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tat indéniable. Les dissentiments d'opinions entre nous n'ont jamais dépassé la limite des controverses juridiques et des questions de

détail.

((

<«< Arrêtons-nous là sagement. Nous avons parcouru un bon chemin. Contentons-nous de l'œuvre accomplie. Laissons-lui le temps de porter ses fruits.

<< Si, en regardant derrière nous quelqu'un de nous éprouve quelque regret en voyant certaines œuvres inachevées, en tournant notre regard vers l'avenir, nous sommes tous remplis de confiance, et aucun découragement n'envahit nos âmes. >>

Ces nobles paroles soulèvent les applaudissements de l'assemblée tout entière; successivement leurs Excellences les premiers délégués d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie déclarent accepter les trois constatations faites par M. le comte Tornielli; et son Excellence M. Léon Bourgeois, dans une chaude improvisation, engage ses collègues à se rallier à une proposition qui sauvegarde tous les droits et respecte toutes les opinions. « Nous sortirons unis de la conférence avec la conscience d'avoir travaillé au bien de l'humanité et d'avoir fait faire un pas considérable à la cause de l'arbitrage obligatoire. »

Votre raporteur vous demande la permission, Messieurs, de joindre ici sa voix modeste aux hommages qui ont accueilli les sages paroles de son Excellence M. le premier délégué d'Italie.

Personne ne peut contester les résultats acquis par ceux qui ont proposé, défendu et voté la proposition anglo-américaine. Une majorité homogène et forte a élaboré une convention, après un travail opiniâtre. Les études auxquelles la première commission et les comités qu'elle a formés se sont livrées constitueront une source précieuse pour l'avenir. Son Excellence le comte Tornielli s'en est montré convaincu; mais il a engagé la majorité de la commission à ne pas méconnaître les convictions défendues par une minorité convaincue et loyale, et à remettre au lendemain la réalisation de projets dont l'exécution prématurée pourrait compromettre le principe de l'unanimité, qui forme la base de toute conférence internationale.

L'accueil chaleureux qui a été faite sans retard et sans hésitation aux suggestions de l'éminent homme d'Etat italien a prouvé, une fois de plus, les sentiments d'équité et de conciliation qui ont toujours présidé aux délibérations de la première commission.

Son Excellence M. Bourgeois a tenu la promesse qu'il nous faisait un jour au cours de nos longues délibérations : « Notre but ne doit pas être de nous compter, mais de nous unir. »

Un comité restreint, présidé par son Excellence M. de Nélidow, se mit bientôt d'acord sur la rédaction suivante :

« La commission, se conformant à l'esprit d'entente et de concessions réciproques, qui est l'esprit même de la conférence de la paix, a résolu de présenter à la conférence la déclaration suivante qui, tout en réservant à chacun des Etats représentés le bénéfice de ses votes, leur permet à tous d'affirmer les principes qu'ils considèrent comme unanimement reconnus :

«La commission est unanime

«1. A reconnaître le principe de l'arbitrage obligatoire;

2. A déclarer que certains différends, et notamment ceux relatifs à l'interprétation et à l'application des stipulations conventionnelles internationales, sont susceptibles d'être soumis à l'arbitrage obligatoire sans aucune restriction..

<< Elle est unanime enfin à proclamer que, s'il n'a pas été donné de conclure dès maintenant une convention en ce sens, les divergences d'opinion qui se sont manifestées n'ont pas dépassé les limites d'une controverse juridique, et qu'en travaillant ici ensemble pendant quatre mois tous les Etats du monde, non seulement ont appris à se comprendre et à se rapprocher davantage, mais ont su dégager au cours de cette longue collaboration un sentiment très élevé du bien commun de l'humanité. »>

La rédaction de cette déclaration répondait si complètement aux vues et aux sentiments de la commission qu'elle fut bientôt votée après quelques courtes allocutions.

La délégation de Belgique déclara que, fidèle aux sentiments de conciliation qui n'ont cessé de la guider, elle voterait la déclaration présentée à la commission; elle le ferait dans le même sens et avec le même esprit où elle a voté la résolution de la délégation d'Autriche. Hongrie.

Elle aime à croire que la commission sera unanime à témoigner ainsi sa sympathie et sa fidélité au principe de l'arbitrage obligatoire La délégation de Roumanie votera la déclaration dans les mêmes conditions que la délégation de Belgique.

