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obtenu la cassation de l'arrêt du parlement de Paris.

» Ce ne serait là qu'une confusion de mots, qu'une équivoque facile à éclaircir.

» Sans contredit, vous avez jugé, le 19 messidor an 6, que l'affaire avait pu et dû, dans son principe, être instruite criminellement; et c'est parceque le parlement de Paris avait jugé le contraire, que vous avez cassé son arrêt.

>> Mais de ce qu'elle avait pu et dû être commencée dans la forme criminelle, il ne s'ensuit nullement qu'elle ait pu ni dû être continuée dans cette forme, après l'acquiescement donné par le ministère public à la sentence de civilisation, après l'abrogation implicitement prononcée par le Code des délits et des peines, de la disposition de l'ordonnance de 1670, qui permettait de convertir un procès civilisé en procès criminel; enfin, après l'extinction de l'action publique, opérée tant par le décès de tous les prévenus, Coppeaux excepté, que par la prescription acquise par Coppeaux lui

même.

» Il n'y a donc pas de contradiction entre votre jugement du 19 messidor an 6, et le moyen que vous propose en ce moment la dame Sirey.

» Ainsi restent dans toute leur force, les argumens qui établissent l'excès de pouvoir commis par la première section du tribunal d'appel de Paris, en s'adjoignant deux juges d'une autre section.

Telles sont les considérations par lesquelles nous avons eu l'honneur de vous proposer, le 30 fructidor an 10, de casser les jugemens du tribunal d'appel de Paris, des 23 pluviôse et 29 floréal précédens; et nous n'hésitons pas à vous les représenter comme une réfutation complète de la première branche des moyens d'opposition des héritiers Roquelaure.

» Il reste un deuxième point de vue sous lequel les héritiers Roquelaure attaquent votre jugement du 30 fructidor. Ils soutiennent qu'en renvoyant le fond de la cause au tribunal d'appel de Dijon, vous avez interverti l'ordre d'après lequel le fond de la cause aurait dû être renvoyé à l'un des deux tribunaux d'appel les plus voisins de celui de Paris.

» A cet égard, nous ne pouvons que nous en rapporter à votre justice et à votre sagesse. Ce n'est jamais sur nos conclusions, c'est toujours d'office, c'est toujours par des considérations pesées et muries dans le secret de vos délibérations, que vous vous déterminez, en cassant un jugement, à indiquer le tribunal qui devra par suite connaître du fond.

Nous savons bien qu'en général, ce tribunal doit être le plus voisin de celui dont le jugement est annulé; mais des motifs particuliers et dont vous êtes les seuls juges, peuvent quelquefois vous conduire à une détermination différente; et ce que vous avez fait le 30 fructidor an 10, dans l'affaire dont il est ici question, la section civile l'avait fait le 29 floréal précédent, dans l'affaire des héritiers Meulan, contre le cit. Sanegon : elle avait renvoyé devant le tribunal d'appel de Paris, une cause qui, par la règle des locacités, n'aurait dû être renvoyée qu'à l'un des tribunaux d'appel de Rouen, d'Amiens et de Douai.

» Nous devons ajouter que, dans l'espèce actuelle, les choses ne paraissent plus entières; qu'en exécution de votre jugement du 30 fructidor, il a été fait des poursuites devant le tribunal d'appel de Dijon; qu'en conséquence de ces poursuites, les délais ont couru utilement; que la cause se trouve vraisemblablement en état d'être jugée; qu'ainsi, la dame Sirey a une sorte de droit acquis à un prompt jugement; et que vous la priveriez de ce droit, si vous la renvoyiez à un autre tribunal.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter l'opposition des héritiers Roquelaure, en tant qu'elle a pour objet de faire rétracter l'annullation des jugemens du tribunal d'appel de Paris, des 23 pluviôse et 29 floréal an 10; nous en rapportant à votre prudence sur le sort de cette même opposition, en tant qu'elle a pour objet de faire renvoyer le fond de la cause à un autre tribunal que celui de Dijon».

