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La question s'est encore reproduite la même année, dans une espèce semblable, devant la cour royale d'Angers; et elle y a été jugée de la même manière.

Le sieur Bodereau était mort, laissant plusieurs testamens, un en forme olographe, du 1er septembre 1790, qui contenait des dispositions en faveur de son épouse; un par acte public, du 15 juin 1812, par lequel il ajoutait aux avantages que conférait le premier à la dame Bodereau, et déclarait révoquer tous testamens antécédens, voulant (c'étaient ses propres termes) que celui-ci soit exécuté seul en sa forme et teneur; et deux des 11 octobre 1817 et 3 février 1820, par lesquels, en déclarant n'entendre déroger en rien à son testament du 15 juin 1812, il se bornait à faire quelques legs particuliers.

La veuve Bodereau ayant demandé l'exécution du testament du 15 juin 1812, les héritiers naturels se sont prévalus de ce que, parmi les témoins qui étaient intervenus dans cet acte, il se trouvait un étranger; et ils ont conclu de là que cet acte était nul.

La veuve Bodereau a d'abord cherché à établir que l'intervention du témoin étranger dans ce testament, ne pouvait pas le vicier; mais elle a conclu subsidiairement à l'exécution du testament du 1er septembre 1790; et là s'est élevée notre question. Les héritiers naturels ont prétendu que la nullité du second testament n'ôtait rien de son efficacité à la clause révocatoire de tous testamens antérieurs, qui y était écrite.

Jugement qui accueille les conclusions subsidiaires de la veuve Bodereau, et lui fait délivrance des legs contenus dans le premier tes

tament.

Les héritiers naturels en appellent à la cour royale d'Angers; mais par arrêt du 24 mai 1822, il est confirmé purement et simple

ment,

« Attendu que la clause doit être réglée par le Code civil; que cette lui donne aux testateurs deux moyens de révoquer leurs testamens; que l'art. 1035 leur indique un testament postérieur et un acte retenu par des notaires ;

» Qu'un acte postérieur qui n'est pas revêtu des formes voulues par la loi pour les testamens, ne peut être qualifié testament et produire les effets que la loi attribue aux actes de cette nature;

» Que la loi n'a pas attribué aux testamens qui seraient annulés pour défaut de forme, la faculté de révoquer le testament antérieur, lorsqu'ils contiendraient cette révocation exprimée; que ce n'est pas une omission invo

lontaire du législateur; que cette question fut agitée au conseil d'état, et qu'après discussion, elle ne fut pas suivie d'une proposition de loi ;

>> Que la justice ne pourrait admettre des révocations écrites dans un testament nul, sans ajouter aux dispositions de la loi telle qu'elle a été promulguée;

» Que la révocation écrite dans l'acte de 1812, paraît entièrement subordonnée aux nouvelles dispositions qu'il contient;

>> Que cette révocation n'annonce pas un changement de volonté, puisque l'épouse du testateur est toujours la personne à laquelle se rapporte sa libéralité (1) ».

Mais ce que cet arrêt et ceux des cours d'appel de Potiers, de Limoges et de Pau n'avaient jugé que par leurs motifs, d'autres arrêts l'ont jugé tout à la-fois et par leurs motifs et par leurs dispositifs, dans des espèces où la question se présentait en thèse générale.

Le premier, émané de la cour d'appel de Turin, le 4 avril 1807, est rapporté dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Testament, sect. 2. §. 3, art. 2, no 6, dans les conclusions du 4 novembre 1811.

Le second, a été rendu par la même cour, dans les circonstances suivantes :

Le 23 pluviôse an II, Stanislas Bougioanni fait un testament, régulier dans la forme, par lequel il institue héritiers universels dans la moitié de sa succession, les enfans nés et à naître de François, Joseph, Geoffroi et Augustin Bougioanni, ses petits-neveux, et dans l'autre moitié, les enfans nés et à naître d'Alexandre Bougio anni, son neveu.

Par un autre testament public, du 21 ventôse an 12, il révoque l'institution contenue dans le premier, institue Denis Bougioanni, fils d'Alexandre, son héritier unique, et fait seulement quelques legs particuliers à ceux de ses petits-neveux et arrière-petits-neveux qu'il avait précédemment institués.

