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No 26.

Le jour de la délivrance du permis de chasse est-il compris dans l'année pendant laquelle ce permis est valable?

Les permis de chasse sont personnels, dit l'article 5 de la loi de 1844; ils sont valables pour tout le territoire de la République, et pour un an seulement.

La question s'est posée de savoir si le jour de la délivrance devait ètre considéré comme faisant partie de l'année pendant laquelle le permis est valable, en d'autres termes, si un permis daté du 1er septembre 1891 donnait le droit de chasser pendant la journée du 1er septembre 1892; et elle est plus importante qu'elle n'en a l'air au premier abord, puisqu'elle a donné lieu à des décisions de justice réitérées, et, si étonnant que cela puisse sembler, toutes concordantes.

En pratique, d'ailleurs, elle est bien loin de manquer d'intérêt. Combien de chasseurs qui, pour une raison ou pour une autre, empêchés de se livrer l'année qui vient, à leur distraction favorite, ne prennent pas de permis, et qui seraient cependant bien aises d'accepter l'invitation séduisante d'un ami hospitalier, qui les convie à prendre part, sur sa chasse giboyeuse, aux prouesses de l'ouverture.

Le malheur est que l'ouverture tombe précisément le 1er septembre et que titulaires d'un permis qui porte la même date de l'année précédente, ils se demandent s'ils ne vont pas s'exposer, en acceptant, aux rigueurs de la loi incarnée en la personne d'un garde champêtre rigou

reux.

Eh bien qu'ils se rassurent, et qu'ils arpentent d'un pas léger et l'esprit libre de toute crainte, corruptrice du plaisir, les chaumes et les sillons; et qu'au coucher du soleil, le nombre de leurs victimes, cailles, lapins, perdreaux et lièvres excite l'admiration et l'envie de leurs compagnons moins heureux ! Une jurisprudence libérale leur en assure le droit sans conteste.

La Cour d'Aix, le 16 janvier 1856 (Sirey, 1856, 2,70); celle de Toulouse, le 21 janvier 1864 (Sirey, 1864,2,62), celle de Cassation, le 22 mars 1850 (Dalloz, 1550,5,60), celle de Paris, le 12 octobre 1876 (Sirey, 1877,2,112) l'ont notamment décidé aussi expressément que possible. Quelques auteurs sont d'un avis contraire, mais comme, en pareille matière, il n'y a lieu de se préoccuper que de la pratique admise, on peut, sans aucun inconvénient, user de la faculté reconnue

par l'unanimité des cours et des tribunaux, avec la certitude qu'il ne se rencontrera ni un garde pour verbaliser, ni un parquet pour poursuivre, ni des juges pour condamner dans de telles conditions.

L'argument principal sur lequel les arrêtés cités plus hauts ont fondé leur théorie est irréfutable à mon sens.

Les permis donnent licence de chasser pendant une année pleine; or, comme l'heure à laquelle ils sont délivrés est variable, il est évident qu'un chasseur porteur d'un permis délivré le 31 août 1891 à 3 ou 4 heures de l'après-midi, ne jouirait pas de son droit pendant le cours d'un an tout entier, s'il lui était interdit de chasser le 31 août 1892 jusqu'à la même heure; d'autre part, il est de règle, en droit que les délais ne comptent pas d'heure à heure, mais de jour à jour; enfin les permis ne portent même pas l'indication de l'heure à laquelle ils sont remis à leur titulaire.

Raisons théoriques et pratiques s'unissent donc pour justifier la solution donnée.

P. REULLIER. Avocat à la Cour de Paris, Docteur en Droit.

N° 27. COUR D'APPEL DE PARIS (Ch. corr.).

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Le droit reconnu par l'art. 9 § 3 in fine de la loi du 3 mai 1844 au propriétaire ou fermier, de repousser ou détruire, même avec armes à feu, les bêtes fauves qui portent dommage à sa propriété, ne peut s'exercer légitimement qu'au cas d'une agression actuelle faite par cet animal contre la propriété, au moment même où le propriétaire ou fermier cherche à le capturer. Et l'on ne saurait voir, par suite, l'exercice légitime de ce droit, dans la recherche d'une bête fauve entreprise un certain nombre d'heures après l'incursion dont cette bête a été l'auteur.

Il n'y a point lieu d'ailleurs de considérer la présence de bêtes fauves dans le voisinage d'une propriété comme un dommage actuel ou imminent justifiant l'emploi des moyens propres à les détruire. La menare éventuelle et hypothétique d'incursions possibles ne peut être assimilée au cas de flagrant délit défini par l'art. 9 de la loi du 3 mai 1 844.

LA COUR:

MIN. PUB. C. VIVIER ET MARTIN.

