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Une commune se composait autrefois de trois sections ayant chacune une forêt soumise au régime forestier et d'où chaque groupe d'habitants tirait séparément son affouage. Il arrive aujourd'hui que l'une des sections s'est complètement dépeuplée, tellement qu'il n'existe plus une seule maison sur son territoire. On demande quelles seront les conséquences de cette situation pour la forêt sectionale.

L'entier dépeuplement d'une section de commune est un événement très rare; il n'est donc pas étonnant que cette éventualité n'ait pas été souvent envisagée par les auteurs qui se sont occupés de la propriété sectionale. C'est à l'aide des principes qu'il faut essayer de résoudre la délicate question qui précède.

Dans son livre Des sections de communes (2e édit. Paris, 1864, no 58, pp. 144-145), M. Aucoc se borne à citer Chabrol, le commentateur de la coutume d'Auvergne. Cet auteur rappelle fort judicieusement que le domicile ou l'incolat sur le territoire sectional est une condition indispensable pour la jouissance des biens sectionaux; si donc tous les propriétaires du sol de la section sont forains, c'est-à-dire habitent tous au dehors, ils ne peuvent plus jouir des biens sectionaux à titre de sectionnaires. D'un autre côté, il n'y aurait aucune raison pour attribuer la propriété de ces biens au dernier habitant comme dans une tontine ou loterie. Chabrol conclut que la solution la plus conforme à l'origine et à la destination primitive des biens sectionaux consiste à les répartir, à titre de propriété, entre tous les détenteurs d'immeubles. Mais si, dans les trente ans depuis cette espèce de partage, des maisons viennent à être construites, leurs habitants rentreront dans la jouissance des terrains sectionaux et reprendront les droits de la section qui renaît ainsi quasi jure postliminii. Quoique, faute de mieux, M. Aucoc conseille de se rallier à cette solution, nous nous permettrons de faire remarquer combien elle est peu conforme aux principes, et d'en présenter une autre qui nous semble préférable théoriquement, et pratiquement moins périlleuse. Outre que cette attribution des biens de la section, faite à titre de propriété à tous les détenteurs d'immeubles, est spéciale à la région d'Auvergne, il convient de remarquer que les propriétaires d'immeubles n'ont sur les biens sectionaux qu'un droit de jouissance subordonné à l'incolat; du moment où cette condition de l'incolat n'est pas remplie, pourquoi la disparition de toutes les maisons antérieurement habitées

modifierait-elle leur situation? Pourquoi prononcerait-on, dans ces circonstances, l'extinction de la section, être moral impérissable? Elle peut revivre, dit-on; mais seulement dans un délai de trente ans après le partage qui a été effectué. En supposant même que l'événement se produise, on n'a pas compris sans doute les inconvénients de ce partage, parce qu'on suppose toujours, comme l'a fait Chabrol, que le bien sectional se compose uniquement d'un pacage, d'un mas, d'une terre nue. Mais s'il s'y joint une forêt, n'a-t-on pas aperçu que le partage et la libre jouissance à titre de propriétaire causeront fatalement la destruction du peuplement forestier, et qu'il ne sera plus possible, si de nouveaux habitants reviennent avant trente ans, de reconstituer l'état antérieur, parce que le jus postliminii sera impuissant à réparer les dégradations profondes qui auront été produites? Cette théorie est donc dangereuse, contraire au caractère impérissable de la section, injuste en ce qu'elle frustre l'avenir au profit de personnes sans droit. Nous proposons de ne rien changer au mode d'administration du bien sectional: la commune en sera chargée comme auparavant, lors même qu'il n'y aurait plus, sur le territoire sectional, aucun habitant qui réunisse les conditions de la jouissance. Cette gestion sera ainsi continuée, non pas à titre de propriétaire, car de quel droit la commune s'emparerait-elle de biens qui ne lui appartiennent pas? mais comme représentant d'un être moral qui ne peut périr.

