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Considérant que l'inculpé n'a pas encore été condamné à l'emprisonnement, que sa moralité paraît assez bonne, qu'il y a lieu de lui faire l'application de l'art. 1er de la loi du 26 mars 1891, que, d'ailleurs, rien ne s'oppose, en droit, à cette mesure bienveillante; qu'en effet, si le sursis ne peut être prononcé en matière de délits forestiers, parce que l'amende a un caractère de réparation civile, il en est autrement alors que l'Administration des Forêts poursuit la répression d'un délit de droit commun, en vertu d'anciennes dispositions législatives non abrogées par les lois nouvelles; que, d'un autre côté, il résulte des renseignements, fournis au tribunal dans une autre affaire, que le droit de chasse dans la partie de la forêt de Bercé, où le délit a été commis, a été affermé au sieur Séché par l'Administration; que celle-ci ne peut donc agir que dans l'intérêt de la vindicte publique, et non pour obtenir une réparation pécuniaire;

Vu ledit article et l'article 194 du Code d'instruction criminelle qui ont été lus à l'audience par le Président;

Par ces motifs condamne Rousseau (Jean-Prosper) à 16 francs d'amende ; dit qu'il sera sursis pendant cinq ans à l'exécution de cette peine, laquelle sera réputée non avenue si pendant ce laps de temps l'inculpé n'encourt pas une nouvelle condamnation à l'emprisonnement ou à une peine plus forte pour crime ou délit de droit commun; et le condamne en outre à rembourser à l'État les frais de la procédure qui sont liquidés à la somme de vingt-trois francs quatre-vingt-dix-neuf centimes, plus deux francs pour droit de poste; fixe au maximum la durée de la contrainte par corps pour le paiement des frais.

L'Administration des Forêts ayant interjeté appel de ce jugement, la Cour d'Angers a fait droit à ses conclusions par un arrêt du 27 avril 1893 ainsi conçu :

La Cour,

Au fond Adoptant les motifs des premiers juges;

Mais attendu qu'il est de jurisprudence que l'identité est complète au point de vue de leurs caractères juridiques entre les délits purement forestiers et les délits de chasse dans les bois soumis au régime forestier, les uns et les autres étant des délits forestiers placés en dehors du droit commun;

Attendu qu'au même titre ils échappent à l'application des dispositions de la loi du vingt-six mars mil huit cent quatre-vingt-onze;

Par ces motifs :

Quant à la culpabilité, confirme le jugement correctionnel de la Flèche du huit mars mil huit cent quatre-vingt-treize;

Dit toutefois qu'à tort la loi du vingt-six mars mil huit cent quatre-vingtonze a été appliquée à Rousseau; infirme cette disposition du jugement;

Dit qu'il ne sera pas sursis à l'exécution de la peine;

Maintient les autres dispositions non contraires.

MM. Chudeau, président; Le Poitevin, substitut; Delaporte, inspecteur des Forêts.

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L'action tendant à ce qu'il soit procédé par experts et à l'aide de titres, de signes matériels et de tous autres documents, à la recherche et à la fixation des limites respectives de propriétés constitue une action en bornage et non une action en revendication. L'action en revendication, au contraire, doit avoir pour objet une portion d'immeuble certaine et déterminée; et si elle peut naître des opérations de bornage, ce n'est qu'au cas où, à la suite de ces opérations, la propriété est contestée.

Particulièrement si l'action en bornage forcée par un voisin qui se plaint d'anticipations commises à son préjudice tend en définitive à obtenir des restitutions de terrain, elle ne perd pas pour cela son caractère propre et ne dégénère pas en action en revendication.

Les jardins et fonds de terre dépendant des bâtiments peuvent donner lieu à l'action en bornage, lorsque la limite en est incertaine, encore bien qu'ils soient dans l'intérieur des villes.

MATIGNON C. QUINTAINE.

