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sont la grande ressource de leurs familles, furent des truits. Les vignes des petits cultivateurs furent dévas tées; il y a peu de maisons dont le pillage n'ait été accompagné de quelque acte de cruauté dans quelques cir constances, les habitans de ces maisons ont vu pendant des heures entières des poignards et des pistolets appliqués contre leur poitrine. D'autres ont été cruellement battus.

A Vacairolles, on exhuma les restes d'une jeune demoiselle qu'on avoit enterrée peu de jours auparavant, et après qu'on eut mis le feu à la maison, on jeta son corps au milieu des flammes. Cet événement eut lieu sur le bien de M. Joseph Negre.)

Cette maison fut vraiment incendiée; mais il est faux qu'on ait exhumé aucun cadavre.

(Des créanciers, pour sauver leurs jours, se sont souvent vu forcés de donner quittance pour des sommes qui leur étoient dues. Le paiement de dettes supposées a été extorqué de la même manière, et plusieurs, pour ne pas être tués, ont été forcés de donner de l'argent coup sur coup.)

Ces faits ont été fréquens dans le temps de la réaction. Mais quels sont les individus qui, victimes de ces extorsions, ont eu assez de confiance dans l'autorité, pour les lui faire connoître, et n'en pas obtenir justice. Je défie qu'on puisse en citer un seul.

(Une jeune demoiselle, fort aimable, que ces outrages ont forcé de servir pour se procurer du pain, m'a ase

suré que ces scélérats entrèrent plusieurs fois par jour dans des maisons protestantes qui, pour la plupart, appartenoient à des amis de sa famille, pour insulter et piller, et qu'ils lui tinrent, à différentes reprises, une, épée nue contre la poitrine. Dans d'autres circonstances, ils ont, tout à la fois, pillé la maison, et tué ceux qui l'habitoient.

Un vieillard de quatre-vingts ans tenoit à ferme le bien de M. Chambaud; environ trente bandits vont à sa maison, et après avoir levé une forte contribution, lui demandent, s'il n'étoit pas Protestant. Dès qu'il eut répondu qu'il l'étoit (1), on le fit mettre à genoux,et fusiller. On alluma ensuite un grand feu, dans lequel son corps fut réduit en cendres.)

Le nommé Ladet, valet de ferme à la métairie. du sieur Chambaud, âgé d'environ cinquante ans, le même dont le libelliste a raconté la fin déplorable, dans un article précédent avec des circonstances toutes différentes et tout aussi fausses que dans cette seconde narration, fut étouffé par la fumée. Voici cet événement, tel qu'il a eu lieu, et tel qu'il a été raconté par un domestique de la même ferme au fonctionnaire public, chargé par. le maire de Nismes, de prendre les renseignemens, exacts et officiels qui m'ont été fournis par ce Magistrat.

Une troupe

de gens armés se portèrent à la ferme, croyant y trouver le sieur Chambaud, qui n'étoit plus propriétaire depuis environ deux ans

(1) Il étoit Çatholique !!!

qu'il avoit vendu ce domaine au sieurFrat-Maystre, lequel se suicida, à peu près dans le temps même de son acquisition. Le sieur Chambaud, très-violent révolutionnaire, étoit resté fermier du domaine et y résidoit habituellement. Forcé de s'expatrier ou de se cacher ailleurs, dans la crainte où il étoit d'être victime de son exaspération, il laissa dans la ferme un maître valet et quelques autres domestiques ou valets.

Ces gens, qui étoient Protestans, furent effrayés de l'approche de cette troupe armée ; ils s'enfuirent, et il ne resta que le nommé Ladet, Catholique; les portes extérieures furent forcées, et après que ces brigands eurent infructueusement cherché celui qu'ils vouloient atteindre, ils dévastèrent la maison, brisèrent quelques meubles, et ne purent mettre personne à contribution. Le malheureux Ladet, le seul qui fût resté dans cette maison, s'étoit caché au fond d'un pailler où il ne fut ni cherché, ni découvert.

!

Après ces dégâts, ces brigands se retirèrent, et en se retirant, ils mirent le feu au pailler dans lequel, sans qu'ils s'en doutassent, étoit caché le malheureux Ladet.

Cet infortuné n'ayant pu se soustraire, avant que la flamme eût fait ses ravages, fut étouffé la fumée, et réduit en cendres.

par

(L'oppression la plus générale a été celle qui consistoit à lever de l'argent sur les individus, au moyen des

menaces qu'on leur faisoit de les tuer, s'ils refusoient de donner les sommes qu'on exigeoit d'eux. C'est ainsi qu'on en usa envers les Protestans, pour les forcer à payer les sommes immenses qu'on leva sur eux.)

Lever des sommes sur une classe quelconque d'habitans, ne peut être qu'un acte de l'autorité légale. Aucune contribution quelconque n'a été imposée aux Calvinistes exclusivement. Les brigands nés dans le Gard de la fermentation réactionnaire, désavoués avec horreur par les gens honnêtes de tous les partis, recherchés, poursuivis, dispersés, anéantis, punis par l'autorité, quand elle a pu les atteindre, ont commis beaucoup d'extorsions dont les victimes n'ont porté plainte qu'à des libellistes, et n'ont demandé justice qu'à la calomnie et à la malveillance révolutionnaire. Eh! quoi! est-ce en Angleterre. qu'on seroit étonné, qu'au milieu des plus grands troubles publics, et dans la subversion et l'impuissance des lois, il ait fallu deux mois de soins et de toutes les peines possibles à l'autorité pour anéantir une sanglante réaction, et le pillage organisé qui en fut la nécessaire suite! en Angleterre ! où il a fallu à un gouvernement aussi habile que puissant, et dans un temps de triomphe, de prospé rité, et de légalité, tant de temps pour réprimer le Luddisme, découvrir, atteindre, et punir quel. ques luddistes!

(On compteroit plusieurs centaines qui ont racheté

leurs vies au prix de tout ce qu'ils possédoient, et quí par suite, se sont trouvé réduits à la dernière misère. Au reste, il y a à peine un seul Protestant, dans le département du Gard, qui, par l'effet des vexations qu'on y a exercées, n'ait souffert dans sa personne, ses propriétés, sa famille, ou dans son commerce et ses affaires.

Quant à ceux qui ont fui, on s'est grandement trompé, en ne considérant le mal que comme s'étendant à la ville de Nismes. Le nombre des fugitifs a été porté à dix mille (1).

Mais si on l'étend aux Réformés du département en général, il est peut-être au-dessous de la réalité (2).

Tous ceux qui, pendant la suspension de l'autorité royale, avoient rempli quelque emploi, furent pros crits par la populace, et aucun d'eux n'ose revenir.)

Pas un seul des employés du Gouvernement des cent jours n'a péri, même dans la réaction. Ceux natifs du département y sont encore presque tous. Plusieurs et même un assez grand nombre y continuent l'exercice de leur même emploi. Qu'il est pénible et fastidieux d'avoir à réfuter un écrit insidieux et méchant, où chaque mot est un mensonge!

(Quoique ce soit à ces hommes, qu'on est redevable de la tranquillité; ceux qui, durant la même époque, ont été choisis pour la chambre des représentans, se trouvent dans le même cas.)

(1) Mille, environ, dans les premiers temps, pas cert aujourd'hui.

(2) Pas cinquante dans le reste du département.

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