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L'article a été adopté sur appel nominal par 73 voix contre 21.

Article 20.

La justice est rendue et ses décisions sont exécutées au nom du Roi.

Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre et les mœurs, et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement. Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.

Le Roi a le droit de remettre, de réduire et de commuer les peines.

Article 21.

Le Roi est représenté dans la colonie par un gouverneur général, assisté d'un ou de plusieurs vice-gouverneurs généraux.

Sauf les personnes qui ont administré en l'une ou l'autre de ces qualités le territoire de l'État Indépendant du Congo, nul ne peut étre nommé aux fonctions de gouverneur général ou de vice-gouverneur général s'il n'est Belge de naissance ou par grande naturalisation.

Ces deux articles ont été adoptés sans observation.

Article 22.

Le pouvoir exécutif ne peut déléguer l'exercice de ses droits qu'aux personnes et aux corps constitués qui lui sont hiérarchiquement subordonnés. Toutefois, la délégation consentie par l'Etat Indépendant du Congo au comité spécial du Katanga restera valable jusqu'au 1er janvier 1912, à moins qu'un décret n'y mette fin à une date antérieure.

Le gouverneur général de la colonie exerce par voie d'ordonnances le pouvoir exécutif que le Roi lui délégue.

La délégation du pouvoir législatif est interdite. Toutefois, le Roi peut autoriser le gouverneur général, s'il y a urgence, à suspendre temporairement l'exécution des décrets et à rendre des ordonnances ayant force de loi. Les ordonnances ayant cet objet cessent d'être obligatoires après un délai de six mois si elles ne sont, avant l'expiration de ce terme, approuvées par décret.

Les ordonnances ayant force de loi et les ordonnances d'administration générale ne sont obligatoires qu'après avoir été publiées.

Le texte de la Commission des XVII portait au premier alinéa exercice de ses droits souverains ». Ce dernier mot a été supprimé par suite d'un amendement de l'honorable M. Mechelynck, auquel le Gouvernement s'est rallié. Le premier alinéa a été ensuite adopté par 76 voix contre 46. Le terme du 1er janvier 1910 admis par la Commission des XVII a été prorogé, sur la demande du Gouvernement, au 1er janvier 1912.

Les autres alinéas n'ont pas été amendés. L'honorable M. Mechelynck a maintenu dans son amendement la disposition suivante :

« Aucune mesure ne peut être prise en matière de presse que conformément aux lois et décrets qui la régissent. »

L'honorable Ministre de la Justice l'a accepté, mais sous réserve de le rattacher à l'article 2, ce qui a été fait lors de la seconde lecture.

CHAPITRE IV. DU MINISTRE DES COLONIES ET DU CONSEIL COLONIAL.

Article 23.

Le Ministre des colonies est nommé et révoqué par le Roi. Il fait partie du conseil des Ministres.

Les articles 86 à 91 de la Constitution belge lui sont applicables.

Cet article n'a pas été amendé, mais en seconde lecture le premier alinéa: Il est créé un Ministère des Colonies », a été supprimé comme inutile.

Article 24.

Il est institué un conseil colonial composé d'un président et de quatorze conseillers.

Le Ministre des Colonies préside le conseil. Il y a voix délibérative et, en cas de partage, prépondérante.

Huit conseillers sont nommés par le Roi. Six sont choisis par les Chambres législatives : trois par le Sénat et trois par la Chambre des Représentants; ils sont élus au scrutin secret et à la majorité absolue des voix.

Un des conseillers nommés par le Roi et alternativement un des conseillers nommés par la Chambre ou un des conseillers nommés par le Sénat sortent chaque année. Les conseillers sortent d'après leur rang d'ancienneté; le rang de ceux qui ont été nommés le même jour est déterminé par un tirage au sort. Les conseillers sortants peuvent être renommés.

Les fonctions de conseiller et de membre de la Chambre des Représentants ou du Sénat sont incompatibles.

Les fonctionnaires de l'administration coloniale en activité de service ne peuvent faire partie du conseil.

Le Gouvernement a demandé qu'un des conseillers nommés par le Roi et un des conseillers nommés par les Chambres sortent chaque année, afin que la durée du mandat de conseiller ne fût pas trop longue.

