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éclaircissements, pour s'assurer entre eux qu'il n'y a aucun empêchement, ou pour éviter un scandale, ou enfin pour prévenir un tort grave qui résulterait de ce mariage pour un tiers. Il est parlé de cet empêchement dans les Décrétales, au titre de Matrimonio contracto, contrà interdictum Ecclesiæ. Les parties pécheraient grièvement si, au mépris de ces défenses, elles se mariaient, quand même il n'y aurait réellement aucun empêchement; il faut en ce cas représenter la vérité du fait, pour lever la défense.

Tempus: ce mot signifie le temps dans lequel l'Église défend de célébrer les mariages. Il paraît par le canon Non oportet, 33, quæst. 4, que cette défense s'étendait autrefois depuis la Septuagésime jusqu'à l'octave de Pâques, et depuis l'avent jusqu'à la fète de l'Épiphanie; et mème, suivant ce canon, il était défendu de se marier durant trois semaines avant la fête de saint Jean-Baptiste; il était aussi défendu de se marier aux Rogations. (C. Capellanus, de Feris.) Le concile de Trente a prononcé anathème contre les hérétiques qui condamnaient cet usage de l'Église comme superstitieux. Si quis dixerit prohibitionem solemnitatis nuptiarum certis anni temporibus, superstitionem esse tyrannicam ab ethnicorum superstitione profectam: anathema sit. (Sess. XXV, can. 11.) Mais au chapitre 10 de la mème session, le concile a restreint le temps de cette défense, en ordonnant que l'on ne bénirait aucun mariage depuis le premier dimanche de l'avent jusqu'au jour de l'Épiphanie, et depuis le mercredi des Cendres jusqu'au dimanche In albis inclusivement, c'est-à-dire jusqu'au dimanche de Quasimodo: Sancta enim res est matrimonium, dit le concile, et sanctè tractandum.

De plus, dans certains diocèses, il est défendu de donner la bénédiction nuptiale les dimanches, les fêtes chômées et tous les jours d'abstinence.

Sponsalia. Les fiançailles sont des promesses qu'un jeune homme et une fille se font réciproquement de se prendre dans la suite pour mari et pour femme. Or, lorsque ces promesses sont véritables, réciproques, manifestées suffisamment et acceptées de part et d'autre, lorsqu'elles ont eu lieu librement entre deux personnes désignées nommément, et qui en sont capables selon les lois, elles obligent ceux qui les ont faites à contracter mariage ensemble; et, tant que cet engagement subsiste, ils ne peuvent, sans pécher grievement, se marier avec d'autres personnes. (Cap. Sicut ex litteris, de Sponsal. et matrim.) (Voyez FIANÇAILLES.)

Votum. Le vœu simple de la chasteté ou d'entrée en religion empêche de se marier sans crime, quoiqu'il ne rende pas le mariage nul. Cela est décidé par le chapitre Meminimus, le chapitre Veniens, Qui clerici vel vovent matrim., et le chapitre Quod votum, de Vot. redempt. in 6o. (Voyez VOEU.)

La raison que saint Thomas rend de cette décision (1) est que le

(1) In IV, sent., dist. 38, quæst. 1, art. 2.

vœu simple n'étant qu'une promesse qu'on fait à Dieu de lui consacrer son corps, celui qui la fait en est encore le maître et en peut disposer valablement en faveur d'un autre, ce qu'il fait quand il se marie; mais, parce qu'en se mariant il viole la foi qu'il a promise à Dieu, son mariage est illicite : toutefois il n'est pas nul, et étant une fois contracté, il ne peut être dissous sous prétexte de ce vou.

Impediunt fieri, permittunt facta teneri.

§ IV. Explication des EMPÊCHEMENTS dirimants.

I. EMPÊCHEMENT DE L'ERREUR. Error.

On distingue deux sortes d'erreurs qui peuvent se glisser dans un contrat de mariage, l'une qui tombe sur la personne, l'autre sur les qualités de la personne. L'erreur sur la personne est un empéchement dirimant au mariage, parce que là où il n'y a point de consentement, il n'y a point d'engagement, ni par conséquent de mariage : Qui autem errat, dit Gratien, non sentit, ergò non consentit, id est ut simul cum aliis sentit..... Verum est, ajoute ce compilateur, quod non omnis error consensum excludit, sed error alius est personæ, alius fortunæ, alius conditionis, alius qualitatis. (Can. Quod autem, 29, q. 2.) L'erreur de la personne est, par exemple, quand on croit épouser une personne et qu'on en épouse une autre; l'erreur de la fortune, quand on croyait que la personne que l'on a épousée était riche, et qu'elle est pauvre ; l'erreur de la condition, quand on a épousé une esclave, que l'on croyait libre; enfin l'erreur de la qualité, quand on croyait celui qu'on a épousé d'un bon caractère, sage, et qu'il se trouve méchant et débauché: Error fortunæ et qualitatis, continue Gratien, conjugii consensum excludit: error verò persona et conditionis, conjugii consensum non admittit. C'est sur ces distinctions que l'on doit décider toutes les questions qui peuvent s'élever sur cette matière. L'erreur de la personne annule le mariage; cet empêchement est de droit naturel; pour s'obliger, il faut consentir; mais l'erreur sur la fortune, ou sur les qualités de l'esprit et du cœur de la personne, ne rendent plus le mariage nul, il faudrait casser trop de mariages.