Sur ces conclusions, arrêt du 18 germinal an 11, après un délibéré, au rapport de M. Rataud, par lequel,

« Le tribunal, vidant le délibéré ordonné par son jugement d'hier, reçoit Jean-Jacques Lergassé, curateur à l'interdiction de Marie-JulieHenriette de Bessuejouls de Roquelaure, épouse du cit. Prevenquières, le préfet du département de l'Oise,représentant Marie-Louis-Joseph de Béthune, Marie-Françoise-Ernestine de Béthune, Louis-Marie-Joseph de Kerouartz, Marie-Adrienne- Aldégonde de Béthune et LouisAlexandre Morgan, son mari, opposans au jugement rendu le 30 fructidor dernier;

>> Et faisant droit sur ladite opposition,

» Attendu, sur le premier moyen, que quoique la dame Sirey eût soutenu qu'originairement l'affaire dont il s'agit, avait pu et dû être poursuivie par la voie criminelle, elle ne pouvait perdre le droit de réclamer publiquement l'observation des formes que l'état de la procédure rendait nécessaire pour la régularité du jugement;

» Qu'aucune fin de non recevoir ne peut lui être opposée, 10 sous le rapport de la déclaration par elle faite de s'en rapporter à justice, sur la manière dont le tribunal d'appel de Paris croirait devoir se composer, pour procéder au jugement qu'il avait à rendre, puisque cela devenait un acte propre au tribunal et pleine ment étranger au fait des parties; 20 sous le rapport de l'exécution même volontaire qu'elle aurait donnée à ce jugement, puisque, d'après les dispositions même de la loi, l'exécution des jugemens préparatoires et d'instruction, ne peut préjudicier aux parties;

» Attendu, sur le second moyen, qu'il n'y a aucune contrariété entre le jugement rendu par le tribunal de cassation, le 19 messidor an 6, et celui rendu le 3 fructidor dernier; que, si, après avoir déclaré, par le premier de ces jugemens, qu'une plainte en suppression d'état, portant sur un délit qui tenait du vol et du faux, avait pu et dû donner lieu à une instruction criminelle, le tribunal de cassation a renvoyé devant le tribunal civil indiqué, pour être procédé sur une plainte de cette nature, conformément aux lois existantes avant l'institution des jurés, il a évidemment entendu que ce serait conformément à celle de ces lois qui serait applicable d'après l'état de la procédure;

» Que, dans l'espèce où le tribunal civil saisi par le renvoi, avait à prononcer sur l'appel d'une sentence interlocutoire qui avait converti les informations en enquête, et sur l'appel de la plainte elle-même et de la permission d'infor mer, l'art. 11 du décret du 12 octobre 1790, qui n'exige la composition au nombre de dix juges que dans les cas où il peut écheoir condamnation à peine afflictive, pouvait d'autant moins recevoir d'application, que, d'un côté, il y avait à statuer sur les points formant les objets de l'appel; et que, d'un autre côté, il ne pouvait plus y avoir lieu de prononcer des peines afflictives, puisqu'il y avait une sentence de civilisation rendue le 3 février 1786,non attaquée par le ministère public, au moyen de laquelle l'action publique était anéantie ; que cette action publique se trouvait encore éteinte par le décès de quelques-uns des prévenus, et par la prescription acquise en faveur des autres; qu'ainsi, sous aucun rapport, le tribunal d'appel de Paris n'avait pu, en l'état de l'affaire dont il s'agit, être autorisé à se constituer, comme il l'a fait, en nombre de juges excédant sa composition légale;

>> Attendu enfin, sur le troisième moyen, que le renvoi fait au tribunal d'appel de Dijon n'a rien de commun à la loi du 27 ventôse an 8, puisque son ressort tient immédiatement à ceÎui du tribunal d'appel de Paris;

» Le tribunal rejette l'opposition, et ordonne l'exécution de son jugement du 30 fructidor dernier ».

II. Quant à la question de savoir si la loi du 20 avril 1810 a changé quelque chose au principe consacré par cet arrêt, qu'une Section de tribunal d'appel où il se trouve un nombre suffisant de juges, ne peut pas admettre au jugement d'une affaire dont elle est saisie, des juges pris dans une autre section, j'ai établi la négative dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Jugement, §. 1, no 5-40; et voici un arrêt de la cour de cassation à ajouter à ceux que j'ai rapportés au même endroit,à l'appui de cette doc

trine.

