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fans ne peuvent prendre les acquêts à eux réservés par le contrat de mariage, qu'en payant les dettes de la société; et il rapporte un arrêt de 1709 qui l'a ainsi jugé ; mais cette observation ne détruit pas, ou plutôt elle confirme im. plicitement, le principe qui vient d'être posé; et il est si vrai que, par l'effet de cette réserve des acquêts aux enfans, la femme est censée, au moment de son veuvage, n'avoir jamais rien eu dans la Société, et n'est en conséquence nullement tenue de ses dettes, que, dans le cas d'insuffisance des acquêts pour payer les créanciers, Lapeyrère les renvoie à se pourvoir, non contre la femme, mais sur les biens propres du mari; ce qui est également établi par un acte de notoriété du 18 février 1674, rapporté dans le recueil de Salviat, au mot Acquéts.

» Salviat, sous le même mot, cite plusieurs autres actes de notoriété qui attestent que, lorsqu'il y a dans le contrat de mariage une société de meubles et acquets stipulée entre les conjoints, avec réserve desdits acquéts en faveur des enfans qui naîtront dudit mariage, cette réserve est regardée comme une donation faite auxdits enfans.

» La veuve Dupin n'a donc eu, après la mort de son mari, aucune part dans les acquêts qui avaient été faits pendant le mariage; elle n'a donc pas pu, après la mort de son mari, prendre la qualité d'associée à ces acquêts; si donc elle l'a prise de fait, c'est une erreur qui ne peut pas la priver du bénéfice du sénatusconsulte velléïen; il serait en effet bien absurde d'étendre les lois qui privent de ce bénéfice les femmes obligées dans leur propre affaire, aux femmes qui, croyant s'obliger dans leur propre affaire, se sont obligées réellement dans l'affaire d'autrui.

» Ainsi, la veuve Dupin n'a pas même eu besoin de sa renonciation à la Société d'acquêts, pour se faire décharger de l'obligation qu'elle avait contractée par l'acte du 14 juillet 1793; cette obligation a dû être anéantie par cela seul que la veuve Dupin l'avait contractée comme propriétaire de la moitié des acquêts, tandis que cette moitié appartenait à ses enfans, comme celle de son mari; et que, par conséquent, au lieu de s'engager pour ellemême, elle ne s'était engagée que pour ses enfans; et que, par une conséquence ultérieure, au lieu d'obligée directe et principale, elle ne s'était rendue que caution; ce qui la plaçait manifestement dans le sénatusconsulte velléïen.

» Il importe peu que le contrat de mariage de la veuve Dupin lui réservât l'usufruit des acquêts dont il assurait la propriété à ses en

fans. Jamais l'usufruit n'assujétit la personne à laquelle il est dévolu, aux dettes de celle de qui viennent les biens qu'il affecte. Sans doute, l'usufruitier ne peut jouir des biens qu'à concurrence de ce qui en reste, les créanciers payes; mais les créanciers n'ont contre lui aucune action directe. Si donc une veuve usufruitière s'oblige personnellement, comme telle, envers un créancier de son mari, elle s'impose une obligation dont la loi ne la charge pas; elle se l'impose, non pour son propre compte, mais pour le compte des héritiers de son époux décédé ; elle se l'impose, en un mot, par forme de cautionnement, ce qui la ramène toujours au sénatusconsulte velleïen.

>> Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête du demandeur ». Ainsi jugé, le 22 ventôse an 9, au rapport de M. Gandon,

<< Attendu, sur le premier moyen au fond, que les art. 1er et 5 du tit. 7 de l'ordonnance de 1667 ne sont relatifs qu'aux veuves communes en biens; qu'ils ne fixent des délais pour faire inventaire et délibérer, qu'aux veuves appelées par des créanciers de la communauté ; que hors ce cas, on n'en peut induire que les veu