L'honorable M. Destrée a posé la question de savoir ce qu'il y aurait lieu de faire pour le cas d'élection de conseiller, si la majorité absolue n'était pas atteinte. L'honorable Ministre de la Justice a répondu que les règles ordinaires seraient suivies.

Un amendement de MM. Vandervelde et consorts proposait de laisser la nomination de tout le Conseil, composé de 12 membres, aux Chambres législatives, par moitié. Il a été rejeté par 76 voix contre 41.

Un autre amendement de MM. Mechelynck, Masson et Monville, proposant la nomination de quatre membres par le Roi, quatre membres par le Sénat et quatre par la Chambre des Représentants, a élé écarté par 68 non contre 47 oui.

En seconde lecture, l'honorable M. Mechelynck a proposé d'exprimer que les conseillers nommés par

les Chambres sortiraient alternativement, l'une année un conseiller nommé par les Représentants, l'autre année un conseiller nommé par les Sénateurs. (Voir l'alinéa 4.)

Article 25.

Le conseil colonial délibère sur toutes les questions que lui soumet le Roi.

Sauf le cas d'urgence, le conseil colonial est consulté sur tous les projets de décret. Les projets lui sont soumis par le Roi; ils sont accompagnés d'un exposé des motifs.

Le conseil donne son avis, sous forme de rapport motivé, dans le délai fixé par son règlement organique. Le rapport indique le nombre des opposants ainsi que les motifs de leur opposition.

Si le projet de décret soumis à la signature du Roi n'est pas conforme à l'avis du conseil, le Ministre des colonies y joint un rapport motivé.

Si le conseil ne s'est pas prononcé dans le délai fixé par son règlement, le décret peut être rendu sur un rapport motivé du Ministre des colonies.

Le rapport du conseil colonial et, éventuellement, le rapport du Ministre des colonies sont publiés en même temps que le décret.

Les décrets rendus en cas d'urgence sont soumis au conseil dans les dix jours de leur date; les causes de l'urgence lui sont indiquées. Le rapport du conseil est publié au plus tard un mois après la communication du décret.

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Les décisions rendues en matière civile et commerciale par les tribunaux siégeant dans la métropole et les sentences arbitrales exécutoires en Belgique ont dans la colonie l'autorité de la chose jugée et y sont exécutoires de plein droit.

Les actes authentiques exécutoires en Belgique sont exécutoires de plein droit dans la colonie.

Les décisions rendues en matière civile et commerciale par les tribunaux siégeant dans la colonie et les sentences arbitrales exécutoires au Congo ont en Belgique l'autorité de la chose jugée et y sont rendues exécutoires si elles réunissent les conditions suivantes : 1o que la décision ne contienne rien de contraire à l'ordre public ou aux principes du droit public belge; 20 que, d'après la loi coloniale, elle soit passée en force de chose jugée; 3o que, d'après la même loi, l'expédition qui en est produite réunisse les conditions nécessaires à son authenticité; 4o que les droits de la défense aient été respectés.

Les actes authentiques exécutoires dans la colonie sont rendus exécutoires en Belgique s'ils réunissent les conditions suivantes :

10 Que les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'aient rien de contraire à l'ordre public ou aux principes du droit public belge;

20 Que d'après la loi coloniale ils réunissent les conditions nécessaires à leur authenticité.

Les décisions de justice sont rendues exécutoires par le tribunal civil, les sentences arbitrales et les actes authentiques par le président du tribunal civil du lieu où l'exécution doit être poursuivie.

Le Gouvernement a proposé des amendements au texte de la Commission.

Son système reposait sur l'assimilation complète à faire pour les décisions rendues en Belgique et pour les décisions rendues dans la colonie, de même que pour les actes authentiques intervenus soit en Belgique, soit dans la colonie.

Cette assimilation n'a pas été admise. Mais les observations du Gouvernement ont été reconnues fondées en ce qui concerne les sentences arbitrales qui ne doivent pas être soumises à l'exequatur de la même manière que les décisions de justice.

