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obligation précédente, est nulle et de nulle valeur, puisque la testatrice était mariée à l'époque de ses testamens, et qu'une femme mariée ne peut, sans l'autorisation de son mari, ni s'obliger ni reconnaître une obligation d'après le principe qui non potest dare, non potest confiteri ;

» D'où il suit que le premier juge, en n'admettant point par le jugement du 4 mai 1827, le premier testament comme une preuve complète, n'a infligé aucun grief aux appelans;

» Attendu que le premier juge, en admettant le testament dont il s'agit comme un commencement de preuve par écrit, s'est montré trop favorable aux appelans, puisque la femme mariée étant, sans le consentement de son mari, inhabile à s'obliger et à reconnaître des dettes, doit être aussi réputée inhabile à pouvoir donner des commencemens de preuve par écrit, et que les circonstances de la cause concourent à faire croire, ou que la dette n'a jamais existé, ou au moins qu'elle était éteinte, à l'époque du dernier testament;

» Attendu que les appelans n'ayant fourni au. cune preuve ultérieure, le premier juge a nécessairement dû leur adjuger leur demande le jugement définitif;

מ

par

Par ces motifs, ouï M. l'avocat - général Deguchteneere en son avis conforme, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'appel inci

dent

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>> La cour met l'appel principal au néant...(1)».

§. VI. La preuve du fait que le léga taire universel a soustrait ou supprimé, après la mort du testateur, un testament postérieur à celui qui l'institue, équipolle-t-elle, pour l'héritier ab intestat, à une présomption légale que le testament supprimé ou soustrait révoquait le testament représenté ?

L'affirmative n'était pas douteuse dans l'ancienne jurisprudence. « Lorsqu'il y a (disait Furgole, dans son Traité des testamens, chap. 6, sect. 3, no 180) un premier testa»ment qui paraît, et qu'il y en a encore un » second que l'héritier retient et supprime, » les héritiers ab intestat sont fondés à deman» der l'exhibition du second testament; faute » de quoi, nonobstant le premier, la succes»sion est déférée ab intestat, et cela est fondé » sur l'esprit de la loi 3, §. 11 12 et 13, D. » de tabulis exhibendis, où il est dit que celui » qui refuse d'exhiber le testament, doit être

(1) Jurisprudence la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1828, tome 2, page 104.

» condamné aux dommages-intérêts, lesquels » doivent être estimés, par rapport à l'héri» tier institué, eu égard à la valeur de l'hé» rédité, et par rapport aux légataires, eu » égard à la valeur du legs : Condemnatio ejus » autem judicii quanti interfuit æstimari » debet; quare si heres scriptus hoc interdicto experiatur, ad hereditatem referenda est » æstimatio, et si legatum sit, tantum venit in » æstimationem quantum sit in legato

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C'est effectivement ce qu'avait jugé, comme le remarquait Furgole, au même endroit, un arrêt du parlement de Paris, rapporté en ces termes, par Bretonnier, dans ses Observations sur Henrys, liv. 5, quest. 104:

«Tristan de Rostain a fait deux testamens ; le premier, le 28 octobre 1585; le second, le 20 juillet 1589.

» Par le premier, il fait son fils son légataire universel à la charge de substitution au profit de ses enfans, suivant l'ordre du sexe et de la naissance; et au défaut des enfans de son fils, il appelle les enfans de ses filles, suivant le même ordre; et au défaut des enfans de ses filles, il appelle Tristan de Rostain, son neveu et filleul.

>> Par le second, il fit la même substitution en faveur des enfans de son fils; mais, à leur défaut, il appela Tristan de Rostain, son neveu et filleul, portant son nom et ses armes. A l'égard de ses filles, il les institue ses héritières pour leur légitime, telle que de droit et de coutume, en laquelle il veut qu'elles imputent ce qu'elles ont reçu de lui en faveur de mariage.

