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sitions de dernière volonté sont mêlées avec la donation entre vifs, valider celle-ci comme formant une disposition séparée, et revêtue des solennités qui lui sont nécessaires, en même temps qu'on annullerait celles-là à raison de l'omission de l'une des formalités particulières qui leur sont propres; et je dis que, dans cette double hypothèse, l'argument de M. Toullier n'en vaut pas mieux.

Quelle est, dans cette double hypothèse, la raison pour laquelle le sort de la donation entre vifs est indépendant de celui des dispositions de dernière volonté? C'est qu'il est de toute évidence que les dispositions de dernière volonté n'ont, dans la pensée du testateur, aucun rapport avec la donation entre-vifs; c'est qu'il n'y a ni ne peut y avoir l'ombre d'un doute que le testateur ne préfère Titius, en ce qui concerne le fonds Cornelien qu'il lui donne entre-vifs, non seulement à Caïus, mais encore à ses héritiers naturels, puisqu'à cet égard, il le préfère à lui-même; c'est, en un mot, qu'il est impossible de ne pas convenir qu'il donne entre-vifs d'une manière absolue.

Mais est-il également sûr que, dans la pensée du testateur, la révocation de l'institution de Titius, soit séparable de l'institution de Caïus ? Est-il également sûr que le testateur entende révoquer l'institution de Titius d'une manière absolue et pour le cas où l'institution de Caius serait annulée à raison d'un vice de forme, comme pour celui où elle serait jugée régulière ? Est-il également sûr que ce soit, non seulement en faveur de Caïus, mais encore en faveur de ses héritiers naturels, qu'il révoque l'institution de Titius? Non, évidemment non. Le dernier argument de M. Toullier s'écroule donc de lui-même.

Il ne sera pas plus difficile de répondre à ceux que M. Delvincourt, en soutenant la même thèse M. Toullier, emploie pour la justique fier par l'application de la règle utile non vitiatur per inutile.

D'abord (dit-il, tome 2, page 597), « croit» on qu'un acte sous seing-privé qui contien» drait une donation entre-vifs, et en même » temps pouvoir au donataire de gérer les affai>> res du donateur, ne vaudrait pas comme procuration, quoique bien certainement il >> fût nul comme donation? Pourquoi donc » dans l'espèce, l'acte de révocation ne pour>> rait-il pas être valable, nonobstant la nullité » de l'acte testamentaire »>?

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Je réponds à M. Delvincourt, comme j'ai répondu à M. Toullier, que, dans son hypothèse, il ne peut être douteux pour personne que les deux objets de l'acte sous seing-privé

et

ne scient, dans l'intention de celui qui le souscrit, parfaitement indépendans l'un de l'autre; que c'est pour cela que l'acte vaut comme procuration, alors qu'il ne peut pas valoir comme donation entre-vifs; au lieu que nul ne pourrait, sans mentir à sa conscience, affirmer positivement que le testateur qui, par un second testament nul dans la forme, déclare révoquer son premier testament, préfère ses héritiers naturels à ceux que son premier testament appelait à leur exclusion.

»

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En second lieu, continue M. Delvincourt, page 598, « malgré toute la subtilité des lois » romaines, et l'attachement scrupuleux des jurisconsultes à la rigueur des formes, Papi»nien lui-même a consacré la doctrine que nous » établissons ici, dans la loi 1, §. 1, D. qui» bus modis pignus hypotheca solvitur. Il s'agit dans cette loi d'un créancier hypothécaire qui a fait remise de sa créance, à titre de » donation, à son débiteur. La donation se » trouve nulle. L'on demande si les hypothè» ques subsistent, et Papinien décide la néga»tive, attendu, dit-il, que la loi défendait bien » la donation, mais non la remise de l'hypothèque. Papinien a donc décidé par là qu'un » acte qui contient deux opérations, peut être >> valable pour l'une, quoiqu'il soit nul pour » l'autre ; et il y a même cela de remarqua»ble dans cette loi, que la remise de l'hypothèque n'avait pas été stipulée expressément » et qu'elle n'était que la conséquence de la >> remise de la dette. Il aurait donc semblé na>> turel que cette dernière remise se trouvant » nulle, la première le fût également ; et cepen»dant, comme on vient de le dire, le con» traire est décidé par Papinien. Ce juriscon»sulte a donc pensé.... que, lorsqu'un acte >> contient deux choses, l'une peut être valable » et l'autre nulle, et ce même soit qu'elles >> aient ou non une liaison quelconque entre

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cheteur une lettre missive par laquelle il déclare lui faire donation du restant du prix Ac postea residuum pretiï emptori litteris ad eum missis donasset.