Le 10 février 1820, la chambre correctionnelle de la cour royale de Limoges, saisie, en vertu de l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810, d'une affaire civile entre les sieurs Gallerand et le sieur Trompat, qu'elle pouvait juger au nombre de cinq juges,a cru devoir, quoiqu'elle se trouvât composée de six magistrats présens, en appeler un septième pris dans une autre chambre; et c'est en cet état qu'elle l'a jugée, par arrêt du même jour, en faveur des sieurs Gallerand.

Mais le sieur Trompat s'est pourvu en cassation; et le 8 mars 1824, au rapport de M. Minier, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Jourde, arrêt par lequel,

Vu l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810.....; • Attendu que l'arrêt dénoncé, en date du 10 février 1820, porte qu'il a été rendu parla cham. bre des appels en matière de police correctionnelle ;

ΙΟ

» Attendu que cette chambre peut juger au nombre de cinq juges, et qu'audit jour 10 février 1820, six conseillers appartenant à ladite chambre assistaient à l'audience; d'où il suit que ladite chambre n'a pu s'adjoindre un septiême juge appelé d'une autre chambre, et que l'adjonction de ce juge a vicié d'incompétence et de nullité l'arrêt auquel il a concouru;

>> Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de s'occuper des autres moyens, la cour casse et an nulle l'arrêt rendu par la cour royale de Limoges, en sa chambre des appels en matière de police correctionnelle, le 10 février 1820, comme ayant violé l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810, ci-dessus cité, en appelant sans nécessité un conseiller d'une autre chambre, lorsqu'il y avait à l'audience six juges présens, et par con séquent plus que la loi n'exigeait pour statuer sur l'appel soumis à sa décision............. (1) ».

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§. III. Lorsque la rotation périodique des juges d'une section à l'autre, ne s'est pas effectuée dans un tribunal à l'époque où elle devait avoir lieu, les jugemens rendus depuis, peuvent-ils, sur ce fondement, être argués de nullité P

V. Les conclusions et l'arrêt du 10 nivôşe an 13, rapportés à l'article Vaine páture, §. I.

§. IV, 10 Lorsqu'une chambre d'un tribunal ou d'une cour est obligée, pour se compléter, d'appeler un magistrat d'une autre chambre, est-elle astreinte à suivre l'ordre du tableau, pour déterminer quel doit être ce magistrat ?

2o Est-il nécessaire qu'en énonçant dans son arrêt qu'elle a appelé un magistrat en remplacement de l'un de ses membres, elle y énonce en même temps que l'un de ses membres n'a été remplacé que pour cause d'empêchement ?

I. Sur la première question, l'affirmative est nettement établie, pour les tribunaux de première instance, par l'art. 49 du décret du 30 mars 1808 : « en cas d'empêchement d'un juge »(y est-il dit), il sera, pour compléter le nom»bre indispensable, remplacé, ou par un juge » d'une autre chambre qui ne tiendrait pas au»dience dans le même temps, ou par un des » juges suppléans, en observant, dans tous les »cas, et autant que faire se pourra, l'ordre » des nominations ».

Mais, pour les cours royales, le contraire paraît résulter de la manière dont est conçu Î'art. 4 du même décret : « En cas d'empêche»ment d'un juge, il sera, pour compléter le » nombre indispensable, remplacé par un juge »><d'une autre chambre qui ne tiendrait pas au>>dience, ou qui se trouverait avoir plus de >>juges que le nombre nécessaire ». Il n'est point là question, comme l'on voit, de l'ordre du tableau; et la preuve qu'il n'a point été dans l'intention du législateur d'astreindre les cours à suivre cet ordre pour le cas prévu par cet article, c'est l'opposition qui se trouve à cet égard, non seulement entre l'art. 49 et l'art. 4, mais même entre l'art. 4 et l'art. 3, qui cependant sont placés tous deux sous le titre des cours d'appel : « Le premier président et les » présidens seront, en cas d'empêchement, rem»placés, pour le service de l'audience, par le »juge présent le plus ancien dans l'ordre des » nominations ».