Si l'on voit dans les Conférences de Paris, et dans d'autres ouvrages, quelques exemples des cas particuliers où l'erreur sur la qualité a fait casser des mariages, les circonstances sont d'une nature à tenir lieu d'erreur sur la personne, et à exclure absolument tout consentement dans l'hypothèse, comme si quelqu'un se disait faussement fils d'un tel marquis ou d'un autre tel dignitaire.

Un mariage nul pour cause d'erreur peut être ratifié en secret par les parties, même depuis le concile de Trente, quand l'erreur est secrète; mais si elle est publique, d'une publicité juridique, il faut que les parties donnent un nouveau consentement en face de l'Église. (Voyez REHABILITATION, DISPENSE IN RADICE.)

§ II. EMPÊCHEMENT DE LA CONDITION. Conditio.

Par condition servile, on entend la servitude ou l'esclavage. Ce n'est point la condition servile, mais c'est l'erreur de la condition servile, qui forme un empêchement dirimant. Mandamus, dit Innocent III, quatenùs si constiterit quòd miles ignoranter contraxerit cum ancillá, ità quod postquàm intellexit conditionem ipsius, nec facto, nec verbo consenserit in eamdem... contrahendi cum aliâ liberam ipsi concedas auctoritate apostolicâ facultatem. Ainsi un homme qui épouse une esclave, la croyant libre, n'est point marié validement, son mariage est nul. (Cap. Proposuit; cap. Ad nostram, de Conjug. servor.) Mais s'il savait qu'elle fût esclave, et que néanmoins, il l'ait épousée, le mariage est valide, parce qu'il a consenti à cette inégalité. De même, dit Sylvius, si un esclave épousait une personne qu'il croyait libre et qui ne l'est pas, le mariage serait valide, parce que leur condition est égale de part et d'autre. Cet empêchement est de droit ecclésiastique, mais il a son fondement dans le droit naturel; car il y a quelque chose qui blesse l'équité dans ces sortes de mariages, puisque la personne libre se donne entièrement, tandis que l'esclave, n'étant point maître de lui, ne peut disposer qu'imparfaitement de sa personne, ni donner qu'un pouvoir restreint sur son corps; en outre la servitude peut mettre de grands obstacles à l'accomplissement des devoirs qu'impose le mariage, elle peut nuire beaucoup à l'éducation des enfants: il était donc très convenable que l'Église fit de la condition servile un empêchement dirimant, parce que cette condition est peu favorable à la liberté du mariage. (Voyez ESCLAVE.)

III. EMPÊCHEMENT DU VOEU. Votum.

(Voyez VOEU.)

IV. EMPÊCHEMENT DE LA PARENTÉ. Cognatio.
(Voyez PARENTE.)

V. EMPÈCHEMENT DU CRIME. Crimen.

Cet empêchement tire son origine de l'adultère ou de l'homicide, ou des deux joints ensemble; suivant la loi 13, T. de His quæ ut indignis, et la nov. 134, cap. 12, un homme ne pouvait épouser une veuve avec laquelle il avait commis l'adultère du vivant de son mari: Neque tale matrimonium stare, neque hæreditatis lucrum ad mulierem pertinere.

L'ancien droit canon s'était en ce point conformé au droit civil, ainsi qu'il paraît par le canon Illud verò, 31, q. 1, où il est dit: Nolumus, nec christianæ religioni convenit, ut ullus ducat in conjugium quim priùs polluerit per adulterium.

Mais le nouveau droit des décrétales a modifié cette disposition en réduisant l'empêchement du crime aux seuls cas auxquels les par

ties joindraient à l'adultère une promesse de s'épouser lorsqu'elles seraient libres, ou lorsque, dans la même vue, elles ont ensemble, ou l'une des deux, attenté à la vie du premier mari ou de la première femme: Quod nisi alter earum in mortem uxoris defunctæ fuerit machinatus, vel eâ vivente, sibi fidem dederit de matrimonio contrahendo legitimum judices matrimonium. (Cap. Significasti, de Eo qui duxit, etc.; cap. Super hoc, eod.; cap. Propositum, eod. tit.)

Comme les empêchements de mariage sont contre la liberté, celui-ci n'a absolument lieu que dans le cas du chapitre Significasti, qui sert aujourd'hui de règle à cet égard. Ainsi la seule promesse de s'épouser dans l'état du mariage, ne produit pas l'empêchement, si l'adultère n'y est joint, quoique ce soit là une chose très condamnable, et pour raison de laquelle on doive imposer une pénitence, parce qu'une personne déjà liée par un mariage s'expose à en désirer la dissolution par la promesse qu'elle fait d'en contracter un autre. (C. Si quis, de Eo qui duxit.)

