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suppose également des droits préexistants, et l'arrêté du 7 thermidor an xi, en effet, attribue ces droits aux fabriques en portant, article 1er, non qu'on pourra rendre les biens, mais que les biens sont rendus : dişposant sur cet état de choses, l'avis se borne à interdire aux fabriques de se remettre désormais en possession par elles-mêmes; il n'a donc d'autre but que de prévenir les abus de ce mode de procéder; il ne touche donc aucunement au droit, il ne concerne que le fait; c'est de la possession qu'il parle; il ne dit rien de la propriété; c'est sur l'une, el non sur l'autre, qu'il appelle l'action des préfets; ils sont, s'il est permis de s'exprimer ainsi, ils sont juges du possessoire, ils ne le sont point du pétitoire; voilà les limites. dans lesquelles les termes de l'avis renferment la mesure; dans ces limites la possession de laquelle seule parle l'avis est l'exécution de la loi, la justice n'a pas à y intervenir, elle appartient à l'autorité administrative; la propriété, la vérification du titre, la reconnaissance du droit en cas de contes. tation, en est l'application, elle reste l'attribut de la justice dont les décisions doivent guider l'autorité administrative dans l'exécution comme la guideraient les titres de propriété s'ils n'étaient pas contestés; telle est la conséquence qui dérive des termes de l'avis et de la distinction qu'ils comportent. Ainsi entendu, il n'est, comme l'a dit la Cour d'appel de Liége, qu'une mesure d'ordre qui, publiée ou non, n'a pu ni enlever à la demanderesse la faculté d'interrompre la prescription, ni par suite être l'objet d'une contravention de la part de celle Cour.

La demanderesse soutient, en troisième lieu, que les arrêtés du 7 thermidor an x1 et du 28 frimaire an xi n'ont pas rendu de plein droit les fabriques propriétaires de leurs biens; que l'Etat en restait saisi nonobstant ces arrêtés; que cette saisine ne cessait que par un envoi en possession; que jusque-là elles n'étaient pas propriétaires, que ce titre, avec les droits qu'il comprend, appartenait au domaine, et qu'en conséquence elles ne pouvaient agir judiciairement en reconnaissance de leur droit, ni par suite interrompre une prescription de ce chef; la demanderesse déduit cette proposition, non-seulement des arrêtés de thermidor et de frimaire, mais encore d'un grand nombre d'autres dispositions, et elle en conclut que l'arrêt attaqué y a contrevenu en admettant en elle la possibilité d'interrompre la prescription.

Le moyen, sous ce rapport, est directement contraire au principe même de l'action

en revendication de la demanderesse; elle exerce cette action en vertu du droit de propriété qui résulte pour elle des arrêtés du 7 thermidor an XI et du 28 frimaire an xu, et le moyen dirigé contre l'arrêt qui la repousse est tiré au contraire de ce que ces arrêtés ne lui conféraient aucune propriété, que cette propriété restait aux mains de la régie des domaines, jusqu'à ce qu'un acte de l'autorité administrative l'en eût dessaisie pour l'en investir elle-même ; or, s'il en est ainsi, elle n'est pas encore aujourd'hui propriétaire, les arrêtés de thermidor et de frimaire ne sont pas un titre pour elle, la régie des domaines est demeurée propriétaire, et aucune action en revendication contre elle n'est possible; le moyen renverse donc le principe de son action, et par une conséquence nécessaire il est non recevable. Du reste, examiné en lui-même, il n'est pas plus fondé qu'il n'est recevable. Ici encore la demanderesse confond la propriété et la possession; certes, nonobstant les arrêtés du 7 thermidor an XI et du 28 frimaire an XII, l'Etat restait saisi des biens rendus; il appartenait à l'autorité administrative de pourvoir à l'exécution de ces arrêtés par la remise des biens et des titres aux fabriques; celles-ci ne pouvaient pas, de leur autorité privée, mettre la main, pour se l'approprier, sur tout bien qu'elles trouveraient convenable de considérer comme leur propriété; elles devaient recourir pour cet effet à l'autorité chargée de l'exécution de la loi; jusque-là le débiteur d'un fermage ou d'une rente, et tel était le cas des arrêts de la Cour de cassation de France cités à l'appui du pourvoi, ne pouvait avoir à le leur payer et ne pouvait être poursuivi par elles à cette fin; voilà ce qui résulte des lois invoquées à l'appui de cette partie du moyen, mais il n'en résulte que cela, et si dans les motifs d'un seul de ses arrêts, celui de 1859, la Cour de cassation de France a laissé échapper un mot qui semble les étendre plus loin, elle ne l'a fait que par une pétition de principe, une confusion de deux choses distinctes; l'exécution seule a été laissée par ces lois à l'administration, c'était naturel; mais cette exécution ne comporte que la remise de la possession qui, en conséquence, est restée aux mains de la régie des domaines jusqu'à ce qu'elle eût été effectuée; elle ne comporte aucunement le jugement du droit ou de la propriété quand elle est contestée, c'est là l'œuvre de l'application, et partant de la justice; elle ne comporte aucunement non plus la tenue en suspens de la transmission de la propriété; le droit existe et opère