:

Après sa mort, un procès s'élève sur la validité de la donation, et elle est déclarée nulle, non à raison de sa forme (les donations entrevifs n'étaient assujéties, dans l'ancien droit romain, à aucune solennité particulière ), mais, soit parcequ'elle était contraire à la loi Cincia (1), soit parceque l'acheteur était personnellement incapable de la recevoir du vendeur Eoque defuncto, donationem quibusdam modis (2) inutilem esse constaret.

En conséquence, le fisc, héritier du vendeur, poursuit le tiers-acquéreur de l'immeuble, en déclaration d'hypothèque pour la portion non payée du prix. Le tiers-acquéreur répond que la donation que le vendeur avait faite du restant du prix à l'acheteur, renfermait nécessairement, de la part du premier, une remise de l'hypothèque qu'il s'était réservée par le contrat de vente; qu'à la vérité, la donation est nulle, mais que la remise de l'hypothèque ne laisse pas de subsister, parceque, suivant les principes du droit romain, la remise d'une hypothèque n'est pas considérée comme une donation; ce qui est si vrai que des époux, qui ne peuvent se donner rien entrevifs, peuvent néanmoins se remettre réciproquement les hypothèques qu'ils ont l'un sur l'autre (3). Et Papinien, adoptant ces raisons, applaudit au jugement qui a rejeté la demande du fisc· Jure pignoris fiscum qui successerat in locum venditoris, frustrà petere prædium apparuit; cujus pignoris solutum esse pactum prima voluntate donationis constabat; quoniam inutilem pecuniæ donationem lex facit, cui non est locus in pignore liberando (4).

Mais quel rapport y a-t-il entre cette décision et le cas auquel l'applique M. Delvincourt? Qu'avait fait Titius dans l'espèce proposée par Papinien? Deux choses que son intention avait manifestement distinguées : il avait

(1) V. ce que je dis sur cette loi dans le Répertoire de jurisprudence, à l'article Honoraire, §. 1.

(2) Putà, ex lege Cincia vel quia hæ personnæ erant quæ invicem sibi donare non poterant, fortè conjuges. Note.de Pothier sur cette loi.

(3) Si pignus vir uxori,vel uxor marito remiserit, verior sententia est nullam fieri donationem existimantium. Loi 18, D. de his quæ in fraudem creditorum.

(4) Non enim pro donatione habetur liberatio pignoris, nec inter conjuges interdicitur. Loi 18, D. de his quæ in fraudem creditorum. Note de Pothier.

fait une donation prohibée, et une remise d'hypothèque à l'exécution de laquelle aucune loi ne s'opposait; et il était bien évident que son intention était que la remise d'hypothèque eût tout son effet, lors même que la donation serait déclarée nulle, comme il est évident que celui qui, par le même acte, donne à la fois un objet dont la loi lui laisse la libre disposition, et un objet dont la loi lui défend de disposer, veut que la donation de l'un soit exécutée, encore que la donation de l'autre reste sans effet. Que prouve, dès-lors, la décision de Papinien ? Il en résulte sans doute que, lorsqu'un acte contient, soit expressément, soit implicitement, deux dispositions différentes, et qu'il est incontestable qu'il n'a pas subordonné l'exécution de celle-ci à la validité de celle-là, la nullité de l'une n'empêche pas l'effet de l'autre. Mais j'en reviens toujours à ma question: que veut le testateur qui, par un testament nul dans la forme, révoque expressément ses dispositions antérieures de dernière volonté? Quel est le fond de sa pensee pour le cas où la nullité de son nouveau testament ne serait pas couverte après sa mort, par l'acquiescement des parties intéressées? C'est, pour tout autre que lui, un mystère impénétrable; nul autre que lui ne sait ni ne peut savoir si, prévoyant ce cas il entend préférer ses héritiers naturels à ses précédens légataires, ou si, au contraire, il entend préférer ses légataires précédens à ses héritiers naturels. La révocation que présente son nouveau testament, n'est donc expresse que de nom; car il n'y a de véritablement exprès, que ce qui n'est ni obscur ni équivoque; elle n'a donc pas le caractère voulu par les art. 1035 et 1036 du Code civil; elle est donc nulle.