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ves soient exclues de renoncer à la communauté, faute d'inventaire dans un délai; et que les obligations et les droits des veuves pour accepter ou renoncer, ne sont établis que par les coutumes qui admettent la communauté; Que, dans l'espèce, il ne s'agissait point de communauté, mais d'une Société d'acquêts, convention qui se règle par des principes différens de ceux qui régissent les communautés légales; que l'usage et la jurisprudence, dans l'ancien territoire du parlement de Bordeaux, admettaient les veuves associées aux aquêts à renoncer pendant trente ans à cette société, à la seule charge de fournir et d'affirmer l'état de la succession, et de rendre compte de l'hérédité, et que la veuve Dupin avait renoncé avant d'être appelée ;

» Attendu, sur le second moyen, que la veuve Dupin, en traitant le 14 juillet 1793, tant en son nom personnellement, comme associée aux acquêts et usufruitière, que comme tutrice, ne s'obligeait personnellement que dans l'hypothèse éventuelle qu'elle ne renoncât pas à la Société d'acquêts, dans laquelle société sa part était l'usufruit de ces mêmes acquêts; que postérieurement elle a renoncé à cette société, et qu'ainsi son obligation a été réduite à une intercession pour autrui; qu'on ne peut dire qu'elle ait trompé le demandeur, qui ne pouvait méconnaître la faculté de renoncer, à laquelle était subordonné le maintien de l'obligation

contractée à son profit; qu'on ne peut dire aussi que la veuve Dupin ait retiré aucun bénéfice de son obligation, puisquelle est obligée de rendre compte de ce qu'elle a reçu ;

» De tout quoi il résulte 1o qu'il n'y a aucune contravention aux art. 1er et 5 du tit. 7 de l'ordonnance de 1667; 2o que le bénéfice du sénatusconsulte velléïen a été justement appliqué à la veuve Dupin ».

§. II. La Société d'acquéts est-elle, à l'égard des femmes mariées avant le Code civil et sous la coutume de Normandie, incompatible avec le régime dotal du statut Normand? En conséquence, la femme qui, s'étant mariée sous la coutume de Normandie, en apportant en dot une rente que cette coutume réputait immobilière et rendait inaliénable, et en stipulant qu'ily aurait, entre elle et son mari, une Société d'acquêts, s'est, depuis la publication du Code civil, obligée solidairement avec son mari même, envers des tiers, les a-t-elle, par là, subrogés implicitement dans l'hypothèque légale qu'elle avait sur les biens de celui-ci, pour le remploi de sarente remboursée pendant le mariage, et a-t-elle, par suite, perdu le droit de se faire colloquer avant eux sur le prix de ces biens?

Cette question avait été jugée pour l'affir· mative par un arrêt de la cour royale de Rouen, rendu le 2 avril 1824, au profit de la demoiselle Blanchard, de la demoiselle Langrin, de la veuve Marie et du sieur Ballofet-Buffe, contre la dame Toutin, épouse séparée de biens du sieur Guilhery; mais ; sur le recours en cassation de celle-ci, arrêt est intervenu, le 19 décembre 1827, au rapport de M. Rupérou, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Joubert, par lequel,

«Vu les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie;

» Attendu que, si le contrat de mariage des époux Guilhery renferme, ainsi que l'arrêt attaqué le déclare, une stipulation de communauté, les clauses qui établissent cette coinmunauté, portent qu'elle aura lieu seulement pour les biens meubles et immeubles que les futurs époux acquerront, ensemble ou séparément, avec les économies qu'ils feront sur le produit de leur industrie et sur les fruits et revenus de leurs biens; et que des biens mobiliers et immobiliers desdits futurs époux, il n'entrera, de part et d'autre, aucune chose dans ladite communauté; qu'au contraire, tout ce qui leur appartient, tout ce qui leur

adviendra, constant le mariage, en biens meubles ou immeubles, succession, donation ou autrement, sera et demeurera propre à chacun d'eux;

» Que l'arrêt ne disant nulle part que le sens de ces clauses, qu'il a copiées littéralement, soit incertain ou équivoque, on doit en conclure que les époux Guilhery n'ont établi qu'une communauté d'acquêts ;

» Attendu qu'une pareille communauté n'avait rien d'inconciliable avec le régime dotal du statut normand, et qu'en la stipulant, ces époux n'ont point entendu déroger à ce statut;