Ce dernier point a été réglé par la disposition insérée à l'alinéa final d'après laquelle l'exequatur est donné pour les sentences arbitrales et les actes authentiques par le président du tribunal compétent.

D'après le texte de la Commission, les actes authentiques exécutoires dans la colonie étaient au même titre exécutoires en Belgique, comme les actes authentiques exécutoires en Belgique étaient de plein droit exécutoires dans la colonie.

Un amendement de MM. Franck et Beernaert, auquel le Gouvernement s'est rallié, a fait rejeter cette réciprocité.

Les actes authentiques exécutoires dans la colonie ne sont plus exécutoires en Belgique que moyennant les deux conditions énumérées dans l'avant-dernier alinéa de l'article 29.

Les mots sentences arbitrales » avaient disparu par erreur à la première lecture des 1er et 3e alinéas. Ils ont été rétablis à la seconde lecture.

Article 30.

Quiconque, poursuivi pour une infraction commise dans la colonie, sera trouvé en Belgique y sera jugé par les tribunaux belges conformément à la loi pénale coloniale, mais dans les formes prévues par la loi belge.

Les peines de servitude pénale prévues par la loi pénale coloniale sont, suivant leur durée, remplacées par des peines d'emprisonnement, de reclusion ou dé travaux forcés de même durée.

La chambre des mises en accusation pourra renvoyer l'inculpé, soit à sa demande, soit en vertu d'une décision unanime rendue en séance publique sur la réquisition du ministère public, l'inculpé entendu ou dûment cité, devant la juridiction_coloniale. Le cas échéant, la chambre prolongera, pour autant que de besoin, la durée de la validité du mandat d'arrêt.

Quiconque, poursuivi pour une infraction commise en Belgique, sera trouvé sur le territoire de la colonie sera livré à la justice belge pour être jugé conformément aux lois belges.

L'inculpé, si l'autorité belge n'en a pas réclamé la remise, pourra se faire représenter devant la juridiction belge par un fondé de pouvoir spécial.

Quand une infraction consiste en faits accomplis en partie sur le territoire belge et en partie sur le territoire colonial, elle sera considérée comme ayant été commise en Belgique.

S'il y a plusieurs coauteurs dont les uns sont trouvés sur le territoire belge et les autres sur le territoire colonial, les tribunaux belges sont seuls compétents.

Le tribunal competent à l'égard des auteurs principaux est également compétent à l'égard des complices.

Les décisions rendues en matière pénale par la justice belge ou la justice coloniale ont sur le territoire belge et sur le territoire colonial l'autorité de la chose jugée et y sont exécutoires de plein droit.

Divers amendements ont été proposés à cet article.

La décision de la Chambre des mises en accusation, prévue au 3e alinéa, devait être rendue à l'unanimité; un amendement de l'honorable M. Mechelynck, accepté par le Gouvernement, a ajouté que la décision devait être rendue en séance publique, l'inculpé entendu ou dûment cité.

Un amendement du Gouvernement a intercalé les trois derniers alinéas du texte de la Commission après le 4 alinéa du texte voté en première lecture.

En seconde lecture, l'honorable M. Mechelynck a proposé de remplacer, lorsque les tribunaux belges auraient à appliquer la loi pénale coloniale, les peines de servitude pénale, suivant leur durée, par des peines d'emprisonnement, de reclusion ou de travaux forcés. L'amendement a été adopté et constitue le second alinéa.

L'honorable M. Janson a demandé la suppression du 3e alinéa. Au vote par appel nominal, cet alinéa a été adopté par 82 voix contre 63.

Au second vote, la Chambre a supprimé, comme inutile, la disposition finale suivante: Toutefois, l'individu condamné par les tribunaux belges à une peine privative de la liberté d'au moins six mois de durée subira cette peine en Belgique, s'il en fait la demande. »

Article 31.

En toutes matières, la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires destinés à des personnes domiciliées ou résidant dans la colonie est soumise en Belgique aux règles générales relatives à la signification des actes destinés aux personnes domiciliées ou résidant à l'étranger. Toutefois, le Ministre des colonies intervient, le cas échéant, au lieu et place du Ministre des affaires étrangères.