indépendamment du fait; et il ne se trouve, en effet, pas dans ces lois un mot qui la laisse au domaine ou en confie le jugement à l'autorité chargée de l'exécution; les termes formels des arrêtés de thermidor et de frimaire reportent au contraire la propriété de leurs anciens biens sur le chef des fabriques, et nulle disposition d'autres lois ne les a modifiés en ce point; avec cette propriété par conséquent est aussi passé sur leur chef le droit inhérent à toute propriété, le droit pour le propriétaire de recourir à la justice quand elle est contestée, et l'autorité administrative n'a conservé d'action que sur le fait de l'exécution toujours subordonnée à l'appréciation du droit qui ressortit à une autorité différente.

Nous l'avons fait remarquer tantôt, l'article 1er de l'arrêté du 7 thermidor an XI, le point de départ de toute l'argumentation du moyen, ne dit pas que les biens seront rendus, ce qui, à la rigueur, eût pu laisser des doutes sur le retour immédiat de la propriété, il dit positivement que les biens des fabriques non aliénés sont rendus à leur destination; et cette destination, quelle estelle? c'est la fabrique elle-même, personnification civile du culte dans sa partie maté rielle essentiellement liée à sa partie spirituelle; telle est donc la loi; les biens des fabriques sont rendus; l'effet est actuel, immédiat; la propriété leur en fait retour; le domaine de l'Etat peut bien la détenir encore, mais il n'y a plus aucun droit; ce droit est placé désormais sur un autre chef; l'exécution qui fait cesser la possession du domaine de l'Etat doit, il est vrai, en être effectuée par l'autorité même à qui toute exécution appartient; mais elle ne peut la refuser; une fois le droit acquis, il est hors de son domaine; et par cela même si elle le conteste, le jugement ne lui en appartient plus.

En présence d'une disposition ainsi conçue disparait celte confusion qu'a faite la demanderesse entre la possession et la propriété, entre l'exécution et l'application de la loi, entre le pouvoir de l'administration et le pouvoir de la justice, et il n'y a plus rien à induire des autres dispositions invoquées par elle, la Cour d'appel de Liége les a laissées intactes en jugeant comme elle l'a fait.

Elle invoque les articles 5 et 4 de la loi du 28 pluviose an vIII; ces articles ne contiennent rien qui ait rapport à la question, à moins que l'on ne considère comme telle la disposition de l'article 4, qui charge les

;

conseils de préfecture de prononcer sur le contentieux des domaines nationaux ; mais en supposant que cette disposition put porter sur les contestations de la nature de celle dont il s'agit, il n'en résulterait qu'une chose, c'est qu'elles eussent été de la compétence d'une juridiction spéciale qui avait ses formes propres dont il échéait appel devant une juridiction supérieure également spéciale, le conseil d'Etat, et qui était tellement une juridiction véritable et de première instance, qu'en 1816, lorsqu'elle a été abolie, les appels de ses décisions portés devant le conseil d'Etat ont été directement reportés devant les Cours (1) supérieures de justice comme jugées en première instance.

