443 et suiv. VII, 1o), et au rapporteur de la commission du corps législatif, que cette matière est en quelque sorte neuve dans la législation, qui a formé l'institution du jury (Locré, Code d'instruction criminelle, 443 et suiv. VIII, 6); aussi n'insistons-nous sur ce point que parce qu'un écrivain estimė, Carré, seul du reste de son avis, a cru pouvoir faire appel à cette législation, pour soutenir, dans le cas où il y a lieu de réviser une condamnation pour crime prononcée par une juridiction spéciale, que le renvoi doit en être ordonné devant la juridiction ordinaire, en matière criminelle, c'est-à-dire, devant une Cour d'assises. Ne s'attachant qu'à ce qui se passait autrefois pour les condamnations criminelles prononcées par les présidiaux et les prévôts des maréchaux, généralisant ces deux cas pour établir qu'on

(1) Ordonnance criminelle d'août 1670, tit. XVI; Jousse, Traité de la justice criminelle; Bornier, Conférence des ordonnances de Louis XIV.

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