>> Après la mort du testateur, il y eût procès aux requêtes du palais pour le partage des biens de la succession entre son fils et ses deux filles. Le fils produisit le premier testament dont l'exécution fut ordonnée par une sentence du 3 septembre 1602, de laquelle les filles interjetèrent appel au parlement. Elles soutinrent que le premier testament avait été révoqué par un autre postérieur : elles obtinrent permission de faire publier monitoire et de faire enquête. Sur le fondement de cette preuve, il intervint un arrêt contradictoire, le 13 avril 1604, par lequel Charles de Rostain fut condamné de représenter dans trois mois le testament de son père, du 22 juillet 1589, sinon que les biens seraient partagés, ab intestat».

Doit-on encore juger de même sous le Code civil?

On peut dire, pour la négative, qu'aux termes de l'art. 1035 de ce Code, les testamens ne peuvent être révoqués que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires por

tant déclaration du changement de volonté, et que, suivant l'art. 1036, les testamens pos· térieurs qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédens, n'annulleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles, ou qui seront contraires ; qu'ainsi, prouver que le défunt, après avoir disposé de ses biens par un premier testament, en a fait un second qui a disparu, ce n'est pas prouver qu'il a révoqué l'un par l'autre; et que, dèslors, le premier doit avoir tout son effet, nonobstant la disparition du second.

Mais cette raison qui serait péremptoire si la disparition du second testament était l'effet d'un cas fortuit ou d'une force majeure, devient sans objet quand il est prouvé que c'est par le fait du légataire universel institué par le premier testament, que le second a disparu. Alors, en effet, il y a délit de la part du légataire universel, et par conséquent obligation de réparer le dommage qui en est résulté. Or, ce dommage, en quoi consiste-t-il? En d'autres termes, le testament soustrait révoquait-il le testament représenté, ou ne faisait-il que le modifier? On l'ignore, mais on ne l'ignore que par l'effet du délit même. L'auteur du délit ne doit donc pas profiter d'une incertitude dont il est seul la cause; c'est donc contre lui que cette incertitude doit être interprétée ; il y a donc lieu d'élever au maximum l'évaluation du dommage qu'il a causé, et par conséquent de le condamner à délaisser la succession aux héritiers ab intestat, comme on l'y condamnerait sans difficulté, s'il était prouvé qu'au lieu de supprimer le second testament, il en a empêché la confection par violence ou par dol (1). C'est ce qui a été jugé par deux arrêts de la cour de cassation, l'un, du 29 février 1820, qui est rapporté au mot Confession, §. 4, no 1 ; l'autre, dont voici l'espèce:

Le 26 novembre 1816, testament olographe par lequel la dame de Mallandre institue les sieurs Lhurier et Vicaire ses légataires universels.

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Le 29 juillet 1825, arrêt de la chambre correctionnelle de la cour royale de Rouen, qui déclare, en effet, les sieurs Lhurier et Vicaire coupables du délit qui leur est imputé, et, entr'autres dispositions, réserve aux héritiers ab intestat de se pourvoir à fins civiles pour les dommages-intérêts qu'ils réclament (1). En conséquence les héritiers ab intestat font assigner les sieurs Lhurier et Vicaire devant le tribunal civil, et concluent à ce que, pour les indemniser du tort qu'ils leur ont fait par la suppression du second testament, ils soient condamnés à leur délaisser tous les biens de la succession.

Le premier septembre 1827, jugement qui accueille ces conclusions,

« Attendu que, dans l'espèce surtout, on doit dire que, si le second testament a été soustrait d'abord, puis ensuite détruit par Vicaire et Lhurier, comme cela a été décidé, tout doit faire présumer que le second testament anéantissait le premier, et ne contenait pas uniquement des dispositions de peu d'importance;

» Que, dès-lors, il était du plus haut intérêt pour les héritiers de le voir et de l'examiner; et que la réparation civile du délit qui empêche la représentation de ce testament, doit être la restitution entière de la succession;

» Qn'on arrive à ce résultat, soit en prononçant cette restitution à titre de dommages-intérêts,soit en l'ordonnant comme une conséquence de la Révocation du premier testament ».