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M. Toullier prétend, no 634, que l'on ne peut citer, comme l'ayant jugée en sens contraire, ni celui de la cour d'appel de Poitiers, du 29 juin 1806, ni celui de la cour d'appel de Limoges, du 8 juillet 1808, ni celui de la cour d'appel de Pau, du 5 décembre de la même année, ni celui de la cour d'appel de Douai, du 16 février 1809, confirmé par un autre de la cour de cassation, du 23 janvier 1810, parceque, dans les espèces sur lesquelles ils ont été rendus, les testamens imparfaits qui en révoquaient expressément d'antérieurs, ne faisaient que répéter en faveur

des mêmes légataires, les dispositions de ceuxci, et que par conséquent ils manifestaient bien plutôt, de la part du testateur, une persévérance qu'un changement de volonté; et je suis bien de son avis quant au dernier de ces arrêts, mais non pas quant aux trois premiers.

Il y a, en effet, cette différence entre ces quatre arrêts, que le quatrième laissant entière la question envisagée sous le point de vue gé néral, se fonde uniquement sur la circonstance dont il s'agit (1), tandis que les trois autres ne font valoir cette circonstance que surérogatoirement, et sont motivés en première ligne sur le principe que M. Toullier combat et que je défends.

« Considérant (porte l'arrêt de la cour d'ap

(1) Voici l'espèce de cet arrêt.

Le 21 floréal an 10, testament régulier par lequel, ent r'autres dispositions, la demoiselle Losée, domiciliée à Valenciennes, institue le sieur Legros son héritier universel.

Le 21 germinal an 13, près de deux ans après la publication du titre des donations et testamens du Code civil, la demoiselle Losée fait un second testament par lequel, en changeant quelques-unes de ses dispositions à titre particulier, elle institue de nouveau le sieur Legros son légataire universel, et déclare révoquer son premier testament.

Elle meurt le 30 du même mois, et le sieur Legros prend possession, en vertu du second testament, de tous les biens qu'elle a laissés.

Le 21 mars 1808, les héritiers légitimes le font assigner devant le tribunal de première instance de Valenciennes, en délaissement de ces biens, sur le fondement que le testament du 21 germinal an 12 est nul, faute de mention suffisante de la dictée et de la lecture.

Jugement qui, en effet, annulle ce testament.

Le sieur Legros en appelle, et produisant le testament du 21 floréal an 10, il en demande l'exécution en ce qui concerne l'institution d'héritier, dans le cas où ce jugement serait maintenu.

Les héritiers légitimes répondent qu'il faut écarter le premier testament, parcequ'il est révoqué par le second; qu'à la vérité, le second est nul comme testa. ment, mais qu'étant revètu des formalités nécessaires à un simple acte devant notaires, il doit, d'après l'art. 1035, valoir comme acte de révocation.

et que

Le sieur Legros réplique que la clause révocatoire insérée dans le testament du 21 germinal an 13, était, dans l'intention de la testatrice, subordonnée à la validité de cet acte; la preuve que la testatrice n'a entendu révoquer le premier testament, quant à l'institution d'héritier, que dans le cas où le second aurait son plein effet, c'est qu'elle l'a expressément renouvelée par celui-ci.

Le 16 février 1809, arrêt qui, statuant sur l'appel du jugement de première instance, met l'appellation au néant; et faisant droit sur les nouvelles conclusions du sieur Legros, déboute les héritiers légitimes de leur demande en délaissement, attendu que, relativement à l'institution d'héritier, le testament du 21 gerTOME XIV.

pel de Poitiers, du 29 août 1806) que, s'il est vrai qu'aux termes de l'art. 1035, une déclaration faite par un acte devant notaires, portant Révocation d'un testament antérieur, le révoque en effet, la nullité de l'acte dans lequel se trouve pareille révocation, doit nécessairement entraîner la nullité de celle-ci, par la règle que ce qui est nul, ne peut produire aucun effet;