La délégation des Etats-Unis d'Amérique constate qu'après trois mois de discussions, la commission, par une majorité des deux tiers des suffrages exprimés, a adopté un projet destiné à mettre à execution dans une forme concrète et pratique le principe de l'arb't age obligatoire. On nourissait l'espoir de pouvoir conclure un accord entre les puissances qui avaient appuyé le projet, tout en laissant ia porte ouverte pour les autres.

La suite légitime de ces faits devrait être de soumettre le projet à la conférence et de le placer dans son acte final.

La déclaration qu'on lui propose d'accepter, paraît à son Excellence Mr. Choate, constituer une véritable et sérieuse retraite de la position acquise; il s'abstiendra donc de la voter, dans la conviction que son adoption mettrait en péril le progrès de la cause de l'arbitrage.

La délégation britannique ne partagea pas cette manière de voir; elle regarda la déclaration comme la simple constatation des faits accomplis, et non pas comme l'abandon des résultats obtenus. Elle lui accorda donc tout son appui.

La déclaration fut votée à l'unanimité des voix, moins quatre abstentions (Etats-Unis d'Amérique, Haïti, Japon et Turquie), au milieu d'un enthousiasme général; toutes les positions acquises étaient maintenues, tous les droits étaient sauvegardés, un esprit de concorde et de sage conciliation permettait à la commission de se présenter devant la conférence unie et consciente de l'utilité de ses efforts.

Proposition de la délégation des Etats-Unis concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement de dettes publiques ordinaires ayant leur origine dans des contrats.

J'ai déjà eu l'occasion de constater que, si la motion des EtatsUnis d'Amérique relative à la limitation de l'emploi de la force armée pour le recouvrement des dettes contractuelles n'a pas été discutée avec les autres propositions relatives à l'arbitrage obligatoire, c'est à raison des divergences de vues qui se manifestèrent à cet égard au sein du comité.

Son Excellence le général Porter ayant d'ailleurs exprimé l'opinion que le texte de cette stipulation devait faire l'objet d'un arrangement spécial, j'ai cru répondre à cette situation en ne vous rendant compte qu'au terme de ce rapport des discussions auxquelles a donné lieu la proposition américaine.

Dès le 2 juillet, la délégation des Etats-Unis d'Amérique déposait une proposition concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement de dettes publiques ordinaires ayant leur origine dans des contrats.

Cette proposition disait*:

« Dans le but d'éviter entre nations des conflits armés d'une origine purement pécuniaire, provenant de dettes contractuelles, réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un autre pays comme dues à ses sujets ou citoyens, et afin de garantir que toutes les dettes contractuelles de cette nature qui n'auraient pu être réglées à l'amiable par voie diplomatique seront soumises à l'arbitrage, il est convenu qu'aucun recours à une mesure coercitive impliquant l'emploi de forces militaires ou navales pour le recouvrement de telles dettes contractuelles ne pourra avoir lieu jusqu'à ce qu'une offre d'arbitrage n'ait été faite par le réclamant et refusée ou laissée sans réponse par l'Etat débiteur, ou jusqu'à ce que l'arbitrage n'ait eu lieu et que l'Etat débiteur ait manqué de se conformer à la sentence rendue.

«Il est de plus convenu que cet arbitrage sera conforme pour la procédure au chapitre III de la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, adoptée à La Haye, et qu'il déterminera a justice et le montant de la dette, le temps et mode de son règlement et la garantie, s'il y a lieu, à donner pendant tout délai dans le paiement. >>

La présentation de cette proposition a été accompagnée de quelques commentaires de son Excellence le général Porter:

Les expéditions entreprises en vue de recouvrer des dettes ont rarement été heureuses. Le principe de la non intervention par la force constituerait un bien fait inestimable pour toutes les parties inté

ressées.

La reconnaissance de ce principe serait un réel soulagement pour les neutres, car les blocus, les hostilités, en arrêtant tout trafic, sont

(*) Voir annexe 48

une sérieuse menace pour leur commerce; il serait aussi un avertissement pour une classe de personnes trop disposées à spéculer sur les besoins d'un gouvernement faible et embarrassé, et comptant sur leurs autorités pour répondre du succès de leurs opérations.

Les Etats débiteurs y trouveraient cet avantage que désormais les prêteurs d'argent ne pourraient plus mettre en ligne de compte, pour baser leurs opérations, que la bonne foi du gouvernement, le crédit national, la justice des tribunaux locaux et l'économie apportée dans l'administration des affaires publiques.

L'arbitrage donnera d'ailleurs des garanties aux créanciers sérieux, qui le préféreront à l'emploi des armes.