Appel de ce jugement, de la part des sieurs Lhurier et Vicaire, à la cour royale de Rouen. Le 29 mars 1828, arrêt par lequel,

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Adoptant les motifs des premiers juges,

» Et attendu en outre que l'action civile pour la réparation du dommage, peut être poursuivie en même temps devant les mêmes juges que l'action publique, et qu'elle peut aussi l'être séparément;

» Attendu qu'un testament peut être révoqué en tout ou en partie par un testament postérieur; que la volonté de l'homme est ambulatoire; qu'il est évident que Lhurier et Vicaire n'ont pu se porter à soustraire et détruire le testament existant au moment du décès de la dame de Mallandre, que parcequ'il anéantissait celui de 1816, ou qu'il leur était moins avantageux; que, dans cette dernière supposition, le préjudice qu'ils auraient éprouvé,provient de leur fait; et que, dans l'un comme dans l'autre

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cas, le délit qu'ils ont commis ne peut leur profiter à l'effet de leur procurer le bénéfice du premier testament contre la dernière volonté préférable, manifestée par la dame de Mallandre;

que

» Attendu l'envoi en possession des biens de ladite dame de Mallandre, n'a été consenti dans la supposition que le testament que du 26 novembre 1816 était l'expression de la dernière volonté de cette dame, supposition détruite par l'arrêt de 1825, qui a irrévocable ment jugé qu'il existait, au moment de son décès, un testament qui a été soustrait par Lhu. rier et Vicaire ; d'où il suit qu'on doit considérer cette dame comme décédée ab intestat; que l'erreur des héritiers naturels provenant du dol de Lhurier et Vicaire, vicie et rend nulle la convention par laquelle lesdits héritiers ont consenti cet envoi ; que les héritiers naturels appelés par la loi, ont droit de se faire produire tous les testamens de la personne qu'ils représentent, pour les vérifier, les consentir ou les attaquer ;

» Attendu, enfin, que les condamnations prononcées par le tribunal contre Lhurier et Vicaire, sont une juste réparation du délit qu'ils

ont commis ».

Les sieurs Lhurier et Vicaire se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent comme violant les art. 970, 1035 et 1036 du Code civil.

D'après ces articles (disent-ils), le testament olographe doit, pour être valable, porter avec lui la preuve qu'il a été écrit en entier, daté et signé par le testateur, et la Révocation d'un testament ne peut être faite en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou un acte notarié qui porte que le testateur a changé de volonté, ou par des dispositions qui soient inconciliables avec celles déjà faites, ou qui leur soient contraires.

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Or, ces principes ont été violés par l'arrêt attaqué, en ce qu'il a été jugé que le testament olographe de la dame de Mallandre, par lequel les exposans ont été institués ses légataires universels, a été révoqué par un testament olographe postérieur que personne n'a vu, sans qu'il apparaisse de sa teneur, sans qu'il soit établi que ce prétendu testament contenait, soit la révocation de l'institution des exposans pour légataires universels de la dame de Mallandre portée au premier testament, soit des dispositions nouvelles contraires à celles-là, ou incompatibles avec elles.

» A la vérité, il est jugé que les demandeurs ont détruit le testament olographe que la dame de Mallandre aurait fait postérieurement à ce

lui du 26 novembre 1816; mais cette décision n'a prononcé que sur le fait de destruction.

» Il est incontestable que l'arrêt de 1825 a laissé intacte la question de savoir si le prétendu testament détruit révoquait l'institution des légataires universels faite par le premier testament en faveur des sieurs Lhurier et Vicaire.

» Reste à décider si la destruction d'un testament postérieur quelconque, par le fait des légataires institués dans un premier testament, peut, au civil, prouver suffisamment et légalement que le second testament révoquait les dispositions du premier testament, et que la succession du testateur s'est ouverte ab intestat, au profit de ses héritiers légitimes.