Elle invoque, outre l'article 1er, les articles 2, 3 et 5 de l'arrêté du 7 thermidor an xi; nous avons vu ce qu'était l'art. 1er; les articles 2, 3 el 5 ne font qu'en confirmer la portée; l'article 1er reconstituait la propriété des églises; leur droit renaissait du jour où paraissait la loi; mais plusieurs de ces églises avaient été supprimées, le culte pourtant auquel elles servaient ne l'avait pas été, il se trouvait reporté dans les églises conservées dans l'arrondissement desquelles elles étaient situées ; ces églises, leurs fabriques, représentaient ainsi le culte autrefois divisé; et de là cette conséquence que les biens des fabriques rendus à leur destination se trouvaient la propriété de celles-ci; mais un doute aurait pu s'élever; l'article 2 est destiné à le prévenir, et ses termes correspondent parfaitement avec l'article précédent; il n'y est pas dit que les biens des églises supprimées sont également rendus ; c'était inutile, ils venaient de l'être par l'article 1er; il suffisait d'exprimer l'effet de cette restitution, c'est-à-dire la réunion, et c'est ce que fait l'article 2 en portant que ces biens seront réunis aux biens des églises conservées; les articles 5 et 5 achèvent cette œuvre de la loi en constituant du moment même l'administration chargée de la gestion des biens rendus; il n'y a donc rien à induire de ces articles, et nous en dirons autant de l'arrêté du 28 frimaire an XII, invoqué sans doute comme l'accompagnement nécessaire de celui de thermidor, car il ne fait qu'en étendre les dispositions à certaines espèces de biens qu'il aurait pu sembler ne pas comprendre.

Avec ces deux arrêtés l'on invoque les

(') Voy, un arrêt de la Cour de cassation, du 18 nov. 1842 (Bull., 1845, p. 58 ).

articles 75 et 76 de la loi du 18 germinal an x, ainsi que les décrets du 11 prairial an xi et du 30 septembre 1807, sans dire précisément en quoi la Cour d'appel a pu y contrevenir; on se borne à dire qu'il résulte de leur combinaison avec les arrêtés de thermidor an x et de frimaire an XII que les fabriques n'ont pu devenir propriétaires en vertu de ces arrêtés, et que le préfet restait juge de leur droit en même temps que chargé de leur faire délivrer les biens; l'on ne peut tirer une semblable conséquence de ces dispositions, qu'en prétendant qu'en l'an xi il n'existait pas encore d'églises qui pussent redevenir propriétaires des biens rendus, que leur existence, et par suite la reconstitution de leurs propriétés, dépendaient de l'autorité administrative; qu'ainsi, jusqu'ores, aucun droit d'action en justice n'existait dans leur chef, tout était subordonné à l'administration; mais, loin que tel fut alors l'état des choses, les dispositions mêmes qu'on invoque prouvent le contraire au mois de thermidor an xi, deux ans après le concordat, un an et demi après la loi du 18 germinal an x, le culte catholique était rétabli; c'est ce qui résulte de l'arrêté même du 7 thermidor, qui appelle les curés et les desservants à intervenir dans la gestion des biens rendus, et établit les corps chargés de cette gestion; c'est ce qui résulte également du décret du 11 prairial an XII, qui ordonne de procéder à une nouvelle circonscription des succursales; supposant par cela même l'existence actuelle de circonscriptions et, par elles, l'existence du culte et des églises, ce mot pris, non dans le sens inatériel de l'édifice, comme le fait la demanderesse, en invoquant l'article 75 de la loi du 18 germinal, mais dans le sens de chaque communauté paroissiale. Tout ce qu'on peut induire des changements dont les circonscriptions étaient susceptibles, c'est qu'il y avait lieu à des mesures administratives pour le partage entre les nouvelles paroisses des biens attribués aux anciennes paroisses changées depuis cette attribution, mais nullement que ces paroisses n'existaient pas, ni par conséquent qu'elles n'avaient pu recouvrer la propriété des biens à elles rendus, et ne pouvaient pas agir en cas de refus de restitution de tel ou tel bien. Le moyen ici porte donc à faux. Il en est de même pour deux autres articles qu'il invoque encore, l'article 36 du décret du 50 décembre 1809 et l'article 1052 du C. de proc. civ.; l'un énumère les biens qui font partie du revenu des fabriques, l'autre prescrit aux communes et aux établissements PASIC., 1852. 1re PARTIE.