Au sein de la commission ce projet a été appuyé par la délégation de Russie, qui le considère comme conforme aux idées de justice et de paix dont s'est inspirée la première conférence de la paix, et auxquelles celle-ci reste sincèrement attachée. Elle estime qu'il y a matière, en l'espèce, non seulement à arbitrage, mais encore à enquête internationale; elle pourrait souvent conduire à un accord direct rendant inutile tout recours à un tribunal d'arbitres. Mais, dans le but de respecter les positions acquises, il importe que l'accord à intervenir n'ait point d'effet rétroactif.

La délégation de la Grande-Bretagne trouve la proposition des Etats-Unis d'Amérique également juste et équitable aux créanciers et aux débiteurs.

La délégation de Portugal votera avec d'autant plus de plaisir la proposition des Etats-Unis d'Amérique qu'elle consacre indubitablement le principe de l'arbitrage obligatoire sur un des points énumérés dans la proposition portugaise.

La délégation de France considère la proposition présentée par son Excellence le général Porter comme très intéressante; elle l'examinera avec d'autant plus de sympathie qu'elle est en quelque sorte complémentaire d'autres propositions relatives à l'arbitrage obligatoire.

La délégation du Mexique est favorable à l'amendement déposé par les représentants des Etats-Unis d'Amérique; mais elle est convaincue qu'un Etat ne peut intervenir dans les affaires d'un autre Etat, que dans des circonstances exceptionnelles déterminées par le droit international; c'est là une conséquence naturelle du principe de la souveraineté et de l'indépendance des nations.

Elle propose donc une modification de texte répondant à cette préoccupation.

La délégation de Panama appuie la proposition américaine. Elle n'admet le recours aux moyens coercitifs que pour le cas de violence ou de déni de justice après sentence arbitrale.

La délégation de la République Argentine rend hommage à la proposition américaine qui établit l'arbitrage pour les conventions et pour les dettes contractuelles, mais elle lui reproche de faire, le cas échéant, une part au droit de recourir à des moyens coercitifs, une fois le jugement arbitral rendu.

Elle n'admet pas que la guerre puisse jamais être reconnue comme un moyen de droit. On ruinerait souvent l'Etat débiteur sans profit pour les créanciers.

Elle ne votera le projet américain que sous les deux réserves sui

vates :

1. En ce qui concerne les dettes provenant de contrats ordinaires entre le ressortissant d'une nation et un gouvernement étranger on n'aura recours à l'arbitrage que dans le cas spécifique de déni de justice par les juridictions du pays du contrat, qui doivent être préalablement épuisées.

2. Les emprunts publics, avec émission de bons constituant la dette nationale, ne pourront donner lieu, en aucun cas, à l'agression militaire ni à l'occupation matérielle du sol des nations américaines.

La délégation d'Espagne adhère aux principes de modération dont s'est inspirée la proposition des Etats-Unis d'Amérique concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes publiques.

Elle est favorable à toute proposition ayant pour but de favoriser, dans les limites du droit, le légitime développement des républiques hispano-américaines, en les mettant à l'abri des abus possibles de la

force.

Elle votera la proposition américaine sous la réserve d'une rédaction ne donnant lieu à aucune équivoque.

La délégation de la République Dominicaine approuve également le principe qui a dicté la proposition américaine; mais elle ne peut admettre le recours à la force que pour le cas où le refus de l'Etat débiteur de se soumettre au jugement arbitral « ne soit pas formulé en présence de circonstances graves qui créent une impossibilité matérielle à l'accomplir ».

Elle n'entend pas que la garantie dont il est question dans le projet des Etats-Unis puisse être autre que de nature pécuniaire, n'impliquant, dans aucun cas, une occupation territoriale, et ne pouvant être attentatoire à la souveraineté de l'Etat.

La délégation de Siam, appuyant toujours toute mesure tendant à confirmer l'arbitrage, donne son adhésion à la proposition américaine. Les délégations d'Allemagne et de la Grande-Bretagne déclarent accepter sans réserve l'amendement présenté par la délégation américaine.

La délégation du Chili a déposé elle-même une proposition ayant pour but de soumettre à l'arbitrage toutes réclamations en dommages et intérêts d'ordre pécuniaire qui n'auraient pu être réglées à l'amiable, ainsi que les réclamations qui résultent de prétendues infractions à des contrats.

L'Etat qui refuserait de reconnaître une sentence arbitrale régulière, perdrait la considération des autres Etats, et mettrait la partie adverse en meilleure situation pour l'exercice intégral de tous ses droits.

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