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de plus odieux que de pareilles insinuations. Qu'on ose attaquer et qu'on nomme, nous répondrons.»

Interrompu un moment par des eris, des exclamations confuses, le ministre reprit la parole pour donner le démenti le plus formel quant aux influences dont le préopinant avait parlé. Convenant, au reste, que le système actuel des primes était défectueux, il ajoutait que si cette question, qui intéresse notre commerce, notre industrie, notre navigation, jusqu'à l'existence de nos colonies, n'avait pas encore été résolue, c'est qu'elle présentait des difficultés immenses. Il espérait donc que la Chambre ne bouleverserait pas brusquement tant d'intérêts en adoptant à l'improviste l'amendement de M. de Mosbourg.

L'honorable membre reparut aussitôt à la tribune pour se justifier d'avoir voulu dérober par surprise à la Chambre une détermination aussi importante: quant à la sommation qu'il avait reçue de nommer les influences signalées par lui, il répliqua que c'était lui demander de se faire dénonciateur ; or, ce rôle n'était ni dans ses habitudes ni dans son cœur.

Cependant le ministre avait pris l'engagement d'apporter, sous peu de jours, une loi sur la matière, ce qui semblait devoir mettre fin à la discussion. Mais M. Benjamin Delessert présenta un amendement plus large encore que celui de M. de Mosbourg, et qui suspendait les primes pour les sucres admis en douane après le 1er janvier 1833. Cet amendement, combattu vivement par plusieurs membres, dont deux appartenaient aux villes de Marseille et de Bordeaux, ne fut toutefois rejeté qu'à la seconde épreuve. La Chambre passa ensuite au scrutin sur l'ensemble du projet de loi, qui obtint 181 voix contre 117, sur 362 votants.

Porté le 10 à la Chambre des pairs, il fut adopté le 14 par 115 voix contre 3, après avoir fourni à M. le marquis de Dreux-Brézé une occasion de s'élever avec force contre les dépenses énormes énormes que la France avait à supporter depuis la réyolution de juillet.

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In autre projet de loi, présenté à la Chambre des déités le même jour que le précédent, disposait que les mmes versées aux caisses des agents des postes pour être mises à destination, et dont le remboursement n'aurait pas é réclamé par les ayant-droit dans un délai de cinq années, raient définitivement acquises à l'État. Ces sommes, d'après 1 tableau communiqué à la commission des députés, pouvaient lever à 10,000 fr. par an. La commission proposa d'étendre squ'à huit années le terme de déchéance, et c'est avec cette odification que la Chambre adopta le projet (18 décembre) à majorité de 174 voix contre 73, après une discussion qui ait rempli toute la séance de la veille, mais sans intérêt ur l'histoire. Il passa, le 17 janvier suivant, dans l'autre hambre sans rencontrer un seul opposant.

La disposition contenue dans ce projet de loi faisait d'abord rtie du règlement définif du budget de 1829, qui avait été disité dans les deux Chambres dès la session dernière. Mais la ambre des pairs, toujours jalouse de renfermer les lois de finans dans leurs limites spéciales, tout en reconnaissant que l'État ait droit de faire cette condition à ceux dont il reçoit volontaiment les fonds, avait pensé qu'elle ne serait pas convenableent placée dans une loi destinée à régler les comptes d'un ercice expiré (voy. plus haut, page 35). Plusieurs autres ticles, insérés dans la loi des comptes de 1829, soit par gouvernement, soit par la Chambre élective, ayant inspiré la ème opinion à la Chambre des pairs, avaient fait suspendre vote de cette lor, qui fut représentée le 28 novembre à la hambre des députés, dégagée cette fois de toutes disposions accessoires. Néanmoins, la commission, chargée d'exaner le nouveau projet, conclut, par l'organe de son rapporur, M. Calmon (séance du 18 décembre), au rétablissement es amendements tels à peu près qu'ils avaient été votés dans session de 1831. La Chambre admit ces conclusions, et rétait en même temps, avec une modification, l'amendement de 1. Dubois-Aymé sur les marchés passés au nom du

gouverne

ment, après quoi la loi fut adoptée, le 21, au scrutin secret, à une majorité considérable (280 contre 30).

