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pas adoptés, les plénipotentiaires en reviendraient à l'exécution du traité que la conférence avait conclu en 1831 avec la Hollande; ils espéraient d'ailleurs pouvoir au moins connaître sur quels points tout le monde était d'accord et ceux qui exigeaient de plus amples explications. La conférence les informa par un protocole du 31 mai que les termes maintenant proposés étant absolument les mêmes que ceux qui avaient été soumis au comte Orloff pendant son séjour à La Haye, le gouvernement hollandais ne pouvait pas s'attendre à ce qu'ils fussent acceptés aujourd'hui après avoir été déjà rejetés, et que conséquemment elle s'occuperait de prendre les résolutions que la gravité des circonstances semblait appeler.

L'envoyé belge réclamait la prompte exécution du traité. Il accusait la Hollande de tous les délais qu'éprouvaient les négociations depuis le jour où la conférence avait été investie d'un suprême pouvoir arbitral. Il en appela à la conférence pour qu'elle déclarât que la Hollande devait supporter les dépenses des armements faits par la Belgique, que la Belgique serait libérée des arrérages de la dette; et pour qu'elle fixat l'époque où le traité serait mis à exécution par des mesures de coërcition.

La conférence paraissait disposée à adopter ces vues en tant qu'elles tendaient à frapper la Hollande d'une peine fiscale. Le 11 juin elle publia un exposé des seules bases sur lesquelles toute négociation serait permise, et de la manière dont elle serait conduite. Il fut annoncé qu'aucune négociation inconciliable avec les engagements déjà pris ne serait suivie entre la Hollande et la Belgique, et que les points encore en litige seraient réglés à l'amiable par les deux pays eux-mêmes. Le roi de Hollande était averti que s'il ne profitait pas de cette offre dans un court délai, il ne serait pas au pouvoir de la conférence d'empêcher qu'il n'en résultât de serieuses conséquences pour ses États: la première pourrait être que la Belgique, au lieu de payer sa part de la dette, fût autorisée à l'appliquer aux dépenses que lui occasionaient les moyens qu'elle avait

pris pour défendre son territoire. Le traité proposé renfermait les 24 articles comme conditions de la séparation, avec la déclaration qu'ils avaient la même force que s'ils eussent été insérés dans un traité entre la Hollande et la Belgique. Trois articles explicatifs étaient ajoutés : le premier stipulait que l'évacuation des territoires respectifs aurait lieu le 20 juillet; le second, que les commissaires de la Belgique et de la Hollande se réuniraient à Anvers pour négocier les articles relatifs au pilotage et au balisage de l'Escaut, au droit de pêche et de lever des péages, à l'usage des canaux intermédiaires entre l'Escaut et le Rhin, à la faculté pour la Belgique, si elle avait besoin d'un chemin ou d'un canal dans une direction particulière, de le tracer sur le territoire hollandais; le troisième article établissait un arrangement pour les points en question concernant la dette. Ainsi la conférence maintenait la délimitation des deux pays, le partage du Luxembourg, et la concession d'une route commerciale à travers Maestricht et Sittard.

En réponse à cette co mmunication, le ministre belge regrettait que la conférence e ût seulement menacé la Hollande d'une peine pécuniaire, sans fixer aucune époque pour agir par la force contre elle. Il fit de nouveau la demande que les dépenses militaires de la Belgique depuis le 1er janvier 1832, au taux de 3 millions de florins par mois, fussent défalquées de sa part dans la dett e; que la conférence employât immédiatement la force pou r contraind re le gouvernement hollandais à évacuer le territoir e attribué par le traité du 15 novembre à la Belgique, et la met tre en possession de la navigation de l'Escaut et de la Meus e, ainsi que de l'usage des routes hollandaises nécessaires à ses relations commerciales avec l'Allemagne. Si ces dem: andes n'étaient pas accordées, il déclarait que le roi des Belg es lui-naême serait obligé de prendre des mesures pour faire l'espect er ses droits.

Le roi de Holland e se décida à accepter la nouvelle distribution des territoire: 3, mais il rejeta l'arrangement d'après le

24 articles du 15 novembre, accompagnés de certains articles explicatifs qui peuvent se résumer ainsi :

1° L'évacuation des territoires, villes, places et lieux, qui doivent changer de domination, sera terminée dans les quinze jours de l'échange des ratifications du présent traité.

2o Les deux États enverront des commissaires à Aix-la-Chapelle pour négocier et arrêter un arrangement, à la convenance réciproque, relativement à l'exécution des articles, 9 et 12 du traité du 15 novembre. L'exécution de ces articles qui étaient relatifs aux rivières et aux routes sur le territoire hollandais demeurerait suspendue jusqu'à la conclusion de la négociation. Cependant les deux parties étaient tenues de regarder comme définitivement adoptée l'application des articles 108 à 117 inclusivement de l'acte général du congrès de Vienne, aux rivières navigables traversant ou séparant les territoires hollandais et belge. Provisoirement la navigation de ces rivières serait sujette aux tarifs de la convention sur le Rhin, signée à Mayence le 31 mars 1831 (voy. l'Appendice, 1re Partie).