Réciproquement, la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires destinés à des personnes domiciliées ou résidant en Belgique est soumise dans la colonie aux règles, générales relatives à la signification des actes destinés aux personnes domiciliées ou résidant à l'étranger.

Les commissions rogatoires émanant de l'autorité compétente belge ou coloniale sont exécutoires de plein droit sur le territoire belge et sur le territoire colonial.

Cet article a été adopté sans observation.

L'honorable M. Mechelynck a déposé un amendement fondé sur la dissolution du Conseil supérieur du Congo. L'honorable Ministre de la Justice a fait observer que l'on ne pouvait régler l'organisation judiciaire du Congo par la loi coloniale. Du reste, le Conseil supérieur du Congo doit continuer à exister. Certaines de ses attributions sont transférées par la loi au Conseil colonial, mais les attributions judiciaires du Conseil supérieur du Congo subsistent. L'organisation judiciaire actuelle demeure provisoirement, sauf à être soumise ultérieurement à une réorganisation générale par voie de décret. L'honorable M. Mechelynck a retiré sa proposition.

Article 82.

Les membres des Chambres législatives ne peuvent être en même temps fonctionnaire salarié, employé salarié ou avocat en titre de l'administration coloniale.

A dater de la promulgation de la présente loi, aucun membre d'une des deux Chambres législatives ne peut être nommé ou, s'il occupe actuellement pareilles fonctions, à l'expiration de leur terme, ne peut être renominé délégué du Gouvernement, administrateur ou commissaire dans des sociétés par actions qui poursuivent dans le Congo belge des entreprises à but lucratif, si ces fonctions sont rétribuées à un titre quelconque et si l'Etat est actionnaire de la société.

Cette dernière interdiction s'applique également aux membres du Conseil colonial, au gouverneur général, aux vice-gouverneurs généraux, aux magistrats et aux fonction

naires au service de l'administration coloniale.

Les candidats aux Chambres, élus bien qu'ils exercent des fonctions sujettes aux interdictions qui précèdent, ne sont admis à la prestation de serment qu'après les avoir résignées.

Les membres des Chambres ne peuvent être nommés aux fonctions et emplois prévus aux alinéas 1 et 2 qu'une année au moins après la cessation de leur mandat. N'est pas soumise à ce délai, la nomination aux fonctions de gouverneur général ou de vice-gouverneur général de la colonie.

Cet article a été ajouté sur la proposition du Gouvernement et avec des modifications demandées par les honorables MM. Woeste, Lepaige, Mechelynck et Franck.

:

En seconde lecture, l'expression de l'avant-dernier alinéa fonctions incompatibles avec le mandat législatif », a été remplacée par les mots : « fonctions sujettes aux interdictions qui précèdent ».

Article 33.

Les fonctionnaires et les militaires belges, autorisés à accepter des emplois dans la colonie tant avant qu'après l'annexion de celle-ci, conservent leur ancienneté et leurs titres à l'avancement dans l'administration ou l'arme qu'ils ont temporairement quittée. Cette disposition a été adoptée sans changement.

Article 34.

Les Belges mineurs ne peuvent s'engager dans l'armée coloniale sans le consentement écrit de leur père ou de leur mère veuve, ou, s'ils sont orphelins, de leur tuteur. Ce dernier devra être autorisé par délibération du conseil de famille.

Pendant la durée de leur service actif, les miliciens belges ne peuvent être autorisés à prendre du service dans l'armée coloniale. Toute autorisation qui leur serait donnée en violation de la présente disposition de loi sera considérée comme nulle et non avenue.

Cet article qui constituait les alinéas 2 et 3 de l'ancien article 30, lors du vote en première lecture, est du à un amendement de l'honorable M. Hoyois auquel le Gouvernement s'est rallié et qui a été adopté par assis et levé.

L'honorable M. Hubin avait proposé un autre amendement ainsi conçu: « Il est interdit à tout sousofficier, caporal ou soldat de l'armée belge de contracter un engagement dans l'armée coloniale moins d'un an après l'obtention de son congé illimité. » Cette proposition a été rejetée par 74 voix contre 48 et 5 abstentions.