C'est la loi municipale de 1884 qui nous autorise à donner cette solution. C'est elle, en effet, qui déclare le maire et le conseil municipal administrateurs des biens de la section lorsque des habitants vivent sur son territoire; ceux-ci ne font que recevoir ce qui leur est attribué par les mandataires obligés que leur assigne le législateur, tellement qu'ils ne peuvent élire des représentants que dans un petit nombre de circonstances graves, étroitement limitées et qu'il n'est pas possible d'étendre. Quoi de plus conforme à cette organisation que de proroger le mandat du maire et du conseil municipal, alors que les habitants de la section sont momentanément éloignés et en attendant qu'ils reviennent? Le présent et l'avenir sont à la fois sauvegardés, et spécialement pour les propriétés boisées le régime forestier pare aux inconvénients que nous avons fait précédemment ressortir.

Avec ce système, la forêt sectionale continuera à être gérée par les agents forestiers, au nom de la section; ils délivreront comme auparavant la coupe affouagère aux représentants de la commune. Ceux-ci l'utiliseront au mieux des intérêts qui leur sont confiés: ils vendront cette coupe et en conserveront le prix, déduction faite des frais d'en

tretien et d'amélioration de l'immeuble. Ils pourront l'employer à des travaux d'utilité sectionale, à des voies de vidange par exemple; ils pourront même en consacrer une partie pour les besoins généraux de la commune, en observant la proportion légale. Cette proportion, suivant la jurisprudence du Conseil d'État, est celle des impôts directs payés respectivement par la commune et la section. Seulement ils devront toujours se rappeler qu'ils sont comptables des deniers sectionaux, que la nécessité les force ainsi à percevoir temporairement; ils ne devront donc jamais se croire autorisés à délivrer les affouages de la coupe sectionale à tous les habitants de la commune, car, nous le répétons, ces habitants n'y ont aucun droit.

G. et P.

N° 7. COMITÉ DE JURISPRUDENCE

L'enlèvement d'une perche sèche faisant partie de la clôture d'une forêt communale constitue-t-il un délit, de la loi forestière ou du droit commun, et d'après quel texte peut-il être puni ?

Cet enlèvement ne peut constituer un délit forestier, tombant sous l'application des art. 192 et suivants du Code. Ces articles, en effet, prévoient la coupe ou l'enlèvement d'arbres, c'est-à-dire de tiges qui n'ont encore reçu aucun façonnage, qui sont telles qu'elles se trouvaient dans le peuplement forestier. La perche introduite dans une clôture a perdu ce caractère; quelque rninime que soit le façonnage qui lui a été appliqué, elle est devenue l'un des matériaux de construction de cette clôture. La répression ne doit donc pas être cherchée dans la loi spéciale dont les termes sont éminemment restrictifs.

Dans le droit commun, on pourra invoquer l'art. 456 C. p., qui punit d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende d'au moins 50 francs la destruction de clôtures, de quelques matériaux qu'elles soient faites. C'est un délit de la compétence des tribunaux correctionnels, pour lequell'agent forestier ne peut sans doute demander l'application de la peine, fonction réservée au procureur de la République, mais dont il pourra réclamer la réparation civile, même devant le Tribunal répressif, en se portant partie civile conformément à l'art. 182 Code instruction criminelle.

Toutefois, il pourrait se faire que l'art. 456 C. p. ne fût pas applicable. Il faut apprécier en fait si, par l'enlèvement d'une seule perche,

la clôture se trouve détruite, ou bien s'il n'y a pas plutôt une simple dégradation, auquel cas il conviendrait d'invoquer l'art. 17, titre II, de la loi rurale du 28 sept.-6 oct. 1791. Cet article, toujours en vigueur en ce qui concerne les dégradations de clôtures, ne formule qu'une amende de la valeur de 3 journées de travail, avec emprisonnement facultatif pour une durée ne pouvant dépasser un mois. Le commissaire de police sera alors compétent pour poursuivre cette contravention, sans que les agents forestiers puissent se porter partie civile devant le tribunal de simple police.

Enfin, il ne peut être question d'appliquer ici l'art. 401 C. p., qui traite du vol ordinaire dans les forêts comme ailleurs; on doit remarquer, en effet, que le vol est la soustraction d'un objet mobilier; les matériaux de clôture font partie intégrante du fonds et participent ainsi de la nature des immeubles.

