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une confiance entière dans les décrets du Tout-Puissant, nous ferons recueillir à nos compatriotes, quand les temps seront venus, les fruits de la plus noble persévérance.

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Cette allocution solennelle devait préparer la Hollande à des événements graves; en effet, les pouvoirs du ministre belge pour négocier séparément avec l'envoyé hollandais avaient été limités à un temps fixe; ce temps allait expirer et le gouvernement belge avait déclaré qu'après son expiration il ne se prêterait à aucune négociation qui ne serait pas précédée de l'exécution territoriale du traité. C'est alors que la France et l'Angleterre conclurent le traité du 22 octobre, pour agir contre la Hollande par la voie des armes, afin d'obtenir l'évacuation respective des territoires. (Voy. page 219.)

Néanmoins, une dernière tentative eut lieu pour ramener le débat sur le terrain de la conciliation. La cour de Berlin transmit à La Haye un état des concessions que la Hollande devait encore faire sur les points en litige. Le 23 octobre le ministre des affaires étrangères de Hollande annonça aux envoyés de Russie, de Prusse et d'Autriche, que le roi accédait à ce plan avec un petit nombre de modifications qui n'empêcheraient pas un arrangement définitif. Ces modifications étaient indiquées dans le traité qui fut envoyé à Londres pour être mis sous les yeux de la conférence.

Pendant ce temps-là, les envoyés de France et d'Angleterre à La Haye avaient communiqué à cette cour les demandes résultant de la convention du 22 octobre. Le ministre hollandais fit une réponse négative. Il déclara que l'évacuation avant l'échange des ratifications du traité serait contraire au sens des négociations. Il était au surplus du devoir impérieux de la Hollande de ne pas se dessaisir, en abandonnant la citadelle d'Anvers, du gage qu'elle tenait pour obtenir des conditions équitables de séparation. Il s'en référa à l'acceptation par la Hollande du projet prussien qui était maintenant à Londres, ajoutant que cet état de choses, au lieu de requérir des mesures intermédiaires et partielles, ne demandait plus que quel

ques jours pour que la dernière main fût mise à cette œuvre épineuse et toute difficulté levée.

Il ne paraît pas que le projet de la Prusse ait été connu de la conférence de Londres avant le 9 novembre, jour où l'envoyé hollandais le transmit à lord Grey. Le 11, S. S. répondit que cette communication ne contenait rien de plus qu'une offre d'accepter comme base de négociation le projet prussien, lequel projet semblait donner lieu, dans quelques-uns de ses détails, à des objections positives, et dans d'autres à des sujets de difficultés et de doutes qui exigeaient des explications et des discussions ultérieures. Le gouvernement anglais avait d'ailleurs commencé à exécuter des mesures (le blocus des côtes de la Hollande et l'arrestation de ses vaisseaux) qui ne pouvaient être suspendues. La remise de la citadelle d'Anvers et de ses dépendances devait être un préliminaire indispensable de toute nouvelle négociation.

Le ministre hollandais informa lord Grey que S. S. s'était trompée en supposant que le projet était présenté comme une base de négociation. Il avait été proposé comme un traité susceptible d'être signé dans les 24 heures; la cour de Berlin avait laissé quelques points sans décision, mais ils pouvaient ètre réglés facilement et sans délai. Quoique surprise de voir la question de l'Escaut devenue tout à coup une question européenne, et les médiateurs s'employer à soigner leurs intérêts aux dépens de l'une des parties, la Hollande adhérait à ce que la cour de Berlin proposait à cet égard. Il ne restait plus qu'à régler le taux des péages. Le gouvernement anglais avait déclaré le 27 octobre qu'il pensait que le taux fixé par la Hollande était trop haut, et la Hollande consentait à abaisser. Quant au passage par le Limbourg, le ministre anglais luimême avait suggéré que cet obstacle pourrait disparaître en donnant à la Belgique une route au sud de Maestricht. Cette idée, communiquée à la cour de La Haye, avait reçu son assenliment.

Le gouvernement anglais observa que, bien que la Hollande

fût disposée à réduire le droit, elle n'avait pas encore déterminé la réduction. Il n'était pas possible de s'écarter du taux fixé par la conférence sans le consentement de la Belgique. Ici il fallait s'engager dans de nouveaux délais, et pas un jour de retard ne pouvait être accordé. Il en était de même de la proposition d'une route au sud de Maestricht; la Belgique devait être consultée. Lord Grey ajouta que, si l'affaire de l'Escaut avait été traitée comme une question européenne, c'est la Belgique qui l'avait demandé, en se fondant sur le traité de Vienne. Au surplus, comme il était décidé que la citadelle serait rendue avant toute autre chose, la France et l'Angleterre passèrent outre à l'exécution complète de la convention du 22

octobre.

Cette convention donnait enfin à la Belgique ce qu'elle avait réclamé si long-temps, ce que M. de Meulenaëre s'était engagé devant les Chambres à obtenir, l'emploi des mesures coërcitives contre la Hollande, et l'évacuation de la citadelle d'Anvers. Cependant, soit qu'il n'eût pas prévu ce résultat, soit que les conditions auxquelles il était acquis ou la marche des dernières négociations n'eussent pas eu son approbation, le ministère belge fut remplacé au moment même où la France et l'Angleterre allaient signer la convention du 22 octobre. Un arrêté royal du 20 composa le cabinet de M. le général Goblet, ministre des affaires étrangères, dont il exerçait déjà l'intérim depuis un mois ; de M. Lebeau, ministre de la justice; de M. Charles Roger, ministre de l'intérieur. Le général Évain, restait au ministère de la guerre. M. Coghen, reprit ensuite sa place au ministère des finances.