» Attendu qu'il est constant et non contesté que la rente de 1,650 francs, apportée en mariage par la dame Guilhery, faisait partie de sa dot;

» Et attendu que, la dot étant inaliénable de sa nature, la dame Guilhery, en s'obligeant solidairement avec son mari envers les défendeurs, n'a pas pu les subroger, et ne les a pas subrogés implicitement dans l'hypothèque qu'elle avait pour sûreté de sa dot;

» Qu'ainsi, en décidant le contraire, et en ordonnant que, par suite, ils seraient, par préférence à elle, colloqués à son hypothèque, du montant de leurs créances, la cour royale de Rouen a violé les art. 539 et 540 précités de la coutume de Normandie;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle l'arrêt de la cour royale de Rouen, du 2 avril 1824 (1).

SOEUR. §. I. 10 Les Sœurs sont-elles comprises sous la dénomination de frères ? 2o Les frères sont-ils compris sous la dénomination de Sœurs ?

Les lois romaines décident nettement que les Sœurs sont comprises sous la dénomination de frères, à moins qu'il ne résulte clairement, soit de l'ensemble de la phrase dans laquelle on a employé le mot frères, soit de tout autre document, que l'on n'a pas voulu y comprendre les Sœurs.

Tres FRATRES, Titius et Mævius et SE14 communem hereditatem inter se diviserunt, instrumentis interpositis..... Sed posteà duo de FRATRIBUS, id est, Mævius et SEIA...... cognoverunt pecuniam auream à fratre suo esse substractam.... (loi 35, D. de pactis).

Lucia et TITIA FRATRES, emancipati à patre, adulti curatores acceperunt..... (loi 38, D. familiæ erciscundæ).

Quæsitum est an quod heredes fratribus rogati essent restituere, etiam ad sorores

(1) Bulletin civil, tome 28, page 331.

pertineret? Respondit pertinere, nisi aliud sensisse testatorem probetur ( loi 93, §. 3, D. de legatis 3o).

C'est sur le même fondement qu'il est décidé, par plusieurs lois placées sous le titre de verborum significatione, savoir,

Par la loi 40, et par la loi 101, §. 3, que la femme esclave, ancilla, est comprise sous la dénomination de l'homme esclave, servus ; Par la loi 52, que la patrone est comprise sous la dénomination de patron ;

Par les lois 106 et 122, que la fille est comprise sous la dénomination de fils ;

Par la loi 152, que la femme est comprise sous la dénomination d'homme;

Et par la loi 163, que le mot latin puella est compris sous celui de puer.

Et en général, dit la loi 195 du même titre, pronunciatio sermonis in sexu masculino ad utrumque sexum plerùmque porrigitur.

En est-il, à cet égard, de la langue française comme de la langue latine? Écoutons nos jurisconsultes.

Thaumas, dans son Dictionnaire de droit civil, au mot Frères, s'exprime ainsi : Frères comprennent les Soeurs. Et au mot Sœurs, il dit également Sœurs sont comprises sous le nom de frères.

« Les Sœurs (dit Despeisses, Traité des suc» cessions, part. 1,tit. 3, sect. I et 3) sont com. prises sous le nom de frères, aux legs, de » même qu'aux fideicommis.....; mais les frères >> ne sont pas compris sous le nom de Sœurs >>.

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Laroche-Flavin, liv. 6, tit. 61, art. 1, rap. porte un arrêt du parlement de Toulouse, par lequel il a été jugé « qu'un legs de mille » écus fait à chacun des frères du testateur, » s'étendait à une Sœur, aussi bien qu'à un » frère, parceque la Sœur est comprise sous » cette dénomination »>.

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Pothier, Traité des donations testamentaires, chap. 7, règle 21, enseigne que «< le genre » masculin renferme ordinairement le fémi>> nin; par exemple ( ajoute-t-il), lorsque.... » je fais un étranger légataire...., et que je le >> charge de restituer, après sa mort, ce que je » lui laisse à mes frères; par ces termes, »mes frères, je suis censé avoir compris mes » Sœurs».

