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M. Nicolas-Etienne Lemaire, professeur de poésie latine à la Faculté des lettres, est mort à Paris le 4 octobre d'une maladie de foie. Il étoit né en 1767 à Triaucourt, près Bar-le-Duc, et fit ses études au collège Ste-Barbe, où il avoit une bourse. Il obtint le prix d'honneur en 1787: ce succès et son goût le portoient à l'enseignement. Il devint professeur au collége du cardinal Lemoine; mais il se jeta dans le parti révolutionnaire. On dit que, le 10 novembre 1793, il présenta à la Convention, comme orateur de la section des sans-culottes, buit prêtres qui abjuroient, et qu'il prononça en cette occasion un discours digne du temps et de sa démarche. Le 27 mars 1794, Lemaire demanda la suppression du costume des juges, comme rappelant le souvenir des nobles et des prêtres. Le 5 août 1799, il remplaça Astier au commissariat près le bureau central de police à Paris, et eut même quelque espérance de devenir préfet de police après le 18 brumaire; mais M. Dubois le supplanta et le fit renvoyer. Lemaire retourna à la littérature, qu'il n'auroit pas dû abandonner, et fut désigné pour remplacer l'abbé Delille au collège de France. Ses leçons avoient de l'intérêt, et il faisoit très-bien sentir les beautés de Virgile. En 1811, il fut nommé professeur de poésie latine à la faculté des lettres, en remplacement de Luce de Lancival. On a de lui des vers latins sur la naissance du roi de Rome, et Virgile expliqué par le siècle de Napoléon. Sous la restauration il commença la Collection des classiques latins, dont le premier volume parut en 1818, et qui est sur le point d'être terminée. La critique a remarqué bien des négligences et des taches dans cette grande collection, pour laquelle il auroit fallu plus d'érudition que n'en avoit M. Lemaire. L'entreprise étoit dédiée à Louis XVIII qui encouragea l'ouvrage. L'épître dédicatoire en vers, par Lemaire, est écrite avec beaucoup de talent et de goût. L'auteur avoit perdu, il y a quelques années, un fils unique enlevé dans la fleur de la jeunesse. Ses obsèques ont eu lieu le vendredi 5.

· Charles X, qui n'a point prolongé son séjour à Altona, comme on lui en avoit supposé l'intention, est parti le 3 pour la Saxe, d'où il se rendra en Moravie. C'est là que ce prince doit résider avec sa famille. Il n'ira point à Gratz. Ce changement, qui paroît tenir à des causes politiques, afflige beaucoup la colonie exilée. Le roi habitera un château solitaire, qui ne lui offrira aucune distraction, ni aucune ressource pour l'éducation de M, le duc de Bordeaux. Ce jeune prince est parti directement de Hambourg pour Berlin. Il est suivi de M. le baron de Damas et de plusieurs autres personnages.

Le ministère a enfin été recomposé par ordonnance du 10. M. le maréchal Soult, ministre de la guerre, est nommé président du conseil; M. le duc de Broglie est nommé ministre des affaires étrangères; M. Humann, ministre des finances; M. Thiers, ministre de l'intérieur; M. Guizot, ministre de l'instruction publique; M. Barthe conserve le portefeuille de la justice, et M. d'Argout celui du commerce et des travaux publics. M. Barthe, garde-des-sceaux et président du conseil-d'Etat, réunit à son ministère l'administration des cultes, qui est distraite du département de l'instruction publique. Ce dernier ministère recevra dans ses

Jui restoit à sa mort que sa bibliothèque, qu'il a léguée au grand séminaire.