Tel est le ministère qui se présenta devant les Chambres belges, dont l'ouverture qui ne pouvait plus être retardée d'après l'article 70 de la constitution, se fit le 13 novembre.

Le discours du trône, dans les circonstauces présentes, devait offrir un vif intérêt. Tout ce qui se rattachait à la convention du 22 octobre, et surtout à l'entrée d'une armée française en Belgique pour faire le siége d'Anvers, était d'autant plus

délicat à traiter, que la nation s'était résignée à d'énormes sacrifices pour organiser son armée et qu'elle ne doutait pas de venger victorieusement les revers du mois d'août 1831. A cet égard voici comment le roi s'exprimait :

Après de longs délais, moins nuisibles cependant qu'on ne devait le craindre aux intérêts du pays, le moment est enfin arrivé où j'ai pu répondre aux vœux des Chambres et de la nation, en amenant les puissances garantes du traité da 15 novembre à en assurer l'exécution. Les puissances avaient acquis la certitude qu'en s'abstenant plus long-temps de recourir à des moyens coërcitifs elles plaçaient la Belgique dans l'imminente nécessité de se faire justice à elle-même; elles n'ont pas voulu courir cette chance de guerre générale. Liées par une convention formelle, deux d'entre elles se sont engagées à commencer l'exécution du traité par l'évacuation immédiate de notre territoire. Les flottes de France et d'Angleterre réunies enchaînent le commerce de la Hollande; et si ces moyens de coërcition ne suffisent pas, dans deux jours une armée française viendra, sans troubler la paix de l'Europe, prouver que les garanties données n'étaient pas de vaines paroles.

Plus loin, et comme pour adoucir le mécontentement de l'armée, le roi ajoutait que, si l'exécution du traité par les puissances devait l'empêcher de signaler sa valeur, son dévouement lui était garant que, dans le cours des événements qui se préparaient, la violation du territoire par l'ennemi, ou tout autre acte d'agression contre la Belgique n'aurait pas lieu impunément. Au surplus le roi se hâtait d'annoncer que les intérêts de cette armée seraient de sa part l'objet d'une vive sollicitude: son organisation en temps de paix, l'avancement, les pensions formeraient la matière d'autant de fois particulières sur lesquelles les Chambres seraient appelées à délibérer. Elles auraient aussi à s'occuper de l'administration provinciale et communale, de l'amélioration des lois sur la garde civique et sur la milice, de la révision de la législation pénale et peut-être de l'enseignement public.

Le roi, qui avait dit plus haut que la seconde partie de l'emprunt autorisé l'année dernière par les Chambres avait été négociée à un taux avantageux, eu égard aux circonstances (1),

(1) Au prix de 79 pour roo, c'est-à-dire 4 pour 100 plus cher que la première moitié.

Ann. hist. pour 1832.

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déclarait ensuite que la situation générale du royaume continuait à ètre satisfaisante. Les revenus de l'État pour l'année courante avaient dépassé toutes les prévisions. L'événement avait prouvé que les craintes conçues sur l'avenir du commerce et de l'industrie étaient exagérées. Eufin le choléra, qui avait dépeuplé d'autres contrées, avait exercé beaucoup moins de ravages en Belgique.

«Je compte, Messieurs, disait en terminant S. M., que l'harmonie ne cessera point de réguer entre les grands pouvoirs de l'État, et que la patrie continuera de trouver sa force dans l'union de tous ses enfants.>>

Cet espoir ne devait pas se réaliser. L'intervention de la France, qui venait assiéger la citadelle d'Anvers sous les yeux de l'armée belge forcée de rester l'arme au bras, avait blessé au vif l'amour-propre national. Ou prévit facilement que la discussion de l'adresse dans la Chambre des représentants serait le signal de violentes hostilités contre le ministère qui avait autorisé cette intervention, et consenti à évacuer Venloo et les autres portions du territoire assigné à la Hollande, en même temps que la Belgique rentrerait en possession de la citadelle d'Anvers et des forts qui en dépendent.

Dans cette prévision et pour amortir l'effet des coups auxquels il s'attendait, le ministre des affaires étrangères fit le 16 à la Chambre des représentants un rapport présentant l'historique de toutes les négociations pendant quatre mois. La première partie du rapport ne mentionnait que des faits et des documents déjà connus, mais les révélations commencèrent quand l'orateur arriva aux circonstances qui avaient suivi la formation du ministère actuel.

Le nouveau cabinet, disait le général Goblet, s'est constitué sous des conditions très précises, très rigoureuses, ressortant comme conséquences nécessaires de la situation du pays et du système de politique extérieure suivi depuis mon entrée aux affaires.

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Des instructions rédigées en conséquence furent adressées à nos agents diplomatiques à Paris et à Londres; en notifiant la composition du nouveau ministère, ils furent chargés de ne pas laisser ignorer les conditions sous lesquelles il s'était constitué. La note verbale remise le 23 octobre

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