publics de se conformer aux lois administratives pour former une demande en justice; le premier comprend parmi les biens des fabriques les biens qui leur ont été restitués, mais ne dit nullement que cette restitution a dépendu en droit pour chaque bien d'un acte de l'autorité administrative, il dit même le contraire en distinguant ces biens de ceux qui leur ont été affectés par des décrets particuliers et de ceux qui avaient été celés au domaine et dont elles ont obtenu l'envoi en possession; l'article du Code de procédure civile, loin de repousser le droit d'agir, suppose au contraire ce droit dans les communes et dans les établissements publics.

Aucune contravention n'a donc pu être commise de ce chef, pas plus que des autres, et le moyen, sous ce troisième rapport, doit être écarté.

La demanderesse prétend, en quatrième lieu, que l'article 4 de la loi du 27 pluviose an VIII élevait un nouvel obstacle à toute action de sa part en chargeant les conseils de préfecture de prononcer sur le contentieux des domaines nationaux.

tie

Nous avons déjà vu, en examinant la troisième partie du moyen, qu'il n'y avait nul obstacle semblable dans cette loi, puisqu'elle établissait au contraire une juridiction véritable, quoique spéciale, et qu'ainsi, en supposant qu'il y eût ici contentieux des domaines nationaux (1), elle ouvrait à l'action de la demanderesse une voie dont elle

pouvait profiter.

Le moyen, sous ce quatrième rapport, n'est donc pas plus fondé que sous les trois précédents.

La demanderesse présente encore comme un obstacle à toute action de sa part, et conséquemment comme un obstacle à la prescription admise contre elle, l'art. 148 de la loi fondamentale de 1815 et l'arrêté royal du 19 août 1817: l'article 148 charge les états provinciaux du soin de concilier les différends des autorités locales, sauf à les soumettre au roi s'ils ne peuvent y parvenir; l'arrêté royal ordonne aux fabriques d'adresser au gouvernement leurs réclamations tendantes à l'envoi en possession des biens rendus par arrêté du 7 thermidor an XI ou à la confirmation de cette possession, suspend toutes procédures jusqu'à sa décision sur ces réclamations.

(1) Sur le contentieux des domaines nationaux voy. le Rép. de jur. de Merlin, à ce mot.

11

Nous pensons que l'article 148 de la loi fondamentale de 1815 n'est pas applicable à une fabrique d'église vis-à-vis de la régie des domaines, et que si l'arrêté de 1817 présentait un obstacle à l'action de la demanderesse, et a suspendu en conséquence la prescription qui courait contre elle, cet obstacle n'a pas été assez fort et la durée de la suspension de prescription n'a pas été assez longue pour l'empêcher de s'accomplir.

L'article 148 de la loi fondamentale ne concerne que les autorités locales, et cette qualification n'appartient ni à une fabrique d'église ni à la régie des domaines.

Quant à l'arrêté de 1817, il a eu pour but, non pas d'empêcher les procès que l'arrêté du 7 thermidor an xi pouvait susciter entre les fabriques et la régie des domaines, mais de les empêcher autant que possible (tels sont les termes restrictifs du préambule); il a par conséquent eu pour but de pourvoir à l'exécution de cet arrêté dans les limites du pouvoir d'exécution propre au roi, et qui sont par cela même les limites de la possibilité dans lesquelles il se renferme.

Disposant dans ce but, le roi se réserve d'abord de confirmer les mises en possession des fabriques qu'il reconnaîtra légitimes, et de les réintégrer dans les biens restés en mains de la régie des domaines qu'il reconnaîtra devoir leur être restitués; c'est là un acte d'exécution qui ne porte atteinte aux droits d'aucune personne, soit naturelle, soit civile, et qu'il lui appartient de poser. Prévoyant ensuite le cas où il ne trouverait pas établies les réclamations ou les mises de possession des fabriques, il arrête son action; il comprend qu'un rejet porterait sur un droit civil contesté et propre à une tierce personne; que ce rejet n'est plus du domaine de l'exécution, qu'il est du domaine de l'application de la loi ou, en d'autres termes, appartient au pouvoir judiciaire, et il déclare que son intention est d'en renvoyer la connaissance aux tribunaux pour être prononcé par eux contradictoirement entre le domaine et la fabrique intéressée.