Mais ce testament se trouve nul par un vice de forme ;et de là naît la question de savoir si, à raison de ce qu'il est au moins revêtu des solennités propres à un acte notarié ordinaire, la clause révocatoire qu'il contient, doit avoir son effet.

Le 19 mars 1810, arrêt qui juge que non,

« Attendu que l'art. 1035 du Code civil, en réglant les formes de la Révocation des testamens, a pourvu, non seulement au cas où le testateur veut révoquer son testament précé

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 23, partie 2, page 14.

dent pour en faire, dans le même temps, un nouveau, mais encore à celui où le testateur, mécontent de son testament, veut tout simplement le révoquer sans en faire un autre ;

» Que, dans le premier cas, la loi permet de révoquer le premier testament par la confection du testament postérieur; et alors, la Révocation du testament précédent, faisant parties des dispositions de dernière volonté consignées dans le testament postérieur, elle est assujétie aux formes que la loi prescrit pour ces actes;

» Que, dans l'autre cas, comme la simple déclaration de changement de volonté portant seulement la Révocation d'un testament, n'est point un acte de dernière volonté (1), la loi n'a pas voulu la soumettre aux formes prescrites pour les testamens; mais pour s'assurer de la vérité, elle prescrit que l'acte en soit dressé devant notaires;

» Que, lorsque le testateur se décide à faire un autre testament, ce n'est que pour donner une latitude plus ample, un plus parfait complément à ses nouvelles dispositions de dernière volonté, qu'il révoque les précédentes, à l'effet de prévenir toute difficulté qui pourrait s'élever sur leur exécution;

>> Que cette révocation, lorsqu'elle n'est qu'incidente au testament postérieur, se rat

VITE

(1) La révocation tacite qui résulte de l'inimitié survenue entre le testateur et le légataire, est textuellement qualifiée d'acte de dernière volonté dans les lois romaines. La loi 3, §. 11, D. de adimendis legatis,commence par établir que,si quidem capitales vel gravissimæ inimicitiæ intercesserint, ademptum videri quod relictum est; et la loi 4 ajoute. quod si iterùm in amicitiam redierunt, et pænituit testatorem prioris offense, legatum vel fideicommissum relictum redintegratur. AMBULATORIA ENIM EST VOLUNTAS DEFUNCTI USQUE AD SUPREMUM EXITUM. Comment donc la révocation expresse d'un legs n'aurait-elle pas le même caractère? La cour d'appel de Turin était trop éclairée pour ne pas sentir qu'il en devait être, à cet égard, de la révocation expresse comme de la révocation tacite. Mais elle s'est exprimée comme elle l'a fait ici, à raison de l'embarras qu'elle éprouvait pour expliquer la disposition de l'art. 1035 du Code civil, en tant qu'il permet de révoquer un testament par un simple acte devant notaires; et cet embarras venait de ce qu'elle ne savait pas que cette disposition n'avait été, de la part des rédacteurs du Code civil, que le sacrifice d'un principe incontestable, à l'usage qui s'était introduit précédemment, sur celte matière, dans une grande partie de la France. Du reste, en adoptant cet usage, l'art. 1035 n'a point ôté au simple acte révocatoire d'un testament, le caractère d'acte de dernière volonté ; et c'est ce qu'établit fort bien l'arrêt de la cour royale de Toulouse, du 28 novembre 1825, que je rapporte au mot Notaire, §. 12.

tache de si près aux nouvelles dispositions, qu'elle ne peut en être séparée;

» Que c'est de la révocation des dispositions précédentes faite dans le testament postérieur, que la vraie intention du testateur, dans ses dernières volontés, doit rejaillir, de manière que la Révocation d'un testament, faite dans un testament postérieur, s'allie tellement au fond des dispositions y contenues, qu'elle prend aussi le caractère de disposition de dernière volonté...;

» Que, si donc le testament postérieur, contenant la Révocation du testament précédent, est nul par défaut de forme, il est sensible que la révocation susdite ne peut pas sortir plus d'effet que toute autre disposition renfermée dans ce testament que la loi considère comme

nul et non-avenu ;

