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En conséquence M. Fouquet, jage au tribunal de première instance, a été entièrement acquitté. M. de Fleury, gérant responsable de la Gazette de France, a été condamné à neuf mois d'emprisonnement et 2,000 fr. d'a

mende.

La Cour a ordonné la destruction des numéros des 28 et 30 mars, et, sur la demande de Me Berryer, ordonné la restitution du numéro du 24 avril.

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16. Obsèques de M. Cuvier. - A une heure, tout le monde étant réuni, le convoi est parti da Jardin des Plantes pour se rendre au temple protestant. Les élèves de l'Ecole polytechnique et les jeunes gens qui suivaient les cours de M. Cuvier, ont revendiqué l'honneur de porter son corps. Tout le monde suivait: il y avait quatre ou cinq mille personnes, la plupart tête nue, malgré le mauvais temps; et qu'on y songe bien, ce n'étaient pas des funérailles de parti; aucune passion n'avait rassemblé tout monde; la donleur seule et l'admiration l'avaient réuni. M. Cuvier n'était d'aucun parti; il n'avait pas de partisans et de séïdes; et s'il a eu des funérailles populaires, c'est que la gloire et la science sont populaires en France. M. Cuvier avait cette popularité glorieuse qui vient du travail et du génie, et non des opinions : c'est cette popu. Jarité qui a fait la foule qui se pressait à ses funérailles.

ce

Au temple, tout le monde n'a pu tenir dans cette enceinte étroite. Un grand nombre d'assistans ont attendu à la porte. M. le pasteur Boissard a prononcé le discours; après la cérémo nie, le convoi a repris sa marche vers le cimetière de l'Est, où il est arrivé à trois heures et demie à peu près. Plusieurs discours ont été prononcés sur sa tombe. M. Devaux (du Cher) a parlé au nom du conseil d'état; M. Arago au nom de l'académie des sciences; M. A. Jouy pour l'Académie française; M. Villemain pour le conseil royal d'instruction publique. Quand M. Villemain a rappelé la disparition successive des hommes qui, soit dans la science, soit dans la politique, étaient la gloire et l'appui de la France,

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18. Triple assassinat. — Un crime horrible, commis avec une audace inouie, vient de jeter la consternation et l'effroi au sein de l'un des quartiers les plus populeux de Paris.

M. Desgranges, ancien proviseur d'un lycée, vivait paisiblement avec sa femme, rue Montmartre, no 177. Ils avaient adopté hier un jeune enfant, à qui ils avaient donné leurs soins dès son enfance. Possesseurs d'une fortune de 20,000 francs de rente, ils se faisaient un bonheur de pouvoir-la transmettre à un héritier de leur choix. L'enfant adoptif répondait par son amabilité aux bienfaits de ses protecteurs; une félicité parfaite régnait au sein de cette famille. Tous les trois ont péri cette nuit, victimes d'un affreux assassinat. La position des ca. davres fait penser que c'est à l'enfant qu'ont été portés les premiers coups. La mère, attirée par le brait, allait sans doute vers lui; elle est tombée à peu de distance du lit de l'enfant. Les assassins sont arrivés dans la chambre des époux et ont massacré le père. Tous les trois ont eu la tête fracassée. M. le procureur da roi s'est transporté à sept heures du matin dans leur appartement; il est resté jusqu'à denx heures, au milieu de ces cadavres horriblement mutilés; le père respirait encore; mais il lui a été impossible de proférer une parole.

Les assassins ont enlevé de l'argent et d'autres effets. Il paraît qu'apres avoir commis le crime, ils se sont livrés à une orgie; sur la table de la salle à manger étaient encore plusieurs boateilles vides, des restes de viande, siz verres, et un grand sucrier d'argent resté vide. Par une atroce plaisante

rie, on avait bonché une des bouteilles avec le manche d'un gigot.