» Or, il est évident que le testament postérieur ne peut être réputé révocatoire du premier, de plein droit, et par cela seul qu'il a été détruit; il peut n'en être que la réitération avec quelques nouvelles dispositions d'un modique intérêt ; il peut le confirmer entièrement ou le modifier par des legs particuliers, sans le révoquer, sans anéantir les dispositions à titre universel. Comment attacher de plein droit au dernier testament la révocation du premier et de ses effets, lorsque, comme dans la cause, les dispositions du testament postérieur sont absolument inconnues; que personne ne l'a ni lu ni vu, soit avant, soit après la mort du testateur, et dont l'existence et la destruction ne sont prouvées que par les dépositions de quelques témoins, preuve si incertaine et si dangereuse?

>> La loi n'admet point une telle présomption; elle la repousse, au contraire, par son esprit et par son texte ; elle dispose formellement que les testamens ne sont révoqués par des testamens postérieurs, qu'autant que ces testamens contiennent révocation ou des disposi. tions nouvelles qui détruisent celles déjà faites.

» Le testament postérieur n'étant pas essentiellement révocatoire d'un premier testament, le fait qu'il a été détruit par l'héritier légitime loir à cette clause, ni la faire supposer. Il ne ou par le légataire universel, ne peut équivasuffit donc pas à celui qui prétend que le premier testament a été révoqué par un testament

postérieur, et qui veut profiter de la révocation, de prouver que le testament a été détruit : révoquait effectivement le premier ». il faut encore qu'il prouve que ce testament

Mais par arrêt du 4 juin 1829,

<< Sur le moyen tiré de la violation des art. 970, 1035 et 1636 du Code civil,

» Attendu que les principes généraux invoqués par les demandeurs sur la Révocation des testamens, ne sont pas applicables à l'espèce

dont il s'agit, puisqu'en effet la demande du 4 avril 1824 était uniquement fondée sur la suppression faite par les demandeurs du testament de la dame de Mallandre, postérieur à celui du 26 novembre 1816, en leur faveur; » Attendu qu'il a été irrévocablement jugé par un premier arrêt du 29 juillet 1825, que les demandeurs étaient coupables d'avoir détruit cet acte de la dernière volonté de la dame de Mallandre, existant encore à l'époque de son décès;

» Attendu que l'arrêt attaqué a considéré que, d'après les principes de nos lois, tant anciennes que nouvelles, un testament est la propriété des héritiers du sang, qui ont toujours le droit d'en exiger la représentation, pour le combattre, s'il y a lieu, et qu'ainsi la suppression de ce titre devait entraîner des dommages et intérêts envers les héritiers Mallandre, comme si la dame de Mallandre, leur auteur, était morte ab intestat; et qu'en jugeant de la sorte, la cour royale s'est déterminée par une appréciation de faits qui étaient dans ses attributions;

» La cour (chambre des requêtes ) rejette le pourvoi.... (1) ».

RIVAGES DE LA MER. Les Rivages de la mer font incontestablement partie du domaine public. Ce principe est reconnu par les lois romaines (loi 3, D. ne quid in loco publico), par l'ordonnance de la marine de 1681, par le préambule de l'édit de Louis XIV, du mois de février 1710, par l'art. 1er de la loi du 22 novembre-1er décembre 1790, et par l'art. 538 du Code civil.

Mais qu'entend-on par Rivages de la mer, ou, si l'on veut, jusqu'où s'étendent-ils ?

Les lois romaines paraissent ne pas s'accorder sur ce point avec l'ordonnance de la marine, de 1681.

Suivant le §. 3 du tit. 1er du liv. 2 des Institutes de Justinien, on doit réputer rivage, tout ce que le plus haut flot de la mer peut couvrir en hiver: Est autem littus maris, quatenùs hybernus fluctus maximus excurrit.

Mais, aux termes de l'ordonnance de 1681, liv. 4, tit. 7, art. 1er, le Rivage de la mer comprend tout ce qu'elle couvre et découvre pen. »dant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le plus grand flot de mars se peut éten» dre sur les grèves ».