Toute difficulté paraît d'ailleurs levée par l'art. 9 du décret du 6 juillet 1810, lequel porte que tous les membres des chambres civiles ou » criminelles pourront être respectivement ap

»pelés, dans les cas de nécessité, pour le ser

»vice d'une autre chambre ».

Il est vrai, comme on l'a vu aux mots Partage d'opinions, §. 3, que les cours sont astreintes, ni plus ni moins que les tribunaux de première instance, à suivre l'ordre du tableau dans l'appel qu'elles font de juges d'autres chambres pour vider les partages. Mais d'où cela vient-il? De ce que l'art. 468 du Code de procédure le veut ainsi; et l'on ne trouve rien de semblable dans les art. 4 et 9 des décrets des 30 mars 1808 et 6 juillet 1810 pour le cas du simple remplacement d'un conseiller sans qu'il y ait partage.

Aussi le sieur Castelot a-t-il vainement attaqué un arrêt rendu à son désavantage par une cour royale, sous le prétexte que la chambre de qui il était émané, n'avait pas suivi l'ordre du tableau dans l'appel qu'elle avait fait, pour se compléter, d'un magistrat d'une autre chambre. Par arrêt du 29 juin 1825, au rapport de M. Lecoutour, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Lebeau, la chambre des requêtes a rejeté le recours en cassation du sieur Castelot,

« Vu la loi du 30 mars 1808, contenant réglement pour la police des cours et tribunaux (art. 4 et 49), et l'art. 9 du tit. 1er de la loi du 6 juillet 1810;

» Et attendu que, du rapprochement de ces articles, il résulte que, dans les tribunaux de première instance, le remplacement doit être fait, dans tous les cas et autant que faire se pourra, en observant l'ordre du tableau;

» Mais que la même règle n'est pas prescrite aux cours d'appel, par l'art. 4 de ladite loi, qui, en cas de remplacement, leur donne la faculté d'appeler un juge d'une autre chambre sans les assujétir à suivre l'ordre du tableau, comme le prescrit l'art. 49 aux tribunaux de première instance..... (1) » .

II. La seconde question paraît devoir être résolue de la même manière pour les cours royales que pour les tribunaux de première instance.

En effet, si ce n'est qu'en cas d'empêchement d'un juge, que l'art. 49 du décret du 30 mars 1808 ordonne et par conséquent permet aux tribunaux de première instance, l'appel d'un juge d'une autre chambre, ce n'est aussi qu'en cas d'empêchement d'un juge, que l'art. 9 du même décret ordonne et par conséquent permet le même appel dans les cours royales, et ce n'est également que pour les cas de nécessité que l'art. 9 du décret du 6 juillet 1810 auto

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1825, partie 1, page 353.

rise l'appel de tous les membres des chambres civiles ou criminelles des cours royales, pour le service d'une autre chambre. Ainsi, point de différence, à cet égard, entre les cours royales et les tribunaux de première instance. Or, il est de principe, comme l'a dit la cour suprême dans un arrêt de cassation du 27 mars 1822, rapporté dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Jugement, §. 1, no 8, que l'observation des règles impératives exigées pour l'administration de la justice, doit être constatée par les actes mêmes pour lesquels elles ont été prescrites.

Donc, de même que doit être annulé, comme l'ont décidé plusieurs arrêts rapportés au mot Avocat, §. 3, un jugement en dernier ressort d'un tribunal civil auquel a concouru un avocat ou un avoué, appelé en remplacement d'un juge empêché, sans qu'il y soit fait mention ou qu'il y ait preuve légale de l'empêchement des autres juges et des suppléans, de même aussi doit être cassé un jugement en dernier ressort auquel a pris part un juge d'une autre chambre, appelé en remplacement, sans qu'il y soit fait mention ou qu'il y ait preuve légale de l'empêchement du juge en remplacement duquel il a été appelé.