G. et P.

N° 8. - LOI DU 26 MARS 1891 (LOI BERENGER)

sur l'atténuation et l'aggravation des peines.

ARTICLE PREMIER. En cas de condamnation à l'emprisonnement ou à l'amende, si l'inculpé n'a pas subi de condamnation antérieure à la prison pour crime ou délit de droit commun, les cours ou tribunaux peuvent ordonner, par le même jugement et par décision motivée, qu'il sera sursis à l'exécution de la peine.

Si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a encouru aucune poursuite suivie de condamnation à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non avenue.

Dans le cas contraire, la première peine sera d'abord exécutée sans qu'elle puisse se confondre avec la seconde.

ART. 2. La suspension de la peine ne comprend pas le paiement des frais du procès et des dommages-intérêts.

Elle ne comprend pas non plus les peines accessoires et les incapacités résultant de la condamnation.

Toutefois, ces peines accessoires et ces incapacités cesseront d'avoir effet du jour où, par application des dispositions de l'article précédent, la condamnation aura été réputée non avenue.

-

Ꭺ Ꭱ Ꭲ . 3. Le président de la cour ou du tribunal doit, après avoir prononcé la suspension, avertir le condamné qu'en cas de nouvelles condamnations dans les conditions de l'article 1er la première peine sera exécutée sans confusion possible avec la seconde et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes des articles 57 et 58 du Code pénal.

ART. 4.

La condamnation est inscrite au casier judiciaire, mais avec la mention expresse de la suspension accordée.

Si aucune poursuite suivie de condamnation dans les termes de l'article 1er, paragraphe 2, n'est intervenue dans le délai de cinq ans, elle ne doit plus être inscrite dans les extraits délivrés aux parties.

ART. 5.

suit :

--

Les articles 57 et 58 du Code pénal sont modifiés comme

< ART. 57. Quiconque, ayant été condamné pour crime à une peine'supérieure à une année d'emprisonnement, aura, dans un délai de cinq années après l'expiration de cette peine ou sa prescription, commis un délit ou un crime qui devra être puni de la peine de l'emprisonnement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu'au double.

‹ Défense pourra être faite, en outre, au condamné de paraître, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, dans les lieux dont l'interdiction lui scra signifiée par le gouvernement avant sa libération.

« ART. 58. - Il en sera de même pour les condamnés à un emprisonnement de plus d'une année pour délit, qui, dans le même délai, seraient reconnus coupables du même délit ou d'un crime devant être puni de l'emprisonnement.

« Ceux qui, ayant été antérieurement condamnés à une peine d'emprisonnement de moindre durée, commettraient le même délit dans les mêmes conditions de temps, seront condamnés à une peine d'emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double de celle précédemment prononcée, sans toutefois qu'elle puisse dépasser le double du maximum de la peine encourue. « Les délits de vol, escroquerie et abus de confiance seront considérés comme étant, au point de vue de la récidive, un même délit.

« Il en sera de même des délits de vagabondage et de mendicité. » ART. 6. La présente loi est applicable aux colonies où le Code pénal métropolitain a été déclaré exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier 1877. Des décrets statueront sur l'application qui pourra être faite aux autres colonies.

ART. 7. La présente loi n'est applicable aux condamnations prononcées par les tribunaux militaires qu'en ce qui concerne les modifications apportées par l'article 5 ci-dessus aux articles 57 et 58 du Code pénal.

OBSERVATIONS. - La loi Bérenger est-elle applicable aux infractions prévues par le Code forestier ? Le texte de cette loi ne contient aucune mention des infractions forestières, non plus que des autres délits ou contraventions rentrant dans les matières spéciales analogues. Les travaux préparatoires de la Chambre et du Sénat ne fournissent non plus aucun renseignement.

Quant à la jurisprudence, elle commence à être assez nombreusc. Nous citerons les jugements et arrêts suivants, qui peuvent être consultés sur l'application de la loi aux matières spéciales:

Dans le sens de l'application de cette loi à toutes les infractions quel

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