29. Théâtre de la porte Saint-Martin. Première représentation de la TOUR DE NESLE; drame en cinq actes, en prose et en neuf tableaux par MM. F. Gaillardet et Alex. Dumas. Il n'est pas bien certain, malgré quelques lignes de Brantôme, une épigramme de Jean Second et trois vers de Villon, qu'une reine de France ait existé jadis qui se prostituait aux passans dans la tour de Nesle, et les faisait ensuite noyer dans la Seine ou poignarder. Mais qu'importe la vérité historique d'un fait, si ce fait prête à ce développement d'extravagances, d'étrangetés, d'horreurs, qui tiennent lieu aujourd'hui de ressorts dramatiques et qui abondent dans le nouvean drame? Ici le crime coule à plein bord; on marche dans le sang à chaque pas ; l'assassinat, l'inceste, l'adultère, le parricide, s'accumulent ponr reveiller un public blasé. C'est une secousse galvanique qui dure quatre heures. Cependant cette pièce, dont le style est lourd et empathique, grâce à la multiplicité des effets imprévus, bizarres, extraordinaires, excite de puissantes émotions.

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30. Cour de Cassation. Affaire de M. Fouquet, cué par suite d'une mesure disciplinaire.- M. Fou quet, juge au tribunal de première instance, mandé en vertu d'un réquisitoire de M. le procureur général, a comparu en costume de magistrat devant toutes les chambres de la cour réunies en robes rouges, mais à huis clos, sous la présidence de M. Portalis. On lui a donné un siége en avant du bureau, et M. le conseiller Vergès a fait le rapport de la procédure.

Interpellé sur la question de savoir s'il était l'auteur de la lettre insérée dans la Gazette de France du 24 avril, M. Fouquet a répondu affirmativement et s'est réservé de s'expliquer après M. le procureur-général.

On se souvient que M. Fouquet, traduit pour le fait de cette lettre devant la cour d'assisses, a été acquitté par le jury. (Voyez 15 mai.)

a

M. Dupin, procureur-général, pris la parole et a conclu à ce qu'il

plût à la cour, vn l'art. 82 du sénatus-consulte du 16 thermidor an 10, et l'art. 56 de la loi du 20 avril 1810, ordonner que M. Fouquet serait et demeurerait suspendu pendant deux ans de ses fonctions de juge au tribunal de 1re instance de la Seine, avec privation de traitement.

M. Fouquet a présenté sa défense et s'est ensuite retiré dans une pièce particulière, en attendant le résultat de la délibération de la cour, qui s'est prolongée depuis une heure jusqu'à quatre heures un quart.

La cour, après avoir fait revenir M. le procureur-général et M.LaplagneBarris, substitut, qui l'assistait, et avoir averti M. le procureur-général, a prononcé son arrêt dont voici le

texte :

Attendu que le sieur Fouquet, juge an tribunal civil de première instance du département de la Seine, a compromis la dignité de son caractère en publiant dans la Gazette de France du 24 avril dernier, une lettre contenant des doctrines inconciliables avec les devoirs de son état ;

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Que, quoiqu'il ait été déclaré par le jury devant la cour d'assisses du département de la Seine, que cette publication ne constituait pas un délit, elle n'en constitue pas moins un fait grave portant atteinte à la dignité de la magistrature;

» La cour censure le sieur Fouquet avec réprimande, et le condamne aux dépens de la citation, ainsi qu'à ceux de l'expédition et notification du présent arrêt. »>

Nota. Aux termes de la loi de 1818, la réprimande avec censure prononcée contre un magistrat entraine la privation de son traitement pendant un

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M. Blondel a été nommé à une majorité de 18 voix sur 32 votans.

11. Cour d'assisses. Jeune homme de dix-neuf ans, accusé: 1° de parricide sur sa mère; 2° d'assassinat sur la personne de son ami ágé de dix-sept ans.- Les annales judiciaires offrent peu d'exemples d'une cause aussi remarquable par le contraste entre l'âge et la douceur apparente de l'accusé, et la férocité des actes qu'on lui attribue, et par l'intervention, comme partie civile, d'un homme qui avait été dans P'origine accusé faussement de l'un des deux crimes réunis aujourd'hui sur une seule tête,

Les débats de cette horrible affaire, commencés aujourd'hui, ont duréjus qu'au 15. Des depositions accablantes pour l'accusé, l'embarras de ses répon ses, ses vices infâmes constatés publiquement et avoués par lui-même, sa contenance pendant le plaidoyer de Me Chaix d'Estange, avocat des parties civiles, ses larmes, ses gémissemens, ses cris convulsifs, tout s'est réuni pour faire passer dans l'esprit des jurés une conviction contre laquelle devait échouer tout le talent de M° Crémieux défenseur de Benoit.