» Considérant que, dans le dernier testament, la révocation y exprimée et co-ordonnée avec les autres dispositions dudit testament, lesquelles ne font qu'un seul tout avec elle, en sont une condition entièrement liée, indivisible; qu'ainsi, les unes ne peuvent être nulles, sans que l'autre soit nulle également ;

minal an 13 ne contient qu'une révocation conditionnelle de celui du 21 floréal an 10; qu'il ne la révoque qu'autant qu'il sera lui-même valable; que, cette condition manquant, la clause révocatoire doit être considérée comme non écrite; et que l'on ne peut pas douter que la testatrice ne l'ait ainsi entendu, puisqu'elle a expressément répété, dans le second testament, en faveur du sieur Legros, la disposition qu'elle avait consignée dans le premier.

Les héritiers légitimes se sont pourvus en cassation contre cet arrêt, et l'ont attaqué comme s'il eût jugé, en thèse générale, qu'un acte public, nul comme testament, ne peut pas valoir comme révocation notariée d'un testament antérieur.

que

M. l'avocat-général Giraud-Duplessis, portant la parole sur cette affaire, à l'audience de la section des requêtes, a établi que ce n'était point là ce que cet arrêt avait jugé; qu'il était uniquement fondé sur la preuve résultant du second testament lui-même, que la testatrice n'avait point changé de volonté à l'égard du sieur Legros; mais qu'eût-il jugé ce que lui prêtaient les héritiers légitimes, il eût encore dû être maintenu, « parceque le testament de l'an 13 ayant été » déclaré nul, ne pouvait produire l'efl'et d'un acte >> notarié, ni par conséquent révoquer le testament » de l'an 10, lors-même que la clause révocatoire que >> contenait le dernier, serait absolue »; en conséquence, il a conclu au rejet de la demande en cassation; et ses conclusions ont été adoptées par arrêt du 23 janvier la cour 1810, au rapport de M. Aumont, «< attendu d'appel n'a pas établi en principe que la clause révo>> catoire d'un précédent testament, devenait nécessaire>>ment nulle par l'annullation du testament par acte >> public qui la contenait, mais qu'elle a vu dans la >> révocation insérée dans le testament de l'an 13, une >> révocation purement conditionnelle et non pas abso>> lue; que, regardant la volonté de révoquer comme >> subordonnée à une condition qui ne s'est point ac>> complie, elle a pensé que cette volonté avait fait place à une volonté contraire, c'est-à-dire, à celle >> de maintenir le testament de l'an 10; qu'en adoptant >> cette opinion, ladite cour n'a jugé contre la >> disposition d'aucune loi, et n'a fait qu'user du >> pouvoir qui lui appartient et qui n'est soumis >> à aucune censure, d'interpréter les actes et de pro>> noncer sur les questions de volonté ».

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12

» Considérant surtout que, par la dernière partie de l'article du Code précité, l'acte de révocation doit porter déclaration du changement de volonté ; que, dans le second testament, non seulement il n'y a point de volonté, mais qu'il s'y trouve, au contraire, une confirmation de la volonté exprimée dans le premier, puisque, dans le second comme dans le premier, le testateur entend donner à la légataire universelle, son épouse, tout ce que la loi lui permet de donner (1) » .

L'arrêt de la cour d'appel de Limoges,du 8 juillet 1808,présente absolument les mêmes motifs : « Considérant (y est-il dit ) que, quoique le testament du 16 juin 1806 porte, en termes formels, que la testatrice casse et annulle expressément tous autres testamens, néanmoins il ne faut pas en conclure que le testament du 17 vendémiaire an 6 soit révoqué, si l'on annulle le testament contenant révocation, parcequ'il est bien évident que la dame Mathis n'a révoqué le testament du 17 vendémiaire an 6, que dans la confiance que celui du 16 juin 1806 serait exécuté; que, d'après le rapport du Tribun Jaubert, il faut que le testament postérieur qui contient révocation, soit revêtu de toutes les formes prescrites, et que, considéré en lui-même, il ait pu recevoir son exécution; que tels étaient les principes suivis dans la jurisprudence avant la publication du Code civil;

Qu'en supposant que ces principes pussent aujourd'hui souffrir quelque difficulté, et qu'il

fallût entendre l'art. 1035 du Code civil en ce sens, que le testament postérieur, quoique nul, a l'effet de révoquer un testament antérieur, ce ne pourrait être que parceque le testament postérieur serait considéré comme simple acte devant notaires, pouvant valoir à ce titre, quoiqu'il ne pût valoir comme testament; mais que, dans ce cas, et d'après l'article cité, l'acte devant notaires devrait contenir changement de volonté; que, dans l'espèce, la dame Mathis n'a point changé de volonté, puisque les deux testamens contiennent institution d'héritier en faveur de son mari (2) ».

