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servât par un traité de paix les deux châteaux qui sont de l'ancien domaine de mon royaume. Ainsi je suis persuadé que vous n'oublierez rien encore pour obtenir cette restitution; mais si les Anglais et les Hollandais se servoient toujours du prétexte de la nécessité où ils sont de remplir entièrement les engagemens qu'ils ont pris avec leurs alliés ; que par cette seule raison ils refusassent de convenir des préliminaires d'un traité, et que sa conclusion dépendît absolument de cet article, j'ai déjà fait un si grand sacrifice pour rendre le repos à mes peuples, que je ne voudrois pas en perdre le fruit par cette seule considération ainsi je vous permets de céder les châteaux d'Exilles et de Fenestrelle, s'il est impossible de convenir des préliminaires dont vous traitez sans cette nouvelle condescendance, et si cette seule considération en empêchoit la conclusion.

«Je vous ai déjà donné mes ordres par rapport à la prétendue souveraineté de Charleville; j'y ajouterai seulement que si vous étiez obligé de convenir dans les articles préliminaires de remettre cette principauté au duc de Lorraine, vous devez employer vos soins pour conserver à ceux de mes sujets qui ont des prétentions sur cette terre leurs hypothèques, et pour engager le duc de Lorraine à se charger de les indemniser. Cette condition ne doit cependant point empêcher ni retarder la conclusion de l'affaire importante dont vous êtes chargé.

« Sur ce, etc. Signé Louis; et contresigné Chamillard. »

«< 30 mai.

« M. le marquis de Torcy, la lettre que vous m'avez écrite le 22 et le 23 de ce mois m'a été apportée par le courrier que vous m'avez dépêché. Le compte exact que vous me rendez des conférences que vous aviez eues avec le prince Eugène et le duc de Marlborough, le pensionnaire Heinsius et les députés des Etats-généraux, soit ensemble ou séparément, m'a fait connoître les difficultés extrêmes que yous avez trouvées sur des points qui ne devoient pas être soutenus de la part de mes ennemis; et je vois en même temps que quoique vous n'ayez rien oublié pour faire connoître combien leurs prétentions sont éloignées de la justice, après ce que je veux bien faire pour rétablir la tranquillité dont l'Europe a un si grand besoin, vos raisons solides, et ménagées avec votre sagesse ordinaire, n'avoient pas pu vaincre les obstacles que la passion ou l'intérêt des particuliers apportoient encore à un si grand bien : enfin l'addition de votre lettre me donne lieu de croire que le Pensionnaire et ceux qui ont la principale autorité en Hollande, connoissant toute l'étendue des avantages considérables qui ont été offerts de ma part, n'étoient plus retenus que par leurs égards pour des alliés qui se sont mis en droit de faire dépendre les résolutions de leur république de leurs volontés, et que le premier ministre du gouvernement de Hollande vous avoit engagé à différer encore votre départ, pour donner la dernière main à cet important ouvrage dans une conférence où l'on devoit régler tous les articles préliminaires qui en

doivent faire la matière. Comme elle devoit se tenir le 23; que vous comptiez me dépêcher aussitôt un exprès pour m'informer du succès qu'elle devoit avoir, et qu'il ne m'est rien venu depuis de votre part, j'aurois lieu de craindre que votre courrier n'eût été arrêté en chemin, si je ne jugeois aussi que vous aurez été obligé de discuter même jusqu'aux termes des différens articles que vous aurez eus à rédiger, et qu'ayant à négocier avec des ministres remplis de difficultés, cette discussion peut avoir été longue. J'ai voulu cependant vous avertir par cet exprès, si vous êtes encore en Hollande, que je n'ai point eu de vos lettres depuis celle dont je vous accuse la réception, afin que si vous m'aviez dépêché un courrier, et qu'il eût été enlevé dans son passage, vous pussiez me renvoyer le duplicata des expéditions dont il auroit été chargé.

