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de Mgr Duchesne sur les sanctuaires chrétiens d'Aboukir. Près de Canope, à Ménouthi, le patriarche Théophile avait installé le monastère de la Pénitence dans l'Isium, célèbre dans les annales du paganisme et de la volupté ; le temple et le culte secret des dieux disparurent au ve siècle, après des incidents racontés par un témoin, Zacharie de Gaza; au viie siècle, on retrouve au même lieu un pèlerinage et des guérisons opérées par saint Cyr (Abou-Kyr) et saint Jean; enfin leurs reliques fuient devant les Sarrasins, et trouvent l'hospitalité à Rome, dans une petite église, qui donnait aux marins alexandrins l'illusion de leur pays, mais où, pour les indigènes, le «< Sant abba Ciro » devint << Santa Pacera. » Au Caire, ce fut la communication de M. G. Maspero sur le prêtre qui convertit en église le temple de Kalabchéh, en Nubie le nom de Paul, ce nouvel apôtre, a été révélé par des graffites, découverts avec des inscriptions de rois païens de Nubie, pendant les travaux exécutés en ce temple pour le sauver de l'inondation. Son fils, M. Jean Maspero, marche sur ses traces: il prouve que si Théodore fut le premier évêque de Philæ, ce qu'on ignore, il ne le fut ni par la grâce de Narsès et de Justinien, ni à la date que l'on croyait, mais longtemps auparavant. M. Politis (Athènes) cherche l'indication de temples païens convertis en églises dans leurs propres noms chrétiens. M. Van der Ven (Bruxelles), non content de critiquer pour son compte les sources de la biographie de saint Spiridion, évêque de Chypre, nous fait assister à une discussion critique au viIe siècle, entre Théodore, panégyriste du saint, et plusieurs évêques, partagés entre l'autorité d'une fresque et celle d'un poème ïambique.

La sève égyptienne qui, mêlée à l'hellénisme, avait nourri l'art alexandrin, n'était pas épuisée quand le christianisme triompha. Elle s'est survécu en se transmuant dans l'art byzantin, l'art arabe, l'art copte.

A Alexandrie, M. Thiersch terminait sa conférence sur le Phare en le présentant comme le prototype des minarets arabes à tours superposées. D'après l'analyse faite par M. Kahby-bey des affinités de l'art copte, celui-ci adopte momentanément des formules byzantines, puis évolue vers l'art arabe, son rejeton. Le Rev. Kaufmann (Francfort-surle-Mein) avait envoyé une étude sur les quatre types de la basilique chrétienne dans les sanctuaires de Ménas au désert de Mariout. M. Clédat (Ismaïlia), l'heureux explorateur de Baouït, avait rédigé des notes sur les Couvents Blanc et Rouge. M. Quibell (le Caire) a déblayé le couvent de Saint-Jérémie à Saqqarah: d'après les arasements, il reconstitue le plan des salles et logements; dans une chaire, des frises, des fûts et chapiteaux de colonnes, il signale des détails. d'origine alexandrine, guirlandes de feuillages et de fruits, amours, têtes réalistes d'hommes et d'animaux.

Les origines égyptiennes de l'art byzantin ont été mises en lumière par M. Diehl (Paris). L'Égypte, métropole chrétienne de l'Orient, voit naître un nouvel art dans le Saïd dès le Ie siècle; dérivé de l'art alexandrin dont il tient formules et procédés, il marque à la fois une réaction chrétienne contre l'élégance sensuelle de l'art grec, et une réaction nationale, la même dont l'esprit séparatiste inspire les hérésies. Tout s'explique par ces deux éléments, auxquels l'architecture en joint quelques-uns d'origine asiatique, comme le trèfle de Syrie ou la coupole sur trompe d'angle de Perse: 1° le goût du décor polychrome se perpétue dans les mosaïques, les incrustations, les stucs peints, les métaux ouvrages; 2o la recherche du pittoresque, des scènes de genre, romanesques ou champêtres, des amours et des guirlandes, multiplie dans les églises les paysages des bords du Nil, les génies, les oiseaux, les fleurs et les fruits; 3° le souci de réalisme crée le style historique, les portraits de saints aux types individuels avec le mélange de vivants, abbés, prêtres, princes, aux scènes bibliques. Ainsi dans la Chronique de Théophile (ve siècle), le manuscrit de Cosmas, le couvent de Baouït, les étoffes d'Akhmim et d'Antinoé. Toutefois, il faut se garder d'excès exclusivistes et se tenir prudemment au terme vague d'« art syro-égyptien »>.