En seconde lecture, les deux derniers alinéas de l'article 30 ont été détachés pour former l'article 34.

Article 35.

Indépendamment du drapeau et du sceau de la Belgique, la colonie du Congo peut faire usage du drapeau et du sceau dont s'est servi l'Etat du Congo.

Adopté sans observation.

Article 36.

Les décrets, règlements et autres actes en vigueur dans la colonie conservent leur force obligatoire, sauf les dispositions qui sont contraires à la présente loi et qui sont abrogées.

Un amendement de l'honorable M. Wauwermans n'ayant pas été maintenu, l'honorable M. Mechelynck a demandé d'indiquer la date jusqu'à laquelle les décrets auraient pu être publiés pour être obligatoires. L'honorable M. Renkin, Ministre de la Justice, a répondu que c'était la date de la promulgation, et que les décrets qui n'auraient pas été publiés au moment où la loi actuelle serait mise en vigueur viendraient à tomber.

L'honorable Ministre a ajouté qu'un arrêté royal interviendra pour fixer la date à laquelle les pouvoirs effectifs seront transmis à la Belgique; après cette date, il ne pourra plus être publié d'autres décrets que ceux pris par le pouvoir nouveau, mais tous les décrets antérieurs qui ne seront pas contraires à la loi coloniale et qui auront été légalement publiés continueront à sortir leurs effets.

Article 87.

Chaque année, en même temps que le projet de budget colonial, il est présenté aux Chambres, au nom du Roi, un rapport sur l'administration du Congo belge.

Ce rapport contient tous les renseignements propres à éclairer la représentation nationale sur la situation politique, économique, financière et morale de la colonie.

Il rend compte de l'emploi pendant l'exercice écoulé de l'annuité prévue par l'article 4 de l'acte additionnel au traité de cession de l'Etat Indépendant du Congo à la Belgique.

Le texte a été modifié par le Gouvernement d'accord avec la Commission.

Plusieurs membres de la Commission spéciale émettent le vœu que le Rapport renseigne notamment les modifications apportées à l'état de la propriété indigène et énumère les districts où le travail forcé a été aboli.

Le dernier alinéa a été inséré à la suite d'un amendement de MM. Hymans et consorts, auquel le Gouvernement s'est rallié.

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DISCOURS DE M. LE MINISTRE DE LA JUSTICE AU SÉNAT.

M. RENKIN, ministre de la justice. Une controverse s'est élevée à propos de l'article 1er de la loi coloniale.

importe que le gouvernement donne sur ce point des explications complètes.

Le principe de la séparation financière n'a jamais été contesté par nous. Ce principe est devenu l'a, b, c de la science coloniale.

Donc le patrimoine de la colonie est distinct du patrimoine de la métropole; les engagements de la colonie sont distincts des engagements de la métropole.

Si la métropole était amenée à intervenir, ce ne pourrait être que par voie d'avances remboursables ou de garanties données à un emprunt de la colonie.

Sur ce point, aucun doute n'est possible.

Mais un dissentiment a surgi à propos de la dette antérieure à l'annexion.

La Belgique est-elle tenue de cette dette?

La commission des XVII de la Chambre a posé sur ce point une question au gouvernement.

Celui-ci a répondu :

La dette de l'Etat Indépendant est et restera distincte de la dette publique belge. Mais l'Etat belge, reprenant tout l'actif et tous les engagements actuels de l'Etat Indépendant, se trouve engagé assurer le service de la dette antérieure à la reprise dans le cas où la colonie serait dans l'impossibilité d'y faire face. »

La Belgique ne devient donc pas, à notre avis, débitrice directe de la dette de l'Etat Indépendant ántérieure à la reprise. La colonie en demeure débitrice et devra y faire face par ses propres

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Les droits et les obligations de la Belgique vis-àvis de l'Etat Indépendant du Congo et des tiers intéressés sont déterminés exclusivement par le traité. Ce traité est une convention internationale. Une convention ne peut être valablement interprétée que par l'accord des deux parties ou, en cas de dissentiment, par le juge. Elle ne peut l'être par une des parties intéressées à l'exclusion de l'autre. Cela est élémentaire.