-Le Moniteur lui-même a annoncé, d'après le Journal de la Corse, qu'il y avoit eu à la fin d'août à Ajaccio et à Bastia une distribution de prix chez les frères des écoles chrétiennes. L'école d'Ajaccio avoit 450 élèves. Les autorités locales ont assisté à ces distributions, et ont été frappées des progrès des élèves. A Orléans, le conseil municipal, dans sa séance du 26 septembre, a maintenu l'allocation de 9,000 fr. aux frères. Un membre insistoit vivement pour qu'elle fût réduite à 6,000 fr., et pour que les 3,000 fr. retranchés fussent donnés aux maîtres de l'enseignement mutuel. La discussion a été longue et vive, mais le retranchement a été rejeté à la majorité de 14 contre 10. Le conseil municipal d'Arbois, en Franche-Comté, n'a pas eu la même déférence pour les besoins et les voeux de la population; il a supprimé sans pitié l'allocation des frères. Aussitôt une souscription a été ouverte dans la ville, et dès la première journée les fonds ont été faits. Ainsi le bienfait de cette école sera conservé malgré M. Clerc de Landresse. A la distribution des prix qui a eu lieu, il y a eu une réunion nombreuse de personnes honorables et de pères de famille qui savent également apprécier les avantages d'une si bonne institution.

- M. Rey, évêque d'Annecy et précédemment de Pignerol, a adressé de cette dernière ville à son nouveau troupeau une lettre pastorale datée du 8 septembre, pour annoncer sa prochaine arrivée dans le diocèse. Le nom de ce prélat est trop connu en France, où il a long-temps exercé avec honneur et succès un laborieux ministère, pour qu'on n'y prenne pas un vif intérêt à son nouvel apostolat et à ses éloquentes paroles. Après un éloge bien senti de son vénérable prédécesseur (M. de Thiollaz, auquel nous avons aussi payé notre tribut d'hommages), M. l'évêque d'Annecy parle avec modestie de lui-même et de la grande tâche qui lui est réservée. Il expose ensuite ses motifs de confiance;

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O François de Sales! ô père et protecteur de notre peuple! fidèle imitateur des apôtres, modèle incomparable des pasteurs! c'est votre souvenir, c'est l'espérance de votre protection qui a vaincu nos répugnances et triomphé de nos craintes, lorsque nous avons accepté le fardeau que vous avez porté vous-même avec tant de gloire. Oui, c'est vous qui avez déterminé notre volonté et facilité notre obéissance; vous êtes donc engagé à soutenir votre ouvrage, et c'est au pied des autels, sur lesquels l'Eglise et vos vertus vous ont placé, que nous irons constamment vous sommer, pour ainsi dire, de dégager votre parole, en nous accordant votre assistance. Vous entendrez nos soupirs, vous verrez nos larmes ; ah! surtout, vous contemplerez nos besoins, nos angoisses; vous écouterez nos prières, vous justifierez notre confiance, et nous ne nous retirerons jamais d'au

près de votre tombeau sans en emporter une nouvelle provision de lumières et de

secours.

» Nous apercevons ensuite, sur tous les autres siéges de notre patrie, des ponlifes vénérables avec lesquels nous avons jadis partagé les honorables fatigues de l'administration, dans le seul diocèse qui les comprenoit tous à cette époque : ils connoissent les tendres liens d'estime et d'amitié qui nous attachoient mutuellement, et qui, certes, ne se sont pas relâchés depuis notre séparation. Ils se rappellent l'union parfaite dans laquelle nous avons vécu, et cette communauté de vues, de principes et de sentimens, qui ont répandu tant de douceurs, et, nous oserions dire, tant de succès sur la carrière que nous avions alors à parcourir. Hélas! nous les avons précédés dans la carrière de l'épiscopat; mais combien ils nous ont dévancé dans celle du mérite et des vertus! Nous les honorerons donc avec un sentiment nouveau; ils nous aideront de leurs conseils comme ils nous édifient par leurs exemples. Nous nous soutiendrons réciproquement, et l'on verra, se resserrer encore les nœuds antiques et sacrés qui ont charmé et embelli les heureuses années que nous avons passées ensemble. Nous trouverons en particnlier dans les lumières et la sagesse, ainsi que dans la bienveillance de notre vénérable métropolitain, une ressource constante dans les difficultés inséparables de notre saint état; et combien nous aimerons à ajouter un surcroît de reconnoissance à tous les sentimens dont notre cœur est déjà pénétré pour lui!