Même langage dans l'arrêt de la cour d'appel de Pau, du 3 décembre de la même année :

« Considérant que le testament du 18 frimaire an 12 étant nul, ne peut opérer la Révocation des testamens antérieurs ; que, d'après les principes fondés sur les lois romaines, on distinguait les testamens nuls, parcequ'ils n'étaient pas revêtus des formes requises pour leur

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 6, partie 2, page 234.

(2) Ibid., tome 8, page 234.

validité, des testamens qui, quoique valables dans les formes, devenaient inutiles; les der. niers révoquaient les premiers; qu'il n'en était pas de même dans le premier cas, puisqu'un testament antérieur ne pouvait être révoqué que par un testament postérieur régulier....; que cette disposition du droit romain était rigoureusement observée dans les pays de droit écrit.... ; que le Code civil, sous l'empire duquel a été fait le dernier testament de feu Daniel Minvielle, n'a point dérogé sur ce point aux principes du droit romain....; que le premier membre de l'art. 1035 ne peut être entendu que d'un testament valable et fait dans les formes prescrites; ce qui fut observé par M. Jaubert, dans son rapport sur la loi des donations et testamens, et c'est le cas d'un homme qui ne veut pas mourir ab intestat; que le second membre de l'article précité est dans le cas d'un homme qui veut mourir ab intestat, et alors un changement de volonté, constaté dans un acte devant notaires, suffit;

>> Que, dans l'espèce de la cause, il n'existe pas un acte de cette nature... ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre que le dernier testament, ne pouvant valoir comme testament, doit valoir comme déclaration révocatoire, parcequ'il y est dit que le testateur révoque les an

ciens testamens.....; le testateur n'entendit

révoquer les testamens qu'il avait faits, qu'autant que le dernier serait valable; car on y lit qu'il révoque les autres testamens qu'il aurait faits, voulant que celui-ci soit valable; il ne voulait donc pas mourir ab intestat, comme l'enseigne Furgole, chap. 2, no 6;

» Que, d'autre part, feu Daniel Minvielle voulut faire, non une simple déclaration, dont parle le second membre de l'art. 1035, mais un testament...; que ce testament étant nul, ne peut par conséquent produire quelque effet....; que, pour qu'un testament nul pût révoquer des testamens antérieurs, il faudrait que l'on trouvât dans le nouveau Code un article qui eût dérogé aux anciens principes observés jusques à sa promulgation....; que, loin qu'on l'y trouve, l'art. 1035 condamne implicitement ce système.... ; qu'il résulte de cet article, qui, en cela, est conforme au droit romain, que la révocation contenue dans un second testament, produit son effet, quoique ce testament devienne inutile par l'incapacité ou la répudiation de l'héritier ou légataire. Or, cette disposition aurait été inutile ou surabondante, s'il était vrai que, déjà, par l'art. 1035, il avait été décidé qu'un second testament, quel qu'il fût, valable ou nul, suffisait pour opérer la révocation des antérieurs....;

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Que, dans le fait, loin qu'il y ait un chan

gement de volonté dans le testament du 18 frimaire an 12, il y a une persévérance de volonté, puisque les trois testamens renferment une institution héréditaire de la part de feu Daniel Minvielle en faveur de son épouse (1) ».

Il est évident que ces arrêts condamnent le système de M. Toullier; et ce qu'il y a de bien remarquable, c'est ce que fait également, dans une espèce où se rencontrait la même particularité, un arrêt de la cour supérieure de justice de Bruxelles.