A l'audience du 15, M. Legorrec, substitut du procnreur-général, a dis cuté les témoignages relatifs aux deux chefs d'accusation, et conclu que l'accusé Benoît peut seul être considéré comme l'auteur de ces forfaits,

Vers la fin de ce réquisitoire, Benoit est tombé dans un accablement profond. Au moment où l'audience était suspendue, son frère l'a saisi avec force et lui a serré les mains en l'invitant à prendre courage.

A onze heures du soir, les jurés ont déclaré, sur toutes les questions, Frédéric Benoît coupable de parricide et d'assassinat.

Pendant que la Cour délibérait sur l'application de la peine et sur les dommages et intérêts réclamés par les époux Formage, père et mère du jeune homme assassiné par Benoît, l'accusé, agité d'horribles convulsions, s'est écrié en se frappant la poitrine : « Ah! mon père, je ne suis pas coupable! ah! messieurs les jurés, je ne suis pas coupable! »

Les efforts de quatre gardes municipaux ont à peine suffi pour l'entrai ner hors de la salle jusqu'à ce que la Cour eût achevé son délibéré. Dans la pièce voisine Benoît continuait ses cris, et disait : « Ah! ma mère, descends donc du ciel pour me justifier! Elle sait bien que ce n'est pas moi!»

La Cour a fait rentrer Benoit au bout d'un quart d'heure, l'a condamné au supplice des parricides, c'est-à-dire à être conduit à l'échafaud en chemise, nu-pieds et la tête couverte d'un voile noir, et l'a condamné à payer à la famille Formage 3000 fr, de dommages et intérêts.

Benoît n'a cessé de faire retentir les mêmes cris: « Ah! ma mère, descends du ciel, viens dire aux jurés que je ne suis pas un parricide. »

19. Académie française. Réception de M. Jay. - Les préoccupations politiques ont nui sans doute à l'éclat de cette solennité, où la foule ne s'est pas portée avec empressement. Il faut dire aussi qu'on ne pouvait pas se prometire quelque chose de bien vif, de bien intéressant d'une séance dont l'éloge de M. l'abbé de Montesquiou était le prin cipal objet. M. de Montesquiou était un homme d'esprit ; mais, entièrement étranger à la littérature et n'ayant même joué qu'un rôle secondaire en politique: quelles ressources offrait-il à son panégyriste? Toutefois, M. de Montesquiou se rattache à deux grandes époques de notre histoire, la révolution de 1989 et la restadration, et ce sont ces deux époques qui ont fait les frais du discours de M. Jay. Il faut y ajouter l'histoire de l'Académie française détruite par la Convention, rétablie par Napoléon sous un nouvean titre et restaurée sur ses anciennes bases par l'ordonnance Vaublanc en 1816. C'est grâce à cette ordonnance que M. l'abbé de Montesquion fut académicien. Mais une anecdote racontée par M. Jay donna à croire que son prédécesseur n'avait pas pris au sérieux un titre dont l'origine était entachée d'un déplorable arbitraire. Un candidat qui dans le cours de ses visites était allé solliciter le suffrage de M. de Montesquiòn, n'en obtint pour toute réponse que ce

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mot plein de finesse : « Est-ce que je sine, et, la trouvant sur son escalier, suis de l'academie? la frappe et la précipite en bas, reyient chez la mère dont elle a égorgé l'enfant, tente de l'assassiner, mais elle ne lui atteint que la main.

C'est M. Arnault qui était chargé de répondre au récipiendaire, et l'on a pa s'apercevoir que ni le temps ni sa réintégration à l'Académie n'avait affaibli dans le cœur de l'orateur la doa ble amertume de son ostracisme litté. raire et politique.

20. Villefranche. Monomanie homicide. On écrit aujourd'hui de cette ville:

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La commune de Pouilly-le-Mognial, arrondissement de Villefranche (Rhône), a été, le 19 de ce mois, le théâtre d'événemens sanglans, dont les détails, qui font frémir, ne rap. pellent que trop malheureusement l'horrible monomanie de la fille Cornier et de Papavoine,

» La femme Deroches est âgée de 28 ans. Depuis quelque temps on remarquait en elle certains airs sombres et mélancoliques; son regard parfois était fixe et inquiet. Mariée, il y a environ quinze jours, ses parens espéraient qu'un tel changement d'état en amenerait un dans son caractère. Ses mœurs rustiques et laborieuses, ses habitudes de dévotion et de simplicité, sa vie enfin jusque-là sans reproches, éloignaient toute supposition défavorable, et l'on était loin de croire qu'une femme d'un extérieur aussi tranquille, d'un physique aussi exigu, pût rouler dans sa tête tout à la fois l'assemblage du parricide et de l'assassinat.

