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mes intentions, suivant le dernier état où les affaires seront demeurées lors de votre départ, et en attendant les ordres que je lui donnerai sur la dépêche que j'attends de vous à tout moment.

« Sur ce, etc. Signé Louis; et contresigné Chamillard. »

Lettre du Roi aux gouverneurs des provinces de son royaume.

<< Monsieur, l'espérance d'une paix prochaine étoit si généralement répandue dans mon royaume, que je crois devoir, à la fidélité que mes peuples m'ont témoignée pendant le cours de mon règne, la consolation de les informer des raisons qui empêchent encore qu'ils ne jouissent du repos que j'avois dessein de leur procurer.

« J'aurois accepté, pour le rétablir, des conditions bien opposées à la sûreté de mes provinces frontières; mais plus j'ai témoigné de facilité et d'envie de dissiper les ombrages que mes ennemis affectent de conserver de ma puissance et de mes desseins, plus ils ont multiplié leurs prétentions; en sorte qu'ajoutant par degrés de nouvelles demandes aux premières, et se servant ou du nom du duc de Savoie, ou du prétexte de l'intérêt des princes de l'Empire, ils m'ont également fait voir que leur intention étoit seulement d'accroître aux dépens de ma couronne les Etats voisins de la France, et de s'ouvrir des voies faciles pour pénétrer dans l'intérieur de mon royaume toutes les fois qu'il conviendroit à leurs intérêts de commencer une nouvelle guerre. Celle que je soutiens et que je voulois finir ne seroit pas même cessée quand

j'aurois consenti aux propositions qu'ils m'ont faites; car ils fixoient à deux mois le temps où je devois de ma part exécuter le traité, et pendant cet intervalle ils prétendoient m'obliger à leur livrer les places qu'ils me demandoient dans les Pays-Bas et dans l'Alsace, et à raser celles dont ils demandoient la démolition. Ils refusoient de prendre de leur côté d'autre engagement que de faire cesser tous actes d'hostilités jusqu'au premier du mois d'août, se réservant la liberté d'agir alors par la voie des armes, si le roi d'Espagne mon petit-fils persistoit dans la résolution de défendre la couronne que Dieu lui a donnée, et de périr plutôt que d'abandonner des peuples fidèles qui depuis neuf ans le reconnoissent pour leur roi légitime. Une telle suspension, plus dangereuse que la guerre, éloignoit la paix, plutôt que d'en avancer la conclusion; car il étoit non-seulement nécessaire de continuer la même dépense pour l'entretien de mes armées, mais, le terme de la suspension d'armes expiré, mes ennemis m'auroient attaqué avec les nouveaux avantages qu'ils auroient tirés des places où je les aurois moimême introduits, en même temps que j'aurois démoli celles qui servent de remparts à quelques-unes de mes provinces frontières. Je passe sous silence les insinuations qu'ils m'ont faites de joindre mes forces à celles de la ligue, et de contraindre le Roi mon petitfils à descendre du trône, s'il ne consentoit pas volontairement à vivre désormais sans Etats, et à se réduire à la simple condition d'un particulier. Il est contre l'humanité de croire qu'ils aient seulement eu la pensée de m'engager à former avec eux une pareille alliance: mais, quoique ma tendresse pour mes peuples

la

ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfans, quoique je partage tous les maux que guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirois sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeroient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice, et à l'honneur du nom français.

<< Mon intention est donc que tous ceux qui depuis tant d'années me donnent des marques de leur zèle, en contribuant de leurs peines, de leurs biens et de leur sang à soutenir une guerre aussi pesante, connoissent que le seul prix que mes ennemis prétendoient mettre aux offres que j'ai bien voulu leur faire étoit celui d'une suspension d'armes, dont le terme, borné à l'espace de deux mois, leur procuroit des avantages plus considérables qu'ils ne peuvent en espérer de la confiance qu'ils ont en leurs troupes. Comme je mets la mienne en la protection de Dieu, et que j'espère que la pureté de mes intentions attirera sa bénédiction sur mes armes, je veux que mes peuples, dans l'étendue de votre gouvernement, sachent de vous qu'ils jouiroient de la paix s'il eût dépendu seulement de ma volonté de leur procurer un bien qu'ils désirent avec raison, mais qu'il faut acquérir par de nouveaux efforts, puisque les conditions immenses que j'aurois accordées sont inutiles pour le rétablissement de la tranquillité publique. Signé Louis; contresigné Colbert. »

CONFÉRENCES DE GERTRUYDEMBERG.