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Ces dispositions, quoique différentes, peuvent cependant se concilier.

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 27, page 219.

Il est très-vraisemblable que, dans la rédaction de l'ordonnance de 1681, on n'a considéré, en parlant de la mer en général, que l'Océan, dont est baignée la plus grande partie des côtes du territoire français; et en ce sens, la décision de cette loi n'a rien que d'exact, parcequ'en effet, c'est au mois de mars que les flots de l'Océan s'étendent le plus sur les grèves.

Les législateurs romains, au contraire, n'avaient en vue que la Méditerranée, lorsqu'ils ont fixé le rivage au point où le plus grand flot peut atteindre en hiver; et il est certain que, dans cette mer, le plus grand flot d'hiver avance sur les grèves beaucoup au-delà du plus grand flot du mois de mars.

Ainsi, nous ne devons observer la disposition de l'ordonnance de 1681, que par rapport à l'Océan; et suivre, à l'égard de la Méditerranée, ce que nous prescrivent les lois romai

nes.

C'est effectivement ce qu'a jugé un arrêt du parlement d'Aix, que la Touloubre, dans sa Jurisprudence féodale, ire partie, tit. 4, no 7,

nous retrace en ces termes :

Quant au terrain des bords de la mer, lequel fait partie des régales, comme celui des places publiques et des remparts, jusqu'à une certaine distance, il y a un arrêt du parlement de Provence d'autant plus remarquable, qu'on ne trouve aucune autre décision sur cette matière.

» L'abbé de Saint-Victor possède les régales dans le terroir de Six-Fours, en vertu du transport fait à l'abbaye par la reine Jeanne, comtesse de Provence, le 20 décembre 1364. II vendit en 1630 à Michel Torrel la partie de ces régales qui se trouvait enclavée entre les caps de Moüissèque, Raisson et Brégaillon, au quartier de la Seine, où il n'y avait alors qu'un hameau, et où a été ensuite formé un bourg très-considérable. L'abbé de Saint-Victor réserva le môle qui s'alongeait dans la mer, et dix pans de largeur de long de ce môle, pour le rendre plus spacieux.

comblemens dans ces mêmes régales; on pré» Les successeurs de Torrel firent divers tendit qu'ils les avaient faits au-delà des bornes du Rivage de la mer, et empiété sur les terres voisines, et ils se plaignirent à leur tour que piété sur les régales. les possesseurs des fonds voisins avaient em

>> Dans le procès formé à ce sujet, intervint l'arrêt dont voici la teneur :

» La cour, sans s'arrêter aux avancemens et >>jets faits dans la mer par aucuns desdits parti>>culiers et tenanciers des biens proches d'i>> celle, déclare les terrains, bourbiers, graviers >>et marais étant le long du Rivage de la mer,

D

» depuis le cap de Bergaillon jusques au cap de »Moüissèque, et jusques où le plus haut »flot de la mer peut arriver de présent, >> ensemble les places à bâtir baillées par l'abbé >> de Saint-Victor, ou ayant droit et cause de lui, »être de la régale dont est question.......; et tout le reste des terrains où ledit flot ne peut arri» ver, être et appartenir auxdits particuliers».

Mais de là naît une autre question. Très-souvent, dans les rivières qui ont leur embouchure dans la mer, le flux fait remonter les eaux beaucoup plus loin que le plus grand flot de mars ou d'hiver ne s'étend sur les grèves. Doiton, pour cela, réputer rivages maritimes, les terres situées le long de ces rivières ?

Non, sans doute; et s'il en était autrement, les bords de la mer s'étendraient en certains endroits à plus de trente myriamètres (soixante lieues) au-delà de la mer même ; chose absurde et qui n'est certainement pas entrée dans les vues de l'ordonnance de 1681.