» Que l'art. 1037, bien loin de donner effet à la Révocation faite par un testament entaché de nullité pour vice de forme, appuie fortement le principe qu'on vient d'énoncer; car, si, pour maintenir dans toute sa force la révocation faite dans un testament valide, mais qui est rendu caduque, il a fallu une disposition expresse; si cette disposition, qui n'a été donnée que pour écarter le doute sur l'effet de la caducité du testament, à l'égard de la révocation y contenue; si cette disposition, disons-nous, a été limitée à la caducité du testament, pour les deux causes y exprimées, il paraît évident que ce serait porter une ampliation très-extraordinaire à cet article, si on voulait l'appliquer à la révocation faite dans un testament absolument nul;

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Que le testament qui reste sans exécution, par l'incapacité de l'héritier ou du légataire, ou par leur refus de recueillir, n'est pas un testament nul; que, dès qu'il a été revêtu de toutes les formalités voulues par la loi, il présente un dépôt fidèle et rassurant de la volonté du testateur; que, s'il ne peut recevoir son exécution dans la partie qui concerne la transmission de la succession à l'héritier ou légataire qu'il a nommé, ce n'est pas à cause de quelque vice dont il soit entaché, mais ce n'est que par un fait étranger au testateur et au testament; et que, comme sa volonté peut être exécutée en ce qui est indépendant de l'incapacité ou du refus de l'héritier, savoir, en la partie portant la Révocation du testament précédent, elle doit sortir son effet ;

» Mais que, si le testament est nul par défaut de forme, si ce vice suffit pour que la loi ne puisse le regarder comme un acte contenant le dépôt fidèle de la libre volonté du défunt, il en dérive que cet acte, formé en contravention à la loi, ne doit, sous aucun rapport,

sortir le moindre effet; et ce serait, sans doute, mettre la loi en contradiction avec elle-même, que de soutenir que le testament nul, en la partie portant la Révocation du testament précédent, fait pleine foi de la volonté du défunt, tandis qu'à l'égard des autres dispositions, il est insuffisant pour les constater légalement;

» Qu'on ne peut pas même dévier de ces principes, par rapport à la révocation faite par un testament reçu par un notaire, lequel, par défaut de forme, est nul comme testament, mais qui serait d'ailleurs nanti de celles communes à tous les actes devant notaires; car, pour dire que cette révocation, comme faite par acte devant notaires, doit sortir son effet, il faudrait supposer que, dans le sens de l'art. 1035, un testament par acte public, manquant des formes particulières aux actes de dernière volonté, peut figurer comme l'acte dont il y est parlé; or, il est constant que, dans cet article, la loi a voulu indiquer un acte devant notaires, autre que celui d'un testament par acte public; car, dès qu'il y est dit que la Révocation du testament ne peut être faite que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires, portant déclaration du changement de volonté, il est évident que, par cet acte, l'article n'a pas indiqué un testament, un acte de dernière volonté, mais bien un acte notarié portant la déclaration susdite, et non des dispositions de dernière volonté qui le fassent rentrer dans la classe des testamens;

» Que, lorsque la loi indique les actes dans lesquels les dispositions ou les conventions doivent être rédigées, elle est censée se rapporter aux formes qui sont propres à l'acte qu'elle désigne, et c'est du contenu dans l'acte que la nature de celui-ci doit ressortir pour en régler les formes;

» Que, comme d'après la lettre et l'esprit de l'art. 1035, l'acte devant notaires y énoncé ne peut point se rapporter à un testament, et comme d'ailleurs un acte reçu par des notaires dans lequel les dernières volontés de quelqu'un sont rédigées, n'est qu'un testament, il s'ensuit qu'un testament par acte public, nul par défaut de forme, ne peut point recevoir l'application de l'article susdit, à l'effet de figurer comme acte devant notaires, pour soutenir la validité de la Révocation d'un testament précédent;

