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Mais attendu qu'il résulte également du procès-verbal précité, et qu'il n'est pas d'ailleurs dénié par le prévenu, que la gendarmerie a découvert et saisi, parmi les lacets de la griverie, vingt sauterelles qui constituent des engins de chasse prohibés, aux termes de l'art. 18 de l'arrêté du Préfet des Ardennes du 10 juillet 1879;

Attendu qu'aux termes de l'art. 24 du dit arrêté, la dispense d'un permis de chasse individuel pour les auxiliaires ne s'applique qu'à ceux qui ont participé, en cette qualité, à des actes de chasse à l'aide de procédés dûment autorisés, et que dès lors Diot, qui a participé à une chasse à l'aide d'engins prohibés, ne peut se prévaloir de cette immunité;

Attendu en conséquence qu'il a commis tout à la fois et le délit de chasse sans permis et celui de chasse à l'aide d'engins prohibés, prévus et réprimés par les art. 11, § 1er. et 12, § 2, de la loi du 3 mai 1844;

Attendu qu'en cas de conviction de plusieurs délits prévus par cette loi, la peine la plus forte doit seule être prononcée;

Par ces motifs, condamne Diot à 50 francs d'amende et 50 francs de dommages-intérêts, par application des art. 12 et 16 de la loi du 3 mai 1844.

Du 7 décembre 1892.-C. de Nancy, 1re chambre. MM. Angenoux, prés.; Obrin, av. gén.; Lacaill, av.

OBSERVATIONS: - Le garde particulier Diot, prévenu d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions d'officier de police judiciaire, a été de bon droit, en cette qualité, cité par devant la première chambre de la Cour d'appel (art. 479-483 Instr. crim.) Il n'était pas cependant nécessairement passible du maximum de la peine, car l'art. 12, dernier paragraphe, ne rend le maximum obligatoire qu'à l'égard « des gardes champêtres ou forestiers des communes, des gardes forestiers de l'État et des établissements publics; » or, dans l'espèce, il s'agit d'un garde particulier.

D

Abstraction faite du délit de chasse avec engins prohibés, il est généralement admis que l'auxiliaire de chasse, dans une tenderie aux oiseaux de passage, n'a pas besoin de prendre un permis lorsque son maître considéré comme le seul chasseur en possède un. (V. notamment Nancy, 7 nov. 1844, D. P., 45,4,75; Nancy, 11 déc. 1844 et sur pourvoi, Cass. cr., 8 mars 1845, D. P., 45, 1, 172. Cpr. cependant Chambéry, 3 fév. 1883, D. P., 85, 5, 60).

Du moment toutefois où l'auxiliaire de chasse employait des procédés autres que ceux autorisés par l'arrêté préfectoral contre les oiseaux de passage, il commettait le délit de chasse avec engins prohibés, et au point de vue du permis ne pouvait plus exciper de sa qualité d'auxiliaire qui ne lui était reconnue qu'autant qu'il se livrait à une chasse proprement dite. Cette question de permis importait peu d'ailleurs, la peine de l'art. 12 étant seule applicable, puisqu'elle est plus forte que celle de l'art. 11.

G.

No 11.

REGIME FORESTIER

DE L'ALGÉRIE 1

L'étendue du domaine forestier de l'Algérie est évaluée actuellement à 3.247.692 hectares qui se décomposent ainsi qu'il suit : Hectares administrés par le service des forêts

2.034.941

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Les essences principales qui couvrent ces 3 millions 200.000 hectares sont :

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Le thuya, le genévrier, le lentisque, l'olivier sauvage se disputent, avec une grande quantité de broussailles sans valeur, le reste des terrains forestiers.

Les pins d'Alep peuplent les massifs les plus étendus dans les trois départements. Ils forment avec les chênes verts, à une distance variant de 60 à 120 kilomètres du littoral, des forêts presque continues, occupant les sommets des montagnes où les rivières du Tell prennent leur source. Les chênes-liège abondent surtout dans le département de Constantine et dans celui d'Alger.

Les forêts de cèdres s'y rencontrent également, mais sur une superficie plus restreinte, et à une altitude qui ne descend guère au-dessous de 1.500 mètres.

Dans presque toutes les forêts se trouvent des vides, qui, à défaut de bois, sont couverts d'herbages et de broussailles.

-

Ces broussailles ne poussent pas seulement dans les vides; elles gagnent le sous-bois des massifs forestiers ; la bruyère arborescente, le myrte, le phylaria, l'arbousier, les genêts, les ronces enchevêtrées avec le diss et les végétations herbacées, forment des fourrés impénétrables qui étouffent les jeunes plants de reproduction; après la sécheresse de l'été, elles offrent un aliment propice à l'incendie; elles constituent un danger permanent pour la conservation des essences productives.