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Nous trouvons une autre source d'encouragement, pour la conduite des ames et l'administration de notre diocèse, dans tout ce que nous savons qu'il y a de foi, de lumières et de piété parmi ce clergé nombreux et édifiant, dont la réputation si grande n'égale pourtant pas les mérites. Pasteurs, prêtres fervens, ò nos dignes coopérateurs! jamais vous ne comprendrez entièrement tout ce que nous ressentons d'affection pour vos personnes, d'estime pour vos travaux et d'admiration pour vos vertus! Nous connoissons la sagesse de cette discipline qui vous régit, l'ardeur de ce zèle qui vous anime, l'étendue et les charmes de cette aimable charité qui vous unit. Nous connoissons la pureté de vos mœurs, la franchise de vos sentimens et la perfection de votre obéissance. Aussi combien de fois, dans le cours du ministère apostolique que nous avons rempli dans un temps auprès de l'illustre clergé de France, nous avons eu l'occasion de nous glorifier de ce que nous vous appartenions! On nous accueilloit, on nous honoroit, par cela seul que nous arrivions de vos contrées, et que nous étions du diocèse de St-François de Sales. Ah! vous n'avez point dégénéré depuis cette époque, et le pontife vénéré auquel nous succédons, en maintenant parmi vous les saintes règles avec tant de fermeté et tant de succès, a ajouté encore à la solidité de vos vertus et au lustre de votre réputation. C'est par ses mains habiles qu'a été formé ce sénat religieux et respectable, ce vénérable chapitre qui, dans notre cathédrale, édifie les fidèles par ses exemples, et offre tant de ressources aux pasteurs par ses lumières : c'est dans le sein de ce corps distingué qu'il nous sera et si doux et si utile de trouver l'avantage des conseils et les consolations de l'amitié.

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Les autres motifs d'encouragement du prélat sont: son grand

séminaire, ses petits séminaires, l'esprit religieux du diocèse, les établissemens de piété qui s'y sont reformés, cette maison de la Visitation surtout qui rappelle le nom et les vertus de saint François de Sales, les Frères des écoles chrétiennes, etc. Cependant M. Key ne se dissimule pas qu'il est peut-être quelque ombre à ce tableau, et que l'homme ennemi a pu jeter de l'ivraie parmi le bon grain:

« Et d'abord, qu'il y ait du mal dans notre diocèse, hélas! qui en doute? et où n'y en a-t-il pas ? Satan ne se présente-t-il pas, selon Job, même parmi les enfans de Dieu ? L'ivraie, selon J.-C., ne doit-elle pas se rencontrer jusqu'à la fin dans les champs de l'Eglise? L'humiliante nécessité des scandales ne pèse-t-elle pas sur tous les siècles et sur tous les peuples? Un Judas parmi les premiers apôtres, un Nicolas parmi les premiers diacres, un incestueux parmi les premiers fidèlės, des intempérances dans les premières agapes!.... Eh! grand Dieu ! quelle peinture on feroit des hommes, si on ne les considéroit que sous le point de vue de leur inépuisable foiblesse! Oh! oui donc, il y a du mal dans notre nouveau diocèse: il y en a un peu partout, il y en a davantage en certaines localités; mais, quelque part qu'il se trouve, nous éprouvons le besoin de faire entendre la voix de notre douleur, et d'y répandre l'abondance de nos larmes. Il n'y a pas un excès qui ne nous afflige, il n'y a pas un scandale qui ne nous désole, et c'est de toute la vivacité de notre foi, comme de toute la sincérité de notre zèle, que nous consacrerons nos soins, nos fatigues, notre vie toute entière, à guérir les plaies que le péché fait dans les ames, à nous opposer aux ravages des passions et des per nicieux exemples, et à réparer constamment les brèches que la violence du torrent ne fait que trop souvent à la digue qu'on lui oppose. Nous savons que, comme notre admirable modèle, c'est bien plus aux pécheurs qu'aux justes que nous sommes envoyé; nous savons que, comme médecin, nous aurons des malades à guérir; comme pasteur, des brebis égarées à ramener; comme pêcheur, des filets à tendre et des hommes à ramasser; eh bien! nous entreprendrons tout cela avec la grâce. Nous ne nous découragerons jamais, et, n'oubliant pas que les succès appartiennent au Seigneur, Domini est exitus, notre ministère consistera moins à les obtenir qu'à les implorer; et, quand il plaira au Maître de la vigne de bénir nos travaux, nous en renverrons à lui seul toute la gloire, sachant bien que, même après avoir fait tout ce que nous aurons pu, nous ne sommes encore que des serviteurs inutiles.