Lors donc que ce cas se présente, lorsque le roi vient à reconnaître que les réclamations d'une fabrique ne sont pas suffisamment justifiées et qu'il le déclare, l'intention | exprimée dans l'arrêté de 1817 se réalise. le recours aux tribunaux est ouvert, et par suite la suspension qu'avait apportée à une prescription commencée l'obligation imposée à la fabrique d'attendre la décision du roi vient à cesser.

La demanderesse, afin d'échapper à cette

conséquence, prétend qu'il a fallu, pour qu'elle pût agir en justice, un acte spécial exprès de renvoi devant les tribunaux, qu'à défaut de cet acte la simple déclaration du roi, que ses réclamations n'étaient pas établies, ne lui laissait aucun recours vers eux, que tel est le sens de la disposition de l'arrêté portant notre intention est de renvoyer, etc.; mais c'est là donner à ces mots un sens qu'ils ne peuvent avoir; le roi ne se réserve pas de renvoyer ou de ne pas renvoyer devant les tribunaux dans le cas prévu; il ne dit pas que dans ce cas il pourra renvoyer devant eux, s'il le trouve convenable; il dit encore moins que sans un renvoi exprès les fabriques dont il aura écarté les réclamations comme non établies ou comme moins bien établies ne pourront agir en justice; il exprime dès à présent une intention de renvoyer chaque fois que ce cas arrivera; ce renvoi pour lors existera en verlu même de la disposition de l'arrêté de 1817 jointe à la déclaration faite par lui qu'il trouve la légitimité des réclamations ou des mises en possession moins bien établies; par cette déclaration, et en vertu de l'arrêté de 1817, les fabriques se trouveront replacées dans la position où elles étaient avant que l'arrêté n'eût été porté; elles se trouveront dans la position où elles sont pour toutes leurs autres affaires contentieuses; le recours aux tribunaux leur sera ouvert selon les règles de la procédure, soit générales, soit spéciales aux établissements publics; voilà le sens de la disposition de l'arrêté, et ce qui le confirme, c'est son principe même, l'incompétence du pouvoir exécutif pour prononcer sur des droits civils contestés, principe qui n'admet qu'une mesure générale telle que celle de l'arrêté, et qui ne peut dépendre d'arrêtés spéciaux dont la spécialité suppose la faculté de renvoyer ou de ne pas renvoyer; ce qui confirme encore ce sens de la disposition, c'est l'article 4 de l'arrêté qui en dérive, et par lequel le roi se borne à suspendre les procédures actuellement pendantes, ce qui implique qu'elles pourront reprendre leur cours ultérieurement. L'on ne conçoit pas d'ailleurs qu'il eût pu en être autrement à l'égard de véritables personnes civiles sous l'empire d'une loi fondamentale qui (article 165) déclare exclusivement du ressort des tribunaux les contestations sur la propriété et les droits qui en dérivent; c'eût été une violation flagrante de cet article, et il faudrait, pour y croire, des termes dont la clarté repoussât toute interprétation diffé

rente.

Une fois donc que le roi a déclaré des réclamations de fabriques moins bien établies, l'accès des tribunaux se rouvre pour elles comme il est ouvert pour leurs autres affaires contentieuses, et elles peuvent y recourir, soit en reprenant les poursuites suspendues jusqu'à la décision royale intervenue, soit en les introduisant directement si elles ne l'avaient déjà été. C'est ce qui est arrivé dans l'espèce; la fabrique demanderesse s'était conformée à l'arrêté, elle avait adressé au gouvernement ses réclamations, le roi a prononcé sur elles en 1820; il les a rejetées; l'arrêt attaqué le constate; plus tard la demanderesse a réclamé encore, et en 1827, il lui a été répondu qu'il avait déjà été statué en 1820 sur ses réclamations, et cette décision de 1820 lui a en même temps été notifiée, nous ignorons si c'était pour la première ou pour la seconde fois; à l'une