» Que la loi, en prescrivant les formalités des divers testamens, à peine de nullité, a voulu sans doute que l'acte du testament où quelque formalité eût été négligée, ne dût sortir le moindre effet, elle a prononcé la nullité de

l'on

l'acte en des termes très-absolus, sans distinction entre les testamens par acte public, le mystique et l'olographe; par conséquent, ne pourrait point donner à un testament par acte public, l'effet d'un acte devant notaires, lorsque le testament serait nul par défaut de forme, sans créer une exception à la nullité absolue que la loi prononce contre cet acte notarié; » Que, si la loi eût voulu donner au testament par acte public quelqu'effet, lorsqu'il se trouverait nul par défaut de quelque formalité propre des testamens, elle l'aurait indiqué, de même qu'elle l'a fait,à l'égard de l'acte authentique, à l'art. 1318;

» Mais que, bien loin de là, en statuant sur la Révocation des testamens, par un testament postérieur, elle n'a pas fait la moindre distinc tion entre les divers testamens; et ce qui est plus, s'étant occupée de la révocation faite dans un testament qui reste sans exécution par l'incapacité de l'héritier institué ou du légataire, ou par leur refus de recueillir, la loi s'est bornée à donner son effet à cette révocation, lorsque le testament est rendu caduc dans les deux cas y indiqués;

» Que,s'il eût été dans l'intention de la loi de consacrer le principe que la révocation faite dans un testament nul, pût présenter légalement un changement de volonté pour anéantir le testament précédent, elle n'aurait point donné la disposition renfermée en l'art. 1037 sous les restrictions y indiquées, mais la rédaction en aurait été plus simple et plus étenque, pour embrasser tous les cas où le testament ne peut sortir son exécution;

» Que, lorsqu'une disposition est restreinte dans des cas expressément désignés, ce serait l'étendre que de l'appliquer à des cas que la loi paraît avoir écartés par la désignation spéciale de ceux qu'elle a exprimés,

» Que le juge, en se contenant dans les termes de la loi, ne doit pas craindre le reproche de suivre la fallacieuse méthode des exclusions, surtout lorsque le sens littéral de la loi va d'accord avec le principe qui l'a dictée;

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Qu'entre la nullité et la caducité du testament, il n'y a point d'analogie pour dire que ce que la loi a prescrit à l'égard d'un testament caduc, puisse être appliqué au testament nul, ainsi qu'on l'a ci-devant énoncé (1) ».

Doit-on ajouter à ces arrêts celui de la cour de cassation, du 4 novembre 1811, qui a été rendu sur mes conclusions du même jour, et dont on trouvera l'espèce à l'endroit cité de l'article

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1811, supplément, page 60.

Testament du Répertoire de jurisprudence? Je n'en doute pas, et j'ai pour n'en pas douter, une très-bonne raison, puisque j'étais, à l'époque où il a été rendu, plus à portée que personne de savoir dans quel esprit la cour de cassation y a dit que du moment qu'elle (la clause révocatoire dont il s'agissait) était faite par acte testamentaire, elle devait être revêtue de toutes les formalités des dispositions à cause de mort. Mais M. Toullier prétend le contraire (no 625), et comme je n'ai à lui opposer à cet égard, que ma conviction personnelle, je laisse au lecteur le soin de prononcer là-dessus entre lui et moi. Ce qu'il y a du moins de bien certain, c'est que la cour de cassation a rendu depuis un autre arrêt qui consacre formellement le principe que je crois, à tort ou non, avoir été consacré à l'avance par celui du 4 novembre 1811.

Les sieurs Bernard et consorts s'étaient mis en possession de l'hérédité de Laurent Busseuil, en vertu d'un testament du 12 thermidor an 11, qui les instituait légataires universels. Mais assignés à la requête des sieurs Patissier et consorts, héritiers légitimes, ils avaient reconnu que ce testament était nul; et par suite, un jugement du tribunal de première instance de Charolles, du 24 avril 1818, avait déclaré la succession du sieur Busseuil ouverte ab intestat.

Peu de temps après, les sieur Bernard et consorts découvrirent un autre testament, du 13 septembre 1791, qui leur conférait les mêmes avantages que celui dont ils avaient reconnu la nullité; et armés de ce nouveau titre, ils interjetèrent appel du jugement du 24 avril 1818.