» Le 19 jain, elle se lève au point du jour, sort et dirige ses pas vers sa sœur qui demeure à quelque distance da bourg. Entrée chez cette dernière, elle va droit au berceau de son enfant, et lui plonge son couteau dans la gorge, puis revient. Sa mère se levait; elle était debout au milieu de la chambre; elle la pousse violemment à terre, et, saisissant alors une pioche qui tomba sous sa main, elle lui en assène plusieurs coups sur la tête. Rassemblant aussitôt les débris sanglans du crâne de sa mère, elle les pousse sous le foyer, et court chez sa voisine. Son enfant est bientôt atteint comme le premier. Tant de fureurs ne s'arrêtent pas là. Elle monte chez une autre voi

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O Cette malheurense a été amenée le soir même à Villefranche, sur une charrette, au milieu d'une affluence considérable, et déposée à la maison d'arrêt. Son allure était stupide, ses vêtemens étaient souillés de sang ainsi que la pioche parricide qui était à côté d'elle.

20. Paris. Académie royale de musique, Première représentation de la TENTATION, ballet-opéra en cinq actes, de MM. Cavé et Coraly; mysique de MM. Halévy et Gide; décors de MM. E, Bertin, Eugène Lamy, Camille Roqueplant, Feuchère et Paul Delaroche.Ce sujet n'est pas neuf; car il date des premiers jours du monde. Mais que l'imagination s'empare de ce sujet, ou plutôt que la mémoire d'un homme d'esprit combine tout ce qui est éclos du cerveau des poètes ou des légendaires sur la lutte de l'esprit et de la matière, de l'enfer et du ciel, da bon et du mauvais principe; que d'habiles musiciens lui prêtent l'appui de leur art, que des peintres dans la verve de l'âge et du talent déploient toutes les richesses de leur pinceau, et vous aurez à coup sûr un spectacle éblouissant, magnifique, prodigieux, en dépit d es mur mures de la raison et de la logique en un mot, vous aurez le ballet de la Tentation tel que l'Opéra l'a représenté devant nous avec ses décorations d'un effet imposant et hardi, son luxe inoui de costumes, ses danses non moins remarquables par le dessin que par l'exécution, et sa musique tour à tour vive, piquante, mélodiense, dramatique, qui rachètent l'incohérence et la confusion du poëme.

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succès les beaux-arts et la littérature, et sa fille unique, âgée de 10 ans, plus trois compagnons de voyage et un médecin distingué du département du Nord. Il se propose d'abord de relàcher à Constantinople, de visiter les belles rives du Bosphore, la Troade et les côtes de Syrie. Il pénètrera à Jérnsalem, au Liban, à Palmyre, à Bal. beck, si les Arabes le permettent; passera de là en Egypte, remontera le Nil jusqu'à Thèbes, et fera dans le désert les incursions les plus intéressantes; il verra les Pyramides, Dendérah, etc.

M. de Lamartine se rendra à Smyrne, où il passera l'hiver. Au printemps, il se remettra en mer pour visiter les îles de l'Archipel et de la Grèce, pnis Malte et la Sicile. Il reviendra par l'Adriatique et Venise.

« Voilà, dit M. de Lamartine luimême, le plan arrêté de mon aventu reux voyage. Je ne compte point l'écrire; je vais chercher des inspirations toutes personnelles sur ce grand théâtre des événemens religieux ou politiques du monde ancien ; j'y vais lire, avant de mourir, les plus belles pages de la création matérielle. Si la poésie y trouve des images et des inspirations nouvelles et fécondes, je me contenterai de les recueillir dans le silence de ma pensée, pour colorer un peu l'avenir littéraire qui pourrait me rester. »

Avant de s'embarquer, M. de Lamartine s'est arrêté quelques jours à Marseille. Il a été accueilli dans cette ville avec tous les hommages, tous les honneurs dus à ce talent si pur et si élevé. Près de quitter Marseille, M. de Lamartine a payé la noble hospitalité de ses habitans par ces poétiques adieux :

HOMMAGE A L'ACADÉMIE DE MARSEILLE.