L'art byzantin, hors d'Égypte, fut étudié par M. Ouspensky (Constantinople), avec les mosaïques nouvellement découvertes dans l'église Saint-Démétrius à Salonique. M. Lambros (Athènes) recherche l'origine de l'aigle à deux têtes byzantin. Il relie heureusement le présent congrès au précédent par sa communication sur l'iconographie des empereurs byzantins d'après la décision du congrès d'Athènes. M. Diehl, par l'examen de noms et titres contenus dans l'inscription, fixe au règne d'Othon, en l'an 1000, la date de l'étoffe byzantine du reliquaire de Charlemagne. M. Huart fait ressortir les rapports de la calligraphie orientale avec l'archéologie. Enfin, à propos des sections spéciales de l'art oriental dans les musées archéologiques des Universités de l'Europe, M. Zwétaieff (Moscou) fait adopter par la section byzantine un vou, dont la portée dépassait la teneur, demandant qu'entre ces musées se produisent de fréquents et utiles échanges.

L'art de l'Égypte chrétienne a exercé son influence jusqu'en Occident. Une note de M. Mâle (Paris) le démontre pour le fameux Christ d'Amiens appelé « le beau Dieu » : le type du Christ foulant aux pieds le lion et le dragon a été créé par des chrétiens d'Alexandrie qui s'inspiraient des psaumes sans doute, mais aussi des figures populaires d'Horus sur les crocodiles. C'est chercher bien loin, dirat-on; mais M. Mâle a raison et trouverait facilement dans nos cathédrales d'autres preuves de sa thèse.

La numismatique était représentée par des mémoires de M. Babe

lon sur les monnaies de Tyr, - de M. Théodore Reinach (Paris) sur les monnaies d'Alexandre le Grand, de M. Svoronos (Athènes) sur les lacunes de la numismatique des Ptolémées.

La géographie pouvait réclamer sa part dans plusieurs des communications déjà citées et relatives aux rapports commerciaux et autres de l'Égypte avec le reste du bassin méditerranéen. Rappelons particulièrement l'administration de l'Égypte romaine d'après les papyrus, étudiée par M. Jouguet; par M. Perdrizet, l'organisation attique en dèmes et tribus d'Alexandrie et des nouvelles villes grecques contemporaines, à propos de fragments de Satyros et du rang donné par Philopator à la tribu Dionysia; et par M. Van der Ven, les renseignements topographiques sur l'ancienne Alexandrie, inclus dans le panégyrique de saint Spiridion.

Après tant de travaux, la brise de mer évoquée par M. Æginitis, avec la bataille de Marathon, devait rafraîchir délicieusement les congressistes!

Diverses observations ont été chuchotées pendant ce congrès.

La science n'est pas affaire de nationalité. Cependant, on remarqua que les Français apportèrent le plus grand nombre de communications, que les Allemands furent honorablement représentés, que les Grecs vinrent avec entrain, que les Russes firent bonne figure; par contre, on fut frappé de l'abstention presque absolue de l'Angleterre, on s'étonna du mutisme de l'Italie, on se demanda si l'Autriche se vengeait du boycottage turc. Où la politique va t-elle se nicher? L'Institut français d'archéologie orientale inaugurait par une réception ses nouveaux locaux; le mot d'ordre vint de ne prononcer aucun discours : l'entente cordiale ne vit-elle que d'abdications?

Dans les mémoires présentés ne manquaient ni la science, ni l'érudition, ni la méthode critique, ni même l'esprit ou l'art de bien dire. On en applaudit de haute valeur. Mais on n'aborda guère que des sujets d'études personnelles. On ne souleva point de ces questions d'ordre général qui justifient la réunion de tant de savants. Par suite, la discussion fut nulle. Là où elle sembla exister, comme entre MM. Thiersch et Hommel ou Cavvadias, MM. Schreiber et Breccia, ce fut par la succession fortuite de monologues à thèses divergentes. Un seul vœu fut émis, celui de M. Zwétaïeff dans la section byzantine, sur les échanges entre musées, et encore combien timide et restreint dans son objet! N'était-ce point une question à discuter dans toute son ampleur? Celle de la classification des musées n'aurait-elle pas sa place tout indiquée dans un programme de congrès? Comment vaut-il mieux conserver les monuments? Jusqu'à quel point est-il licite de les restaurer? Quels procédés sont le plus avantageux ? Peut-on admettre qu'on les approprie à de nouveaux usages, qu'on T. LXXXVI. 1er JUILLET 1909.