Cambolas, liv. 5, chap. 33, propose la question de savoir si les frères utérins succèdent avec la mère aux biens du frère ; et il rapporte, comme la décidant pour la négative, un

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arrêt du parlement de Toulouse, qui adjuge à une mère la succession de sa fille, à l'exclusion de deux Sœurs utérines de celle-ci. Il suppose donc bien évidemment que le mot frères comprend les Sœurs.

Ailleurs (liv. 1, chap. 44 ), à l'occasion d'un arrêt qui, pour une partie d'une succession, préfère une Sœur germaine à une Sœur consanguine, le même magistrat observe que « le >> droit nouveau préfère les frères conjoints » des deux côtés à ceux qui ne le sont que d'un » côté ».

Une tante est assassinée par une de ses nièces ; on demande que la Sœur de celle-ci soit déclarée indigne de la succession, pour n'avoir pas poursuivi la meurtrière. Un arrêt rejette cette demande ; et qu'elle est la raison qu'en donnent Albert, au mot Indignité, art. 1, et Furgole, des testamens, chap. 6, sect. 3, no 340? C'est qu'accuser un frère est un crime.

Henrys, liv. 6, quest. 13, demande « si la » prerogative du double lien est considérable >> entre les enfans des frères »; et il rend compte d'un arrêt qui juge que oui: cet arrêt n'est cependant pas rendu en faveur des enfans d'un frère, mais en faveur des enfans d'une Sœur.

§. II. Dans quels cas, avant la loi du 8-13 avril 1791, la Sœur était-elle exclue par son frère, dans la coutume de Nivernais, de la succession d'un parent collatéral?

V. l'article Succession, §. 5.

SOLDE. La Solde d'un matelot est-elle saisissable ?

V. l'article Gens de mer.

SOLIDARITE. §. I. Les créanciers des émigrés, en devenant, par la loi du 1er floréal an 3, créanciers directs de l'État, ontils conservé leurs actions solidaires contre les

co-obligés primitifs à leurs créances ? V.l'article Emigré, §. 1.

§. II. Les experts et les notaires ont-ils, pour leurs honoraires, une action solidaire contre chacune des parties pour lesquelles ils ont, les uns opéré, et les autres instrumenté ?

V. les articles Expert, §. 4, et Notaire, §. 13.

§. III. 10 La disposition de la loi du 20 août 1792 qui abolit la Solidarité entre les co-débiteurs de CENS, RENTES ET AUTRES REDEVANCES créées avant sa publica

tion, est-elle applicable aux rentes purement foncières ?

2o L'est-elle aux rentes personnelles ? 3o Est-elle, à l'égard des rentes qu'elle a pour objet et qui existaient au moment de sa publication, abrogée par le Code civil?

I. Sur la première question, l'affirmative est établie par les conclusions du 6 messidor an 12, rapportées à l'article Rente foncière, Rente seigneuriale, §. 5.

II. La seconde question semblerait, à la première vue, devoir être résolue dans le même sens; car l'art. 1er du tit. 2 de la loi du 20 août 1792 comprend dans sa disposition toutes les rentes,prestations et redevances, de quel`que nature qu'elles soient, et sous quelque dénomination qu'elles existent.

Mais si l'on se reporte au préambule de cette loi, on y verra qu'elle n'a en vue que l'affranchissement des propriétés...,commandé par l'intérêt précieux de l'agriculture, dont une multitude de droits onéreux arrête depuis trop long-temps les progrès, et que son seul objet est de háter le moment de cet affranchissement général, en facilitant le rachat des droits ci-devant féodaux, ET AUTRES PRESTATIONS FONCIÈRES.

Si l'on descend ensuite aux dispositions qui, placées dans le tit. 2, après l'art. 1er, en sont la conséquence et en règlent le mode d'exécution, on verra également qu'elles ne sont relatives qu'aux co-débiteurs solidaires de cens ou redevances annuelles fixes, même de rentes foncières perpétuelles, qu'à ceux qui possèdent divisément partie d'un fonds grevé solidairement, d'un ou de plusieurs des droits mentionnés en l'article précédent, qu'aux co-débiteurs qui possèdent indivisément un fonds grevé d'un ou de plusieurs desdits droits.