1. Extrait du Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner les modifications à introduire dans la législation et dans l'organisation des divers services de l'Algérie, par M. Jules GUICHARD, sénateur. Cette Commission est composée de MM. Jules Ferry, Président; Challemel-Lacour, Berthelot, VicePrésidents; Franck Chauveau, Pauliat, Secrétaires; Reymond, Jacques, Chardon, Jules Guichard, Clamageran, Combes, Emile Labiche, Isaac, Dide, Mauguin, Général Billot, Hugot, Jean Dupuy. M. Alfred Bonsergent, Secrétaire-Rédacteur au Sénat, Secrétaire-adjoint.

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Le personnel chargé d'assurer, en Algérie, le service forestier, comprend:

3 conservateurs, 1 par département,

15 inspecteurs,

13 inspecteurs adjoints,

34 gardes généraux,

45 brigadiers et gardes sédentaires,

92 brigadiers actifs,

374 gardes,

182 gardes indigènes.

758

Les crédits affectés au traitement de ce personnel s'élèvent, pour l'exercice 1892, à . .

Il a été, en outre, porté au budget, pour travaux et dépenses diverses du service des forêts, une somme de

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1.669.350 fr.

992.000

2.661.250 fr.

Les recettes brutes moyennes des dix dernières années ont été de 477.000 francs.

Etant donnée une superficie boisée aussi importante, peuplée, en partie, d'arbres magnifiques qui ne le cèdent en rien aux plus beaux sujets des forêts d'Europe, au milieu d'un pays où il existe des grandes villes, des centres populeux, des lignes de chemins de fer à construire et à entretenir, il est permis de s'étonner que les produits du domaine forestier atteignent à peine le cinquième de ses dépenses.

A l'exception des forêts de chênes-liège, dont nous parlerons plus loin, les autres essences sont restées à peu près inexploitées.

Quelques poteaux ont été fournis au service des télégraphes; les maisons forestières et certains établissements militaires ont également employé les bois du pays.

Mais quand l'Administration a essayé de mettre en adjudication des coupes pouvant fournir du bois de construction, du bois de chauffage, du charbon, des traverses, etc., les enchères sont restées sans preneurs.

La cause principale qui arrête toute exploitation est le manque de voies de communication entre les forêts exploitables et les ports ou les centres habités. Les forêts sont inabordables en toute saison.

Dans la ville de Teniet, qui prospère et devient un centre plein d'activité, on construisait au mois d'avril dernier des maisons européennes.

Les charpentes, les poutres, tous les bois employés à ces constructions venaient d'Alger par chemin de fer jusqu'à Affreville; de là ils étaient transbordés sur des charrettes et mettaient deux jours pour arriver à destination.

Ces bois avaient été importés de Trieste, tandis qu'à quelques kilomètres de Teniet, au milieu d'un important massif boisé, des cèdres gigantesques et des chênes zéens séculaires gisaient abattus par l'âge et pourrissaient aux pieds de leurs pareils pleins de sève et de vigueur; car sous ces hautes futaies,

1. Rapport de M. Burdeau, 1891.

il est interdit d'enlever le bois mort aussi bien que l'herbe et les broussailles. Si l'on pouvait considérer les forêts algériennes comme une réserve confiée à la terre, dont, plus tard, à coup sûr, l'État ou la colonie tirera partic, il serait facile d'attendre patiemment l'époque de la récolte à venir. Malheureusement l'interdiction du pâturage des troupeaux dans les bois a réduit la population riveraine à la misère; le travail qu'elle pourrait trouver dans l'exploitation des forêts lui manque. Elle traduit son mécontentement et se venge en allumant des incendies qui accomplissent chaque année une œuvre de destruction irréparable.

Les forêts de chênes-liège seules ont donné lieu à un commencement sérieux de mise en valeur. Il y a eu bien des tâtonnements et des essais malheureux avant qu'un résultat fût obtenu; mais enfin la question des chênesliège a fait des progrès manifestes; leurs produits sont appelés à donner à la colonie un revenu important; elle mérite une étude spéciale 1.

Les revenus du domaine algérien grandiront naturellement avec l'amélioration des forêts et les progrès de l'industrie.

Combien il est triste de penser que cette fortune en perspective, qui serait pour l'Algérie la source de tant de bienfaits, est à la merci de ces terribles incendies qui sévissent presque annuellement depuis 1860!

Il n'est pas moins triste d'avoir à reconnaître que l'Administration, composée d'hommes dont le désir de bien faire et le dévouement sont indubitables, a persévéré aveuglément dans des errements qui ne pouvaient amener que des catastrophes.