Statuant sur l'appel interjeté par M. le procureur de la République d'Etampes du jugement du Tribunal correctionnel de cette ville en date du 30 janvier 1892, et y faisant droit :

Considérant qu'il résulte des débats et d'un procès-verbal dressé par deux gendarmes de la brigade de la Ferté-Alais, en date du 11 janvier 1892, que ledit jour la terre étant couverte de neige, ils ont vu sortir d'un bois situé sur le territoire de la commune d'Orveau le prévenu Vivier couvert de neige et de sable; qu'interpellé, celui-ci déclara qu'il chassait un renard en compagnie de Martin; que, conduits par Vivier, les gendarmes ont pénétré dans le bois et trouvé Martin occupé à fouiller à l'aide d'une pioche un terrier à la gauche duquel se trouvait un chien-courant; que, pour se disculper, les prévenus ont simplement déclaré qu'ils croyaient avoir le droit de chasser les bêtes fauves en tout temps; qu'en conséquence de ces faits, Vivier et Martin ont été traduits devant le Tribunal correctionnel d'Étampes sous prévention d'avoir chassé en temps de neige, et Martin, en outre, d'avoir chassé sans permis;

Considérant que le jugement dont est appel, admettant comme constant, sur la seule foi des déclarations faites par les prévenus à l'audience, que leurs maisons d'habitation étaient situées non loin du bois où ils avaient été trouvés chassant, lequel bois appartient à la commune, et qu'ils avaient à se plaindre des incursions que faisaient les renards dans leurs propriétés, les a considérés comme ayant fait usage d'un droit de légitime défense consacré par l'art. 9. in fine du § 3, de la loi du 3 mai 1844, et les a renvoyés des fins de la prévention;

Considérant que les prévenus n'auraient pu légitimement invoquer l'usage de la faculté naturelle reconnue par les dispositions de la loi dont s'agit, qu'à la condition de prouver qu'ils avaient eu à repousser une agression faite contre leurs propriétés par un animal sauvage, au moment même où ils cherchaient à le capturer; que, n'ayant ni fait ni même offert une preuve de ce genre, laquelle ne pouvait résulter de leurs seules allégations, c'est à tort qu'ils ont été, sans plus ample examen, relaxés de la poursuite par les premiers juges;

Considérant, au surplus, que des constatations auxquelles il a été procédé conformément aux instructions du procureur de la République depuis le jugement dont est appel, suivant procès-verbal de la gendarmeaie du 25 janvier 1892, il est résulté que les habitations de Vivier et de Martin sont situées à peu près au centre du village, à plus de 400 mètres de l'endroit où ils ont été trouvés chassant ; que l'habitation de Martin est close de telle sorte qu'un renard ne puisse y pénétrer; que les constatations tendent à établir que si un animal peut s'introduire dans la cour de Vivier, il lui serait extrêmement difficile de sortir; qu'interpellé à ce sujet, Vivier a déclaré qu'il avait remarque chez lui les traces de l'incursion d'un renard qui aurait pénétré dans sa cour dans la nuit du 10 au 11 janvier 1892, sans avoir d'ailleurs occasionné aucun dégât; qu'il n'avait montré ces traces à personne; que, parti avec son voisin Martin dans le courant de la journée du 11, à la recherche dudit renard, ils avaient rencontré une piste à environ 200 mètres de l'habitation de

Vivier et l'avaient suivie jusqu'au terrier, sans pouvoir d'ailleurs affirmer que cette piste était bien celle du renard qui se serait introduit chez lui; Considérant que la recherche d'une bête fauve entreprise dans ces conditions, un certain nombre d'heures après l'incursion dont cette bête aurait été l'auteur, ne saurait, en fait ni en droit, constituer l'usage de la faculté reconnue part l'art. 9 précité; que c'est donc à tort que le jugement dont est appel a déclaré que la présence prolongée de bêtes fauves dans le voisinage d'une propriété doit être considérée comme un dommage actuel et imminent qui justifie l'emploi des moyens propres à les détruire; qu'en effet, la menace hypothétique et éventuelle d'incursions possibles ne saurait être assimilée au cas de flagrant délit défini par l'art. 9 de la loi du 3 mai 1844;

Considérant, en conséquence, que le fait relevé à la charge des prévenus constitue un acte de chasse ordinaire soumis, dans son exercice, aux conditions déterminées par la loi et les règlements;

Considérant qu'aux termes d'un arrêté général pris par le préfet de Seineet-Oise, à la date du 16 février 1882, la chasse est expressément interdite dans la plaine aussi bien que dans les bois et forêts toutes les fois que la terre est couverte de neige, prohibition renouvelée par l'arrêté du 19 août 1891, relatif à l'ouverture de la chasse ;

Considérant que les prévenus n'étant pas poursuivis pour avoir chassé sur le terrain d'autrui, il n'échet de rechercher s'ils avaient le droit de chasser dans un bois appartenant à la commune ;

Par ces motifs,

Infirme le jugement dont est appel, et statuant à nouveau :

Déclare Vivier et Martin coupables d'avoir conjointement, le 11 janvier 1892, à Orveau (Seine-et-Oise), chassé pendant que la terre était couverte de neige, et Martin, en outre, d'avoir chassé sans permis; qu'ils ont ainsi contrevenu à l'arrêté et commis les délits prévus et punis par l'art. 11, 1o et 3°, de la loi du 3 mai 1844 ;

Les condamne chacun et solidairement à 16 francs d'amende.