A la vérité, il est arrivé souvent que des gens avides d'envahir des propriétés particulières, se sont servis de ce prétexte pour en demander la concession au gouvernement, et qu'un zèle extrême à étendre les droits du domaine public, a fait accueillir ces demandes indiscrètes; mais toutes les fois que le gouvernement a été instruit par de justes réclamations, il est revenu sur ses pas et a condamné ses propres concessionnaires.

On peut citer là-dessus quatre arrêts du conseil bien remarquables.

Le premier, du 6 août 1771, a été rendu au profit du baron d'Anneville, au sujet des grèves dépendantes du fief d'Addeville, dans la commune de Saint-Côme-du-Mont,

Le second, du 13 décembre de la même année, est intervenu dans une contestation trèscélèbre entre le baron d'Amfreville, proprié taire d'un marais de ce nom, situé près la rivière d'Orne, et l'amiral de France qui soutenait que ce marais était un Rivage de la mer parceque le flux de la mer s'y portait régulièrement dans les hautes marées.

Le troisième, du 27 juillet 1778,a annulé,au profit du seigneur et des habitans de Salnelle, une concession surprise en 1765, du marais de de ce lieu, situé sur la même rivière d'Orne, dont les eaux la baignent aussi régulièrement dans les hautes marées.

Voici l'espèce du quatrième arrêt ;

Il existe près de Carentan, au confluent des deux rivières de Vire et de Taute, un terrain en nature de prairie, qui n'est éloigné de la mer que d'un demi-myriamètre, et n'en est séparé que par un banc de sable nommé Banc-Blanc.

Le flux de la mer montant dans les rivières de Vire et de Taute, en fait refluer les eaux qui se répandent sur les terres voisines; et par ce refoulement, la grève de Brévant est inondée aux équinoxes.

Le marquis de Courcy ayant demandé la concession de ce terrain, sous le prétexte que c'était un lais et relais de la mer, il fut rendu un arrêt, le 10 juillet 1763, portant qu'il en serait levé un plan figuratif et dressé un procès-verbal en présence du seigneur et des habitans de Brévant.

Le plan levé et le procès-verbal fait, arrêt intervint le 18 juin 1765, qui fit concession au marquis de Courcy des grèves de Brévant, à titre d'inféodation.

Il fut expédié sur cet arrêt des lettres-pa tentes adressées au parlement de Rouen. Cette cour,avant de faire droit sur la demande en enregistrement de ces lettres, ordonna, par deux arrêts,des informations de commodo et incommodo. Le sieur de Villy,seigneur de Brévant, et habitans de cette commune, formèrent opposition l'arrêt de concession. Ils en furent déboutés par un arrêt du 18 avril 1769, qui ordonna qu'il serait passé outre à l'enregistrement des lettres patentes expédiées sur celui du 18 juin 1765.

Mais cela n'empêcha pas que le sieur de Villy ne formât de nouveau opposition à l'enregistrement de ces lettres-patentes.

Par arrêt du parlement, du 21 mars 1770, cette opposition fut reçue, les lettres-patentes furent déclarées obreptices et subreptices, et le marquis de Courcy fut débouté de sa demande en enregistrement.

Celui-ci se pourvut au conseil, et y obtint, le 29 juin 1773, un arrêt qui cassa celui du parlement de Rouen.

En vertu de cet arrêt du conseil, le marquis de Courcy fit enregistrer aux requêtes de l'hôtel, son arrêt de concession et ses lettres-patentes, et il fut mis en possession des grèves dont il s'agit, par un commissaire du bureau des finances de Caen.

Mais le sieur de Villy et les habitans de Brévant demandèrent encore à être reçus opposans à l'arrêt de cassation du 29 juin 1773, et il fut ordonné, par arrêt du 12 septembre 1775, que leur requête serait communiquée au marquis de Courcy.

Cette opposition donna lieu à une instance très-considérable. On cherchait à repousser le sieur de Villy et les habitans de Brévant, par des fins de non-recevoir. L'on soutenait aussi que les grèves de Brévant étant couvertes par les eaux du flux et du reflux, formaient des bords et rivages de la mer, et qu'elles avaient pu être concédées.

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