Tous les massifs boisés de l'Algérie dont la France a pris possession étaient peuplés. La population y vivait à l'état pastoral. Le pâturage dans les bois était pour elle l'unique moyen de conserver ses troupeaux sans lesquels elle ne pouvait vivre.

Jamais, sous la domination des Turcs, on ne lui a interdit le pâturage; elle pouvait prendre librement le bois pour fabriquer ses grossiers instruments, pour se chauffer, pour entourer ses gourbis.

L'étendue des forêts et des broussailles était immense; leur exploitation était nulle, de sorte que les représentants de l'autorité dominante ne voyaient aucun mal à ce que cette population, d'ailleurs clairsemée, prélevât sur le domaine du souverain ce qui était nécessaire à ses besoins.

Tel a été, pendant des siècles, le genre de vie de la population forestière du littoral algérien. Cette jouissance libre et à peu près illimitée qui a précédé la conquête française a été brusquement interrompue lorsque les forêts ont été annexées au domaine comme propriété de l'État. En même temps que l'Administration en prenait possession, elle chargea ses agents de leur appliquer le Code forestier français.

1.

L'étude sur le chêne-liège établit, en somme, que le mode d'exploitation par le service forestier en régie a donné de bons résultats et qu'il y a lieu de la maintenir, au moins jusqu'après le résultat des ventes de 1895. Mais les réclamations et les plaintes des Algériens qui ont donné lieu à la suite du rapport ne doivent-elles pas être considérées comme un mouvement tournant à travers les broussailles ? (Note de la Rédaction.)

Notre honorable Président, dans son rapport sur l'organisation et les attributions du Gouvernement général de l'Algérie, a tracé, à propos du rattachement des forêts, un tableau saisissant des conséquences de l'application du Code forestier français aux forêts algériennes.

Comme il l'a parfaitement démontré, un grand nombre d'articles du Code français sont inapplicables ou excessifs en Algérie.

L'usage de la forêt n'est en France qu'un accessoire dans l'existence des riverains forestiers. Presque partout, les coupes de bois régulières, la culture de la terre avoisinante leur offrent du travail et des salaires, tandis que l'indigène algérien, accablé d'amendes, privé de son troupeau saisi, ne sait plus comment vivre; il va grossir le nombre des vagabonds et des crimine ls qui ne reculent pas devant les attentats contre les personnes et les propriétés.

A la date du 19 avril 1882, M. le Préfet d'Alger adressait à M. le Gouverneur le rapport suivant, que nous citerons en entier parce qu'il résume la situation existant en Algérie depuis vingt ans.

<< MONSIEUR LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL,

Dans le cours de ma récente tournée de revision, de nombreuses dépu<«tations de collectivités indigènes ont appelé mon attention sur la situation <critique que leur crée le taux exorbitant des amendes forestières qui leur << sont infligées.

Pleins de déférence pour le représentant de l'autorité administrative, les « pétitionnaires n'ont pas cependant dissimulé la profonde irritation que leur cause une telle situation, et j'ai été vivement frappé des considérations « sérieuses qu'ils ont exposées à l'appui de leur requête.

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Les administrateurs des collectivités intéresséees, que j'ai consultés à cet égard, ont été unanimes à reconnaître que les plaintes formulées étaient fondées, et à regretter l'extrême rigueur dont le service forestier fait preuve vis-à-vis des populations indigènes.

<«< Le service forestier redouble de sévérité dans l'application des amendes forestières; la répression des délits, la plupart de peu de gravité, est pra<< tiquée de telle sorte qu'elle amènera à bref délai la ruine complète des « indigènes. Les amendes atteignent parfois des proportions exagérées. L'on << peut citer notamment le nommé Abdel-Kader-ben-Miliani, qui a dû payer un acompte de 3.250 francs sur une amende s'élevant à près de 8.000 francs. Si l'on ajoute au principal les frais judiciaires, si l'on considère que les indigènes, peu familiers avec notre procédure, n'attachant aucune importance aux notifications qui leur sont faites, laissent écouler les délais <impartis pour transiger, et encourent ainsi la saisie et la vente de leurs facultés mobilières, on est amené à reconnaître que leur condamnation << entraîne fatalement leur ruine immédiate. Tel indigène, qui possédait quelques têtes de bétail qui le faisaient vivre, s'en trouve ainsi dépouillé et << vient ainsi augmenter le nombre toujours croissant des vagabonds sans ressources, au grand préjudice de la sécurité publique.

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« On ne saurait contester la légitimité du but que poursuit le service << forestier et, par suite, l'importance capitale qui s'attache à la conservation

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