s'est donc rouvert pour la demanderesse et toute suspension de prescription a cessé; nous ne rechercherons pas à laquelle des deux l'on doit s'attacher; il importe peu, car la plus nouvelle, celle de 1827, a laissé encore à la prescription le temps de s'accomplir; le titre de la prescription en effet a été promulgué le 25 mars 1804; depuis ce jour jusqu'au 11 mars 1847, date de l'assignation en revendication de la demanderesse, il s'est écoulé quarante-sept ans moins quatorze jours; si l'on retranche de cet espace de temps celui qui s'est écoulé depuis le 19 août 1817 jusqu'au 19 septembre 1827, c'est-à-dire dix ans et un mois, il reste trente-trois ans moins un mois et quatorze jours, ce qui, déduction faite de l'interruption produite par la réclamation présentée en vertu de la loi de 1790, forme, aux termes de l'article 2281 du C. civ., plus que le temps de la prescription, en supposant qu'au 25 mars 1804 il restât à courir plus de trente années.

Le moyen, sous ce rapport, n'est donc pas plus fondé que sous les précédents.

La demanderesse termine en tirant de l'impossibilité d'agir où elle prétend s'être trouvée cette conséquence que les réclamations administratives formées par elle équivalent aux actes interruptifs de la prescription, tels qu'ils sont définis dans le Code civil, et qu'en ne leur attribuant pas cette valeur, qu'en accueillant l'exception de prescription opposée par le défendeur à son action, la Cour d'appel de Liége a contrevenu aux dispositions de ce Code sur la matière; elle ajoute qu'en tout cas la possession de la régie des domaines a son origine dans la

violence, et par conséquent ne peut autoriser aucune prescription.

Le moyen, sous le dernier de ces deux rapports, n'est pas recevable, il n'a pas été employé devant la Cour d'appel; quant au premier, il ne pourrait être fondé qu'autant qu'il le fut sous les précédents, et nous avons vu qu'il ne l'était pas; du moment que pen. dant le temps requis pour prescrire il n'y a pas eu impossibilité d'agir en justice réglée, soit justice ordinaire, soit justice du contentieux administratif, il n'y a pas eu non plus impossibilité de poser des actes juridiques interruptifs de la prescription; de simples réclamations administratives dé nuées de ce caractère n'ont donc pu en tenir lieu, et par suite aucune des dispositions du Code civil sur la prescription n'a pu être l'objet d'une contravention.

Le moyen ne se justifie donc sous aucun rapport; nous estimons en conséquence qu'il doit être rejeté et avec lui le pourvoi, c'est à quoi nous concluons.

ARRÊT.

LA COUR; Sur les sept premiers paragraphes du moyen de cassation, dans lesquels on soutient que la prescription a été interrompue par des réclamations adressées à l'autorité administrative; qu'elle n'a pu courir, vu l'impossibilité d'agir en justice. résultant du défaut d'envoi en possession et d'autorisation de plaider; qu'elle a été suspendue par le sursis décreté sous le gouvernement des Pays-Bas ; qu'enfin la possession n'a pas eu la durée nécessaire pour la prescription, et qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé et faussement appliqué les dispositions suivantes : loi du 5 novembre 1790, titre III, art. 15; Code civil, articles 2242, 2244, 2246, 2247, 2251, 2262 el 2281; Code de procédure, article 1032; arrêtés du 17 ventôse an vi; loi du 5 novembre 1790, titre Ier, art. 1 et 2; loi du 28 pluviose an vin, art. 3 et 4; loi du 29 vendémiaire an v, art. 3; arrêté du 7 thermidor an x1, art. 1, 2, 5 et 5; arrêté du 28 frimaire an XII; loi du 18 germinal an x, articles 75 et 76; avis du conseil d'Etat du 25 décembre 1806, approuvé le 25 janvier 1807; avis du conseil d'Etat, du 25 prairial an xi; décret du 30 décembre 1809, article 36, §§ 1 et 3 et art. 77; arrêté du 19 août 1817, dans toutes ses dispositions; loi fondamentale de 1815, article 148; décret du 11 prairial an xi; décret du 30 sept. 1807; loi du 24 août 1790, titre II, art. 13; loi du

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