LE TRIBUNAL: Attendu que, suivant exploit du 4 août 1888, Matignon, propriétaire d'un immeuble sis à Saint-Denis, rue du Landy, section F, numéro 337 du cadastre, a cité Moriton-Riffaud et Cie et Houdard, propriétaires contigus, devant le Tribunal de paix de Saint-Denis pour voir dire qu'il serait procédé, conformément à l'art. 646 C. civ., par expert commis et en présence des parties, à la délimitation et au bornage de la propriété du requérant et de celle des défendeurs, d'après l'application des titres de propriété; qu'un premier jugement de ce Tribunal du 10 août 1888 a commis avant faire droit Drouet, géomètre-expert, à l'effet de procéder à l'expertise et au bornage des propriétés de chacune des parties; qu'une première tentative de bornage ayant abouti à la constatation d'un déficit de terrain pour la propriété de Matignon, ce dernier a, par exploit du 27 novembre 1888, cité les défendeurs précités et en outre Lemoine et la veuve Quintaine, arrière-voisins, en justice de paix, pour voir dire que le jugement du 10 août précédent serait commun entre toutes les parties, et que Drouet, expert, procéderait en leur présence au bornage de leurs propriétés et de celle de Matignon; qu'un deuxième jugement du Tribunal de paix de Saint-Denis du 30 novembre 1888, après avoir constaté l'accord de toutes les parties sur la nécessité d'une expertise, a commis avant faire droit Drouet pour y procéder; qu'enfin, suivant exploit du 9 janvier 1889, Matignon a donné citation à Quintaine pour voir dire qu'il serait tenu d'intervenir dans l'instance en bornage et que toutes les dispositions du jugement du 30 novembre 1888 lui seraient déclarées communes ; que, par conclusions déposées à

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l'audience, Quintaine a opposé un bornage antérieurement pratiqué sur sa propriété, a invoqué la prescription de l'art. 2265 C. civ., et a soutenu que le Tribunal de paix était incompétent; que, contrairement à ces conclusions, le juge de paix s'est déclaré compétent, a dit que Quintaine serait tenu d'intervenir dans l'instance en bornage, et a déclaré communes avec lui les dispositions du jugement du 30 novembre 1888;

Attendu que Quintaine la interjeté appel des jugements des 30 novembre 1888 et 18 janvier 1889, qu'il soutient : 1o que le juge de paix était incompétent; 20 que l'action en bornage introduite contre lui par Matignon n'est pas fondée; qu'à l'appui de l'exception d'incompétence, il soutient que l'action introduite contre lui par Matignon constitue non une action en bornage, mais une véritable demande en revendication qui échappe à la compétence du juge de paix; qu'il ajoute que, dans tous les cas, il a invoqué pour sa défense un droit de propriété résultant de la prescription; qu'il s'ensuit une contestation de propriété dont le juge de paix ne saurait connaître; que, sur le fond, Quintaine prétend enfin que la demande en bornage devrait être en tous cas rejetée sa propriété ayant été bornée en 1863, et les terrains de la plaine Saint-Denis ne devant pas être assimilés à des héritages ruraux ;

Mais attendu, et sans qu'il soit besoin d'examiner si les jugements attaqués sont interlocutoires ou préparatoires et par suite susceptibles ou non d'appel, qu'il résulte de l'examen des citations des 4 août et 27 novembre 1888 et 9 janvier 1889, que la demande de Matignon a pour objet la délimitation, au moyen d'une expertise, de sa propriété et de celle des défendeurs ; que l'action tendant à ce qu'il soit procédé par experts et à l'aide de titres, de signes matériels et de tous autres documents, à la recherche et à la fixation des limites respectives de propriétés constitue bien une action en bornage et non une action en revendication; qu'une demande en revendication doit avoir pour objet une portion d'immeuble certaine et déterminée, et que tel n'est pas l'objet de la demande actuelle de Matignon qui, ayant constaté un déficit sur sa propriété, en recherche, au moyen d'un bornage, l'existence en excédent chez un de ses voisins, sans prétendre actuellement que cet excédent porte sur une propriété plutôt que sur une autre; que ledit Matignon ne réclamant rien à Quintaine que la délimitation de son terrain au moyen de ses titres de propriété, celui-ci ne pourra pas se soustraire à cette obligation en lui opposant la prescription; que si l'action en bornage fouraie par un voisin qui se plaint d'anticipations commises à son préjudice tend en définitive à obtenir des restrictions de terrain, elle ne perd pas pour cela son caractère propre et ne dégénère pas en action en revendication; qu'à la vérité une action en revendication peut naître des opérations de bornage ordonnées par les décisions attaquées, mais que c'est là la conséquence inévitable de tout bornage dans lequel il y a désaccord entre les parties sur les limites respectives de leurs propriétés, et que, tant que cette action en revendication n'est pas née, tant que la propriété n'est pas contestée, la demande originaire ne perd pas son caractère d'action en bornage et le juge de paix demeure compétent; que décider autrement serait dépouiller Matignon de son droit éventuel de revendication relatif au déficit qui aurait été constaté sur sa proposition, droit qui ne pourra naître pour lui que lorsque les opéra-tions de bornage auront déterminé où se trouvent les manquants, et à qui il doit s'adresser pour en obtenir la restitution ;