L'honorable M. Schollaert a clairement déterminé le sens du traité. aux termes duquel la Belgique reprend la souveraineté des territoires composant l'Etat Indépendant du Congo avec les droits et obligations qui y sont attachés ».

Il a déclaré que l'interprétation de l'Etat du Congo concordait avec celle du gouvernement belge.

La Belgique ayant repris l'Etat Indépendant est nécessairement garante de la dette existante.

Il est vrai qu'elle ne conserve ni l'actif ni le passif de l'Etat Indépendant, qu'elle constitue sa colonie en personne distincte, à qui elle remet le patrimoine de Í'Etat disparu.

Mais cela ne peut modifier les obligations qui dérivent juridiquement de l'annexion.

Si la Belgique était tenue, ce n'est pas à raison de l'existence d'un actif, mais à raison de la convention par laquelle elle a repris la souveraineté avec les droits et obligations qui y sont attachés. Qu'elle conserve ou ne conserve pas l'actif, cela ne modifie pas ses obligations.

C'est seulement dans le cas où elle céderait la souveraineté qu'elle perdrait les droits et serait dégagée des obligations qui en sont l'accessoire.

Supposons qu'ayant hérité d'un parent j'abandonne à un tiers le patrimoine qui m'est dévolu par succession, à charge par lui d'en payer les deties. Supposons que ce fiers dissipe l'actif de la succession et n'en paye pas les dettes. Les tiers créanciers de la succession n'auront-ils pas action contre moi? Evidemment oui, car ayant disposé de la succession j'ai fait acte d'héritier et suis tenu des dettes. Il n'en est pas autrement ici.

Comme l'a lumineusement établi l'honorable M. Léon De Lantsheere dans la séance du 19 août 1908, la Belgique s'est internationalement engagée à reprendre le passif de l'Etat du Congo.

Il dépend de la Belgique d'adopter pour l'administration intérieure de la colonie telles dispositions qu'elle veut. Mais ces règles ne concernent qu'ellemême. Elles ne peuvent déroger aux stipulations internationales, surtout quand elles intéressent des

tiers.

En un mot, le droit public interne ne peut modifier les conventions de droit international.

La loi coloniale, œuvre exclusive du législateur belge, ne peut modifier la portée d'un traité approuvé par ce même législateur.

Le texte de l'amendement Woeste dit que le service de la rente congolaise demeure exclusivement à la charge de la colonie, à moins qu'une loi n'en décide autrement.

La pensée de l'honorable M. Woeste était que la Belgique n'avait pas l'obligation morale d'intervenir en cas de besoin. Nombre des représentants qui ont voté l'amendement admettaient, au contraire, l'obligation morale, mais contestaient l'obligation juridique.

D'autres qui ont voté l'amendement admettent l'obligation juridique.

Quelques jours après le vote, M. Verhaegen, précisant sa pensée, déclarait au Bien public :

Supposons que l'actif de la colonie soit englouti dans quelque catastrophe, que les richesses de la colonie s'évaporent, personne ne conteste que la Belgique demeurera tenue de la dette de sa colonie;

ce que la Chambre a voulu éviter, c'est que le pouvoir exécutif à lui seul ne puise dans la caisse de la Belgique au profit de la colonie. »

Sur ces points nous sommes parfaitement d'accord.

Il s'est produit ici un dissentiment purement théorique, résultat de la confusion qu'on a faite entre droit international et droit public interne.

Je dis que le dissentiment est théorique.

Qu'on admette, en effet, l'obligation juridique de la Belgique ou que l'on soutienne que cette obligation est purement morale, on aboutit toujours à conclure qu'en cas de besoin la Belgique interviendrait pour l'exonération des charges de la dette antérieure.

Et dans l'un et l'autre système il est bien évident que l'intervention ne peut se produire qu'en vertu d'une loi.

Il est donc certain que, quel que soit le système auquel on se rallie, le pouvoir exécutif ne pourra jamais faire à la colonie, pas plus qu'à un Etat quelconque, une avance financière sans le vote d'une loi.

(Séance du Sénat du 4 septembre 1908.)

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