C'est dans cet état que le projet revint pour la troisième fois à la Chambre des pairs (28 décembre), ayant conservé plusieurs des dispositions additionnelles qui en avaient fait retarder le vote d'une année, au risque de susciter encore entre les deux Chambres un de ces conflits si fàcheux dont la session précédente avait offert tant d'exemples. Et en effet, M. le comte d'Haubersart, en apportant à la Chambre (14 janvier 1833) le rapport de la commission dont il était l'organe, proposa le rejet de celles de ces dispositions qui étaient relatives aux frais de premier établissement des ministres et aux marchés passés par le gouvernement. C'est donc uniquement sur ces deux articles que semblait devoir porter le débat, lorsque la discussion s'ouvrit (17 janvier); mais elle prit un caractère inattendu d'un discours dans lequel M. le comte Roy entreprit, à propos de l'article 8, qui établit pour 1829 un excédant des recettes sur les dépenses de près de 12 millions, de justifier la restauration du reproche de prodigalité que lui avait récemment adressé, à une autre tribune, M. le ministre des finances.

L'orateur demandait si la France pouvait se plaindre des dépenses faites pour l'expédition de Morée, pour la conquête d'Alger, et surtout pour la mise en état des places fortes que Napoléon avait laissé tomber en ruines, et qui avaient exigé une somme de 100 millions. Après un long exposé des transactions financières du gouvernement déchu, et tout en convenant qu'il y avait beaucoup de bien à faire, beaucoup de réformes à opérer, M. Roy terminait par ces paroles :

Les frais des diverses administrations ont éprouvé de fortes réduc tions, auxquelles le seul ministère des finances a pris part pour 32,530,000 fr.

Tous les droits légitimes ont été respectés ; la propriété, l'agriculture et l'industrie nationale ont été protégées; le travail, honorable et seule véritable source de l'aisance des classes pauvres et laborieuses, s'en est accru; les capitaux particuliers se sont formés; le capital national en a reçu une immense augmentation; la consommation et l'activité de la circulation ont dépassé toutes les espérances qu'on aurait pu concevoir; le

trésor s'en est enrichi, et son abondance, qui lui faisait refuser les capitaux offerts à 3 pour 100, a été le résultat de l'aisance générale.

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Le crédit de l'Etat s'est maintenu au-dessus du pair, et s'est élevé à ce point que le dernier emprunt en rentes 4 pour 100 a été adjugé à 102 fr. 7 c. et demi, c'est-à-dire à plus de 122 fr., pour 5 fr. de rentes. • Les communes ont été rétablies dans ceux de leurs biens qui n'avaient for point encore été vendus, et ont reçu leur indemnité pour ceux qui avaient été aliénés.

L'élévation progressive de leurs revenus a suivi celle de toutes les autres branches du revenu public, et les réserves des administrations locales, librement déposées au trésor, et toujours à leur disposition, se sont élevées de 8 millions à 70 millions.

92 millions de dégrèvement ont été successivement accordés sur les contributions directes.

« Et cependant, tous les services publics ont reçu d'abondantes affectations de fonds; une diminution de 1,072,328,263 fr. a été opérée sur la dette fondée, sur la dette flottante, sur les charges de l'arriéré et de l'invasion dont la restauration a recueilli l'héritage, après déduction de 65 millions de supplément de cautionnement, et de 120 millions provenant de ventes de bois, et après avoir acquitté 26 millions de rentes 3 pour 100, au capital réel de 650 millions, aux familles des émigrés, 134 millions à la Légion-d'Honneur, toutes les dépenses de la guerre et de l'occupation d'Espagne, et toutes celles du blocus d'Alger, et des expédi tions de Morée, du Brésil, de Madagascar. »

Ministre du gouvernement issu de la révolution de juillet, il était impossible à M. Humann de laisser passer sans réponse l'apologie que la Chambre venait d'entendre. Lorsqu'il avait parlé de la restauration, il n'avait point attaqué le système administratif qu'elle avait suivi; il avait été loin de déprécier le mérite des hommes d'État qui ont gouverné la France à cette époque.