Et de tout cela on sera forcé de conclure

que la loi ne s'occupe que des prestations purement réelles; qu'elle n'est applicable qu'aux redevances dont on est débiteur à raison des fonds que l'on possède, mais que l'on cesse de devoir, du moment qu'on cesse de posséder ces fonds; qu'ainsi, ce serait en méconnaître l'esprit et en étendre arbitrairement la lettre, que de l'appliquer aux rentes personnelles.

C'est effectivement ce que la cour de cassation a jugé dans l'espèce suivante.

La veuve Jouenne, domiciliée dans la coutume de Normandie qui, à l'instar de celles de Hainaut, d'Artois, de Douai, de Lille, de Courtrai, etc., soumettait solidairement tous les héritiers aux dettes du défunt TOME XIV.

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En 1809,la dame Roussel assigne Nicolas Jouenne, l'un d'eux, en condamnation solidaire au paiement des arrérages échus de sa rente.

Nicolas Jouenne offre sa part de ces arrérages, et soutient que la Solidarité est abolie à l'égard des rentes personnelles, comme à l'égard des rentes foncières, par la loi du 20 août 1792.

Le 16 mai 1810, jugement du tribunal de première instance de Pont-L'évêque, qui, se fondant sur cette loi, déclare l'offre de Nicolas Jouenne suffisante, et rejette la demande de la dame Roussel en condamnation solidaire.

Mais sur l'appel, arrêt de la cour de Caen, du 28 février 1811, qui réforme ce jugement,

que

« Attendu la loi du 20 août 1792 a eu pour objet la Solidarité qui existait sur les fonds et tenues divisés en plusieurs mains ; que cette loi n'a porté aucune atteinte aux obligations personnelles résultant, soit de la convention ou des dispositions des statuts et coutumes;

Que, suivant les dispositions de l'art. 150 du réglement de 1666, les héritiers étaient personnellement et solidairement tenus des dettes du défunt, sauf leur recours contre leurs co-héritiers; que cette obligation résultait de la loi et de l'effet de l'hérédité, parcequ'en Normandie, chaque héritier représentait la masse de la succession; que cette obligation était indépendante de la propriété et possession des fonds de la succession; car un des héritiers, n'eût-il aucun fonds de la succession,n'en aurait pas moins été soumis personnellement et solidairement à cet ancien droit ;

» Que l'action formée contre Jouenne, est une action personnelle en sa qualité d'héritier, et qu'il ne peut se soustraire à l'obligation qui en résulte; que ce serait donner à la loi de 1792 une extension qu'elle n'a point, puisqu'elle se borne à anéantir la Solidarité des charges foncières dues par les fonds ».

Nicolas Jouenne se pourvoit en cassation; mais par arrêt contradictoire, du 2 février 1813, au rapport de M. Lacoste, et sur les conclusions de M. l'avocat général Jourde,

« Attendu que la loi du 20 août 1792 ne s'applique,en effet,qu'aux rentes dues par les biens fonds; que cet objet de ladite loi résulte non

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seulement de ses motifs, mais encore de ses dispositions littérales;

» Que la cour d'appel de Caen, en appliquant le statut normand à une obligation solidaire et personnelle, indépendante de toute détention de fonds, et en écartant la loi du 20 août 1792, n'a fait qu'une juste application de cette loi ;

» La cour rejette le pourvoi.... ».

III. La troisième question ne présente pas plus de difficulté que les deux premières, et c'est évidemment pour la négative qu'elle doit être résolue.

Vainement, en effet, dirait-on, que les rentes foncières perpétuelles sont converties par l'art. 7 de la loi du 11 brumaire an 7, en créances hypothécaires (1), et que, dès-là, on doit leur appliquer la disposition de l'art. 2114 du Code civil, que l'hypothèque est, de sa nature, indivisible, et qu'elle subsiste en entier sur tous les immeubles affectés sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles.