3o Si les commissaires hollandais et belges qui devaient se réunir à Utrecht parvenaient à s'entendre sur les moyens de capitaliser à un taux modéré, à la convenance réciproque des deux États, la somme annuelle de 8,400,000 florins, dont la Belgique est grevée, les arrangements ainsi convenus auraient le même effet que s'ils faisaient partie du traité.

Le 25 juillet le ministre hollandais développa les objections de son gouvernement contre ces propositions, indiqua les points sur lesquels il était décidé à faire de nouvelles condessions, et répéta qu'il avait des pleins pouvoirs pour signer un traité avec la Belgique, après la conclusion d'un traité avec la Hollande. Le principal, et pour ainsi dire, le seul objet en discussion, c'étaient les prétentions de la Belgique sur les rivières et les autres communications intérieures de la Hollande, objet de la plus haute importance pour les deux pays. Au commencement de septembre, la conférence émit ce qui fut appelé un thème contenant quelques modifications sur les

points en question. Elle semblait disposée à abandonner la faculté accordée à la Belgique d'avoir des routes et des canaux dans la partie hollandaise du Limbourg; la Hollande, de son côté, montrait la volonté d'assurer à la Belgique toutes les facilités désirables pour établir ses communications commerciales avec l'Allemagne par les villes de Maestricht et de Sittard, excepté dans les cas d'une nécessité extraordinaire, et de fixer les péages sur ces routes à un taux modéré. Mais la question de l'Escaut, qui avait été traitée jusqu'alors comme particulière à la Belgique et à la Hollande, fut maintenant convertie en une question européenne. On proposa de déclarer que a en ce qui concerne l'Escaut, la navigation de cette rivière dans tout son cours, dans sa branche occidentale comme dans sa branche orientale, demeurerait libre au commerce et aux vaisseaux de toutes les nations; et que S. M. le roi des Pays-Bas promettait de n'exiger de ces vaisseaux, soit en remontant, soit en descendant le fleuve, sans distinction de leur pavillon, qu'un droit de tonnage calculé sur leur capacité, sans les soumettre, sous aucun prétexte, à aucune recherche, ni à aucun examen de leur cargaison. Ce droit qui ne pourrait jamais excéder 1 florin par tonneau, serait provisoirement fixé à 60 cents pour les navires qui remonteraient l'Escaut et à 40 pour ceux qui le descendraient. » La Hollande était en outre obligée d'élever des phares et de fixer les droits de pilotage entre l'embouchure de l'Escaut et Flessingue, et de Flessingue à Batz, au taux établi en 1829 pour l'embouchure de la Meuse. Ces demandes plaçaient la question sur un terrain tout différent et introduisaient un nouveau principe dans le débat.

Le plan maintenant adopté pour déterminer le droit de passage entraînait d'autres difficultés. L'article 9 du traité avait fait application de l'acte du congrès de Vienne aux rivières hollandaises et belges; ce traité renfermait certaines dispositions relatives à l'Escaut et aux eaux intérieures entre Anvers

Rhin; il statuait que les commissaires arrêteraient défini

tivement l'échelle des droits, qu'ils s'accorderaient aussi sur un règlement général pour l'exécution du présent article, et sur l'exercice du droit de pêcher dans toute l'étendue de l'Escaut pour les sujets des deux pays. En même temps et jusqu'à ce que ce règlement fût établi, la navigation des rivières cidessus mentionnées demeurerait libre au commerce des deux pays, qui adopteraient provisoirement le tarif de Mayence pour Ja navigation du Rhin, ainsi que les autres stipulations de la même convention, en tant qu'elles peuvent s'appliquer aux rivières belges et hollandaises.

La Hollande avait consenti, dans sa proposition du 30 juin, à adopter ce tarif; mais cette assimilation de la navigation de l'Escaut à celle du Rhin ne deviendrait définitive que par un traité spécial. Le nouveau thème écartait entièrement le tarif de Mayence. La somme de 1 florin était fixée comme maximum, quoique bien inférieure au taux qui serait résulté du tarif de Mayence, et déclarée permanente. Il fut allégué que la couférence n'avait jamais entendu appliquer ce tarif provisoire à l'Escaut; il devait l'être à toutes les eaux mentionnées dans l'article 9, mais l'Escaut ferait exception. La Hollande se plaignit que cela fùt une déviation manifeste de l'arrangement déjà proposé et accepté. Au reste, elle était invariable dans sa détermination de ne point accéder à l'évacuation préalable des territoires respectifs.

La Belgique n'était pas plus satisfaite de la tournure que prenaient les négociations, et insistait, avec une force toujours croissante, pour l'emploi immédiat des mesures coërcitives. La tribune législative était fermée, mais une occasion s'était bientôt offerte à l'opinion publique de se faire jour et d'arriver directement jusqu'au roi. Son mariage avec la fille aînée du roi des Français venait d'être célébré, le 9 août, à Compiègne (voy. page 211). En rentrant avec sa jeune épouse en Belgique, Léopold trouva, dans toutes les villes qu'il traversa, des députations de magistrats municipaux, des chambres du commerce, ou de simples citoyens, qui mêlèrent à l'expression

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