Ce que l'on a justement reproché à la restauration, ajoutait-il, c'est sa fausse politique, qui, au lieu de seconder les progrès de la France, ne poursuivait que des succès de parti. Cette politique a fait à nos finances un mal profond, que l'on s'efforce de dissimuler.

On vient de soutenir que la restauration avait diminué de 30 millions le fardeau de nos dettes. Et comment arrive-t-on à ce résultat? En dégrevant l'ancien gouvernement des charges que nous avaient imposées les cent-jours, et qui se sont élevées à un capital de plus de 1,800 millions. Mais à qui donc faut-il imputer les cent-jours, si ce n'est à la restauration, à ses fautes? Ce n'est pas moi qui le dis, Messieurs; Louis XVIII en a fait l'aveu à la face du monde dans sa proclamation datée de Cambrai, le 28 juin 1815. Nul doute que je ne sois resté au-dessous de la réalité en disant que le fardeau de la dette publique a été plus que doublé par la res

tauration.

Et en même temps que l'on appauvrissait ainsi notre avenir, le présent n'était pas plus ménagé. Les subsides imposés au pays, depuis 1814 jus

qu'au 30 août 1830, se sont élevés à 15 milliards 92 millions, non compris les charges des deux invasions.

Durant la même période, les dépenses du roi et des princes, et l'ac quittement de leurs dettes, ont coûté à la France 573 millions, non com. pris ce qui a été puisé dans le domaine extraordinaire de l'empire, ni les nouveaux sacrifices que va nous imposer la liquidation de l'ancienne liste 'civile.

Or, je le demande, était-ce là un gouvernement économe, et le mot de prodigalités, dont je me suis servi, était-il mal appliqué?. Je m'arrête, Messieurs, en exprimant le regret que l'on ait provoqué ces tristes débats; il est dans mon caractère de respecter le malheur.,

sui

M. Humann, revenant aussitôt à la loi des comptes de 1829, s'attachait à justifier les deux articles critiqués par la commission pour des inconvénients qui n'étaient pas de nature, vant lui, à provoquer un troisième rejet du projet, de loi. «Songez-y bien, Messieurs, disait-il en terminant, la prospérité et la paix du pays ne peuvent exister que par le bon accord des pouvoirs de l'État, Des dissentiments ne produiraient que des résultats fàcheux. Je livre ces observations à votre sagesse. »

Mais la question soulevée par M. le comte Roy fut reprise par M, de Dreux-Brézé: il s'efforça principalement de réfuter le préopinant en ce qu'il avait dit de l'invasion de 1815. Cette invasion, suivant l'orateur, avait été amenée par l'ambition effrénée de l'Empereur et non par la faute des Bourbons. M. le ministre des affaires extérieures, répliqua que cette discussion était tout-à-fait étrangère au projet actuel, qu'elle ne pouvait pas se terminer par assis et levé, qu'elle devait se terminer seulement par le jugement de l'histoire: il était de la dignité de la Chambre de ne pas la prolonger plus long-temps.

La Chambre revint donc à la loi des comptes de 1829; les articles 11 et 12, défendus par M. de Pontécoulant, furent adoptés à une grande majorité, bien que la commission eût persisté à en réclamer la suppression, et la loi elle-même, soumise à l'épreuve du scrutin seeret, réunit 113 suffrages contre 9, sur 122 votants.

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Le règlement des comptes de 1829 n'était pas, on s'en souvient, la seule question que la session de 1831 eût laissée en

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