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en recule l'alignement, qu'on les transporte de toutes pièces, qu'on en change le cadre? Les artistes qui, dans les ruines, voudraient respecter tous les caprices du temps ont-ils raison contre les amateurs de reconstitutions? Archéologues et artistes doivent-ils protester, sans concession, contre les exigences des édiles modernes ou des ingénieurs, fussent-ils hydrographes et agronomes? Des comparaisons entre les systèmes, des échanges entre les idées ne manqueraient point d'intérêt. Et si, pour illustrer une discussion sur de tels sujets, l'exemple de l'Égypte eût été invoqué, n'y eût-il pas eu profit? Si ces discussions, comme certaines allusions des discours dans les séances solennelles, avaient provoqué quelque ovation à M. Maspero et à ses collaborateurs, où eût été le mal qu'aux décorations des potentats se joignît l'approbation des savants?

Aussitôt le congrès clos et un nouveau rendez-vous fixé pour Rome, les congressistes reprirent leur liberté, afin d'excursionner en Égypte. En même temps, égyptologues, collaborateurs du service des antiquités, élèves de l'Institut français retrouvèrent la parole pour servir aux congressistes de ciceroni doctes et courtois. Au pied des Pyramides, MM. Reisner et Steindorf avaient fait avec beaucoup de bonne grâce les honneurs de leurs fouilles. A Thèbes, ce fut un délicat plaisir que de visiter avec M. Daressy Louqsor et Médinet-Habou déblayés par lui; ce fut une joie de suivre M. Legrain au milieu de ses travaux de Karnak. A MM. Quibell, Gautier, Jean Maspero, etc., sont dus des remerciements.

Aux excursionnistes qui la visitaient pour la première fois, la Haute-Égypte se révélait admirable. Ceux qui y revenaient après une longue absence s'émerveillaient de la retrouver plus belle, avec Dendérah désensablé, Edfou dégagé et en partie reconstruit par M. Maspero, Kom-Ombo, sorti du sol, sous la direction de M. de Morgan, les tombes d'Aménôthès II et des fils de Ramsès III découvertes par M. Loret et par la mission italienne, Deïr-el-Bahari déblayé par M. Naville et restauré plus ou moins heureusement par M. Clarke, architecte, Louqsor secouant de plus en plus son linceul de terre sous la direction de MM. Grébaut et Maspero, Karnak enfin rajeunissant après la menace d'une ruine définitive. Mais nul discours ne fut nécessaire pour qu'on pleurât la mort de Philæ.

Serait-ce donc par coquetterie que les égyptologues s'étaient tus pendant le congrès ? Serait-ce pour mieux savourer l'aveu d'hellénomanes endurcis, forcés de convenir enfin qu'avant la naissance d'Homère une grande et belle civilisation avait tout de même fleuri aux bords du Nil?

J. BAILLET.

II.

LES MUSÉES DE CATALOGNE

Les peuples commencent à s'apercevoir que leurs gloires artistiques ne méritent pas moins que les autres d'être prises en considération; ils procèdent de toutes parts à l'inventaire de leurs richesses.

Le promoteur de l'archéologie catalane a été un prélat de grand style, Mgr Morgades y Gili, évêque de Vich, qui a réuni dans son palais épiscopal un musée d'une très haute valeur, une sorte de Cluny catalan, où l'on peut suivre le développement de l'art national depuis le XIIe jusqu'au XVIIIe siècle. Peintures, sculptures, ferronneries, meubles, bijoux, étoffes, habits, dentelles, verres, faïences, porcelaines, tout lui a été de bonne prise; il a dû vivre une vie enchantée tandis qu'il formait sa collection et il a laissé aux archéologues, aux artistes, aux historiens, un champ d'études aussi vaste que varié.

Instruits par son exemple, d'autres prélats catalans se sont mis à l'œuvre, et des musées analogues ont été constitués à Manresa et à Solsona. Un érudit, Victor Balaguer, a légué à la petite ville industrieuse de Vilanova y Geltru un musée-bibliothèque, qui renferme des pièces curieuses. Les provinces, à leur tour, se sont émues: Lérida, Tarragone, Barcelone ont leurs musées provinciaux : celui de Lérida occupe une salle du lycée provincial (instituto), celui de Tarragone emplit trois salles de la mairie, celui de Barcelone s'installe dans un véritable palais, restauré naguère à la demande d'Alphonse XII, qui se proposait de faire de longs séjours à Barcelone. Une Revue, le Bulletin de la Société d'excursions de Catalogne, peut renseigner les érudits sur les découvertes archéologiques réalisées dans la province. Des missions scientifiques explorent les stations préhistoriques de la province de Lérida, et dirigent des fouilles toujours fructueuses sur l'emplacement d'Empories, où l'on retrouve juxtaposées une ville ibérique, une ville phénicienne, une ville grecque et une ville romaine. L'Association archéologique de Vich a acheté le temple romain découvert dans les ruines du château de Moncada, l'a consolidé et couvert et y a installé un petit musée archéologique très intéressant.

C'est au musée de Barcelone qu'il faut chercher les documents les

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