Les héritiers légitimes leur opposèrent un testament notarié, du 11 thermidor an 11, par lequel Laurent Busseuil léguait l'usufruit de ses biens à sa femme Magdelaine Bernard, la vie durant de cette dernière, et la propriété desdits biens à ses plus proches parens (1), et révoquait expressément toutes ses dispositions de dernière volonté.

Les sieurs Bernard et consorts répondirent que ce testament était nul de plusieurs chefs; et notamment à défaut de mention légale

(1) Cette circonstance importante n'est remarquée, ni par M. Sirey, ni par les rédacteurs du Journal des audiences de la cour de cassation, dans le compte qu'ils rendent respectivement de cette affaire, le premier, tome 22, page 11; les seconds, année 1821, page 958. Mais je l'ai trouvée dans une copie de l'arrèt de la cour royale de Dijon dont il va être parlé, et que M. Sirey lui-même, qui avait plaidé pour les demandeurs en cassation, a bien voulu me faire communiquer.

ment justifiée qu'il eût été écrit par le notaire. Le 18 avril 1819, arrêt de la cour royale de Dijon, qui, adoptant ce moyen de nullité, annulle le testament du II thermidor an 11; et,en conséquence, attendu que, dès-lors, la clause révocatoire qu'il contient, ne peut être d'aucun effet,ordonne l'exécution du testament du 13 septembre 1791.

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Les héritiers légitimes se pourvoient en cassation et font valoir deux moyens : l'un, qui est retracé à l'article Inscription de faux, §. I, no 5); l'autre, qu'ils font résulter de ce ་ que l'arrêt dénoncé avait déclaré non ave» nue la clause révocatoire, par le motif que >> le testament du II thermidor an 11 étant >>nul comme testament, ne pouvait valoir » comme simple acte révocatoire, encore qu'il » contînt toutes les formalités requises pour la » validité de ces sortes d'actes et de l'acte authentique en général » (ce sont les propres termes des rédacteurs du Journal des audiences de la cour de cassation); et ils exposent, à l'appui de ce second moyen, que, puisqu'aux termes de l'arrêt du 17 mai 1814 (rapporté, en note, dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Révocation de codicille, §. 4, no I), un testament public peut être révoqué par un simple acte sous seingprivé, entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur, à plus forte raison peutil l'être par un testament notarié qui, nul comme acte de dernière volonté, est au moins revêtu des formalités requises dans les actes publics ordinaires.

Mais par arrêt du 20 février 1821, au rapport de M. Vallée, et conformément aux conclusions de M. l'avocat-général Lebeau,

Attendu, sur le second moyen, qu'il est hors de doute qu'un testateur peut révoquer un testament, soit authentiquement, soit par acte sous seing-privé; mais que le testateur ayant fait choix du testament authentique pour révoquer le testament en question, et le testament par lequel il révoque, se trouvant nul, il ne peut produire aucun effet ; » La cour (section des requêtes) rejette le pourvoi........ » .

Que l'on juge maintenant s'il est vrai, comme le dit. M. Toullier (no 625), que les arrêts rendus jusqu'à présent sur notre question, ne peuvent pas fixer la jurisprudence. De tous ces arrêts, il n'y en a qu'un seul qui ait adopté l'opinion de ce jurisconsulte; et la cour qui l'avait rendu, a reconnu depuis qu'elle s'était trompée. Il y en a, au contraire, sept et au moins un de la cour suprême qui ont condamné cette opinion. Si ce n'est point là une

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Au surplus, qui mieux que le conseil d'état, des mains duquel est sorti le Code civil, a su dans quel esprit il avait omis, lors de la rédaction définitive de l'art. 1035, d'y fondre la décision qu'il avait prise dans sa séance du 27 ventôse an 11? Qui mieux que lui a su quelle avait été, en rédigeant cet article tel qu'il est aujourd'hui, son intention,par rapport à l'effet que devrait ou ne devrait pas avoir la clause révocatcire qui se trouverait dans un testament défectueux? Personne`sans doute. Eh bien! Ce même conseil d'état s'est prononcé de la manière la plus positive, en 1810, contre l'opinion de M. Toullier.