Le Roi fait encore des démarches auprès de la Hollande pour obtenir la paix. Il envoie M. le maréchal d'Huxelles et M. Fabbé de Polignac en Hollande, pour négocier. — Instructions données à ces plénipotentiaires. Sa Majesté accorde tous les articles des préliminaires, excepté le quatrième et le trente-septième, concernant la cession de l'Espagne. Premières conférences tenues dans un yacht, auprès de Moërdick. — Conférences de Gertruydemberg. — Les députés se rendent toujours plus difficiles. - Leurs prétentions augmentent, avec la facilité du Roi à céder. Ils veulent, entre autres articles, que Sa Majesté fasse la guerre à son petit-fils le roi d'Espagne, pour le détrôner. Variations des députés. Triste situation de la France.— Le Roi fait un dernier effort: il cède l'Alsace, plusieurs places en Flandre, et offre même de fournir des subsides pour faire la guerre au roi d'Espagne. Toutes ces offres sont rendues inutiles par l'orgueil des ennemis. — Quelles étoient les conditions qu'ils vouloient imposer. Le Roi en est indigné; il écrit à ses plénipotentiaires. Les conférences sont rompues. Etat de la France et de l'Espagne.

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[1710] Les ennemis de la France avoient enfin révélé le secret de leurs vastes prétentions: elles n'étoient plus douteuses depuis que les ministres de l'Empereur, de l'Angleterre et des Provinces-Unies avoient signé l'écrit dressé par le pensionnaire de Hollande, contenant les articles préliminaires qu'ils établissoient comme la base et le fondement nécessaire de la paix. On ne pouvoit plus dire avec la moindre apparence de vérité que sa conclusion dépendît uniquement de la volonté du Roi, et que cette paix, si désirée en France, seroit bientôt signée, si Sa Majesté consentoit à sacrifier quelques places dont la conservation lui étoit chère, parce qu'elles étoient le fruit de ses conquêtes.

Les conférences tenues à La Haye au mois de mai

1709 avoient clairement fait voir que rien ne coûtoit au Roi pour rendre la paix à ses peuples; que ses ennemis, au contraire, profitoient de sa condescendance pour s'animer mutuellement à continuer la guerre.

Les articles préliminaires devinrent pour eux un nouveau lien, et comme une loi nouvelle qu'ils s'imposèrent pour fortifier les obstacles qu'ils apportoient au rétablissement de la tranquillité générale. Plus Sa Majesté souhaitoit de la rendre à ses peuples, plus ils témoignoient de zèle pour son service, et d'ardeur pour soutenir sa gloire et celle de la nation : mais la fidélité des sujets augmentoit encore le désir que le souverain avoit de mettre fin à leurs maux; et, pour y parvenir à quelque prix que ce fût, Sa Majesté acceptoit toutes les conditions contenues dans les préliminaires, à l'exception seulement de celles qu'il n'étoit pas en son pouvoir d'exécuter.

C'étoit précisément sur ces conditions, impossibles dans leur exécution, que les ennemis de la France et de la paix insistoient avec plus d'opiniâtreté. Fiers de leurs succès, persuadés que rien ne pouvoit résister à leurs armes, ils prétendoient que si ces conditions, dont l'effet ne dépendoit pas du Roi, n'étoient pas pleinement exécutées dans l'espace de deux mois, ce terme expiré, toute suspension d'armes cesseroit. Ils se proposoient d'agir alors avec d'autant plus d'avantage qu'ils seroient en possession des places fortes que, suivant les préliminaires, le Roi auroit fait remettre entre leurs mains, comme otages, disoient-ils, de sa parole royale.

Les deux articles dont ils demandoient l'effet réel
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