Attendu, sur le deuxième moyen, que Quintaine ne justifie pas que le bornage pratiqué sur sa propriété, le 2 mai 1863, soit complet et régulier; qu'en tous cas ce bornage n'est pas opposable à Matignon, qui n'y a pas été appelé ; que ledit Quintaine n'établit pas que les terrains de la plaine Saint-Denis soient soustraits au droit commun en ce qui concerne le bornage; que les jardins et fonds de terre dépendant des bâtiments peuvent donner lieu à l'action en bornage, lorsque la limite en est incertaine, encore bien qu'ils soient dans l'intérieur des villes ; qu'à plus forte raison les terrains dont s'agit doivent par conséquent y être soumis ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le Tribunal de paix de Saint-Denis était compétent pour ordonner le bornage et l'expertise des propriétés dont s'agit, ainsi qu'il l'a fait par ses jugements des 30 novembre 1888 et 18 janvier 1889, et ce conformément à l'art. 6, § 2, de la loi du 25 mai 1838;

Par ces motifs,

En la forme, reçoit Quintaine appelant des jugements susénoncés ;

Au fond:

Le déclare mal fondé dans son appel; l'en déboute;

Dit qu'il a été mal jugé, mal appelé ;

Ordonne, en conséquence, que les jugements dont s'agit sortiront leur plein. et entier effet pour être exécutés selon leurs formes et teneurs ; Condamne Quintaine à l'amende de fol appel et aux dépens,

Note.

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- V. Labori et Schaffhauser, Rép. encycl. du Dr. fr., v* Bornage, no 17, 41 et suiv. La question de savoir quels sont les cas dans lesquels la propriété est sérieusement discutée a donné lieu à différents systèmes successivement admis par la Cour de cassation. D'après le premier de ces systèmes on est en présence de l'action en bornage lorsqu'il s'agit simplement de planter des bornes sur une ligne de séparation incontestée ou facile à trouver au moyen de titres non contestés ou d'un simple mesurage matériel. Ce système est abandonné aujourd'hui par la Cour de cassation. V. en ce sens : Cass. 1er février 1842 (S. 42.1.99 — J. du P. 53.1.345 D. 42.1.173); 12 avril 1843 (S. 43.1.288 J. du P. 43.1.721); 27 novembre 1860 (S. 61.1.317 - J. du P. 61.727 D. 61.1.10): 27 novembre 1865 (S. 66.1.241. J. du P. 66,622 D. 67.1.80). - Un second système prend pour point de départ un nouveau critérium: la revendication précise de telle ou telle parcelle déterminée. En ce sens : Cass., 19 mars 1850 (S. 52. 1.646 J. du P. 51.1.552); 19 mai 1859 (S. 60.1.49 — J. du P. 59.961 D. 59.1.193); 8 août 1859 (S. 60.1.49-J. du P. 59.961 D. 59.1.344); 25 juin 1879 (S. 79.1.425— J. du P. 79.1.288). Enfin, d'après un dernier système, aujourd'hui suivi d'une façon constante par la Cour de cassation, l'action en bornage ne comprend qu'une simple recherche de limites; elle embrasse toutes les contestations touchant les bornes qui doivent être plantées et relatives à la position et à la détermination de la ligne séparative des deux propriétés. Mais si pour faire cette détermination, ou si, au cours des recherches qu'elle exige, l'une des parties revendique une parcelle quelconque du terrain, en se fondant sur un titre ou une cause d'acquisition quelconque, le juge de paix cesse d'être compétent. En ce sens Cass. 10 décembre 1862 (S. 63.1.260.— J. du P. 63.830-D.63.1.29); 26 août 1865 (S. 65.1.305 - J. du P. 65.750 D. 65.2.269); 27 novembre 1865 (S. 66.1.241-J. du P. 66.622 D. 66.1.102); 15 décembre 1868 (S. 69.1.32 J. du P. 69.51 D. 69.1.80); 21 février 1870 (S. 70.1.267 J. du P. 70.666 D. 70.1.98); 16 mars 1878 (S. 70.1. 359 — J. du P. 70.949 janvier 1873 (S. 72.1.16

