Page images
PDF
EPUB

manière à ne pas heurter la politique de la Russie, qu'il a le plus grand intérêt à ménager.

Le prochain Congrès des différents ministres des affaires étrangères à Paris a donné une nuance moins belliqueuse à la situation.

N° 171

Signé: BARRAL.

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AUX MINISTRES DU ROI A LONDRES, PARIS ET SAINT-PÉTERSBOURG

Florence, le 1er juin 1866.

Monsieur le Ministre, les représentants de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie auprès du gouvernement du Roi sont venus aujourd'hui me remettre des notes identiques, au nom de leurs gouvernements respectifs, pour inviter l'Italie à prendre part à des délibérations qui auraient lieu à Paris à l'effet de résoudre, par la voie diplomatique, les trois principales questions qui menacent d'une guerre prochaine l'Italie et l'Allemagne.

Le gouvernement du Roi adhère à cette proposition avec l'empressement que réclame l'urgence des complications actuelles. Il apporte d'autant plus volontiers son concours à la noble entreprise des trois grandes puissances neutres, qu'il est loin de craindre, pour les intérêts qui le concernent le plus directement, l'épreuve d'un débat solennel.

C'est un devoir, selon nous, pour les gouvernements engagés dans le conflit, de ne point éluder les difficultés qui l'ont provoqué; l'efficacité de l'œuvre de la Conférence est à ce prix. Pour notre part, la netteté de notre situation vis-à-vis de l'Autriche nous rend ce devoir facile à remplir.

Le double objet du différend existant entre la Prusse et l'Autriche a été précisé dans les notes que les ministres des trois puissances ont bien voulu me remettre; à défaut de bases de solution reconnues d'un commun accord, c'est là du moins un point de départ qui permettra à la Conférence de donner dès l'abord une direction utile à ses discussions. Le gouvernement du Roi désire pouvoir contribuer à ce que la réunion des plénipotentiaires des puissances ait des conséquences favorables aux intérêts de l'Allemagne.

Quant au différend qui divise depuis longtemps l'Autriche et l'Italie, il semble qu'il n'ait pas même été jugé nécessaire d'en déterminer l'objet.

Sous quelque point de vue qu'on le considère, il est impossible de méconnaître ce fait, que la domination de l'Autriche sur des provinces italiennes crée entre l'Autriche et l'Italie un antagonisme qui touche aux bases mêmes de l'existence des deux États. Cette situation, après avoir constitué, pendant de longues années, un danger permanent pour la paix générale, vient d'aboutir à une crise décisive.

L'Italie a dû s'armer pour assurer son indépendance; elle est persuadée d'autre part que la réunion convoquée à Paris aidera à la solution déjà jugée indispensable, il n'est pas téméraire de le dire, dans la conscience de l'Europe.

Je vous prie, monsieur le Ministre, de donner sans retard communication du contenu de la présente dépêche à S. Exc. M. le ministre des affaires étrangères.

Agréez, etc.

No 172

Signé LA MARMORA.

LE COMTE DE MENSDORFF AU PRINCE DE METTERNICH, A PARIS

Vienne, le 1er juin 1866.

Monsieur l'Ambassadeur, vous trouverez dans l'annexe copie de la dépêche qui m'a été communiquée le 29 mai par M. le comte de Mosbourg, et qui transmet au gouvernement impérial l'invitation de prendre part à des délibérations communes qu'il s'agirait d'ouvrir prochainement à Paris. Une invitation semblable nous a été adressée en même temps et en des termes presque identiques par les cours de Londres et de Saint-Pétersbourg.

Les trois cabinets nous informent que ces délibérations auraient pour objet de résoudre, dans l'intérêt de la paix, par la voie diplomatique, la question des duchés de l'Elbe, celle du différend italien, enfin celle des réformes à apporter au pacte fédéral allemand en tant qu'elles pourraient intéresser l'équilibre européen.

Nous nous plaisons à rendre hommage au sentiment qui a dicté la démarche des trois puissances. L'Autriche surtout est trop sensible

aux bienfaits de la paix pour ne pas voir avec satisfaction les efforts tentés afin de détourner de l'Europe les calamités de la guerre. Malgré les difficultés inhérentes à notre position en face des conjonctures actuelles, malgré les objections bien naturelles que pourrait soulever dans notre esprit l'idée d'une réunion appelée à discuter des questions d'une nature fort délicate pour le gouvernement impérial, nous ne refusons pas de nous associer à ces efforts. Nous voulons donner ainsi une nouvelle preuve des vues conciliantes et désintéressées qui n'ont cessé de guider notre politique.

Le gouvernement impérial désire seulement recevoir auparavant l'assurance que toutes les puissances devant participer à la réunion projetée sont prêtes, comme il l'est, à n'y chercher la poursuite d'aucun intérêt particulier au détriment de la tranquillité générale. Pour que l'œuvre de paix que les cabinets ont en vue puisse s'accomplir, il nous semble indispensable qu'il soit convenu d'avance qu'on exclura des délibérations toute combinaison qui tendrait à donner à un des États invités aujourd'hui à la réunion un agrandissement territorial ou un accroissement de puissance. Sans cette garantie préalable qui écarte les prétentions ambitieuses et ne laisse plus de place qu'à des arrangements équitables pour tous au même degré, il nous paraîtrait impossible de compter sur une heureuse issue des délibérations proposées.