Il est vrai que, dans l'espèce rapportée au no précédent, le sieur Castelot s'est inutilement prévalu de ce que, dans l'arrêt qu'il attaquait, il était simplement dit que M. Hubert avait été appelé en remplacement, et qu'il n'y était pas fait mention de l'empêchement du juge qu'il avait remplacé ; il est vrai que son recours en cassation n'en a pas moins été rejeté,

« Attendu qu'en appelant M. Hubert en remplacement, sans autrement expliquer les motifs, la cour a usé de la faculté qui lui est accordée par l'art. 4 (du décret du 30 mars 1808);

» Attendu encore que cette faculté leur est conservée par l'art. 9 de la loi du 6 juillet 1810, qui, indéfiniment et sans restriction, permet

aux membres des chambres civiles et criminelles de se remplacer respectivement.... ».

Mais, qu'il me soit permis d'en faire l'observation, la section des requêtes, en s'exprimant ainsi, a fait dire aux art. 4 et 6 des décrets des 30 mars 1808 et 6 juillet 1810, beaucoup plus qu'ils ne disent réellement. Ces articles ne permettent l'appel d'un juge dans une autre chambre, l'un, qu'en cas d'empêchement d'un juge de la chambre saisie de l'affaire dont il s'agit; l'autre, que dans les cas de nécessité. Il ne dispense donc pas les cours de constater les cas d'empêchement, les cas de nécessité, qui seuls les autorisent à remplacer les juges d'une chambre par des juges pris dans une au

tre. Ils laissent donc subsister, sur la nécessité de constater ces cas, la règle générale qui, pour prévenir tout soupçon que des motifs particuliers et incompatibles avec l'exacte justice, aient fait écarter ou admettre tel ou tel juge, veut que la légalité de la composition des tribunaux soit, dans chaque affaire, prou vée duthentiquement.

SEIGNEUR TRÉFONCIER. Des titres qui donnent à un ci-devant seigneur la qualité de Seigneur tré foncier d'un marais, prouvent-ils que le ci-devant seigneur en est propriéta ire, à l'exclusion de la commune qui y a fait paître ses bestiaux dans tous les temps?

V. l'article Usage (droit d'), §. 5.

SENATUS-CONSULTE VELLEIEN. V. l'article Velléien.

SEPARATION DE BIENS. §. I. 10 Avant le Code civil, la Séparation de biens consentie par un simple contrat, entre un mari et sa femme, était-elle valable dans les provinces belgiques? Et pouvait-elle étre opposée par celleci aux héritiers de celui-là?

2o A la même époque, une séparation volontaire de biens pouvait-elle, dans la cidevant province d'Artois, être opposée par le mari à la femme ?

I. Voici le plaidoyer que j'ai prononcé sur la première de ces questions, à l'audience de la section des requêtes de la cour de cassation, le 30 germinal an 10:

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Quoique cette affaire ne présente de litigieux, entre des parties jouissant d'une grande fortune, qu'un capital de 6,925 florins brabant, il ne faut pas moins, pour apprécier le jugement qui vous est dénoncé, entrer dans une sorte de labyrinthe d'actes, de procédures, de questions de fait et de questions de droit: il n'en faut pas moins aborder et résoudre un grand nombre de difficultés.

» Les faits qui ont donné lieu à la contestation, vous sont déjà connus; cependant nous croyons devoir vous les retracer encore, afin d'y adapter plus facilement les observations dont ils nous paraissent susceptibles.

» Le 20 janvier 1773, contrat de mariage entre Charles de Cassina, alors baron de Boulers, et Catherine de Bronckoven.

» Charles de Cassina était alors majeur; mais où était-il domicilié ? C'est ce que nous ignorons. L'extrait qui est produit du contrat de mariage, est muet sur cette circonstance; seulement nous remarquons que l'acte est passé à Malines, et qu'il contient soumission à la coutume d'Alost, pour tous les cas qui y sont

omis.

» Le 30 juillet 1785', sentence sur requête, ou, pour nous servir d'un terme consacré dans l'usage du pays, décret des juges de la baronnie de Boulers, c'est-à-dire, des propres officiers de Charles de Cassina, qui, avant faire droit sur la demande de sa mère, tendant à son interdiction pour cause de prodigalité, ordonne qu'il comparaîtra en personne, sinon qu'il sera prononcé sur la curatelle requise; lui interdisant néanmoins par provision et jusqu'à autre disposition, de charger ou aliéner ses biens meubles ou immeubles, et de contracter des dettes, à peine de nullité.