M. Dupont, prés. ; M. Roulier, av. gén. ; M. Ignace, av.

Note. Ces questions sont en jurisprudence comme en doctrine très vivement controversées. V. dans le sens de l'arrêt recueilli Cass., 29 avril 1858 (D., 58,1,289); Rouen 18 février 1864 (D., 64,2,154); 13 avril 1865 (D., 65,1,196). Adde Camusat-Bresserolles et Franck-Carré, Code de la police de la chasse, p. 96; Gillon et Villepin, Nouveau Code de la chasse, no 201. Mais d'autres auteurs et arrêts plus nombreux se montrent moins rigoureux, et ne subordonnent l'exercice du droit de destruction des bêtes fauves par le fermier ou propriétaire qu'à l'existence d'un danger, non pas nécessairement actuel, mais simplement imminent, et pouvant résulter de la seule présence prolongée de ces bêtes sur sa propriété ou dans le voisinage. V. en ce dernier sens: Cass., 14 avril 1848 (D., 48, 1, 135); Metz, 28 novembre 1867 (D., 68, 2,123); Rouen, 25 février 1875, et Caen, 8 décembre 1865 (D.. 76.2,159): Caen, 26 juin 1878 (D., 80,2,73); Amiens, 31 août 1882 (D., 82,5,64); Poitiers, 19 janvier 1883 (D., 83,2,55) et sur pourvoi. Cass. 28 avril 1883 (D., 83,5,54); Cass., 29 décembre 1883 (D., 84,4,9). Adde: Rogron, Code de la chasse, p. 118; Giraudeau et Lelièvre, la Chasse, no 590; Leblond, Code de la chasse. no 157; de Neremand, Questions sur la chasse, p. 58; Fremy, Droit de destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, no 11 Villequez, id., no 69; Menche de Loisne, Essai sur le droit de chasse, no 214; Jullemier, Locations de chasse, p. 106; Labori et Schaffhauser, Rép. encycl. du Dr. fr., vo Animaux, n° 54.

No 28. COUR D'APPEL DE LYON (1 Ch.). 17 Nov. 1891.

Autorisation de plaider. Commune. Chemin. Revendication,

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Action

exercée par un contribuable. Action ultérieure de la commune. Chose jugée. Non-recevabilité.

Une commune est légalement représentée en justice par un de ses habitants autorisé par le conseil de préfecture à poursuivre en justice, à défaut de ladite commune, la revendication d'un chemin.

Il en est ainsi, surtout alors que la commune mise en cause, et préalablement appelée à en délibérer, a refusé d'exercer l'action qui lui appartenait.

En conséquence, si, ultérieurement, la commune poursuit la même revendication, le défendeur est fondé à lui opposer l'exception de chose jugée tirée de la décision intervenue dans l'instance introduite par l'habitant qui a été autorisé à agir, à défaut par la commune de le faire.

COMMUNE DE SAINT-GENEST-LERPT c. DUBAUCHET

Le Tribunal civil de Saint-Etienne avait, le 20 mai 1887, rendu le jugement suivant :

Attendu que la veuve Barrelon, agissant comme substituée aux droits de la commune de Saint-Genest-Lerpt, suivant autorisation préfectorale, a introduit contre Dubauchet une demande tendant à ce que la justice déclare que ce dernier avait sans droit bouché et supprimé un chemin public tendant du hameau de Trémolin à celui de Poy;

Attendu qu'un jugement du 16 juillet 1884 l'a admise à faire la preuve des faits par elle articulés et tendant à établir que ce chemin avait figuré sur les tableaux de classement des chemins de la commune, qu'il avait été pratiqué par tous les habitants, qu'il avait été entretenu aux frais de la commune;

Attendu que l'enquête et la contre-enquête ont établi que jamais ce prétendu chemin n'avait figuré sur les tableaux de classement des chemins de la commune, qu'il n'avait jamais eu d'assiette fixe, que jamais il n'avait été entretenu par la commune;

< Attendu que la demanderesse ayant échoué complètement dans sa preuve doit être déboutée de sa demande;

Par ces motifs,

« Déclare la dame Barrelon-Pencl mal fondée dans sa demande; L'en déboute, et la condamne aux dépens. »

La commune de Saint-Genest-Lerpt ayant ultérieurement engagé contre le sieur Dubauchet une action tendant aux mêmes fins, le Tribunal a repoussé sa demande, par un jugement en ces termes, le 27 novembre 1889 :

• Attendu que la commune de Saint-Genest-Lerpt prétend que c'est au VI - 6

TOMB XVIII

- JUIN 1892.

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