Si j'abandonne aux plis de la voile rapide
Ce m'a fait le ciel de paix et de bonheur;
que
Si je confie sux flots de l'élément perfide
Une femme, un enfant, ces deux parts de mon cœur;
Si je jette à la mer, aux sables, aux nuages
Tant de doux avenirs, tant de cœurs palpitans,
D'un retour incertain sans avoir d'autres gages
Qu'un mât plié par les autans;

Ce n'est pas que de l'or l'ardente soif s'allume
Dans un cœur qui s'est fait un plus noble trésor ;
Ni que de son flambeau la gloire me consume
De la soif d'un vain nom plus fugitif encor;

Ce n'est pas qu'en nos jours la fortune du Dante
Me fasse de l'exil amer manger le sel,
Ni que des factions la colère inconstante
"Me brise le scuil paternel.

Non, je laisse en pleurant, aux flancs d'une vallée,
Des arbres chargés d'ombre, un champ, une maison
De tièdes souvenirs encor toute peuplée,
Que maint regard ami salme à l'horizon.
J'ai sous l'abri des bois de paisibles asīles
Où ne retentit pas le bruit des factions,
Où je n'entends, au lieu des tempêtes civiles,
Que jole et bénédictions.

Un vieux père entouré de nos douces images
Y tressaille au bruit sourd des vents dans les cré-
Et prie, en se levant, le maître des orages (neaux,
De mesurer la brise à l'aile des vaisseaux;
De pieux laboureurs, des serviteurs sans maître,
Cherchent du pied nos pas absens sur le gazon,
Et mes chiens au soleil, couchés sous ma fenêtre,
Hurlent de tendresse à mon nom.

J'ai des sœurs qu'allaita le même sein de femme, Rameaux qu'au même tronc le vent devait bercer; J'ai des amis dont l'âme est du sang de mon ime, Qui lisent dans mon œil et m'entendent penser ; J'ai des cœurs inconnus, où la muse m'écoute, Mystérieux amis à qui parlent mes vers, Invisibles échos répandus sur ma route

Pour me renvoyer des concerts!

Mais l'âme a des instincts qu'ignore la nature,
Semblables à l'instinct de ces hardis oiseaux
Qui leur fait, pour chercher une autre nourriture,
Traverser, d'un seul vol, l'abime aux grandes eaux.
Que vont-ils demander aux climats de l'aurore?
N'ont-ils pas sur nos toits de la mousse et des nids'
Et des gerbes du champ que notre soleil dure,
L'épi tombé sur leurs petits?

Moi, j'ai comme eux le pain que chaque jour deman
J'ai comme eux la colline et le fleuve écumeur; (de,
De mes humbles désirs la soif n'est pas plus grande,
Et cependant je pars et je reviens comme cut!
Mais comme eux vers l'aurore une force m'attire,
Mais je n'ai pas touché de l'œil et de la main
Cette terre de Cham, notre premier empire,
Dont Dieu pétrit le cœur humain.

Je n'ai pas navigué sur l'Océan de sable,
Au branle assoupissant du vaisseau du désert;
Je n'ai pas étanché ma soif intarissable
Le soir au puits d'Hébron de trois palmiers couvert,
Je n'ai pas étendu mon manteau sous les tentes,
Dormi dans la poussière où Dieu retournait Jch,
Ni la nuit, au doux bruit des toiles palpitantes
Rêvé les rêves de Jacob.

De sept pages du monde une me reste à lire,
Je ne sais pas comment l'étoile y tremble aux ciest,
Sous quel poids de néant la poitrine respire,
Comment le cœur palpite en approchant des dieus
Je ne sais pas comment au pied d'une colonne,
D'où l'ombre des vieux jours sur le barde descenÍ
L'herbe parle à l'oreille, ou la terre bourdenne.

Ou la brise pleure en passant,

Voilà pourquoi je pars, voilà pourquoi je jour Quelque reste de jours inutile ici-bas. Qu'importe sur quel bord le vent d'hiver seccse L'arbre stérile et sec et qui n'ombrage pas! L'insensé! dit la foule. Elle-même insensér! Nous ne trouvons pas tous notre pain en tout des

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