» Le 10 octobre suivant (et observons bien qu'il n'est dit nulle part si, à cette époque, le décret d'interdiction provisoire était ou non signifié à Charles de Cassina), le 10 octobre suivant, Charles de Cassina et son épouse passent à Cambrai, un acte qui n'est pas représenté, mais dont les principales clauses sont transcrites dans le jugement qu'attaquent les demandeurs.

» Par l'art. 1or, il est dit que les comparans seront séparés de corps, d'habitations et de biens, et que toute communauté conjugale qui pourrait exister encore, cessera entre eux depuis la date du présent contrat.

» Par l'art. 2, le mari s'oblige de payer une pension à son épouse, pendant tout le temps de cette séparation. Et l'art. 8 ajoute que le contrat de mariage du 20 janvier 1773 recevra sa pleine et entière exécution la mort de l'un et de l'autre des époux.

» Ainsi, quatre choses à remarquer dans cet acte séparation de corps et de biens stipulée au futur (seront séparés), rupture de la communauté et par conséquent Séparation de biens, effectuée à l'instant même ; pension à payer par le mari, tout le temps que durera la séparation, et maintien de tous les effets du contrat de mariage, en cas de décès de l'un des con

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» Mais signifié ou non, ce décret n'a pas empêché celle-ci d'aller en avant auprès des juges de la baronnie de Boulers; et le 24 décembre suivant, elle a obtenu d'eux une sentence qui a définitivement interdit Charles de Cassina, en lui nommant deux curateurs.

» Pour faire cesser le conflit qui, par là, s'était établi entre deux juridictions independantes, et cependant subordonnées toutes deux au grand conseil de Malines, le gouvernement de Bruxelles, sur une requête de Charles de Cassina, du 9 janvier 1786, a, par décision du même jour, renvoyé l'affaire à ce dernier tribunal, conformément aux règles alors observées en pareil cas dans la Belgique.

» Le 17 du même mois de janvier 1786, Charles de Cassina a présenté au grand conseil de Malines une requête sur laquelle est intervenu une ordonnance ou décret de Soit montré à partie pour s'y déclarer.

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Que demandait-il par cette requête ? Nous n'en savons rien, car elle n'est pas produite; mais peut-être en apprendrons-nous quelque chose par le dispositif ultérieur de l'ordonnance. Cependant (y est-il dit), la cour tient en état et surséance le décret de ceux de la loi (ou juridiction) de Boulers, du 30 juillet dernier, leur sentence du 24 décembre suivant, ainsi que le décret du magistrat de Malines, du 9 novembre de la même année, et tout ce qui s'en est ensuivi; tient le suppliant pour diligent à l'égard de tout écoulement de fataux relatifs à l'appel de la sentence du 24 décembre 1785.

» Arrêtons-nous un moment à cette partie de l'ordonnance, et pesons-en les derniers ter

mes.

dix

» Pour les bien entendre, il faut se reporter à la règle qui était alors en vigueur au grand conseil de Malines, ainsi qu'au parlement de Douai, et suivant laquelle on n'avait que jours pour appeler d'une sentence. Cette règle avait été puisée dans le droit romain; mais l'usage l'avait singulièrement modifiée, en ce que la partie qui avait laissé écouler les dix jours sans interjeter son appel, pouvait s'en faire relever pendant trente ans.

» Au parlement de Douai, le relief du laps de temps s'obtenait par des lettres de chancellerie que l'appelant était tenu de lever pour saisir cette cour de son appel; mais au grand conseil de Malines, où il n'y avait pas de chancellerie, c'était toujours ce tribunal lui même qui l'accordait.

» Du reste, dans l'un comme dans l'autre ressort, le relief du laps de temps supposait toujours un appel préalable; il n'y a pas d'exemple qu'on ait relevé du laps de dix jours, une partie qui n'avait pas encore ap

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