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Nous regrettons de ne pouvoir transcrire ici toute la suite de ce passage empreint du caractère de la plus touchante charité pastorale, et nous finirons par un autre fragment non moins remarquable de cette belle et éloquente lettre:

<< Eh! pouvons-nous résister aux mouvemens qui pressent notre cœur de vous saluer à part, précieux héritage de St-François de Sales, beau Chablais, notre chère patrie, terre arrosée et fécondée par les larmes et les sueurs de votre glorieux apôtre, qui avez si parfaitement répondu à son zèle et justifié ses espé

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Homo apostolicus instructus in sua vocatione ad audeondary confessiones, sive Praxis et Instructio confessaforum auctore B. Alph. de Ligorio (1).

Le pieux et savant auteur de cet ouvrage expose, as sa préface, le plan et le but de son travail. Il avoit comEIDE d'abord sa Théologie morale, fruit de quinze ans de soins et de recherches. Il avoit fallu consulter et peser les opinions des théologiens, et se garantir de deux excès, celui d'une rigueur outrée et celui d'une condescendance excessive. J'ai tâché, dit Liguori, d'adopter des sentimens qui, d'un côté, fussent dans les limites de l'obéissance due aux préceptes de Dieu et de l'Eglise, et qui, d'un autre côté, n'imposassent pas de nouveaux fardeaux à la foiblesse humaine; j'ai profité pour cela, soit de l'étude des théologiens que je me suis appliqué à lire sans préventions, soit d'une expérience de trente années dans l'exercice de la confession et dans les missions. Mais comme la Théologie morale étoit assez volumineuse, le bienheureux crut devoir publier un ouvrage moins étendu, et qui néanmoins renfermât tout ce qui est nécessaire pour bien administrer le sacrement de pénitence. Dans cet ouvrage, on rappelle les principes de morale et les questions les plus importantes sur la matière, et on y joint les autorités et les décisions relatives aux différens sujets.

Dans le premier tome, il est parlé de la conscience, des lois, des actes humains, des péchés et des commandemens de Dieu et de l'Eglise ; dans le second, des sacremens en général et en particulier et des censures et irrégularités; dans le troisième, des priviléges, et surtout de ceux des ecclésiastiques et des réguliers. Deux derniers traités ont pour objet de montrer quelles doivent être la charité et la prudence du confesseur, et comment il doit se conduire envers les différentes sortes de pénitens. Quatre appendices suivent les vingt-deux traités qui

(1) 3 vol. petit in-8°, papier vélin, portrait, prix, 7 fr. 50 c. et 11 fr. 25 Ca franc de port. A Malines, chez Hanicq; à Paris, chez Méquignon, rue des GrandsAugustins, et chez Adrien Le Clere et compagnie, au bureau de ce journal.

Tome LXXIII. L'Ami de la Religion.

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