On peut bien inférer de là que, si je possède aujourd'hui la moitié d'un fonds qui, au moment de la publication de la loi du 20 août 1792, était grevé d'une rente foncière de 50 francs, chacune des parcelles de cette moitié est affectée hypothécairement, entre mes mains, à la moitié de cette rente; mais, pour en conclure ultérieurement que la rente entière de 50 francs affecte hypothécairement la moitié que j'ai dans le fonds, il faudrait donner à l'art. 2114 un effet rétroactif; et c'est à quoi s'oppose formellement l'art. 2 du même Code.

Aussi ce système a-t-il été proscrit par un arrêt contradictoire de la cour de cassation, du 18 mai 1818: «< attendu (y est-il dit) qu'il s'agit » d'une rente foncière dont la Solidarité a été » abolie par l'art. 1er du tit. 2 de la loi du 20 » août 1792, et qu'aucune loi postérieure n'a rendu la vie à cette Solidarité (2) ».

§. IV. L'associé en participation qui ne s'est pas obligé personnellement envers le tiers par lequel ont été fournis à son associé des fonds dont leur entreprise commune a profité, peut-il être actionné directement par ce tiers? Peut-il l'être solidairement ?

V. l'article Société, §. 2.

§. V. L'exception de cession d'actions (exceptio cedendarum actionum), que l'art. 2037 du Code civil accorde à la caution, peut-elle être également opposée

(1) V. l'article Emphytéose, §. 5, no 4.

(2) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 19, page 101.

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Suivant l'art. 2037 du Code civil, « la cau» tion est déchargée, lorsque la subrogation >> aux droits, hypothèques et priviléges du » créancier ne peut plus, par le fait de ce » créancier, s'opérer en faveur de la caution ». Pothier établit le même principe, d'après les lois romaines, dans son Traité des obligations, no 557.

Et il ajoute « Il faut dire à l'égard des » débiteurs solidaires, ce que nous avons dit à » l'égard des fidejusseurs ».

Cela paraît, au premier abord, résoudre notre question en faveur du débiteur solidaire à qui le créancier s'est mis, par son propre fait, hors d'état de céder ses droits, ses hypothèques ou ses priviléges contre son co-débiteur.

Et c'est effectivement la pensée de Pothier, mais elle ne s'étend pas aussi loin qu'on pourrait le croire à la simple lecture du passage cité. Voici, en effet, ce que Pothier lui-même ajoute immédiatement après :

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« Lorsque plusieurs personnes contractent » une obligation solidaire, elles ne s'obligent >> chacune au total, que dans la confiance qu'elles ont du recours qu'elles auront contre » les autres, en payant le total. C'est pourquoi, lorsque le créancier, par son fait, les a privés » de ce recours, en se mettant hors d'état de » pouvoir céder ses actions contre l'un d'eux qu'il a déchargé, il ne doit plus être receva»ble à agir solidairement contre les autres, si » ce n'est sous la déduction des portions pour lesquelles ils auraient eu recours contre celui qu'il a déchargé ».

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Il est donc évident que, selon Pothier, le débiteur solidaire ne peut opposer l'exception cedendarum actionum, que dans le cas où il est poursuivi pour le total de la dette par le créancier qui s'est mis dans l'impuissance de lui céder ses actions; et que, même dans ce cas, cette exception ne lui procure pas une libération pleine, mais seulement la décharge de la part pour laquelle il aurait un recours contre son co-débiteur, si le créancier pouvait encore lui céder ses actions contre celui-ci.

Que, dans ce cas, et jusqu'à cette concurrence, l'exception cedendarum actionum ap partienne au débiteur solidaire comme à la caution, cela est tout simple: le débiteur solidaire n'est, dans ce cas et jusqu'à cette concurrence, que la caution de son co-débiteur. L'art. 2037 du Code civil lui est donc applicable comme à la caution proprement dite.

Mais appliquer cet article au débiteur solidaire qui n'est poursuivi que pour sa part,

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