Toute puissance animée de sentiments vraiment pacifiques n'hésitera pas à prendre un engagement semblable à celui que je viens d'indiquer, et les cabinets pourront, dans ce cas, s'occuper avec quelque chance de succès des moyens d'aplanir les difficultés du moment.

Nous croyons que le gouvernement français ne pourra méconnaître ce qu'il y a de fondé dans notre demande. Il y verra sans doute le désir sincère d'assurer aux conférences la seule base qui puisse prévenir les illusions, dissiper les malentendus, sauvegarder enfin les droits existants et permettre ainsi à l'Europe de rattacher de solides espérances de paix à l'ouverture des délibérations. Aussitôt que les trois gouvernements qui nous ont invités seront en mesure de nous faire parvenir l'assurance que nous demandons, le gouvernement impérial s'empressera de confirmer, par l'envoi à Paris d'un plénipotentiaire, l'adhésion qu'il donne dès aujourd'hui, sous cette réserve, à la proposition qui lui a été transmise.

Il est bien entendu, toutefois, que la position prise par le gouvernement impérial vis-à-vis du gouvernement du roi Victor-Emmanuel ne pourrait être ni altérée ni préjugée par le consentement de l'Autriche à se faire représenter dans une réunion qui doit s'occuper du « différend italien ». Dans des conférences diplomatiques tenues avant que la

ARCH. DIPL. 1873. - IV.

85

guerre ait rompu tout engagement ultérieur, on doit admettre que le droit public européen et, par conséquent, les traités servent naturellement de point de départ.

Nous pensons que cette remarque ne peut soulever d'objections; elle suffit pour indiquer l'attitude que nous aurons à prendre, et nous croyons donner aux puissances un gage de la parfaite loyauté de nos intentions, en montrant une franchise qui doit être entière de part et d'autre, si l'on veut qu'un essai sincère de conciliation soit tenté.

Nous devons enfin exprimer quelque surprise que le gouvernement pontifical ne soit pas également convié à prendre part à des délibérations concernant le différend italien. La situation de l'Italie ne saurait assurément être examinée, sans qu'il soit tenu compte des intérêts de la papauté. En dehors des questions de droit que nous tenons pourtant à réserver intactes, la souveraineté temporelle du Saint-Père est un fait reconnu, à ce qu'il me semble, par tous les gouvernements. Sa Sainteté a donc le droit incontestable de faire entendre sa voix dans une réunion qui doit s'occuper des affaires d'Italie.

Veuillez donner communication de la présente dépêche à M. Drouyn de Lhuys, et lui exprimer l'espoir qu'il accueillera nos observations avec l'esprit de loyauté qui nous les a inspirées.

Nous pensons que les positions respectives doivent être nettement établies de part et d'autre, si l'on ne veut pas se bercer soi-même et l'Europe de trompeuses illusions, au risque d'aggraver ainsi le péril au lieu de le diminuer.

Nous croyons donc rendre service à l'intérêt général en formulant une demande et en provoquant des explications qui seront de nature à répandre plus de clarté sur la situation.

Recevez, etc.

N 173

Signé MENSDOrff.

LE COMTE DE LAUNAY AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Saint-Pétersbourg, le 1er juin 1866.

Ensuite de déclaration du cabinet autrichien de n'accepter la Conférence qu'à la condition qu'il ne serait question, même sous la forme la plus déguisée, d'aucune cession de possession autrichienne, le prince

Gortschakoff a fait demander à Paris et à Londres si l'on considère encore Conférence comme ayant but pratique.

Signé LAUNAY.

No. 174

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 1er juin 1866.

Bismarck a donné lecture aux représentants des puissances neutres de la réponse prussienne, en spécifiant que le conflit ne devait point être attribué à la question des duchés, mais aux armements de l'Autriche.

Après cette communication, l'ambassadeur de France étant resté seul avec Bismarck, celui-ci lui dit en termes extrêmement exaltés que la position était devenue intolérable, et qu'il fallait en finir à tout prix.

Il n'est pas douteux, m'a dit l'ambassadeur de France, que lo comte de Bismarck parte avec la volonté arrêtée de mettre le feu aux poudres.

D'après les rapports de la police, l'on a des craintes sérieuses pour le renouvellement de l'attentat contre Bismarck. Il ne sort plus qu'étant accompagné, et des agents de police français viendront jusqu'à la frontière pour veiller à sa sûreté pendant tout le voyage. L'on ne pense pas que le Congrès puisse se réunir avant le 10.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Le baron Werther télégraphie au comte de Bismarck :

J'ai appris du comte Mensdorff que la réponse à l'invitation est

« PreviousContinue »