Marthe Dezutter, épouse, en secondes noces, de Jacques Vanhoutte, avait, par un testament du 15 novembre 1817, légué à ses suscessibles une somme de 1,112 livres de gros, et laissé à son mari l'usufruit de la moitié qu'elle avait dans les conquêts de sa première communauté, ainsi que la propriété du surplus de ses biens. Le 27 février 1819, elle a fait un second testament par lequel, après avoir légué à ses successibles une somme de 1,437 livres de gros, et à son mari l'universalité de ses biens, elle a déclaré, moyennant ce, annuler tous testamens antérieurs, sa volonté étant que ce dernier testament eút tout son effet.

Après la mort de la testatrice, son second testament a été reconnu nul dans la forme, à raison de l'incapacité de l'un des témoins; mais quelques-uns des successibles ont prétendu qu'il n'en révoquait pas moins le premier, parceque, suivant eux, il devait être considéré comme un simple acte devant notaires, et que par conséquent la clause révocatoire qui le terminait, était revêtue de toutes les formalités nécessaires à sa validité.

Jugement du tribunal de première instance de Bruges, qui ordonne l'exécution du premier

testament.

Appel, et par arrêt du 2 mars 1822, la cour supérieure de justice de Bruxelles, reconnaissant avec une noble franchise, qu'elle avait mal jugé par celui du 22 juillet 1807, met l'appellation au néant,

« Attendu que la clause révocatoire d'un testament ne saurait avoir d'effet qu'autant que l'acte qui la renferme, se trouve valable et revêtu des formalités prescrites par la loi, étant de principe que ce qui est nul, ne peut produire aucun effet;

» Attendu que l'art. 1035 du Code civil, en statuant que les testamens ne peuvent être révoqués que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires, fait clairement entendre que, du moment que le testateur choisit un acte testamentaire pour consigner la déclara

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tion du changement de sa volonté, il faut, pour que cette déclaration ait son effet, que l'acte qui la contient, soit revêtu de toutes les for malités d'un testament; que c'est dans cet esprit que l'article dont il s'agit, a été rédigé ; que, s'il avait été dans l'intention du législateur de faire valoir comme simple acte notarié, quant à la clause révocatoire, un testament non régulier, il n'aurait pas manqué d'ajouter une pareille disposition à celle qu'il a cru devoir placer à l'art. 1037 du même Code; que ne pas admettre ce principe, qui d'ailleurs a été formellement reconnu par un décret du 21 octobre 1810 (1), serait confondre ce que le législateur a séparé dans l'art. 1035, par une alternative frappante; que ce serait de plus contrarier la volonté présumée du testateur, qui, comme porte la loi 18, D. de legatis 3o, n'est censé avoir voulu révoquer son premier testament, qu'autant que le second serait valable;

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Attendu, dans l'espèce, que, parmi les quatre témoins présens au testament du 27 février, contenant la clause révocatoire de celui du 15 novembre,il en est un, le sieur Parridaens, qui est oncle par alliance des enfans d'Augustin Dezutter, légataires y nommés; qu'un pareil testament est nul, d'après la disposition de l'art. 1001, combiné avec l'art. 975 du Code civil,comme il a été décidé entre parties, par jugement du 19 janvier 1820; et qu'ainsi, la clause révocatoire qu'il renferme, ne saurait avoir l'effet d'anéantir le testament du 15 novembre;

» Attendu enfin, que la testatrice n'a point fait le testament du 27 février, dans la vue d'ôter à son mari, l'intimé, soit pour le tout, soit pour une partie, le legs universel qu'elle lui avait laissé par son testament du 15 novembre; qu'au contraire, le motif qui paraît évi. demment l'avoir déterminé à faire le deuxième testament, a été d'augmenter en sa faveur ledit legs, comme, en effet, elle l'a fait par ledit acte; que d'ailleurs la clause révocatoire dont il s'agit, qui termine le testament, et qui porte en termes, hier mede doodende en an. nullerende alle voorgaende testamentem voor mij gemaekt, prouve à l'évidence que la testatrice a subordonné la Révocation de son premier testament, au cas où ses dispositions nouvelles reçussent leur exécution; d'où il suit que, quand même on admettrait en principe qu'un testament irrégulier doit, quant à la clause de révocation, valoir comme un acte devant notaires, ce principe ne saurait être invoqué dans l'espèce (2) »

D.

(1)Je reviendrai dans un instant sur ce décret. (2) Jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1822, tome 1er, page 169.

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