« Vous devez avoir appris, par une lettre qui vous a été écrite par l'ordinaire le 23, que j'avois fait partir un courrier le 22; et je ne doute pas de votre inquiétude, ne le voyant point arriver. Il n'y avoit point ici de passe-port pour assurer son passage, et j'avois fait adresser ma lettre pour vous au comte de Bergueick, croyant qu'il seroit en état de vous l'envoyer avec sûreté. Comme il n'avoit point aussi de passe-port, et qu'il a cru ne devoir pas risquer de la laisser intercepter, il l'a renvoyée, et c'est celle que vous trouverez dans ce paquet. Vous verrez, par l'un des articles qu'elle contient, que j'avois prévenu ce que vous m'avez marqué de l'obstacle invincible que vous avez trouvé à faire désister ceux qui traitent avec vous sur le point des châteaux d'Exilles et de Fenestrelle, et

que, cédant à la nécessité extrême que mes peuples ont de la paix, j'avois levé encore cet obstacle, qui est l'un des deux qui restoient à régler, en vous permettant de céder sur ce point, s'il étoit impossible de finir autrement l'affaire dont vous êtes chargé, et si cette nouvelle condescendance vous mettoit en état de conclure. Il sera de votre prudence, si vous êtes encore à La Haye lorsque ce courrier arrivera, d'examiner si vous devez vous servir de cette nouvelle extension des ordres que je vous ai confiés aussitôt que cette lettre vous sera parvenue; et vous n'en devez faire aucune difficulté, si vous pouviez, en cédant sur cet article, terminer celui de l'Alsace en me laissant la possession entière de cette province, et rendant, selon vos offres, Strasbourg et le fort de Kelh fortifiés.

Enfin, si la cession des deux châteaux d'Exilles et de Fenestrelle ne vous mettoit point en état de lever les difficultés qui regardent l'Alsace, dont vous connoissez toute la conséquence, je crois qu'il sera plus à propos de différer de les céder, jusqu'à ce qu'étant instruit, par le compte que vous me rendrez, de l'état où sont demeurées les choses à cet égard, je puisse donner mes ordres au président Rouillé sur ce qui restera à régler, en cas que vous ayez suivi la résolution que vous aviez prise de partir immédiatement après l'expédition du courrier qui doit m'apporter le résultat que j'attends de vos dernières conférences. Je ne doute pas que vous n'y ayez employé vos connoissances et toute votre habileté, pour faire voir l'injustice de la demande que l'on me fait de raser les forteresses que j'ai en Alsace, sous prétexte

de la prétendue ratification d'un traité que l'Empire a toujours regardé comme la base de sa sûreté et de sa liberté. Vous savez que ce traité s'explique bien clairement qu'il ne sera élevé aucune forteresse sur le bord du Rhin entre Bâle et Philisbourg, seulement du côté de l'Allemagne : il n'y a aucune équivoque sur ce point; il n'en a même jamais été mention lorsqu'il a été question d'expliquer l'étendue de mes droits sur l'Alsace. Ainsi c'est une prétention aussi mal fondée qu'elle est opiniâtrément soutenue; et si elle avoit lieu, je ne pourrois m'assurer la possession de l'Alsace, qui m'a été cédée de concert avec toutes les puissances de l'Empire : cette province, séparée presque de toutes parts de mes Etats, pourroit être bientôt envahie par l'Empereur, s'il conservoit sur cette frontière les forteresses considérables qui demeureront en son pouvoir, pendant qu'il ne me resteroit point de places d'armes, et que l'on me priveroit des moyens de tenir en sûreté dans cette province un corps capable de la défendre, si elle étoit attaquée. Je compte que vous aurez employé toutes ces raisons; mais comme l'expérience fait voir que l'équité n'est pas la règle des prétentions de mes ennemis dans les demandes qu'ils ont faites, je remets, comme je vous l'ai déjà marqué, à expliquer plus particulièrement mes intentions à cet égard lorsque j'aurai reçu la dépêche que j'attends de vous. Enfin le courrier que j'ai fait partir aujourd'hui a ordre de vous remettre ma lettre sur la route si vous êtes en chemin pour revenir, afin que vous puissiez, après qu'elle sera déchiffrée, écrire au président Rouillé, par ce même courrier, ce que vous jugerez qu'il devra savoir de

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