149 J. du P. 73.361

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- D. 71.1.132); 21 novembre 1871 (D. 72.1.190); 3

J. du P. 72.23 D. 72.1.141); 10 février 1873 (S. 73.1.

- D. 73.1.360); 23 avril 1873 (S. 73.1.361 -J. du P. 73.914

D. 74.1.214); 2 août 1875 (S. 76.1.160 – J. du P. 76.16); 14 juin 1876 (S. 76.4.

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D. 76.1.324); 12 février 1870 (S. 79.1.176 J. du P. 79.

422

D. 79.1.463); 4 mars 1879 (S. 79.1.297 J. du P. 79.750-D. 79.1.183); 18 juin 1880 (S. 80.1.311 J. du P. 80.842- D. 80.1.262); 24 juillet 1884 (S. 86.1.314

J. du P. 80.842D. 80.1.262); 24 juillet 1884 (S. 86 1.314 D. 85.1.52); 4 février 1885 (Gaz. Pal. 85.1.330 S. 85 1.2!2): 24 octobre 1888 (Gaz. Pal. 88.2.616)

19 octobre 1885 (Gaz. Pal. 86.1.241).

N° 34. TRIBUNAL CIVIL DE DOUAI. 17 Février 1892.

Bornage.

Procès-verbal. · Preuve testimoniale.

1° Le bornage doit, pour être parfait, être suivi d'un procès-verbal signé par les parties et constatant les conditions dans lesquelles les bornes ont été plantées;

2o La preuve testimoniale d'un bornage n'est admissible que dans les conditions prévues par les art. 1341 et suiv. C. civ.

DELWARDRE C. VEUVE DOUAY

La veuve Douay a cité en bornage, devant le juge de paix de Marchiennes, le sieur Delwardre son voisin. Celui-ci refusa de procéder à cette opération, prétendant qu'un bornage contradictoire avait eu lieu entre les parties en 1873 et que, d'un commun accord, deux bornes avaient été placées à cette époque entre les propriétés contiguës. Il demandait d'en faire la preuve par témoins. Le juge de paix de Marchiennes, par un jugement en date du 9 décembre 1891, n'ayant pas admis ce système, appel fut interjeté par Delwardre devant le Tribunal civil de Douai qui a statué comme il suit :

LE TRIBUNAL: Attendu que Delwardre ne saurait exciper du bornage auquel il prétend qu'il a été procédé en 1873; qu'en effet l'opération du bornage doit, pour être parfaite, être suivie d'un procès-verbal, signé par les parties et constatant les conditions dans lesquelles les bornes ont été plantées; que Delwardre ne produit aucun procès-verbal de cette nature; qu'à la vérité il demande bien à établir par témoins que ses propriétés et celles des époux Douay ont fait, en 1873, l'objet d'un bornage, mais que la preuve testimoniale, comme celle qui pourrait être tirée des présomptions, est inadmissible en l'espèce, eu égard à l'art. 1341 C. civ. ; et ce, d'autant plus, que Delwardre a été longtemps locataire de la pièce de terre de la veuve Douay, qui confine à son propre terrain et que la possession par lui invoquée serait dès lors équivoque; Par ces motifs,

Confirme.

M. Delangre, prés.; Mes Escoffier et Wable, av.

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