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La dame Piot avait d'abord, par un codicille du 5 pluviôse an 13, légué à l'hospice de BoisCommun, quatre arpens de prés. Ensuite par un autre codicille, du 3 mars 1809, elle avait ordonné que, sur les quatre arpens de prés, il en serait distrait un en faveur de la nommée Julienne-Françoise, à condition que, dans le cas où celle-ci viendrait à décéder sans enfans, la portion d'immeubles dont elle aurait joui, retournerait à l'hospice de Bois-Commun; disposition qui certes, et d'après M. Toullier lui-même ( no 629), équipollait parfaitement à une révocation expresse du legs, quant à l'immeuble qu'elle désignait.

Les administrateurs de l'hospice ont demandé l'autorisation du gouvernement pour accepter le legs ainsi modifié ; et leur demande, soumise au ministre de l'intérieur, a été renvoyée au conseil d'état.

Là s'est élevée la question de savoir si la révocation partielle que la testatrice avait faite, par son second codicille, du legs contenu dans le premier, au profit de l'hospice, était valable et devait avoir son effet.

Le second codicille était aussi régulier dans la forme que le premier; mais, ce qui, pour la disposition dont il s'agissait, revenait au même que si la forme en eût été défectueuse, il contenait, quant à l'arpent distrait du legs primitif, une substitution fidéicommissaire qui viciait radicalement cette disposition et empêchait, suivant l'expression de M. Jaubert, dans un pas., sage de son rapport au tribunat, qui est relatif à l'art. 1035, que, considérée en elle-même, elle ne reçût son exécution (1).

Quel parti a pris, en conséquence, le conseil d'état? A-t-il décidé que la disposition par

(1) V. Particle Substitution fideicommissaire, sect. 1, §. 14, no 2, du Répertoire de jurisprudence.

tiellement révocatoire du legs primitif, devait, comme suffisant pour constater un changement de volonté de la part de la testatrice, avoir l'effet de fairer rentrer la portion de ce legs qui en était l'objet, soit dans la succession ab intestat, soit dans le legs universel ? Point du tout. Il a décidé, au contraire, que les droits de l'hospice restaient entiers, tels qu'ils étaient établis par le premier codicille. Et sa décision, sanctionnée par un décret du 21 octobre 1810, a été insérée, en vertu de ce décret même, au Bulletin des lois, sans doute tant pour éclairer le public sur le sens de l'art. 1035 que sur celui de l'art. 896 du Code civil.

§. II. 10 Avant le Code civil, et dans les pays de droit écrit, le testament fait par un père en faveur de ses enfans ou de quelqu'un d'entre eux, était-il, aux termes de la novelle 107 de Justinien, révoqué de plein droit et sans clause révocatoire qui s'y référát spécialement, par un testament postérieur ?

20 Si telle était en effet la disposition de cette novelle, était-elle commune aux testamens solennels et aux testamens olographes?

30 Avait-elle été abrogée par l'art. 76 de l'ordonnance de 1735?

Ces questions se sont présentées à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 2 messidor an II, entre M. Carrion - Nizas, membre du tribunat, demandeur en cassation d'un arrêt du parlement de Toulouse, du 31 juillet 1782, et les héritiers de la dame Spinola, défendeurs.

« Le fait (ai-je dit) s'explique en peu de

mots.

>> Henri-Francois Carrion-Murviel a fait deux testamens: l'un solennel, sous la date du 15 décembre 1773, l'autre, mystique, sous la date du 13 septembre 1778.

» Par le premier, il a institué la dame Spinola, sa fille, héritière universelle.

>> Par le second, la dame Spinola n'est instituée que dans les objets qui lui étaient assurés par son contrat de mariage; et c'est au cit. Carrion-Nizas, neveu du testateur, qu'est déféré le titre universel d'héritier.

» Une autre différence très remarquable entre les deux testamens, c'est que, par celui du 15 décembre 1773, le testateur ne fait que des legs particuliers à deux enfans naturels qu'il avait eus de marie Rouanet; et que, dans celui du 13 septembre 1778, il institue ces mêmes enfans, dont il avait alors épousé la mère, ses héritiers particuliers dans les objets qu'il leur avait précédemment légués:

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