Si les parties out commis l'adultère sans se faire aucune promesse de mariage, quoiqu'elles en aient formé le désir dans le cœur, il n'y a point entre elles d'empêchement de crime. (Arg. cap. Significasti.) Il faut que l'adultère soit joint à la promesse pour opérer cet em péchement sans homicide; il faut encore que l'adultère et la promesse de se marier ensemble aient été faits du vivant du premier mari ou de la première femme; mais il n'importe que la promesse de s'épouser ait été antérieure ou postérieure à l'adultere. Il faut aussi que cette promesse ait été acceptée par des paroles ou par quelque signe extérieur; il faut même que la personne qui accepte la promesse sache que celui qui lui promet de l'épouser est marié, ou qu'elle le soit elle-mème. (Arg. cap. Propositum.) Mais il n'importe que la promesse soit absolue ou conditionnelle, sincère ou feinte; car l'une et l'autre produit également un empêchement dirimant, puisqu'il est toujours vrai de dire qu'il y a une promesse réelle et effective de s'épouser, jointe au crime d'adultere.

L'homicide du mari, sans dessein d'épouser sa femme, n'est point un empêchement dirimant entre cette femme et le meurtrier. (Cap. Laudabilem, de Convers. infidel.) Si le meurtre a été fait de concert avec la femme, il faut qu'il ait été fait en vue de contracter mariage; car s'il avait été commis à une autre intention, les parties pourraient se marier ensemble. (Cap. Propositum, cit.)

Il faut, pour que l'empêchement ait lieu, que l'attentat sur la vie de l'un des conjoints ait été consommé, et que la mort s'en soit suivie. Anciennement l'attentat de la part de l'un des conjoints sur la vie de l'autre le rendait incapable de contracter mariage, non-seulement avec le complice, mais même il ne pouvait se marier avec aucun autre. (Can. Si qua mulier, 31, q. 1; can. Admonere, 33. q. 2.) Cette dernière peine, autrefois ordinaire pour les grands crimes, n'est plus connue depuis longtemps.

Les autres cas particuliers à décider sur cette matière doivent l'être

d'après les principes que nous venons d'établir, et surtout d'après le chapitre Significasti.

L'empêchement du crime n'est ni de droit naturel ni de droit divin, puisque David épousa Bethsabée, dont il avait fait périr le mari; il n'est que de droit ecclésiastique, et l'Église pourrait en dispenser.

VI. EMPÊCHEMENT DE LA DIVERSITÉ DE LA RELIGION.

Cultús disparitas.

La différence de religion peut venir de ce qu'une des parties est baptisée et chrétienne, et que l'autre ne l'est pas, ou bien de ce qu'une est catholique et l'autre hérétique.

La différence de religion entre une personne baptisée et une autre qui ne l'est pas, est un empêchement dirimant, introduit, sinon par une loi positive, du moins par une coutume générale, et qui, depuis le douzième siècle, a force de loi dans toute l'Église, comme l'attestent les théologiens et les canonistes. Entre catholiques et hérétiques, la différence de religion n'est qu'un empêchement prohibitif. L'Église a toujours défendu aux catholiques de s'allier avec les hérétiques, mais jamais elle n'a fait de loi pour annuler ces mariages.

Les théologiens se sont beaucoup exercés sur divers passages de saint Paul, de saint Augustin, de saint Ambroise, des canons et des canonistes, pour savoir si cet empêchement de diversité de la religion était de droit naturel, ou de droit positif divin; et après l'examen le plus exact, ils conviennent qu'il n'y a dans l'Église aucune loi précise qui prononce la peine de nullité contre les mariages contractés par un chrétien et un fidèle ou un hérétique.

Il est certain que les anciens canons du concile d'Elvire, du concile de Rome, sous Zacharie, du second concile d'Orléans et du premier concile d'Arles, de Chalcédoine et même des canons du décret (caus. 28, q. 1), tirés de saint Ambroise, en défendant expressément les mariages des chrétiens avec les infidèles, ne les déclaraient cependant pas nuls et non valables, puisqu'ils n'ordonnent pas même la séparation de ces mariés. Il n'y avait anciennement que les lois civiles des empereurs Valentinien et Valens, rapportées dans le code Théodosien (lib. III, tit. 14, de Nuptiis gentilium), qui déclarassent ces mariages non valablement contractés. Saint Augustin, même dans le livre de Fide et operibus, c. 19, dit que de son temps ces mariages étaient permis, ou que du moins il y avait lieu de douter s'ils étaient défendus: l'histoire nous en fournit plusieurs exemples, ne fût-ce que ceux de Clovis et du père de saint Augustin.

L'auteur des conférences d'Angers fixe l'époque de la nullité de ces mariages au douzième siècle, sur l'autorité de la lettre 122 d'Yves de Chartres à Vulgrain, archidiacre de Paris, de quelques canons du décret, c. 18, q. 1, et de ces paroles du Maître des sentences, qui supposent l'empêchement de la diversité de religion déjà établi : De dis

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